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Humour/Détente
Palimpseste : Antigone et la naissance de sa tragédie
 Publié le 18/06/12  -  9 commentaires  -  13754 caractères  -  112 lectures    Autres textes du même auteur

Pardonnez-moi !
J'espère que les héllenistes et autres férus de théâtre me pardonneront les libertés prises avec la vérité historique : Sophocle a été vraiment un type formidable, à la vie exemplaire.
Depuis les Champs Élysées où il séjourne, puisse-t-il retenir les Furies et être indulgent envers son humble admirateur !
(Et aussi mes amitiés à Anouilh, Brecht et les autres…)


Antigone et la naissance de sa tragédie


Antigone tape du pied en signe d’énervement…


Le vieux Sophocle est encore en retard, comme d’habitude. Il sort sans doute d’un bar ou d’un autre. La jeune femme commence à en avoir marre de l’attendre toujours pour le voir arriver, débraillé et haletant, son vieux cartable de cuir avachi dans les bras.


Elle se demande ce qu’il va invoquer comme prétexte, cette fois-ci.


Quand il apparaît, elle ne le laisse même pas reprendre son souffle. Le vieil homme en est quitte pour inventer une excuse, et essayer de cacher ses yeux brillants causés par les quelques ouzos bus avec son compère Eschyle.


– Sophocle, es-tu prêt ? jette d’un air sévère Antigone dès qu’il s’assoit à sa table de travail.

– Oui, oui… Nous reprenons à la scène des gardes ?

– Non… Je veux que tu apportes des modifications au texte de l’autre jour, dit la jeune femme d’un ton péremptoire en pianotant du bout des doigts pour évacuer une colère mal contenue…

– Ah bon ? Je croyais qu’il était bon et qu’on était d’accord ? s’étonne le vieillard.

– Relis le texte et tu vas comprendre, reprend Antigone d’un ton sans réplique.


Sophocle rassemble le manuscrit avec mauvaise humeur et entreprend de le relire d’une voix crispée…


– Et alors ? finit-il par lâcher après en avoir lu quelques strophes, c’est plutôt bien, non ?

– Ton histoire à l’eau de rose est une vraie catastrophe… Tu vieillis et commences à faire trop sirupeux. J’ai relu la pièce hier : c’est très mauvais…


Sophocle se redresse mais, voyant étinceler les yeux d’Antigone, il renonce à la claquer… De toutes les façons, il n’y arriverait pas… trop vieux, trop faible, trop raide… Cette maudite gamine est impossible à dompter. En plus elle est bien capable de faire une scène et d’ameuter tout le personnel du théâtre.


– Et que proposes-tu pour améliorer cette bouillabaisse ? demande-t-il d’un air las, en la regardant de ses yeux mi-clos.

– Eh bien, je veux d’abord que tu m’enlèves cette histoire mélo d’aller enterrer mon mari, mort en héros de guerre… L’histoire serait quand même mieux si c’était un frère… D’abord, je n’ai pas de mari, et encore moins un homme dans ma vie qui a le cran nécessaire d’aller se battre… Donc, change-moi ce vantard de Polynice qui part se battre pour m’en fiche plein les yeux en un frère qui part au combat parce que c’est son devoir… Il me semble que la portée tragique serait plus grande, non ?


Et le vieux Sophocle maugrée en prenant des notes pour se souvenir de faire de Polynice le frère d’Antigone… Évidemment, cette écervelée ne se rend pas compte de ce que ça veut dire : au moins huit jours de réécriture des scènes en amont, pour remettre tout au carré…


– Mais, dit-il en compulsant ses notes, pourquoi voudrais-tu aller l’enterrer ? Que tu braves les soldats ennemis pour ton mari, passe encore. Mais tu feras ça pour ton frère ? Quand tu regardes ton autre frère, Étéocle, tu crois vraiment que tu irais te faire trouer la peau pour lui ? Toi-même, tu le traites de crétin.

– Oui, mais je l’aime bien, rectifie Antigone… Il est simplement crâneur et ne s’intéresse qu’à ses jeux… Donne-moi une bonne raison… Par exemple que… oui, j’ai une idée : mon frère est interdit de sépulture par les ennemis parce qu’il est l’exemple de la résistance au siège.

– Dans ce cas, c’est à Créon d’aller le chercher à la tête des armées. Il doit faire une sortie pour aller récupérer le cadavre et lui donner une sépulture décente. C’est la logique de la pièce : la ville est assiégée et ton oncle Créon tient les armées, car ton père est devenu aveugle dans les circonstances que tu sais… Créon, chef suprême, dirige ce genre de mission et ne peut te laisser intervenir.

– Sauf si Créon ne le veut pas, coupe-t-elle avec un sourire sardonique.

– Mais à ce moment-là, veux-tu aller l’enterrer pour contrevenir aux ordres de ton oncle ? Ça ne colle pas… Tu sais, dans le théâtre, on ne peut pas faire n’importe quoi… Il faut que Créon ait une bonne raison pour cette interdiction… Tu ne peux pas dire que tu vas aller enterrer ton frère alors que c’est son rôle… Créon ne peut pas interdire un défenseur de sépulture. Il peut à la rigueur te dire qu’il y va et avoir des manœuvres dilatoires pour s’y dérober… Veux-tu que je réécrive la scène comme ça ? Il te promet une intervention puis se défausse ? Ainsi, tu as une bonne raison pour y aller… Le seul problème, ça va être pour respecter l’unité de temps.

– Une raison d’État, murmure Antigone… Il faut une raison d’État pour empêcher Créon d’y aller et me l’interdire. Eh bien faisons de Polynice un espion… Créon veut faire un exemple en empêchant l’enterrement du traître, mais comme c’est mon frère, je vais y aller…


Les yeux d’Antigone brillent : elle tient une bonne idée… Elle le sent… La pièce va prendre une tournure inattendue avec son frère Polynice, ex-héros de guerre maintenant traître à la patrie, et Étéocle, ex-frère crétin maintenant guerrier héroïque…


– Et pourquoi serait-il traître ? demande Sophocle. Polynice meurt en combattant les ennemis… Il n’y a pas moyen de le faire avoir une conduite lâche, ça ne cadre pas avec ce qu’on a dit du personnage dans la présentation.

– Eh bien change…. Fais de Polynice un être lâche et veule… Il est parti à reculons au combat et a fui devant l’ennemi… Il est mort d’une flèche perdue en essayant de regagner la sécurité du Palais.

– Bof, lâche Sophocle d’un air condescendant… Pas terrible… Si tu veux vraiment du sensationnel, tu dois le faire tuer par les défenseurs de la ville.

– On irait jusque-là ? demande Antigone, surexcitée par ce développement inattendu.


Le vieillard, ravi de lui montrer qu’il a encore de bonnes idées, ajoute d’un air paternel que, si on ne peut pas faire n’importe quoi au théâtre, on peut au moins y inventer tout ce qu’on veut.


– Et est-ce qu’on peut imaginer un duel entre Étéocle et Polynice ? Ils sont en mission tous les deux et, quand Polynice, tremblant de peur et paniqué d’être hors des murailles, rebrousse chemin vers les remparts de la ville, Étéocle le prend à partie et le tue dans un combat singulier… Ça c’est du sensationnel, non ?

– C’est pas mal, admet Sophocle… Mais il y a quand même un petit souci : le duel est une bonne idée, mais pas crédible : tu imagines que, en pleine bataille, les deux chefs ont le temps de faire un duel entre eux ? Non… le fracas des armes, la fièvre du combat, la folie due aux odeurs du sang et de la mort ne permettent pas d’imaginer un duel entre les deux frères en plus.

– Alors… ils sont ennemis, conclut Antigone.

– Ennemis ? demande Sophocle, incrédule.

– Oui… En fait, Polynice est passé à l’ennemi… Il veut la ville… Il ira jusqu’à tuer père et mère, s’il le fallait, pour arracher le pouvoir à Créon et Étéocle… Il me tuerait moi aussi pour le pouvoir… C’est un salaud, un traître et il va mourir de la main même d’Étéocle, de son frère resté fidèle et envoyé dramatiquement dans cette bataille fratricide par Créon… Le combat est rude et Polynice n’en réchappe pas !

– Et donc, tu ne vas pas aller enterrer un tel salopard ! termine Sophocle, content de lui. Tu vois, on arrive à des non-sens. Je te propose qu’on reprenne la pièce comme je l’avais construite : Polynice est ton mari, il est mort au combat et on raconte l’histoire de la petite Antigone qui infiltre les lignes ennemies pour aller l’enterrer. C’est déjà une belle histoire… morale et solide, qui montre ce qu’une Antigone peut avoir dans le sang pour son mari.

– Bof, soupire la jeune femme, pas convaincue… Pourtant, ma vie ne marche pas comme ça.


Dans son esprit bouillonnant, elle est capable de choses bien plus héroïques que simplement d’aller ramper sous les barbelés pour récupérer un mari mort…


– Sophocle, ajoute-t-elle pensivement, crois-tu vraiment que j’irais comme ça enterrer un mari mort au combat ? Dans la vie, je sens que je n’en aurais aucune envie… Il est parti à la guerre alors qu’il aurait pu l’éviter, c’est son problème… Est-ce que ça devrait être le mien absolument ?

– Mais oui, mais oui, répond Sophocle… Tu l’aimes et tu le feras… On pourrait ajouter dans les premières scènes qu’il est très beau. Il t’aurait confié ne pas supporter l’idée, mort, d’être dévoré par les corbeaux… Alors il te fait jurer d’aller l’enterrer s’il meurt sur le champ de bataille hors de la ville… Ça marche plutôt bien, comme explication, non ?


Toujours pas convaincue, Antigone regarde la flamme de la bougie illuminer la table… Le soir commence à tomber… Elle fixe la lumière durant un long moment, pendant que Sophocle remet de l’ordre dans ses notes… Il a récupéré maintenant et sa fatigue du début s’est envolée…. Sans doute l’effet d’une discussion gagnée contre celle qu’il considère comme une péronnelle prétentieuse qui s’acharne à vouloir corriger ses textes, lui, l’un des plus grands auteurs de pièces sentimentales du pays.


– Sophocle… Je dois mourir… lâche-t-elle en desserrant à peine les dents.


Relevant la tête, le vieil homme a un haut-le-cœur, avant de se rassurer : la petite est toujours dans son idée et non en train de lui annoncer quelque funeste nouvelle.


– Écoute Antigone, lui dit patiemment Sophocle… franchement je ne vois pas comment on pourrait faire pour démêler ton idée. On était d’accord depuis le début, j’ai accepté que tu travailles avec moi, mais ce n’est pas pour que tu fiches le bazar dans mes manuscrits. Alors on reprend Polynice comme un mari exemplaire, toi comme une épouse exemplaire, sa mort comme un décès exemplaire et cet enterrement comme la preuve exemplaire d’un amour exemplaire… Et ça va très bien comme ça, termine-t-il d’un ton coupant.


Antigone ne répond rien… Elle fixe toujours la bougie, les yeux dans le vague…


Furieux, Sophocle se lève et sort chercher un verre d’eau… Cette petite peste n’a même pas eu la gentillesse de lui proposer le moindre rafraîchissement…


Quand il revient, une mauvaise surprise l’attend…


Antigone sourit… de ce sourire carnassier qu’ont les chats quand un mulot bien gras s’est bêtement mis entre leurs pattes… Les yeux écarquillés et la commissure des lèvres quasiment au niveau des oreilles, elle frotte ses mains l’une contre l’autre.


– Je sais comment faire, annonce-t-elle d’un air excité.

– Ah bon ? grogne Sophocle en essayant vainement de cacher son irritation, et en se demandant ce qu’elle a bien pu encore imaginer.

– Voilà… J’ai trouvé comment on va récrire ça !

– « On » ? « Ça » ? demande Sophocle en criant presque. Écoute, Antigone… Jusqu’à preuve du contraire, c’est moi qui écris… J’aimerais bien que tu ne l’oublies pas…


Mais Antigone l’a déjà oublié… Elle se lève et prend un ton jubilatoire…


– Sophocle, il faut arrêter les pièces débiles des femmes gentilles qui vont enterrer leurs maris héroïques… Je suis chiante, butée et dépourvue de toute compassion envers les hommes qui se battent… Mais pour enterrer mon frère, j’irai même contrevenir aux ordres de Créon, qui n’aura pas d’autre choix que de m’exécuter parce que j’ai bravé la loi, SA loi. C’est ça, le sujet de la pièce : on se fiche un peu du combat des frères pour le pouvoir, mais Polynice doit être enterré… C’est mon devoir de sœur et je vais le faire, même si j’y perds la vie. C’est une question de devoir moral… On pourrait même imaginer que, après le combat, les corps d’Étéocle et Polynice ont été retrouvés tellement défigurés qu’on ne sait pas vraiment qui est dans la chapelle ardente d’honneur et qui pourrit sur le champ de bataille, en proie aux corbeaux et aux rayons du soleil. Mais qu’à cela ne tienne… Qu’il soit traître ou héros, Antigone fait son devoir pour son frère, sans se laisser détourner par ses amis ni par sa sœur Ismène, qui est raisonnable et pas une tête de mule, elle. Antigone se fait arrêter, refuse tout compromis en arguant que son devoir moral dépasse la raison de l’État. Créon est obligé de la condamner à mort… Pourtant, ce n’est pas un mauvais bougre, mais c’est le chef. C’est la guerre et la loi martiale a été promulguée. Il a des devoirs, Créon. Et il ne va pas se dérober aux siens plus que moi aux miens. C’est ça la dimension tragique : ni lui ni moi ne voulons de ma mort, mais nous allons me faire mourir, parce que c’est notre devoir à chacun.

– Mais, s’écrie Sophocle, ça fait récrire toute la pièce !

– Oui, mais c’est nettement mieux comme ça… Et cette pièce-là, je vais te la jouer super-top !

– Je refuse, déclare Sophocle en se dressant devant Antigone, j’ai déjà tout écrit pour un Polynice qui est ton mari. Je n’ai aucune envie de tout reprendre à chacune de tes lubies.

– Ah oui ? Tu refuses ?

– Oui…

– Dans ce cas, dit Antigone, je crois que je fais mettre le directeur du théâtre, qui est aussi le commanditaire de la pièce, au courant de tes ardoises dans les troquets alentour. Je crois que, pour avoir mon histoire, je serais capable de te faire un truc pas gentil du tout. Et la dernière avance que tu as demandée a eu un peu de peine à passer, tu t’en souviens très bien… Alors évite que je lui fasse part de toutes tes frasques et surtout, écris une bonne pièce !


Le souffle coupé, Sophocle regarde la jeune femme triomphante qui le toise d’un air narquois.


– Tu me ferais ça ? demande Sophocle, d’un air abattu.

– Reviens dans trois jours sans le nouveau texte, répond Antigone d’un air sourd, et tu verras de quoi je suis capable pour que tu me fasses le Polynice que je veux.


Sophocle, outré mais vaincu, range ses affaires en grommelant. Sans se retourner ni même saluer une Antigone froide et dure, il quitte la pièce d’un pas décidé.


Mais en lui, il n’en pense pas moins : « Polynice en mari, ça allait donner une bonne pièce… Mais à en faire son frère, bonjour la cata ! Ça ne tiendra même pas une semaine à l’affiche ! »


 
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   AntoineJ   
10/6/2012
 a aimé ce texte 
Pas
quelques remarques de détail :
pas clair : l’attendre toujours
Tu vieillis et commences à faire trop sirupeux : cela ne sonne pas bien
cette bouillabaisse : pas adapté dans le contexte
je serais capable de te faire un truc pas gentil du tout : truc ?

Sinon, plus globalement, on sent du potentiel mais qui ne s'exprime pas. Les dialogues sont un peu en creux et le suspens assez faible. La chute manque aussi nettement d'efficacité. On attend quelque chose qui ne vient pas ...

   monlokiana   
13/6/2012
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
Je n'ai pas lu Antigone de Sophocle mais j'ai lu Antigone de Jean Anouilh.

A part le fait que c'est histoire a de l'humour, je ne vois pas trop bien ce qu'elle peut apporter d'autre. Ah si, elle permet de réfléchir sur ce que donnerait un scénario différent de celui de la véritable histoire. En fin de compte, je n'aurais pas apprécié que Polynice soit le mari d'Antigone, les choses sont bien comme elles sont et comme elles ont été faites.

Ici aussi, on retrouve une Antigone synonyme de la Négation, cette jeune femme téméraire qui refuse tout (même le scénario) et veut coûte que coûte mourir.

Bref, c'était une lecture agréable.
A vous relire.

   LeopoldPartisan   
14/6/2012
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Plaisant et lettré. Voici un texte tès vif qui se lit d'une traite et c'est un véritable amusement de voir Antigone actrice de son futur rôle au théatre, usant de tous les stratagèmes à sa disposition pour avoir raison en tout et sur tout. La situation du pauvre Sophocle, victime d'une jeunesse qui ne lui fait et fera jamais de cadeau, est un régal. J'ai vu dans ce rôle d'Antigone, une Isabelle Adjani jeune et insouciante comme elle l'était dans la première partie de l'été meutrier. J'y verrai bien aussi Lou Doillon.
Bis

   alvinabec   
18/6/2012
 a aimé ce texte 
Un peu
Bonjour Palimpseste,
Avoir repris Antigone, pourquoi pas...mais il me semble que n'importe quel texte classique aurait fait l'affaire pour ce portrait de comédienne qui ne lâche rien.
Le personnage de Sophocle manque un peu de chair, on le voit en vieillard limite cacochyme, ce qui le dessert plutôt ce grand trésor!
Sur la stylistique, il y a bien qqes facilités mais c'est une marque de l'auteur, alors on passe n'est ce pas?
A vous lire...

   Lobia   
18/6/2012
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Tout d'abord je salue vos références ! Antigone fait partie du TOP-TEN des livres que j'emmènerais sur une île déserte.
Et puis quel courage ! Vous semblez admirer cette oeuvre et pourtant vous avez réussi à prendre la distance nécessaire pour en plaisanter, avec talent ! C'était risqué.
Bref, j'ai trouvé l'idée de ce dialogue excellente. Vous prenez le prétexte d'une conversation entre un scénariste et une actrice autoritaire (mais intelligente) pour retracer l'aventure de la naissance d'un chef-d'oeuvre : un texte banal qui bascule dans le sublime, ça tient à quoi au fond ? A méditer...
J'ai aussi aimé le parallèle entre la vie d'Antigone et celle de l'actrice : "crois-tu vraiment que j’irais comme ça enterrer un mari mort au combat ? Dans la vie, je sens que je n’en aurais aucune envie…" : BRAVO !!!!! C'est LA que tout bascule ! Ca me rappelle les films de Claude Sautet qui avait le génie pour décrire les émotions, les états d'âme par d'infimes détails du quotidien et des dialogues faussement anodins.
Une seule minuscule critique : les dialogues du tout-début sont ponctués de descriptions presque "scolaires" qui sont bien en-dessous de la qualité de votre texte. La colère et l'agacement se sentent dans les paroles prononcées, il me semble que certaines phrases pourraient être supprimées pour améliorer le rythme des répliques (ex : "dit la jeune femme d’un ton péremptoire en pianotant du bout des doigts pour évacuer une colère mal contenue…"). Mais ce défaut disparaît rapidement de votre texte et je tiens à préciser que c'est un détail.
En conclusion, un texte bien écrit, une idée drôle et intelligente pour réécrire l'histoire et nous montrer l'envers du décor, un sujet maîtrisé, de l'imagination, des personnages cohérents, une trame qui se déroule sans problème, je me suis régalée jusqu'à la fin.
Je vais de ce pas regarder si vous avez écrit d'autres nouvelles, puisque je viens de vous découvrir.
Décidemment, Oniris est une mine. Merci !

   Anonyme   
19/6/2012
Moui... Comme c’est en catégorie humour, le commentateur est probablement sensé tout pardonner, sous peine de ne pas avoir le sens de l’humour… D'ailleurs cette catégorie semble n'admettre que les textes faibles.

Je n’ai pas souri une seconde devant cette pochade bien innocente, qui ne joue pas avec les personnages mais leur plaque des personnalités et des motivations contemporaines (et qui plus est caricaturales). De plus, Antigone n’a pas ce caractère chez Sophocle, elle ne cherche pas l’héroïsme mais elle met simplement le religieux au-dessus du politique et de sa vie même ; je crois que les personnages de Sophocle n’ont pas de psychologie : ils ne font que vivre des situations et sont interchangeables. Il est dommage de ne pas avoir exploité cette caractéristique si originale pour notre époque. En fait, tu ramènes la culture grecque au sens culturel à de la culture française au sens anthropologique et à un niveau digne d'un épisode d'un sitcom. Le décalage n'est pas suffisant, ce n'est pas assez développé, c'est simplement plaqué.

Le coup du directeur de théâtre est symptomatique, car les tragédies grecques sont des chants rituels pour le bouc émissaire comme l'indique l'étymologie : elles remplacent le sacrifice par sa représentation. La conception, spontanée, de la tragédie pour un Grec est très différente du théâtre comme loisir ou moment de culture chez nous. Devant ce savoir certes modeste qui est le mien, il aurait fallu opposer quelque chose de solide, de profond, concernant le directeur de théâtre, par exemple les contraintes économiques (garder les subventions, plaire à un "public bourgeois-bohème", s'engouffrer dans une brèche marketing), les motivations humaines des autres personnages (ils ne sont pas que deux à faire la pièce), etc. A ce propos, tu oublies de mentionner Hémon, fiancé d'Antigone et fils de Créon. Tu oublies aussi la malédiction d'OEdipe.
Aussi la menace, le « truc pas gentil du tout » aurait dû recevoir un contenu, une bonne idée.

Sophocle interroge et interprète le mythe, aussi il devrait être jeune et elle très vieille.
Antigone n’apparaît que dans Œdipe à Colonne et en muet dans Œdipe Roi, je ne crois pas qu’elle puisse se permettre des comportements de diva. Il me semble qu’il y a méconnaissance et plaquage, et non pas pastiche. Les pastiches réussis sont faits par les passionnés, qui veulent apporter quelque chose à l'original…
Cependant, j’aime bien : « Le vieillard, ravi de lui montrer qu’il a encore de bonnes idées, ajoute d’un air paternel que, si on ne peut pas faire n’importe quoi au théâtre, on peut au moins y inventer tout ce qu’on veut. » Cela servira de justification à ce texte...

Je précise que je ne suis jamais content, alors ne m'en veux pas, c'est juste mon opinion personnelle :-)

   brabant   
20/6/2012
 a aimé ce texte 
Un peu ↓
Bonjour Palimpseste,


Dites-moi, vous êtes étudiant en Lettres Classiques, on vous a obligé à étudier Antigone et le sens de l'honneur, du devoir, du respect dû aux Dieux... et vous en voulez à Sophocle, à Anouilh, à Brecht et à la terre entière. Alors vous avez voulu vous venger hein ! Rassurez-moi, un être sain n'imbrogliote pas d'une telle façon un tel texte sans être furieux.

Blague à part, il importe de connaître les ingrédients de la pièce, ses différentes versions et ses arrière-plans si on veut en apprécier tout l'humour : tragique, patriotique, héroïsme circonstanciel... non ?

Un travail d'initié et malheureusement AMHA une lecture que seuls les initiés apprécieront à sa juste valeur à condition d'avoir de plus retourné le fond des vieux cartables arrachés aux vieilles malles des vieux greniers, entre les toupies et les miettes de goûters anciens.


p s : l'Antigone/chipie/maître-chanteur du texte est marrante et bien campée, mais Polynice/Créon/Etéocle/.../frère/soeur/mari/femme/traître/héros : quel écheveau !

   Pepito   
22/6/2012
Ne connaissant pas les origines du texte (désolé de mon manque d'érudition) cela est surement bien moins drôle.
L'écriture reste cependant en levée, bien que j'ai eu le plaisir de lire des textes beaucoup plus plaisant du même auteur.

Bonne continuation.

Pepito

   caillouq   
25/7/2012
Bon, Pal, le prends pas mal mais j'ai toujours du mal avec le procédé consistant à ré-animer des personnages historiques, ou déjà très définis dans l'imaginaire collectif. Je préfère toujours quand une écriture sert un univers propre, et pas un univers d'emprunt. Peut-être aurait-il suffit (pour mon goût) d'insister sur ce que ton Sophocle a de propre (ou de sale), de lui donner un peu plus de chair ...
Cela dit, tes dialogues sont suffisamment enlevés pour que j'aie lu la nouvelle sans problème, et même avec une curiosité amusée. Les clins d'oeil restent suffisamment discrets, et tu as bien su refaire vivre la gamine têtue d'Anouilh (le "top" est néanmoins, à mon avis, de trop. Il fait trop référence à la culture actuelle, ce qui n'est pas le cas du reste du texte). Sophocle aussi est agréablement vivant dans ses propos. Et, ce qui me touche surtout, tu illustres très bien les mécanismes d'établissement d'un scénario - la logique implacable des tenants pour arriver aux aboutissants.


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