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Policier/Noir/Thriller
Patrick : La voiture
 Publié le 20/06/07  -  2 commentaires  -  9156 caractères  -  29 lectures    Autres textes du même auteur

Une sale journée pour un VRP


La voiture


Jacques passa la dernière sortie d'autoroute. Il se dirigea vers le centre ville où l'attendait son labeur quotidien. Il était V.R.P. comme l'indiquait le macaron au bas de son pare-brise. Il travaillait depuis déjà 10 ans chez Dufresne et Bossneur, grand fabricant de matériel pour papeteries et librairies. Durant toutes ces années, Jacques n'avait cessé de grimper dans la firme. Les résultats qu'il alignait mensuellement le portaient à être en tête de liste du meilleur démarcheur. Ce classement, faire valoir de l'entreprise, découlait d'une visite de son PDG dans l'univers concurrentiel américain. Sur la porte de l'établissement, trônait la courbe des ventes et la photo de l'heureux élu. Un exemple qui devait motiver ses confrères et dégoûter ses concurrents. Jacques avait un sens de la communication très développé. C'est avec ce talent qu'il réussissait à embobiner du soir au matin tous les commerçants qu'il côtoyait.


C'était sa dernière année de démarchage. Dans quelques mois, il passerait chef des V.R.P. du secteur numéro 1, le plus grand et le plus important. Son futur poste l'obligeait à devenir un bureaucrate sédentaire, mais qu'importe, il avait envie de ne plus courir les routes. Le monde avait beaucoup trop changé. D’un côté, il avait un patron qui exigeait du chiffre et encore du chiffre sans se préoccuper des moyens pour l’obtenir, de l’autre une répression routière accrue qu’il détournait avec aisance. Parfois, il roulait pied au plancher sur cent kilomètres, pour arriver à la hauteur du radar à l’allure exigée, puis il remettait ça. La moralité qu’il en tirait n’assurait qu’une véritable sécurité sur un kilomètre mais un authentique racket moralisé par un État se donnant bonne conscience.


Sa famille pâtissait de ses horaires incongrus. Il roulait tranquillement, bercé par une douce musique sortant de l'autoradio, quand tout à coup, entre deux véhicules, surgit un homme qui se jeta délibérément sous ses roues. Un réflexe incroyable lui permit d'écraser la pédale de frein en un temps record. La voiture s'immobilisa. Pendant une fraction de seconde, un frisson glacé lui parcourut l'échine. Il resta transi d'émotion, les mains crispées sur le volant.


Tout tremblant, il descendit. Un homme, face contre terre, gisait, juste au ras des roues. Un mince filet de sang coulait de l'oreille de la victime. Jacques se baissa et retourna le corps inerte. Son visage se révulsa quand il vit l'homme. C'était lui... les mêmes traits, la même bouche... tout quoi, un véritable sosie. La victime était vêtue d'une façon semblable, pourtant Jacques était sûr d'avoir aperçu une sorte de clochard, pas un homme de son élégance. Effrayé, il le lâcha. Il regarda autour de lui pour trouver de l'aide. Comme par une étrange coïncidence, il n'y avait personne, même pas un autre véhicule. Le lieu était désert.


Il remonta dans la voiture et recula pour dégager le corps. Quand il redescendit, il n'y avait plus rien. Plus de cadavre. Plus une seule trace de l'accident. Même la trace de freinage avait disparu. Il resta l'air hagard devant ce néant inexplicable. À quelques centaines de mètres du troublant accident, il trouva un lieu de réconfort. Il entra dans un bistrot, puant le tabac froid, à la pollution sonore mariant bruits de baby-foot à celui d’un vieux flipper qui sonnait comme un stand de foire. Il s'accouda au comptoir et commanda un cognac pour se remettre de ses émotions. Il vida le verre d'un trait puis repartit.


Il était midi et demi et son ventre n'arrêtait pas de le rappeler à l'ordre en manifestant son impatience par des bruits épouvantables. Machinalement, il brancha l'autoradio. C'était les jeux sur Radio Soleil. Dominique Patou, son animatrice préférée, posa la question cinéma du jour. « C’est un film de 1925. En voici le thème : un homme, après de nombreux déboires professionnels et sentimentaux, se trouve impliqué dans une affaire de meurtre ! » Jacques fit appel à ses souvenirs cinématographiques. Le thème lui rappelait bien quelque chose mais son titre... Le feu passa au rouge. « Ah ! Enfin une bonne réponse au 677.81.10 ! Il s’agit bien du film d’Edouard Harbet : la mort d’un homme ! »


La dernière phrase le fit sursauter. La mort d’un homme, atroce histoire qui lui était arrivée ce matin. Le feu passa au vert. Il démarra. Juste au coin de la rue, alors qu'il allait s'arrêter, déboucha à toute allure, un homme sur un vélo qui vint de nouveau s'encastrer sous ses roues. « Ce n’est pas possible ! » S'écria Jacques terrorisé. Le même réflexe lui permit de stopper. Cette fois, il descendit aussitôt de la voiture. Une bicyclette, complètement tordue sur le trottoir donna une idée de la force de l'impact. Un homme gisait à terre. Il portait exactement les mêmes vêtements que sa pseudo victime du matin. La même image s'imposa à lui quand il retourna l'homme. Il vit son visage. « Cette fois-ci, il ne s’évaporera pas ! » Il était agenouillé quand quelqu'un l'interpella.


- On peut savoir ce que vous faites à genoux sur la chaussée ? Demanda un policier qui l’observait depuis quelques minutes.

- Mais c’est à cause du vélo et de l’homme…

- Quel vélo et quel homme ?


Jacques constata à son grand regret qu'une fois de plus tout avait disparu. Dans la fraction de seconde où il avait répondu au gardien, l'horrible cauchemar avait fait le ménage. Devant l'agent songeur, il changea rapidement de sujet.


- Je cherche la rue du Fermoir !

- La rue du Fermoir… Mais, vous y êtes !

- Ah, oui ! … Pardon… Je cherche le numéro 56 !

- Vous êtes juste devant ! Dites-moi, vous ne seriez pas un peu trop surmené ou bien faut-il que je sorte un alcootest ?

- Certainement ! … Heu ! …Non… Je veux dire. Ah oui, le surmenage… Excusez-moi… Merci monsieur l’agent !


Il remonta dans son véhicule et démarra aussitôt. À la devanture de la boutique de son client, un écriteau annonçait la fermeture du magasin pour cause de décès. Il allait faire demi-tour quand une voix le sortit de son abasourdissement.


- Pauvre monsieur Paul… Un homme si gentil !


Il interrogea la concierge qui venait de sortir de chez elle.


- De quoi est-il mort ?

- Vous ne le savez pas ? Il s’est fait écraser ce matin par une voiture ! Lui qui aimait tant faire de la bicyclette !


Hagard, Jacques regagna son véhicule. Les mains sur le volant, les yeux dans le vague, il réfléchissait. Qu'est-ce que tout cela pouvait bien signifier ? Un mauvais présage ? Il continua anxieusement sa journée, allant de client en client, quand il regarda sa montre. « Allez ! C’est l’heure de rentrer ! Cette maudite journée est terminée ! » Il était maintenant persuadé qu'il allait lui arriver un accident de la circulation, soit avec sa voiture, soit à pied. Il rentra en faisant très attention. Toutes les secondes, il guettait le moindre danger qui pourrait se présenter à lui. Constamment il lorgnait, un coup dans le rétroviseur avant, un coup dans celui de gauche puis dans le droit. Il était dans un tel état de peur, que de grosses gouttes de sueur perlaient de son front. Après ce qu'il considéra comme un véritable parcours du combattant, il arriva devant chez lui. Manque de chance, le côté de stationnement l'obligea à se garer au bord du trottoir opposé à sa maison. Il coupa le contact et chercha nerveusement dans sa poche les clés de son domicile. L'étape voiture était achevée. La seconde épreuve l'attendait. Il devait traverser la rue, ouvrir le portail du jardin, remonter l'allée et pénétrer dans la maison. Il transpira plus fort en pensant au trajet. La rue était étrangement déserte, comme si d'un éclair allait surgir l'irrémédiable. Il prit la poignée de la portière et l'ouvrit doucement. Il ne voulait pas attirer l'attention sur lui. Il était maintenant dehors. Un coup d’œil à gauche, un coup d’œil à droite. Rien. Personne. Alors il s'élança, traversa à vive allure la chaussée, culbuta dans une poubelle, s'écroulant de tout son long. Il rampa dans l'allée jusqu'à la porte principale, au passage, il s’arracha les mains et les genoux sur les cailloux concassés, poussa la porte et entra.


Un soulagement profond s'extirpa de sa chair. Rien maintenant ne pouvait plus l'atteindre. Sur son postérieur, appuyé contre la porte, sa respiration retrouvait un rythme normal. Il ferma les yeux un instant pour obliger son corps et son esprit à chasser toute angoisse. La malédiction ne pouvait plus jouer. Il se releva, s'épousseta, constatant avec plaisir qu'il était toujours vivant et bien entier.


L'intérieur de la maison ressemblait à un véritable capharnaüm. Des jouets, de-ci de-là, jonchaient le sol. Jacques, en voyant le spectacle, grimpa à l'étage et trouva ses deux fils, Sylvain et Michael, en train de jouer.


- Vous avez vu le fourbi ! Allez ranger tout ça avant que votre mère ne rentre de son travail !


Les deux enfants, sans broncher, se levèrent. C'est à ce moment que Jacques, en voulant redescendre au salon, glissa sur une petite voiture de collection, qui le déséquilibra et l'envoya directement au pied de l'escalier où il se fracassa le crâne. Moralité, grande ou petite, une voiture c’est quand même dangereux !



 
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   strega   
19/3/2008
 a aimé ce texte 
Bien
* soupir *. L'histoire est franchement pas mal. L'introduction est assez brève mais suffit à camper le personage de Jacques. Je me suis parfaitement figurée de quel genre d'homme il s'agissait (sans jugement hein).

Le suspense est bien mené du début à la fin, l'auteur nous dit juste ce qu'il faut. Assez pour continuer à lire avec envie, pas assez pour tout comprendre immédiatement.

Mais alors la chute franchement. C'est facile. Ce ne sont pas les voitures qui sont dangereuses, mais bien les conducteurs...

Enfin, déçue par cette fin qui semble vraiment posée là, comme ça, sans trop de convictions.

   cherbiacuespe   
7/5/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
L'introduction se lit facilement. Pas d'inutile perte de temps, on comprend vite qui est Jacques. Puis l'intrigue s'installe. Les questions se bousculent. Que se passe-t-il, pourquoi, comment, qu'adviendra-t-il ? On navigue dans le suspense total. On entre dans la maison de Jacques en sachant très bien qu'il va se passer quelque chose. On se doute un peu. Mais quoi ? Et là, patatras ! la morale de l'histoire. Patrick, on n'a pas le droit de gâcher une si bonne nouvelle avec un truc pareil, ça vous cauchemarde la nuit, ça ! La morale, c'est pour les contes ou les fables, pas pour une histoire comme la vôtre.

J'apprécierais donc en essayant d'oublier ce faux-pas pourtant inexcusable !


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