Page d'accueil   Lire les nouvelles   Lire les poésies   Lire les romans   La charte   Centre d'Aide   Forums 
  Inscription
     Connexion  
Connexion
Pseudo : 

Mot de passe : 

Conserver la connexion

Menu principal
Les Nouvelles
Les Poésies
Les Listes
Recherche


Sentimental/Romanesque
Pat : Réminiscences [concours]
 Publié le 29/09/11  -  13 commentaires  -  31410 caractères  -  165 lectures    Autres textes du même auteur

Jeux de dupes...


Réminiscences [concours]


Ce texte est une participation au concours n°11 : Mythologies (informations sur ce concours).



Ce texte a été co-écrit avec Togna que je remercie sincèrement pour son soutien, sa patience et sa gentillesse.




— Allez… Juste pour me faire plaisir, tu voudrais pas te car… ?


Non mais, il me prend pour quoi, celui-là ! D’un clic rageur, elle expédie le profil du mateur dans des limbes virtuels. Ma liste noire commence sérieusement à s’allonger ! Sans quitter l’écran des yeux, elle pose sa tasse vide près du clavier. La messagerie signale une nouvelle demande de contact. Encore ce Mysthic76 ! Qu’est-ce qu’il me veut cet illuminé ? Un sourire railleur trouble son visage aux traits impassibles à la lecture d’une énième proposition de son admirateur transi. Un voyage au Népal ? Je lui réponds qu’on fera tourner les moulins à prières pour qu’il capte un peu mieux la psychologie féminine ? Ça serait drôle, mais…


— C’est très romantique le Népal, mais brrrrr, j’en grelotte rien que d’y penser. Que diriez-vous des Maldives ? Une villa sous les palmiers, près de la plage, loin des regards curieux…


Vite lassée par ce bavardage un peu trop fleur bleue à son goût, Katherine effleure les touches du clavier de sa main manucurée à la recherche d’un échange plus exaltant que cet hypothétique voyage qu’elle interrompt avec une excuse à peu près crédible.


— Désolée, mais là je dois aller à mon cours de yoga.


Passons à autre chose… Qui est en ligne ? Achille112… Oh non ! Matt540, Jason23… Hermessie… Paulo44… tiens, un revenant ! Virgile5… Deuzadeux… RoobiT… encore ce pervers ! Allez hop ! Direct à la corbeille ! Romuald515… Gaspardon… houlala ! Un pleurnichard… Platondixit… Bof, pas envie de me coltiner des discours fumeux ! Minotore… Hélios4… KirKDoug… Vince617… Soliterrien… Ulyss66… Seventhsky… prétentieux !… Gino55… Tantale85… Le curseur balaye la liste des pseudos sans enthousiasme. Va bientôt falloir songer à renouveler mon cheptel ! Voyons donc le dernier arrivage…


Excitée par ces jeux de dupes, Katherine Lapierre n’a guère conscience des heures qui défilent au gré de ses conversations, tantôt badines, tantôt coquines. Berner tous ces mâles aux attentes fébriles est tellement facile ! De temps à autre, son attention délaisse sa navigation papillonnante pour embrasser l’espace qui l’entoure. Les timides rayons d’après-midi automnal, qui se faufilent à travers les carreaux encrassés d’une fenêtre dépourvue de rideaux, ne parviennent pas à égayer la tapisserie défraîchie des murs. Et les rares meubles mal assortis, disposés sans recherche, n’atténuent en rien la sensation de vide qui émane de la pièce. Seuls le ronronnement du PC et la lumière diffuse de l’écran donnent un peu de vitalité à cet environnement délabré.


Hypérion ! Eh bien, il était temps que tu réapparaisses, toi !


— Bonsoir, Artémiss ! Fais attention, j’ai reçu une flèche empoisonnée !


Belle entrée en matière !


— J’espère que tu n’as pas reçu celle au cyanure ? En principe, je te réserve la meilleure… trempée dans mon philtre spécial !

— T’as vérifié dans ton carquois ? Ah oui, effectivement, je sens une espèce de chaleur qui s’engouffre…


Bon, là, ça dérape. Changeons de sujet…


— Tu t’es fait rare ces temps-ci, Hypérion !

— Avoue que tu te languissais !

— Je ne manque pas de prétendants, mais je veux bien admettre que j’apprécie une certaine délicatesse dans les échanges…

— T’as encore rempli ta black list ? Je vais bientôt rester seul dans la mire de notre inaccessible Diane chasseresse !


Je ne te le fais pas dire !


— Alors, ma belle, prête à le franchir ce Rubicon, cette fois-ci ? Sans jeu de mot, bien sûr !


Bien sûr !


— Tu entends quoi exactement par ton faux jeu de mot ?

— On n’ira pas direct à l’hôtel ! On prendra un café avant !


L’audace du propos la déconcerte. Et si… ? Telle une araignée à la toile délétère, la pensée parasite infiltre petit à petit son esprit qui s’ouvre, d’un coup, à un flot désordonné d’images voluptueuses. Les doigts suspendus au-dessus du clavier se figent. Elle se sent rougir, trembler, perdre le contrôle. Sa conscience vacille, incapable de rassembler des idées cohérentes. Le désir, fulgurant, irrépressible, la submerge. Son corps frémit, aiguisé par la frustration, et la met au supplice.

Le point de non-retour. Exactement là où… inévitablement… comme chaque fois…

Au prix d’un effort démesuré, elle s’arrache à la fascination qu’exercent sur elle les phrases fatidiques en détournant le regard. C’est à ce moment précis qu’un craquement insolite la fait sursauter. Il est là, derrière les vitres poussiéreuses de la fenêtre, et la fixe de son œil rond. Hypnotisée, elle plonge dans les abîmes de ses prunelles obscures.


* *

*


La porte s’ouvrit brutalement.


— Qu’est-ce que ça veut dire, espèce de… !!!

— D’abord, vous refermez cette porte et, ensuite, vous baissez d’un ton !


L’homme qui venait de pénétrer dans le bureau de Katherine Lapierre se figea, l’air ahuri. Mais le regard qu’elle lui jeta l’incita à obéir. Il n’en revenait pas qu’elle se mette à le vouvoyer comme n’importe quel autre collègue. Plus que l’ordre aboyé, la formulation l’avait sidéré. D’écarlate, le visage de Joseph devint rouge cramoisi, passant de la colère à un sentiment mêlé de honte et de surprise. Katherine le toisait avec une froideur qu’elle n’avait jusque-là réservée qu’à ses clients indélicats. Il en avait presque oublié la raison de son irruption théâtrale, et finit par balbutier :


— Mais enfin… Katherine…

— Il n’y a plus de Katherine ! Pour vous, comme pour tout le monde dans cette banque, je suis madame Lapierre !


Elle avait tourné le fauteuil pour étirer son corps voluptueux et le lorgnait, provocante. S’il n’avait été autant troublé, il aurait pu remarquer une lueur amusée dans le regard vert foncé et un léger étirement de la commissure des lèvres. L’élégante directrice d’agence savourait l’instant. Joseph refoula sa colère, tenta l’ironie d’une voix blanche :


— Très bien, madame Lapierre !


Il agita entre deux doigts une feuille de papier, et reprit :


— Alors, dites-moi, comment appelez-vous une femme qui annonce sa rupture comme ça ? Hein ?... Moi, j’appelle ça une sal…

— Attention, mon cher Joseph, vous risquez d’aller trop loin. Je ne voudrais pas en arriver à certaines extrémités déplaisantes pour votre carrière.

— Vous ne pouvez rien reprocher à mon travail !

— Oh, vous savez, pour moi, un type qui trompe si facilement sa femme est loin de l’intégrité que nous sommes en droit d’attendre de nos agents.

— Mais… mais il s’agit de ma vie privée et… et aussi de la vôtre !

— Ah oui ?! Et qui croira-t-on, si vous ébruitez l’affaire ? Vous êtes vraiment trop naïf ! Un simple mot de ma part, et adieu l’avancement !


Il devint blême :


— Tu… Vous n’irez pas jusque-là !


Elle jubilait ouvertement. Sûre de son pouvoir, elle croisa les jambes assez haut pour que sa robe glisse à mi-cuisses, gonfla la poitrine et susurra :


— Dites-moi, sincèrement, qu’est-ce qui vous a le plus gêné ? Le papier à en-tête ou le message dactylographié ?


L’œil irrésistiblement attiré par les jambes et le décolleté de son ex-maîtresse, son esprit résistait à intégrer la teneur de ses paroles. Tiraillé entre la réminiscence de son désir et la conscience de la situation, ses pensées s’embrouillaient. Il réussit à se contenir, au prix d’un violent effort sur lui-même. Puis, réalisa soudain à quel point cette femme était perverse.

Aveuglé par son orgueil de trentenaire décomplexé, il avait mal interprété la distance hautaine qu’elle affichait dans l’entreprise. La conquête s’était avérée plus facile que prévu. Cela aurait dû lui mettre la puce à l’oreille.


— Je ne vous retiens pas !


Il réprima l’envie de la gifler.


— Salope ! jura-t-il tout bas.


Il tourna les talons et sortit en claquant la porte.


Elle éclata de rire.


*


La façade rénovée de l’hôtel Monterosa lui paraissait bien plus chic avec ses tons neutres et son style contemporain. Katherine n’était plus venue ici depuis… depuis quand, déjà ? Elle gardait un vague souvenir de cet amant dont le nom lui échappait. Il faisait certainement partie de sa liste d’amours éphémères qu’elle préférait reléguer aux oubliettes. Elle chassa cette pensée inopportune et admira sans complexe sa silhouette longiligne reflétée par les grandes baies vitrées. À 44 ans, elle n’avait pas à rougir de son apparence. Bien sûr, l’âge commençait à faire son œuvre, sous forme de quelques rides léonines qui durcissaient légèrement ses traits. Mais sa peau hâlée conservait un grain velouté sans le subterfuge du fond de teint. Pivotant sur elle-même, Katherine examina minutieusement sa tenue à la recherche d’un pli discordant. Elle rajusta sa jupe avec élégance et se dirigea vers l’entrée du bâtiment. Le gris de son tailleur BCBG s’accordait parfaitement aux couleurs de l’hôtel, ce qui lui parut de bon augure.


— Katherine Lapierre. Je suis attendue à la chambre 205.

— Un moment, s’il vous plaît, je préviens la personne.

— …

— Vous pouvez monter. C’est au deuxième étage.


Si Katherine s’était retournée, elle aurait surpris le regard désapprobateur de l’hôtesse. Mais elle s’en fichait royalement. La bienséance, surtout pour complaire au petit personnel, ne la préoccupait guère. Toutes ses pensées étaient concentrées sur cette première fois avec l’homme qui l’avait accostée trois jours plus tôt.


Vincent se tenait dans l’encadrement de la porte. Convaincu de son pouvoir de séduction, il lui souriait avec concupiscence. Katherine appréciait particulièrement les don juan et se délectait par avance de cette joute à l’issue prévisible. Il prit l’expression de son visage comme le signal qu’il attendait et, sans un mot, l’attira brusquement à l’intérieur de la chambre. Plaquée contre le mur, elle s’abandonna au désir impatient de son amant. Cette passivité l’encouragea à conquérir ce corps inconnu sans préambules. Il pressa ses lèvres sur la bouche offerte qu’il pénétra avec fougue, souleva sa jupe d’une main tandis que, de l’autre, il dégrafait sa ceinture. Il la posséda brutalement. Sa violence l’avait, tout d’abord, désarçonnée. Néanmoins, elle dut reconnaître qu’il ne manquait pas de savoir-faire. Elle n’avait pas joui mais cela ne l’inquiétait pas vraiment. Sa chair inassouvie allait réclamer son dû. Vincent semblait d’ailleurs encore en grande forme. Ce qui la décida à prendre les choses en main.


— Prêt pour le deuxième round ?

— Déjà ?

— Tu n’as pas l’impression d’avoir sauté quelques épisodes ? dit-elle, sarcastique, en repoussant du pied sa petite culotte.


Elle se déshabilla lentement, sans le quitter du regard. La veste de tailleur et le chemisier volèrent vers une chaise, puis elle laissa glisser sa jupe au sol, dégrafa son soutien-gorge, libéra des seins opulents qu’elle malaxa avec impudeur. Il la dévorait des yeux, fasciné par ce corps voluptueux qu’il venait de posséder à la hussarde. Émoustillé par l’attitude provocante de son amante, il voulut reprendre l’initiative ; mais elle le força à reculer. Coincé au bord du lit, il bascula lorsqu’elle le poussa d’une tape facétieuse sur la poitrine.


— Laisse-moi faire…


Katherine goûta, en toute indécence, ce corps soumis à sa volonté. Rien ne l’excitait plus qu’un mâle haletant, au bord de la jouissance, qui finissait par crier grâce sous ses caresses expertes. Elle s’occupa de son propre plaisir avant de le délivrer au terme d’une torride chevauchée.


Vincent gisait, pantelant, sur le lit en bataille.


— Tu m’as épuisé !

— C’est ce qu’ils disent tous !

— Comment ça, tous ?


Elle répliqua, d’un ton désinvolte, en se dirigeant vers les toilettes :


— Tu n’imagines quand même pas être l’unique élu !


Sans se préoccuper de la riposte, elle s’enferma dans la salle d’eau et s’abandonna au jet vivifiant de la douche.

Quand elle revint dans la chambre, il l’attendait, assis au bord du lit, la mine boudeuse. L’air détaché, elle rassembla ses vêtements et commença à se rhabiller.


— Qu’est-ce que tu fais ? Tu pars déjà ?

— Oui.

— On ne devait pas dîner ensemble ?

— J’ai changé d’avis !

— Ça ne t’a pas plu ?

— Quoi donc ?

— C’est tout ce que tu trouves à dire ?

— C’était pas mal, je te l’accorde. Promis, je te garderai une place de choix parmi mes meilleurs souvenirs.

— Parce qu’on ne se reverra pas ?

— Jamais deux fois, c’est un principe auquel je ne déroge que dans certains cas exceptionnels… dont tu ne fais pas partie.

— Eh bien, ça a le mérite d’être clair ! répondit-il, l’air renfrogné.

— Allez, ne fais pas cette tête-là ! Je ne t’imagine pas une seconde dans la disette.

— Dis-moi une chose avant de partir : c’est quoi ton pseudo sur les sites de rencontre ? Que je sache qui je ferais mieux d’éviter, à l’avenir…


Surprise par la demande incongrue, elle s’esclaffa :


— Ah non, ce n’est pas mon truc, ces supermarchés de la drague ! Je préfère le contact direct, ça limite les mauvaises surprises. Adieu, très cher !


Elle lui envoya un baiser du bout des doigts et sortit.


*


Vingt-deux ! Ce nombre, obsédant, empoisonnait son humeur. Vingt-deux ans ! C’était l’âge de sa fille, et aussi le sien lorsqu’elle l’avait mise au monde. Une erreur de jeunesse qu’elle avait payée un peu trop cher à son goût. L’épanouissement de la maternité ! Foutaises ! L’éducation de Lucie lui avait surtout apporté un lot de contrariétés en tous genres. Aucune complicité n’était venue, au fil du temps, cimenter leur relation. Leurs personnalités demeuraient aussi dissemblables que deux couleurs mal assorties. Néanmoins, leurs rapports mâtinés d’indifférence polie ne s’en trouvaient pas véritablement perturbés, tant qu’elles s’en tenaient à des échanges superficiels.

Katherine hésita. Offrir un cadeau d’anniversaire lui paraissait une convention hypocrite. D’ailleurs, à bien y réfléchir, il aurait été plus juste qu’elle en soit la destinataire… pour toutes ces années à jouer un rôle aussi pénible. En outre, Lucie n’était plus une gamine ; et la pension qu’elle lui octroyait suffisait largement à ses dépenses. Mais l’année passée, Katherine avait « oublié » ce fameux cadeau et avait eu droit à des remarques acerbes. Peu disposée à gâcher sa soirée, elle se dirigea vers les Galeries Lafayette avec la ferme intention de se débarrasser au plus vite de cette corvée.


Le taxi la déposa à 19 h précises devant la Lucania dont la vitrine cernée de noir détonnait dans cette rue tranquille du 7e arrondissement. Katherine parcourut rapidement la carte des menus placardée près de la porte. Lucie semblait s’être surpassée, cette fois-ci ! Elle l’aperçut, au fond de la salle, assise à l’une des tables rondes. Un jeune homme, placé dos à l’entrée, l’accompagnait. Peu enthousiaste à l’idée de supporter l’un des traditionnels blancs-becs dont sa fille s’amourachait, elle n’accorda qu’un coup d’œil distrait au garçon qui se levait pour l’accueillir. L’affront effaça le sourire de Lucie. Katherine négligea la moue réprobatrice avec désinvolture, et se pencha pour déposer un rapide baiser sur la joue potelée de sa fille.


— Bon anniversaire !

— Merci. Je te présente Maxime.


Il n’était plus question d’ignorer l’importun. S’apprêtant à débiter un discours de pure convenance, elle se tourna enfin vers lui. La surprise la laissa sans voix. Les yeux bleu marine du jeune homme l’observaient avec curiosité. Il ne ressemblait pas du tout aux habituels soupirants de Lucie. Bien plus séduisant, estima Katherine. Comment sa fille avait-elle réussi à dégotter un si beau spécimen ?


— Enchantée, Maxime ! Je ne m’attendais pas à voir ma fille en si charmante compagnie.

— Ne présumez pas trop vite. Vous allez peut-être changer d’avis.


Il la gratifia d’un sourire angélique qui la déconcerta. Lucie attira son attention d’un léger raclement de gorge.


— Fais attention, Maxime ! Ma mère est une belle plante… carnivore !

— Mais enfin, Lucie ! Je ne croque que les hommes consentants…

— Vous ne préféreriez pas commander un vrai plat ? Les spécialités italiennes de Giuseppe sont bien plus digestes que mon anatomie. Je vous conseille de commencer par les carciofini.

— Je suppose que l’idée de ce restaurant est de vous ?

— Oui, c’est un peu ma cantine. Je travaille près d’ici.

— Maxime est assistant d’édition chez Jacob-Duvernet. La boîte où j’ai fait mon stage.

— C’est donc là que vous vous êtes rencontrés ?

— Oui… il a fini par me remarquer au bout de deux mois. Il était temps, mon stage se terminait.

— Si tu changeais de look, ma fille, la drague serait plus efficace.

— Bon, tu ne vas pas recommencer. C’est mon anniversaire ! Et puis, avec Maxime, ce n’est pas une passade. Nous avons décidé de nous installer ensemble la semaine prochaine.

— Eh bien, heureusement que tu me tiens au courant ! C’est pas un peu rapide, tout ça ?

— Je ne suis pas comme toi !

— Comment ça ?

— Que diriez-vous de noyer vos querelles dans un bon verre d’Orvieto ?

— Vous savez parler aux femmes, vous !


Le repas démarrait sous de réjouissants auspices. L’humour subtil de Maxime enchantait Katherine. Elle ne s’était jamais si bien amusée dans une soirée passée avec Lucie. Il fallait lui reconnaître que, pour une fois, elle avait fait preuve d’un goût indiscutable dans le choix d’un partenaire. Étonnant, de sa part. Malgré ses quelques kilos superflus, Lucie était plutôt jolie. Mais elle n’avait aucune classe et s’habillait comme un sac. De sa mère, elle avait pris la nuance verte des iris, bien que son regard soit très différent. Une naïveté bienveillante éclairait son visage aux courbes infantiles. C’est ce qui agaçait le plus Katherine. Cette empathie naturelle lui semblait aussi étrangère qu’un sentiment maternel.


Au moment de payer l’addition, elle retrouva le foulard Burberry, en tartan rose et gris, soigneusement emballé au fond de son Vuitton. Elle le tendit à Lucie qui n’apprécia guère le cadeau, un peu trop chic à son goût.


— Tu n’as plus qu’à te procurer les vêtements qui vont avec, ironisa sa mère.


*


La résidence n’avait pas d’ascenseur. Après une journée de travail épuisante, grimper les quatre étages n’était pas une sinécure ; mais Katherine préférait, de loin, entretenir sa forme dans ses déplacements quotidiens plutôt que suer en justaucorps dans des salles surpeuplées et malodorantes. Elle respira à fond et escalada les marches d’un pas alerte. Les odeurs de cuisine et l’agitation domestique du voisinage se mélangeaient au fur et à mesure de sa montée. À peine essoufflée, elle accéléra dans la dernière volée d’escalier, pressée de retrouver le calme de son appartement.

La porte refermée, elle se reposa quelques secondes contre le chambranle, le temps de reprendre sa respiration, puis se déchaussa pour préserver l’épaisse moquette blanche qui tapissait le sol de son trois-pièces. Un discret parfum de chèvrefeuille embaumait l’espace. Katherine aimait l’ordre qui régnait dans son vaste logement de Saint-Cloud. Adepte du feng shui, elle avait su créer, grâce à ses talents de décoratrice, une harmonie épurée où couleurs, formes et matières ne devaient rien au hasard. De larges baies vitrées renforçaient la clarté de cet intérieur luxueux. C’était son refuge, loin de l’effervescence citadine. Depuis que Lucie avait pris son envol, elle savourait sa solitude qu’elle n’aurait troquée pour rien au monde.

Elle se dirigea, pieds nus, vers la cuisine et se servit un gin fizz. Le verre à la main, elle s’installa dans son confortable canapé de cuir blanc. La soirée s’annonçait paisible ; un plateau télé ferait l’affaire. C’est alors qu’elle remarqua le signal du répondeur. Cinq messages ! Elle prit le temps de vider son cocktail avant d’enclencher l’appareil. Le premier appel provenait de la banque :


« Bonsoir Katherine, désolé de vous déranger à cette heure-ci, mais madame Girond vient de m’annoncer son arrêt maladie. Vous étiez déjà partie, je n’ai pas eu le temps de vous prévenir. Vous pourrez passer demain matin à mon bureau pour récupérer quelques dossiers urgents ? »


Pff ! La grossesse, une maladie ? C’est nouveau, ça ! Comme si je n’avais pas assez de boulot !


« Bonjour madame, c’est la société « répar’tek ». Nous sommes désolés, mais le technicien n’a pas pu venir aujourd’hui pour votre lave-vaisselle. Il a été retenu par une urgence. Je vous propose jeudi 14 h à la place. J’attends votre coup de fil pour confirmer. Excusez-nous encore. »


Comme si on était à leur disposition ! Je les connais leurs urgences... Désolés, désolés… ils vont m’entendre !


« C’est Lucie, tu peux me rappeler ? »


Un « bonjour », ça t’écorcherait la bouche ? Tu attendras un peu, ma chère fille !


« Espèce de pouffiasse ! Salope ! Tu prends ton pied à piquer les maris des autres, hein ? Tu… tu… l’emporteras pas au paradis, c’est moi qui t’le dis ! »


Passé le moment de surprise, Katherine éclata de rire. Ce n’était pas la première fois qu’elle avait affaire à une épouse irascible, mais d’habitude elles disaient au moins leur nom. Peut-être un faux numéro…

Elle appuya à nouveau pour écouter le dernier correspondant. C’était la même voix.


« Si tu t’approches encore de mon mec, j’te casse la gueule ! Je te préviens ! Tu t’reconnaîtras même pas dans la glace ! Pétasse ! »


Houlà ! Tu me fais peur ! Faudrait déjà savoir de qui on parle… Le pauvre ! Avec une telle virago, pas étonnant qu’il ait cherché un peu de distraction !


Katherine effaça les messages en soupirant, puis se leva pour gagner la terrasse. Le temps affichait une douceur étonnante pour la saison. Elle se pencha au-dessus de la balustrade et alluma une cigarette. Les bruits de la circulation étaient étouffés par les immeubles qui poussaient comme des champignons dans cette banlieue cossue du sud-ouest parisien. Elle contempla un moment les feux du couchant qui irradiaient l’horizon, écrasa son mégot dans le cendrier et rentra. Le congélateur était rempli de plats tout prêts. Elle sortit la première barquette qui lui tombait sous la main et l’enfourna dans le micro-ondes. Cinq minutes de cuisson. Ce serait bien suffisant pour appeler sa fille.


— Lucie ? C’est moi…

— …


Le mot « maman » était tacitement banni de leur vocabulaire depuis l’adolescence de Lucie, même s’il s’avérait parfois compliqué de trouver la bonne périphrase.


— Oui, j’ai bien eu ton message. Tu voulais quoi ?

— …

— Jeudi ? Ça tombe mal ! À quelle heure ?

— …

— 15 h ! Pff… je vais être obligée de demander mon après-midi.

— …

— Je sais… Mais tu aurais pu quand même t’organiser un peu mieux. Bon, je le récupère où, Maxime ?


*


Les freins crissèrent lorsque Katherine stoppa au bas de l’immeuble.


— Quelle conduite sportive !

— Soyez sans crainte, Maxime, ce sera mon unique exploit de la journée.

— Dommage, j’aurais bien aimé évaluer vos performances haltérophiliques…

— Oui, c’est regrettable, mais je ne voudrais surtout pas vous priver d’exercer votre puissante musculature dans l’ascension périlleuse de vos trois étages !


Katherine pouffa devant le faux air déconfit du jeune homme, puis sortit de la voiture pour ouvrir le coffre. Maxime retira le lourd paquet qui occupait tout l’espace de rangement de la BMW.


— C’est vraiment gentil à vous, Kat… Euh, je peux vous appeler Katherine ?

— Bien sûr. Vous avez même intérêt !

— Ça vous dirait de venir prendre un verre ? Ce sera l’occasion de découvrir notre nid douillet.

— Pourquoi pas ? Tant qu’il ne s’agit pas d’un traquenard pour m’enrôler comme déménageur ! Les lumbagos, très peu pour moi !

— Si ce n’est que ça, pas d’inquiétude, je suis un expert en massage !


Un peu surprise, Katherine marqua un temps d’arrêt ; puis décréta que ses mots avaient dépassé sa pensée quand elle le vit rougir et s’activer pour donner le change. Elle le suivit en silence, tout en admirant sa démarche souple et dynamique d’athlète. Adepte des courses de demi-fond, Maxime portait sans effort apparent le meuble en kit qu’il avait chargé sur l’une de ses épaules.

Plusieurs piles de cartons encombraient l’appartement dont les travaux n’étaient pas terminés. Mais le parquet en chêne et les hauts plafonds moulurés de ce F2 de facture ancienne ne manquaient pas de charme. Un long couloir desservait toutes les pièces que Maxime présenta à son invitée, avec force détails sur les aménagements prévus.


— Qu’est-ce que je vous sers ? Un coca ? Un jus de fruit ?

— Vous n’avez rien de plus corsé ?

— Est-ce bien raisonnable ? Il est à peine 17 h…

— C’est juste la bonne heure pour un apéritif digne de ce nom !


Installés dans la cuisine comme deux vieux amis, ils sirotaient leur whisky en bavardant de choses et d’autres. Maxime intriguait Katherine. Son physique n’avait rien d’exceptionnel, mais il respirait à la fois l’intelligence, la sensibilité et la détermination. La bouche aux courbes délicatement ourlées et l’épaisse chevelure ébouriffée adoucissaient les traits irréguliers de son visage barré d’un nez aquilin. Quant à l’énergie qui émanait de sa personnalité, elle semblait se concentrer tout entière dans son regard magnétique. Katherine prit soudainement conscience du charme dangereux que cet homme exerçait sur elle. Il était temps de prendre congé avant que la situation ne devienne embarrassante.


— Merci pour cet agréable moment, Maxime, mais je dois y aller maintenant.


Elle crut percevoir du désappointement sur le visage du jeune homme.


— Oui, bien sûr ! Vous m’avez déjà fourni une bonne excuse pour échapper au montage de ce foutu meuble.

— Je comprends mieux votre éloquence ! En fait, vous n’aviez d’autre intention que de procrastiner !


Un sourire malicieux aux lèvres, il l’accompagna jusqu’à la porte d’entrée. Lorsqu’elle se retourna pour lui dire au revoir, elle détecta dans ses yeux une lueur qui n’avait rien d’innocent. Elle le dévisagea, à son tour, sans ambiguïté. Le temps resta suspendu dans ce duel silencieux où le désir, palpable, mais encore indécis, remplissait l’espace. Elle attendait… Et n’offrit aucune résistance quand il se pencha pour l’embrasser. Lorsqu’il s’écarta, les joues en feu, il s’apprêtait à parler, mais elle lui intima l’ordre de se taire en posant deux doigts sur sa bouche entr’ouverte ; et l’entraîna vers la chambre à coucher.


Maxime reposait près d’elle, les yeux fermés, le visage indéchiffrable. Seules la moiteur de son front, où s’agglutinaient quelques mèches désordonnées, et la discrète érubescence de sa peau trahissaient ce qui venait de se passer. Les corps impatients s’étaient vite accordés, passée la maladresse de départ. Katherine avait rarement ressenti autant de plaisir, et l’avait exprimé bruyamment, contrairement à son habitude. Les subtiles caresses de cet amant imprévisible avaient eu raison de son self-contrôle. Apaisée de toute tension érotique, Katherine s’abandonna à de lascives rêveries. La réminiscence de certaines scènes d’une troublante lubricité déclencha aussitôt en elle une vague de sensualité qui réveilla son désir.


— On n’aurait pas dû.


Katherine sursauta. Les mots de Maxime avaient brusquement déchiré le cocon fantasmatique dans lequel elle se prélassait. Elle se tourna vers lui, mais ne put croiser son regard. Il fixait le plafond, d’un air coupable. Penser à sa fille ne l’avait même pas effleurée. Elle évinçait volontiers ses rivales sans éprouver le moindre scrupule. Mais, là, elle venait de franchir un nouveau palier, et pressentait qu’elle ne pourrait s’en échapper avec sa légèreté habituelle. Le remords commençait à poindre. Elle n’eut pas le loisir de s’appesantir sur ce sentiment inédit. Un cliquetis énergique provenant de la porte d’entrée résonna tout à coup. Puis tout se précipita. Le regard affolé de Maxime. Les pas dans le couloir. Les vêtements récupérés à la hâte. Les appels de Lucie. La course vers la fenêtre. Les pas qui s’approchent. Le rebord providentiel. La porte qui s’ouvre.

Son cœur battait la chamade. Elle se cala contre la façade en respirant profondément pour se calmer. Il était hors de question d’enfiler ses vêtements qu’elle serrait contre elle, dans une vaine tentative pour dissimuler sa nudité. La plate-forme qui l’accueillait était bien trop étroite pour autoriser le moindre mouvement. Maxime l’avait aidée à escalader l’abri de la fenêtre. Elle espérait qu’il trouverait vite le moyen de la tirer de ce mauvais pas. Il ne restait plus qu’à attendre, en évitant de baisser les yeux vers le vide. Un bref claquement sur sa gauche attira son attention. Sur le rebord opposé de la fenêtre se tenait un pigeon qui se mit à roucouler comme s’il lui adressait la parole. Il la toisait de ses yeux orange, dans une posture accusatrice. Elle eut brusquement envie de lui balancer une de ses chaussures, réprima son impulsion, mais… trop tard. L’amorce du geste la déséquilibra. Le bruit sourd que fit son corps à l’atterrissage brisa net le hurlement qui accompagna sa chute.


* *

*


Le pigeon n’a pas bougé, indifférent aux regards de haine que lui lance cette femme au visage ravagé, chaque fois qu’il vient se poser sur le rebord de la fenêtre. Katherine s’arrache à la vision du volatile qui lui donne des envies de meurtre. Elle se sent usée, vidée. Si seulement elle pouvait mettre un terme à son calvaire ! En soupirant, elle tend sa main valide vers les touches du clavier pour effacer son profil. Adieu, bel Hypérion ! J’aurais préféré te quitter avec plus d’élégance.

Le grésillement de la sonnette la tire soudain de ses réflexions. Elle éteint l’ordinateur et, d’un geste sûr, actionne la manette qui met en mouvement son fauteuil électrique et le dirige jusqu’à la porte.


Surprise, elle marque un temps d’arrêt face à la femme entre deux âges qui entre dans la pièce.


— Qui êtes-vous ?

— Je suis votre nouvelle auxiliaire. Maria. On ne vous a pas prévenue ?

— Non. Ce n’est pas grave. Je suppose que c’est ma fille qui vous a demandé de remplacer Sophie ? Elle devait trouver que nous nous entendions un peu trop bien.

— Je ne sais pas. Je viens d’être embauchée.

— Dites-moi, Maria, y a-t-il du personnel masculin dans votre entreprise ?




_______________________________________


Ce texte est une interprétation actualisée du mythe de Tantale. Il reprend essentiellement l’idée que les fautes de Tantale, commises par orgueil (vouloir rivaliser avec les dieux), notamment la faute ultime (il donne son fils à manger au cours d’un banquet servi aux dieux, croyant pouvoir les berner), provoquent son châtiment. Ce dernier consiste à le mettre en présence de terribles tentations, sans qu’il puisse en retirer satisfaction.

http://www.mythesgrecs.com/mythologie-grecque/mythes-grecs/tantale.html


 
Inscrivez-vous pour commenter cette nouvelle sur Oniris !
Toute copie de ce texte est strictement interdite sans autorisation de l'auteur.
   Anonyme   
12/9/2011
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Le flash-back m'a paru un peu trop long, un alignement de coucheries et démonstrations de perversité de Katherine sans grand intérêt avant qu'on entre dans le vif du sujet : j'ai l'impression que le texte gagnerait à être resserré dans cette partie-là. Sinon, j'ai trouvé l'histoire intéressante et la chute vraiment sympathique (si on peut dire), mais les descriptions cliché, très roman à l'eau de rose des objets, corps, étreintes m'ont semblé lassantes. Il s'agit peut-être d'une volonté parodique, mais si tel est le cas je trouve l'ensemble trop appuyé. Des exemples d'expressions qui, pour moi, sonnent toutes faites :
- étirer son corps voluptueux,
- amours éphémères,
- silhouette longiligne,
- il lui souriait avec concupiscence,
- corps voluptueux (une deuxième fois),
- caresses expertes,
etc. La description de Maxime un peu plus loin ("Son physique n’avait rien d’exceptionnel (...) nez aquilin.") est à mon avis un modèle du genre.

L'histoire me plaît pas mal – j'en apprécie l'ironie –, l'écriture ne me convainc guère.

   wancyrs   
21/9/2011
 a aimé ce texte 
Un peu
Autant l'écriture est belle et fluide, autant l'intrigue manque d'originalité ; l'histoire de la femme croqueuse d'homme, la femme couguar a été écrite et réécrite, et la touche de maître qui aurait pu permettre de supporter une Nième version n'est pas au rendez-vous dans ce texte. J'ai bien essayé de comprendre le jeu de dupes qui a été annoncé dans l'incipit, mais en vain ; ici, il n'y a qu'un seule femme qui joue à un jeu dangereux, un jeu dont l'issue est évidente.

En passant, j'ai lu l'article développé dans le lien donné en dessous du texte, et j'avoue qu'en dehors du fait que la femme joue avec quelques amants sur le Net, il n'y a rien de plus qui rapproche son histoire à celui de Tantale... Bien sûr il y a son orgueil, et l'affront causé à quelques hommes, mais le délit qui cause sa perte n'est même pas voulu. Le texte nous présente une femme qui se laisse aller au charme d'un homme, et qui ne prémédite même pas le crime qu'elle va commettre, contrairement à Tantale. Je reste donc un peu déçu de l'issue de l'histoire.


Autre chose, pourquoi écrire "black liste" et non "black list" ?

   Anonyme   
29/9/2011
 a aimé ce texte 
Un peu
Bonjour,

Je n'ai pas été enchantée par ma lecture. L'écriture use trop des adjectifs, on ne précise pas autant dans une nouvelle, les mains manucurées tout ça, c'est pas important. Au début je me suis ennuyée parce que l'écriture ne relevait pas la banalité du récit. Et puis c'est trop rose, trop de lieux communs, j'ai cru à un pas très bon récit d'Arlequin érotique, parce que l'héroïne est caricaturale. Mais qu'est-ce que vous avez tous à ne pas aimer vos protagonistes ? Si vous n'avez pas un peu de tendresse pour eux, on ne peut pas en avoir non plus... c'est dommage.

Toutefois la fin de l'histoire n'est pas désagréable et le récit n'est pas mal construit. C'est le point fort de ce récit, sa construction qui tient la distance.

   Palimpseste   
29/9/2011
L'écriture est agréable, même si les scènes "hot" hésitent entre le trop et le trop peu... Le côté Harlequin me ferait penser que les auteurs sont masculins, mais c'est juste une supposition :-)

Sans la note de bas de page, je n'aurais pas reconnu le mythe de Tantale, pourtant assez bien connu sous nos latitudes. Du coup, la transposition fait assez "grand écart" et manque un point: les dieux sont omniscients, alors que là, on a juste la fille qui rentre trop tôt chez elle. Une allusion à une intuition de la fille laissant son fiancé avec sa mère aurait été du meilleur effet. L'emploi des pseudos Artemiss et Hypérion en début de texte envoie directement sur de fausses pistes -peut-être était-ce voulu ? Pendant un temps, j'ai aussi cru à une transposition de Electre.

Sur l'écriture, c'est soigné avec quelques longueurs ça et là... (mais comme on me reproche souvent d'écrire "trop court", je ne suis pas certain que mon avis vaille quelque chose)... Mais j'ai été jusqu'au bout, donc il n'y a rien de rédhibitoire.

Pour résumer, un très honnête travail d'écriture pour une transposition très cryptique.

   monlokiana   
29/9/2011
 a aimé ce texte 
Un peu ↓
J’ai lu d’un trait ce texte qui m’a semblé bien fait bien que j’aie des remarques à faire. J’ai bien aimé mais (il faut toujours qu’il y ait un « mais » sinon se serait la « perfection ») certaines choses m’ont paru maladroites ou mal faites :

-L’utilisation excessive des virgules : (franchement, il y a en trop dans des passages où je pense qu’on aurait pu s’en passer. Voici des exemples :

« Le désir, fulgurant, irrépressible, la submerge. Son corps frémit, aiguisé par la frustration, et la met au supplice. »

« Sa violence l’avait, tout d’abord, désarçonnée. »

« Elle l’aperçut, au fond de la salle, assise à l’une des tables rondes. Un jeune homme, placé dos à l’entrée, l’accompagnait. »

Et j’en passe…

-Des moments vraiment ennuyants : Est-ce vraiment nécessaire de nous dire que Katherine n’a pas pensé à sa fille en couchant avec le mec de celle-ci ? Non, on le sait déjà. Ce sont des choses qu’on laisse au lecteur de deviner. Bien évidemment, si elle y avait pensé, elle ne l’aurait pas fait. Donc, inutile et un peu endormant. On ne laisse pas le lecteur cogiter un minimum.

« Katherine sursauta. Les mots de Maxime avaient brusquement déchiré le cocon fantasmatique dans lequel elle se prélassait. Elle se tourna vers lui, mais ne put croiser son regard. Il fixait le plafond, d’un air coupable. Penser à sa fille ne l’avait même pas effleurée. Elle évinçait volontiers ses rivales sans éprouver le moindre scrupule. Mais, là, elle venait de franchir un nouveau palier, et pressentait qu’elle ne pourrait s’en échapper avec sa légèreté habituelle »

-Les cotés clichés du texte : les clichés, on n’en parlera jamais assez. On n’en trouve partout. Mais quand on en trouve, il faut le dire à l’auteur pour qu’il l’évite la prochaine fois. La relation à trois (mec-mère de la fille-la fille) est un cliché. Cent fois entendu et lu des trucs pareils. Le passage où elle lui propose un verre et qu’il demande quelque chose de plus fort, ça me fait penser à la série Américan Pie (partie 1) où la mère de Stifler couche avec un camarade de classe de celui-ci (« laissons la bière aux crétins, je parle d’alcool sérieux ») ^^

-Beaucoup de coucheries (pardonnez-moi le mot). J’ai trouvé cette nouvelle un peu dégueulasse au niveau des rapports humains. Personnellement, je n’ai pas aimé l’histoire. Je n’ai pas senti le coté « concours-mythologies-mythe-surnaturel » (même s’il y a la référence) . On aurait proposé ce texte hors concours, on ne s’en apercevrait même pas.

L’écriture est agréable oui, mais il faut faire attention au cliché. C’est un virus qui peut tout détruire.

Bonne chance aux auteurs ! Merci pour cette lecture.

   Anonyme   
29/9/2011
 a aimé ce texte 
Un peu
J'ai fait une agréable lecture. L'écriture est soignée avec des descriptions à profusion ce qui me porte à dire qu'un des auteurs ou les deux sont féminines. Un genre de petite intrigue à la Mary Higgins Clark. Est-ce que l'objectif du concours a été atteint? Je ne crois pas vraiment et heureusement que la note de la fin nous met sur une piste car nous aurions pu chercher longtemps.
Bravo cependant pour le long travail exécuté.

   brabant   
29/9/2011
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour,


J'ai bien aimé la chute :
- chute de reins (superbe)
- chute de la corniche (pigeonnée ?)
- chute du récit.

L'écriture est belle, supérieurement maîtrisée, au point parfois d'être trop lisse et d'engendrer un ennui amusé et distingué.

Les scènes d'amour sont partant conventionnelles, limite ripolinées. La passion n'est pas transmise (mais c'est sans doute voulu) ; l'impudique reste pudique jusque dans ses extrêmes. A aucun moment on ne se sent voyeur, ni choqué, tellement c'est de l'attendu, du déjà dit, déjà lu. Seulement voilà : jusqu'où peut-on aller trop loin ici...

La psychologie féminine semble bien observée mais peut souvent paraître caricaturale.
Une telle froideur vis-à-vis de l'enfant qui ne résulte même pas d'une concurrence amoureuse, une concurrence cependant prête à se réveiller (au cas où...), des caractères si différents... Le tableau est finalement assez monstrueux.
Et finalement une fille plus forte qu'on ne le croit ; là, on marche.


Je dois sans doute sembler bien sévère pour un texte que j'ai trouvé élégant, racé ; et que j'ai lu sans ennui.
Je crois que mon appréciation contrebalancera mon commentaire et cela ne sera que justice.


Merci et bravo à vous.

   placebo   
29/9/2011
Moi je donne bon courage aux auteurs pour retravailler la nouvelle sachant que
- certains n' aiment pas l'écriture, d'autres l'intrigue
- certains lisent une écriture masculine, d'autres féminine ^^
et j'en passe ;)
(vi, ça a du bon de lire les commentaires des autres parfois :)

Pour ma part, je trouve la nouvelle plutôt facile à lire (j'ai décroché un peu vers les deux tiers). En ce sens, elle remplit une des fonctions de distraction, mais l'écriture ne me satisfait pas vraiment et j'avoue n'avoir pas vu le mythe pendant un long moment :)

Le début m'a moyennement convaincu : un peu trop forcé. Ex, le paragraphe commençant par "excitée par ces jeux de dupes". déjà, je ne l'imaginais pas du tout excitée, au vu de ses réactions précédentes. Ensuite, la description me semble fade, formelle. Sans doute parce que les auteurs se sont dit : faut faire passer un message : "environnement délabré". Mais ici, c'est pas une démonstration avec exemples qu'on attend :) En revanche, j'ai trouvé des rimes internes intéressantes : badine/coquine, fébrile/facile, j'ai essayé d'en trouver d'autres, sans succès : un hasard ?

Un bon point pour la présentation, c'est assez clair entre les messages, la narration, ses pensées.

Un peu trop de virgules. (écrit plus tard : trop de virgules)
"telle une araignée à la toile délétère, cette pensée infiltre" non, il y opposition entre l'araignée et sa toile et "infiltre".

J'ai pas très bien compris le passage de l'ex-partenaire dans son bureau. J'avais d'abord cru qu'elle l'avait renvoyé (enfin, elle l'a bien "remercié", mais pour son deuxième emploi :) et le côté juridique me titillait ^^ À la deuxième lecture, ce que je ne comprends pas, c'est sa réaction à lui. En gros, j'ai pas le temps d'y croire (qu'on puisse crier dans son entreprise comme ça alors que j'essaierais d'être discret) en quelques lignes et je lis trop de points d'exclamation.

La rencontre avec antoine est correcte. Jeu, sexe et mensonge sont ses loisirs :)
"Il pressa ses lèvres sur la bouche offerte qu’il pénétra avec fougue, souleva sa jupe d’une main tandis que, de l’autre, il dégrafait sa ceinture." pas très clair, le "pénétrer la bouche" est ici incongru, les deux "sa" se chevauchent un peu.

Rencontre avec lucie, je trouve le début un peu trop réfléchi (et les paragraphes un peu longs ?) le dialogue coule bien, d'ailleurs on n'a pas besoin des noms des personnes pour se repérer.

Lucie qui demande à sa mère de le récupérer, c'est un peu trop "beau" :p vu comment la fille a des doutes et aime sa mère, elle aurait sans doute fait le tour complet de son carnet d'adresse avant de les faire se rencontrer.

J'ai pas compris non plus le coup du rebord >< elle ne peut pas se mettre sous le lit, lui ne peut pas s'habiller et faire diversion, voire elle ne peut pas s'afficher et jouir du regard horrifié de sa fille ?
Visage ravagé, fauteuil, un bras mort, vi, trois étages on a dit… En fait, je trouve bizarre le coup du pigeon, comme de plein d'autres détails de la nouvelle, on dirait que les auteurs cherchent des rebonds pour l'intrigue sans que ça me paraisse naturel. Elle est nue, sur un rebord de fenêtre, quoi, on ne bouge pas du tout dans ces moments-là. À l'inverse, un passage sur l'exhibition m'aurait plus convenu. [j'étais en train de partir dans une analogie pigeon-aigle, mais c'est le mythe de prométhée]

Tantale, une nymphomane, donc, ne pouvant jamais se satisfaire d'un homme, cherchant le plaisir sans être jamais rassasiée, voire sans même goûter au bonheur ? (mon interprétation) hum, pourquoi pas.

Guère convaincu mais, comme je l'ai dit plus haut, ce genre d'histoire, personnalité un peu tirée par les cheveux et adultères, ça se laisse lire.
bonne continuation,
placebo

   Anonyme   
30/9/2011
 a aimé ce texte 
Un peu
Cette nouvelle traitant du mythe de Tantale se lit avec facilité, du point de vue de l’écriture, du style. C'est tout à fait bien.
Le retour en arrière (flash back, ça agace le défenseur de la langue française qui m’habite) est correctement négocié. C’est un bon point aussi.
La peinture de cette femme « croqueuse d’hommes » est réussie, me semble-t-il (vu que je n’ai jamais rencontré ce type de collectionneuse). Et partant, dans ce contexte, je trouve assez vraisemblables les rapports mère/fille.
La chute (et c’est bien le cas !) est dramatique et explique, très naturellement, la toute première séquence.
Donc, une nouvelle bien construite, bien écrite, mais…
Peut-être un peu trop de complaisance à détailler les scènes érotiques. Et surtout la chute.
Je ne parviens pas à imaginer une femme, nue, les vêtements à la main, prendre le risque d’aller se réfugier sur la corniche d’une fenêtre en étage, au-dessus du vide. Selon ma perception de Katherine, ça ne colle pas avec le personnage qui, pour satisfaire ses désirs incontrôlables, se fiche du tiers comme du quart vis-à-vis de tout le monde, y compris sa fille. Que la mère éprouve soudain du remord, parce qu’elle a séduit l’homme de sa fille, je puis à peine l’admettre. Et donc pas au point d’aller, comme dans les dessins humoristiques, se percher sur un rebord de fenêtre.
J’aurais mieux goûté une courte lutte entre les deux femmes, la mère étant accidentellement défenestrée, par exemple. Mais, bien entendu, cela n’engage que moi.
C’est un peu regrettable pour le lecteur que je suis.

   David   
1/10/2011
 a aimé ce texte 
Vraiment pas
Bonjour,

J'ai trouvé les personnages stéréotypés, et les situations de même, avec des descriptions lourdes parfois. Pour exemple, celle qui reprend le titre vers la fin :

"La réminiscence de certaines scènes d’une troublante lubricité déclencha aussitôt en elle une vague de sensualité qui réveilla son désir."

La lubricité ne pourrait pas être le contraire de troublante, je ne trouve pas de mot d'ailleurs, c'est comme un érotisme sexuel, une perversité dérangeante, une sensualité suggestive, c'est des nuances trop ténues pour que le couple dise beaucoup plus que l'un ou l'autre, à moins d'en faire une thèse peut-être.

Mais je ne jette pas la pierre, c'est bien le signe d'un plaisir à écrire, et d'ailleurs il passe dans les divers excès justement, c'est un peu le thème en plus. Ça sera le bon côté de ce récit pour moi.

Il y a aussi un passage, deux plutôt, qui aurait pu permettre de créer... une double personnalité à ce personnage de Katherine :

Citation :
De temps à autre, son attention délaisse sa navigation papillonnante pour embrasser l’espace qui l’entoure. Les timides rayons d’après-midi automnal, qui se faufilent à travers les carreaux encrassés d’une fenêtre dépourvue de rideaux, ne parviennent pas à égayer la tapisserie défraîchie des murs. Et les rares meubles mal assortis, disposés sans recherche, n’atténuent en rien la sensation de vide qui émane de la pièce. Seuls le ronronnement du PC et la lumière diffuse de l’écran donnent un peu de vitalité à cet environnement délabré.


Il semble étrange quand vient celui-là, bien plus loin :

Citation :
Katherine aimait l’ordre qui régnait dans son vaste logement de Saint-Cloud. Adepte du feng shui, elle avait su créer, grâce à ses talents de décoratrice, une harmonie épurée où couleurs, formes et matières ne devaient rien au hasard. De larges baies vitrées renforçaient la clarté de cet intérieur luxueux. C’était son refuge, loin de l’effervescence citadine.


C'est quoi sa banque au bureau de Geek et son apart' d'esthète orientalisée, elle a pas un truc qui clignote en passant de l'un à l'autre, le second va quand même mieux avec sa dégaine.

Elle aurait pu être un personnage double, mais ça referait l'histoire ; du coup, ça ne fait que rajouter un cheveu dans la soupe.

EDIT : Ah, ben, j'ai complètement raté le flash back, je viens de le lire en com, l'oeil du pigeon faisait le lien.

   aldenor   
3/10/2011
 a aimé ce texte 
Bien
Le supplice de Tantale. Une transposition originale. Actuelle. Dans le sens où les rencontres inassouvies sur le net, « supermarchés de la drague », sont comme les fruits insaisissables de Tantale.
Le regard du pigeon est une fine transition. Sans le commentaire de David, je le ratais moi aussi !
Finalement, tout se tient et l’écriture est correcte encore que je trouve les dialogues trop secs.

   Meleagre   
5/10/2011
 a aimé ce texte 
Pas
Le début m'a fait sourire : transposer un mythe grec sur des sites de rencontre, fallait oser. Les pseudos des prétendants et le dialogue sur les flèches d'Artémis, dans cette veine-là, sont bien trouvés.
Mais après, j'avoue que je me suis ennuyé. Que de clichés ! En gros, l'histoire peut se résumer ainsi : une quadra lubrique collectionne les amants d'un soir, jusqu'à séduire le copain de sa fille (quand Tantale donne son fils à manger). Pas très consistant, comme intrigue. Et tout ça est raconté avec beaucoup de lieux communs : l'histoire entre la directrice et l'employée, la chambre d'hôtel, les relations froides entre la mère et la fille, les menaces de l'épouse trompée, etc. On ne nous en épargne aucun !
Je n'apprécie guère la scène d'amour dans l'hôtel. Un peu plus, ça virait au hors charte. Et je trouve déjà qu'il y en a trop pour que ce soit vraiment littéraire. Être un peu plus évocateur, moins descriptif, moins trivial, n'aurait pas fait de mal. Ici, on pense à une mauvaise scène d'un film de série B (la culotte, les vêtements qui glissent les uns après les autres).

Et j'observe, tout au long de l'histoire, une attention démesurée à des détails banals de la vie quotidienne, qui pour moi n'ont pas leur place (ou pas une si grande place) dans un récit littéraire : "Elle respira à fond et escalada les marches d’un pas alerte. Les odeurs de cuisine et l’agitation domestique du voisinage se mélangeaient au fur et à mesure de sa montée. À peine essoufflée, elle accéléra dans la dernière volée d’escalier, pressée de retrouver le calme de son appartement." "Elle contempla un moment les feux du couchant qui irradiaient l’horizon, écrasa son mégot dans le cendrier et rentra. Le congélateur était rempli de plats tout prêts. Elle sortit la première barquette qui lui tombait sous la main et l’enfourna dans le micro-ondes. Cinq minutes de cuisson. " Si vous voulez vraiment leur laisser beaucoup de place, il faudrait que ce soit dans un style plus travaillé, qui leur donne de l'intérêt. Ici, on passe sans transition du soleil couchant, sujet poétique s'il en est mais expédié en trois mots, à une barquette de surgelé, sujet trivial et qui prend toute la place. Le style aurait du mettre en valeur ce contraste, pour montrer que Katherine a un esprit prosaïque et regarde à peine le couchant. Là, on voit mal le lien entre les deux.

Oui, la trivialité, les lieux communs et l'érotisme envahissent peu à peu ce récit, qui me laisse à la fin un sentiment d'ennui.

Edit : Je viens de comprendre, en lisant les comms, le mécanisme du flash back : la première et la dernière partie sont situées au même moment, dans la même pièce ; le regard dans l’œil du pigeon déclenche les souvenirs, la "réminiscence". Mais à mon avis, ce procédé est trop caché. Il aurait peut-être fallu nommer le pigeon dans la première partie ("Il est là, derrière les vitres poussiéreuses de la fenêtre, et la fixe de son œil rond." : qui, il ?), et nommer la pièce où elle se trouve dans ces deux parties (une chambre, un bureau, un salon ?) pour que le lecteur puisse faire le lien plus facilement.

   Bidis   
6/10/2011
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Le début du texte n’est pas accrocheur du tout. Toute la tirade « Passons à autre chose » et l’interminable liste de pseudos m’a semblé verbeuse et totalement inintéressante. Le style m’a paru très convenu (sans doute que je suis particulièrement sensible à tout ce qui me renvoie à la lourdeur du mien propre, car je me fais les mêmes reproches à cet égard...). J’ai trouvé que les clichés surabondent du début à la fin, les personnages font chromo, ils n’acquièrent pas de vraie force.
Cependant, l’intrigue m’a paru finalement intéressante. Et je me suis félicitée d’avoir lu ce texte jusqu’au bout, parce que, tout de même, j’ai pris du plaisir à en voir se démêler les fils. J’ai trouvé que les auteurs ont eu une façon originale d’aborder le mythe de Tantale et la chute m’a surprise.
Pour moi, cet aspect là n’est pas du tout négligeable...


Oniris Copyright © 2007-2023