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Policier/Noir/Thriller
Patrick : Un nouveau jeu
 Publié le 30/04/07  -  8 commentaires  -  9779 caractères  -  72 lectures    Autres textes du même auteur

Il n'y a pas que les jeunes qui s'ennuient dans les cités... Parfois la police invente de nouveaux jeux...


Un nouveau jeu


La pendule au-dessus du vieux bureau, marquait neuf heures du soir et le calendrier, à l'effigie d'un policier en pleine action, annonçait le 9 juillet 1999. Nous étions en période estivale. Dans le commissariat du quartier de Melvange, l'atmosphère était à la morosité.


- Un tarot, les gars ? lança le brigadier-chef Nathan.

- Oh non ! c’est tous les soirs la même chose !

- Alors un 421 ? renchérit Lambert, le planton de service.


Les trois agents de l'ordre se morfondaient dans la petite pièce. Aucun appel, rien de rien qui puisse les distraire un peu. Le décor n'avait rien de folichon. Il était autrefois le local des bains-douches de la ville. Peu d'éléments de l'ancienne structure avaient disparu. Pourtant, à une époque, les gardiens avaient du pain sur la planche. C'est dans ce haut lieu que la répression battait son plein. Il y a quinze ans, ce commissariat avait été créé en urgence pour faire régresser la vague de crimes, de violence, dans la cité-dortoir de Melvange. Tous ceux qui avaient eu le malheur de tomber entre les mains de nos trois compères avaient gardé, dans tous les sens du terme, un souvenir profond de leur passage. Hélas pour eux, les équipes gouvernementales de l'époque proposèrent un plan de décentralisation. Les habitants furent dispersés vers d'autres zones d'habitation, plus facilement contrôlables.

Dans la cité, il ne restait guère que cinquante locataires sur les deux mille de la belle époque. Nos trois agents, seuls rescapés des diverses mutations, restaient là, plantés dans leur taudis.


Lucien se leva, faisant grincer sa chaise sur le carrelage dégoûtant. Les deux autres le regardaient.


- Moi, j’ai un nouveau jeu ! dit-il.


Il attrapa le bottin, le posa sur la table en poussant les cadavres de bière qui s'y trouvaient accumulés depuis pas mal de temps. Il ferma les yeux, leva la tête vers le plafond, ouvrit l'annuaire et promena son doigt de haut en bas, puis il stoppa net.


- Celui-là ! s'écria-t-il. (Il lut à haute voix.) Victor Casset, 10 rue du lion d’or.

- Et alors ? interrogèrent les autres, le regard hébété. C’est lui, notre nouveau jeu ?

- T'inquiète, ça sera formidable !


Les compères, dans un premier temps, dénigrèrent l'idée de leur collègue. Au fur et mesure que Lucien expliquait sa règle du jeu, ils changeaient d'avis. Ils allèrent jusqu'à proposer plusieurs versions.

La voiture roulait en zigzag en direction de la rue du Lion d'or. À l'intérieur, une chaude ambiance remplaçait la morosité de ces dernières heures. Lucien, le képi enfoncé jusqu'aux oreilles, conduisait en riant grassement. Nathan rota à l'arrière, en digérant ses quatorze canettes de l'après-midi. Quant à Lambert, il pleurait dans son mouchoir à l'idée géniale de ce nouveau jeu. Le véhicule stoppa à un carrefour.


- Si ma mémoire est bonne, la rue que nous cherchons est tout de suite à droite ! dit Lucien, heureux.


Ils repartirent au pas jusqu'au coin de la rue.


- C’est bien là, il ne reste plus qu’à trouver le numéro qui nous intéresse !

- Là ! s'exclama Lucien, en pointant son doigt.


Le 10 de la rue du Lion d'or était un charmant pavillon de banlieue, laissant apparaître les talents de jardinier du propriétaire. Derrière la grille rouge, des massifs de fleurs multicolores ornaient l'allée centrale. Les trois hommes descendirent de la voiture sans faire de bruit. Nathan laissa échapper un dernier "Burp", en refermant la portière. Le bruit incongru eut un effet instantané sur ses deux camarades qui, la main sur la bouche, pouffèrent comme des idiots.


- Un peu de sérieux les gars, c’est notre premier candidat, il ne faut pas le rater ! grogna le brigadier-chef


Victor Casset, la cinquantaine, administrateur des pompes funèbres, regardait tranquillement le film à la télévision quand la sonnette retentit. Il posa délicatement son verre sur le rebord de la table, se leva en s'essuyant la bouche et se dirigea vers la fenêtre. Il souleva l'épais rideau de coton pour apercevoir le visiteur nocturne. Dehors, il n'y avait personne. Il abaissait le rideau, quand de violents coups contre la porte le firent sursauter.


- Police !… Ouvrez au nom de la loi !


L'homme pâlit, aussi surpris que l'enfant qui vient de naître. À peine avait-il tourné la clé dans la serrure que la porte s'ouvrit violemment, laissant apparaître deux policiers, le torse gonflé, formant un mur infranchissable. Le troisième était caché derrière les deux autres, s'étouffant pour ne pas éclater de rire.


- Casset, tu es foutu !


En lâchant ces mots, les deux hommes empoignèrent le pauvre type qui ne comprenait absolument rien à la situation. En quelques secondes, il se retrouva à terre, les menottes aux poignets.


- Ton compte est bon, Casset ! À ta place, j’avouerais tout de suite !

- Mais avouer quoi ?

- Ah, Ah ! Tu fais déjà l’innocent !


Le brigadier-chef Nathan entra à son tour dans le jeu et referma la porte pour ne pas attirer la curiosité des passants. Il décocha un violent coup de pied dans le ventre du pauvre Victor.

- Et avec ça, tu retrouves la mémoire ?


Lucien retint le second en faisant une moue désapprobatrice.


- Ne le déglingue pas, on ne pourrait plus jouer ! lui glissa-t-il discrètement dans l'oreille.


Ils attrapèrent l'homme sous les bras et le collèrent sur une chaise.


- Tu sais, Casset, nous savons tout au sujet du meurtre de ta femme !

- Ma femme ? Mais je ne suis pas marié !

- Nous savons ça, mais il faut faire semblant, comprends-tu ?

- Non ! fit Victor, terrorisé.

- Bah tant pis !


Il lui donna une claque retentissante. Victor commença à saigner du nez.


- Mais qu’est-ce que… Je ne comprends rien à vos salades… Je n’ai rien fait !

- Tu n’as rien compris ! Tout ça est un jeu ! Tu entends : un jeu !

- Un jeu ? Et les coups aussi !

- Bien sûr ! Tout ça, c’est une mise scène pour faire plus vrai ! Tiens, c’est comme ton procès !... Ce qu’il faut, c’est jouer le jeu, parce que c’est un jeu !

- Un procès ! Mais quel Procès ? Vous êtes complètement dingues !

- Pas de grossièreté avec nous, mon pote !


Lucien se fit plus doux, plus complice encore.


- Ton procès, tu sais bien Victor ! Tu permets que je t’appelle Victor ?


L'homme, reniflant son sang, laissa échapper un petit : « Oui ! »


- Voilà qui est très raisonnable Victor ! Eh bien, puisqu’il n’y a plus de problème, commençons ton procès !


Nathan se leva, très digne.


- Au nom de la loi, je déclare coupable de meurtre le sieur Victor Casset, ici présent. Dans une nuit qui reste à déterminer, il a étranglé, poignardé, brûlé et mordu sa femme ! Une pauvre vieille impotente et moche : Gertrude Casset ! Quelqu’un a-t-il quelque chose à dire ?


Un grand silence soulagea l'assemblée.


- Bien… Que plaide le coupable ?


Lucien tapa sur l'épaule du pauvre type qui n'espérait qu'une chose : que le cauchemar se termine.


- Coupable… Vas-y, dis-le ! lui suggéra Lucien.

- Coupable ! balbutia Victor.

- Quoi ? Je n’ai rien entendu !

- J’ai dit coupable ! s’emporta Victor.

- Plus fort !

- Putain, je vous ai dit COUPABLE ! hurla Victor, au bord de la crise de nerfs.

- Bien ! L’accusé plaidant coupable pour le meurtre de sa femme - qu’il n’a pas par ailleurs - sera condamné…


Nathan regarda les autres pour y puiser l’inspiration.


- Condamné à mort ! lança-t-il à la cantonade.


Sur le visage des deux autres, une certaine joie s’inscrivit. Victor releva la tête. Il était dégoulinant de sueur et en proie une frayeur totale.


- La mort ?... C’est aussi pour jouer ?... Hein ? Dites-moi, c’est aussi pour jouer ? termina-t-il en hurlant.


Lucien décrocha la ficelle du store, fit un nœud coulant, qu'il enfila au crochet du lustre de la salle à manger. Victor suppliait qu'on lui réponde.


- C’est un jeu ! C’est tout ! le rassura encore une fois Lambert.

- Mais vous êtes complètement tarés, les mecs ! Détachez-moi, je ne veux plus jouer !

- Pourquoi tu t’énerves comme ça ? Que vas-tu faire ? Appeler la police ?


Lambert et Lucien attrapèrent de nouveau l'homme en dessous des bras en le serrant très fort. Victor gesticulait, en espérant s'évader de la tenaille musculaire qui le coinçait. Nathan posa délicatement une chaise sur la grande table de chêne. Il passa la cordelette autour du cou du malheureux. Les deux autres l'empoignèrent et l'installèrent sur la chaise.


- Calme-toi Victor ! Si tu bouges comme ça, tu vas bêtement glisser ! lui conseilla Lucien.


Nathan reprit la parole.


- Vois-tu Victor, c’est fini ! La partie est terminée. Nous allons gentiment rentrer à la maison.

- Alors le jeu est terminé ! Vous êtes sûr ?

- Puisque je te le dis. Tu n’as plus rien à craindre !

- Alors pourquoi vous ne me libérez pas ?

- Patience ! Lucien est en train de compter jusqu’à cent. Quand il aura terminé, tu seras considéré comme mort et la sentence accomplie !

- Vous me rassurez ! Pendant un instant, j’ai cru que vous vouliez me faire la peau !

- Tu vois, ce n’était pas si difficile de nous faire plaisir !

- Cent ! s’exclama Lucien. En tout cas, tu as perdu, Nathan. Tu me dois cent balles ! Il n’a pas pissé dans son froc !

- Eh oui, c’est la règle du jeu ! renchérit l’autre.


Il paracheva sa phrase d'un regard de compassion pour le pauvre homme et il mit un coup de pied dans la chaise.


- Voilà ! Justice est faite ! lança Nathan pour conclure.

- Ce que tu peux être mauvais joueur ! conclut Lambert.


Les trois hommes regardèrent le pendu. Ils s'assirent de nouveau, accoudés sur la table, la tête dans les mains. Ils se regardèrent en soupirant. Un léger sourire passa sur leurs lèvres pour enfin éclater de rire.


- Qu’est-ce qu’on s’est marré !


Lambert attrapa le bottin qui traînait près du téléphone.


- À mon tour maintenant !


 
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   Tchollos   
30/4/2007
Sur la forme, y a sûrement toujours des choses à dire mais là j'en vois pas ;). C'est bien écrit. Simple et efficace. C'est le style d'écriture fluide qui tente de se faire oublier pour mettre en valeur l'histoire. Ecrire simplement, c'est très difficile mais c'est essentiel il me semble quand on veut mettre en valeur l'émotion, l'atmosphère et le suspense. Donc, j'ai l'impression que tu as bien réussi ça. Bon, en toute honnêteté, je n'ai pas aimé le fond (les goûts et les couleurs hein). Le but est de créer un malaise, voir même une réflexion mais c'est trop "gros", trop "caricatural". Oui, on est un peu perturbé mais comme on n'y croit pas une seconde, c'est moins percutant. Il faudrait plus de nuances.

J'ai passé un bon moment en tout cas, merci.

   Pat   
2/5/2007
L'histoire est assez ahurissante : est-ce une prophétie pour après les prochaînes élections (françaises). je suis d'accord avec Tchollos : c'est assez caricatural. Mais efficace tout de même. Ca fout les jetons. Et avec la bêtise, rien ne paraît impossible. on oublie un peu le style pour se concentrer sur le récit, ce qui me semble plutôt pas mal. Toutefois une phrase m'a laissée perplexe : "Tous ceux qui avaient eu le malheur de tomber entre les mains de nos trois compères avaient gardé, dans tous les sens du terme, un souvenir profond de leur passage". Est-ce une allusion sexuelle? ou une maladresse?

   Maëlle   
19/5/2007
Plutôt flippant, assez peu plausible. Heureusement!

   Ninjavert   
19/5/2007
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Je suis assez mitigé aussi... L'idée est rigolote (je me comprends) mais c'est trop gros. Il n'y a aucune surprise, car on se doute pertinement depuis le début que nos trois poulets ne jouent pas (enfin si, mais on se doute qu'ils vont vraiment le tuer.)
Dans ce genre, un peu sordide, j'ai préféré un film comme "funny games" de Michael Haneke, où là on ressent un véritable malaise, qui va bien plus loin que celui de jouer avec la vie de quelqu'un.
En fait, je n'ai pas très bien compris la finalité de la chose. S'il y a une morale (ou un message, plus simplement) il n'est pas clair. S'il n'y en a pas, je trouve ça un peu gratuit, un peu facile.
Néanmoins, c'est très bien écrit, et structuré... J'ai lu jusqu'au bout avec un certain plaisir.

   Ten   
2/6/2007
 a aimé ce texte 
Bien
L'idée est sympa et l'histoire est fluide. C'est vrai que c'est gros, et pourtant, ça m'a mise mal à l'aise. Peut-être parce que ce pauvre homme semblait vraiment désemparé. Et je crois qu'à sa place, je l'aurais été aussi. Comme le récit est bien structuré et très agréable à lire, il est très facile de se mettre à la place des personnages, et je pense que c'est surtout pour cette raison que l'on a un sentiment désagréable à la fin.

Pour moi, les policiers sont saouls, ce qui rend leurs réactions et leur jeu beaucoup plus crédibles.

Une nouvelle à lire.

   Menvussa   
22/3/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↓
C'est plutôt bien écrit, mais ça fait dans l'humour noir avec beaucoup de noir et pas beaucoup d'humour, froid dans le dos.

   monlokiana   
10/8/2011
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Certains passages m’ont beaucoup fait rire, mais il faut avouer que je n’ai pas du tout aimé ce jeu. On ne joue pas à tuer les gens.
Le début est ennuyant. Pour moi, ça ne m’a servi à strictement toutes ses infos. L’écriture est fluide, c’est rythmé, on s’en bien l’idiotie et l’ennui de ces flics qui n’ont rien à faire et qui trouvent qui jeu qui s’avère être de l’horreur. Un malchanceux s’est avéré être le premier de la liste.
Je me suis pas mal embrouillée dans les personnages. Peut être est-ce à cause des prénoms.
Petites remarques :
« Les trois agents de l’ordre se morfondaient dans la pièce. » je trouve inutile de préciser encore que se sont des policiers, du moment où c’est déjà dit au début.
« -Police, ouvrez au nom de la loi » ça sonne trop faux !
Bref, j’ai apprécié.
Un bon moment de délire.
Mêlé à de l’horreur.

   cherbiacuespe   
1/5/2021
 a aimé ce texte 
Un peu
Pour moi, je suis plutôt devant un film d'horreur. Quoique le style choisi ne convienne pas. La simplicité du récit, je suis pour, avec enthousiasme. Mais là, je trouve que l'histoire manque de consistance. Déjà invraisemblable, si une plus-value n'est pas ajoutée, on reste un peu désappointé par l'incohérence de la situation.


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