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Réflexions/Dissertations
Pepito : Le choix dans la dette
 Publié le 07/10/13  -  19 commentaires  -  13736 caractères  -  238 lectures    Autres textes du même auteur

Un économiste sérieux ne donne jamais son numéro de téléphone, il en communique, tout au plus, une vague estimation…


Le choix dans la dette


À peine bousculé par des essuie-glaces fatigués, le lourd rideau de pluie ondule, dévoilant par intermittence une route de montagne détrempée. L’interminable ruban d’asphalte, estompé par le halo de buée gluante rongeant le pare-brise, se tortille convulsivement dans le rayon jaune pisseux des phares. Sur le toit, les doigts nerveux de l’orage d’été martèlent la carrosserie avec entrain. Grondement continu, couvrant presque le son crachotant de la radio.


… FMI a exclu jeudi shcrissh toute discussion sur un nouvel allégement shcrissh de la dette nationale et a précisé que shcrissh le remboursement de la nouvelle tranche serait… Clic !


– Font chier avec leur dette !


Un panneau signalant l’entrée d’un village profite de sa distraction pour faire une brève apparition. Gabriel n’a même pas le temps de lire le nom du bled. Une bonne chose cependant, la pluie s’est arrêtée brusquement, comme bloquée par les invisibles remparts de la cité. En quelques instants le ciel s’éclaircit et son moral remonte.


Il longe la rue principale déserte et arrive sur une place minuscule. À sa droite, la terrasse d’un petit restaurant déborde sur la chaussée encore humide. Un couple de clients est attablé sous l’auvent malgré la relative fraîcheur de ce début de soirée. Sur le côté de la terrasse, au-dessus d’une porte aux petits carreaux de verre, une enseigne lumineuse clignote un « PENSION OUVERTE » de bon aloi. Épuisé, Gabriel se gare, prend son sac de voyage et, longeant la terrasse, se dirige vers l’entrée du petit hôtel.


* * *


Berçant tout le hall de son lourd tic-tac, l’énorme horloge étale le temps à grands coups de balancier cuivré. Tassé derrière le minuscule comptoir de l’hôtel, Pierre rêvasse depuis un bon moment. Voyageant vers un passé lointain, emporté sur un tout autre rythme par une population bigarrée et joyeuse, il longe en rêve une rue mal éclairée de la capitale, vers une boîte de nuit interlope, lieu de toutes les débauches. Un endroit merveilleux, où pour le moins, on avait une chance de rencontrer l’âme sœur ou, en l’occurrence, l’âme frère. Une époque d’insouciante jeunesse, ce qu’il est de bon ton d’appeler le « bon temps »… Rien à voir avec cet hôtel miteux dans lequel, par dévotion familiale, il est venu s’enterrer deux ans auparavant.


Le dling guilleret de la porte d’entrée le fait sursauter. Signe évident que le commerce n’est pas florissant. Un gars au visage d’ange mais à la mine renfrognée se glisse dans l’entrée. Traînant derrière lui un sac de voyage au long vécu, il écarte de l’épaule la lourde porte au groom récalcitrant. Pierre se redresse, soudain intéressé. Pour une fois qu’un client franchement bien foutu débarque dans son antre. Celui-là, s’il commande un Perrier-rondelle à onze heures du soir, je vais le lui monter en grimpant les escaliers quatre à quatre… Mais bon… faut pas trop rêver… Arrêtant aussi sec de fantasmer, Pierre se fend d’un très professionnel :


– Bien le bonsoir, cher monsieur.

– Bonsoir, bonsoir, vous avez une chambre pour la nuit ?

– Il me reste notre meilleure chambre, elle donne sur la cour, vous serez tranquille…


Une seconde d’hésitation…


– … c’est 100 euros, payable d’avance…

– Ben dites donc, c’est pas la crise partout on dirait… OK, tenez et en liquide en plus. Je laisse mon sac dans le hall, je le monterai tout à l’heure, je vais d’abord en griller une.

– Pas de souci, à tout à l’heure, minaude Pierre tout en escamotant prestement le billet, les yeux langoureusement rivés sur le bas de dos de Gabriel.


* * *


Wouf ! La bouffée de chaleur monte d’un coup, rougissant un peu plus sa face rubiconde. Déjà un crissement joyeux pétille dans les airs, tandis qu’agités d’une main rapide et sûre, les ingrédients s’étalent dans la poêle. En un instant un délicieux parfum monte de la fricassée. Tout ce bouquet de petits bonheurs subtils s’échappe du piano pour venir ensorceler la cuisine et faire le bonheur de Luc.

Déjà il anticipe le plaisir de partager une nouvelle recette avec des convives de qualité. Voir les yeux pétiller, les figures passer de l’interrogation à la surprise, de la surprise au ravissement. Attendre ensuite un hochement de tête dans sa direction, signe que de l’autre bout de la terrasse sur la place d’un village perdu dans la montagne, un gourmet éclairé s’incline devant son savoir-faire.

Mais les clients avertis se font rares et pour l’heure, seul un couple âgé occupe une des tables de la terrasse. Il vient de les servir avec un grand sourire et revient s’installer devant ses fourneaux.


– La soirée est bonne ?


Luc tourne légèrement la tête pour apercevoir Pierre, en train de se glisser par la porte donnant directement sur le hall de l’hôtel.


– Ouais, seulement deux habitués, mais des connaisseurs. Et toi, comment vont les affaires ?

– Aujourd’hui, je ne peux pas me plaindre, d’ailleurs je suis venu payer mes dettes, ajouta Pierre, tout en tendant le billet de 100 euros. Voilà pour les repas que je te devais.

– C’était pas à la minute, mais j’avoue que ces 100 balles tombent à merveille.


La radio posée sur la hotte du piano grésille les informations du soir.


… présente un déficit public estimé à 12,7% du produit intérieur brut, et une dette publique représentant 113% du PIB, l'inquiétude grandit…


– Tu comprends quelque chose à ce charabia ? demande Pierre en fronçant un sourcil dubitatif.

– Bah, c’est simple. Tout ça, c’est la faute à l’invention du sac à dos.

– Pardon ?

– Ben oui, le sac à dos c’est l’début de l’accumulation, tu savais pas ?

– J’avoue ne pas te suivre… répond Pierre, attendant, sourire aux lèvres, que le cuistot goguenard dévoile une de ses théories fumeuses.

– Ben… vois-tu… physiquement, nous n’avons pas évolué depuis ce temps fort lointain où nos ancêtres se déplaçaient en groupe, grignotant à droite à gauche ce qu’ils pouvaient se mettre sous la dent. Un mode de vie aussi simple que celui des grands singes : aussitôt cueilli aussitôt avalé. Pas de calculs savants.

Puis, un jour où son ventre était déjà plein et la nature généreuse, un de nos ancêtres a eu l’idée de stocker le prochain repas dans un repli de la vieille peau de bique qu’il avait autour des reins. Du même coup, il a inventé le sac à dos et la notion de propriété. Un peu plus tard, un jour où il avait la flemme, un autre de nos ancêtres a pris un caillou pour en mettre un grand coup sur la caboche du premier et lui piquer son sac. Celui-là a inventé, du même coup, le vol à la tire et une nouvelle forme de relations sociales.

– Il n’aurait pas plutôt inventé le capitalisme ? intervient Pierre en souriant.

– Non, ça c’est celui qui a volé deux gibecières, alors qu’il ne pouvait en porter qu’une, mais l’idée en découle. Bref, jusqu’à l’invention du sac à dos, si l’homo sapiens avait un truc à manger dans la main et qu’il en voulait un second, il était obligé d’avaler ou de lâcher le premier. Comme sa morphologie l’empêchait naturellement de stocker, rien dans son cerveau n’a été prévu pour stopper sa soif d’accumulation. Avec la sédentarisation, le sac à dos va devenir grenier à blé, puis coffre-fort et aujourd’hui, à l’heure de l’immatériel, il n’y a plus de limite physique à l’accaparement. Du coup, pour remplir un tel tonneau des Danaïdes, il faut piller toujours plus de sacs à dos ou les piller mieux. Le gag est que les prédateurs deviennent plus efficaces et plus puissants à chaque pillage, allant ainsi à l’encontre des intérêts de l’espèce. Darwin n’a pas vu venir l’invention du sac à dos et c’est de là que découlent tous nos malheurs…

– Marrante ta théorie du jour.

– Content qu’elle t’ait plu. Heu… si tu as une minute, tu peux me garder la boutique juste le temps d’aller faire une course ?

– Pas de problème, mais fais vite.


Luc jette un dernier œil sur le couple en train d’attaquer le fromage et se dirige, aussi vite que le lui permet sa corpulence, vers l’escalier de la pension.


* * *


À moitié allongée sur le lit, la nuque calée par un oreiller plié en deux, elle regarde la télévision d’un œil distrait. Un déshabillé, qui autrefois avait dû être sexy, recouvre avec peine le haut de ses cuisses un peu grasses. Agitant les mains en éventail au niveau de son visage, les doigts de pieds écartés par de petits morceaux de coton hydrophile, Marie-Made attend que le vernis de ses ongles sèche.


Son esprit butine, de souvenirs enjolivés en rêves inachevés, à la recherche d’un hypothétique bon moment. N’importe quoi, pourvu qu’elle puisse fuir la triste réalité de sa chambre de pension. Le présentateur du journal télévisé en décide autrement. Sous prétexte de lui remonter le moral en décrivant les malheurs du monde, il se met à expliquer, à grands renforts de détails scabreux, la situation dans laquelle baigne une pauvre fille à l’autre bout de la planète. Agacée, elle tend la main vers la télécommande en train de se noyer entre deux plis de drap. Au moment où elle va annihiler l’importun présentateur, deux coups discrets se font entendre contre la porte. Surprise, elle pense d’abord à Pierre venant réclamer son retard de loyer, mais la discrétion n’est pas vraiment le style de cette grande folle. Une seconde d’hésitation, et elle se décide.


– Entrez !


La porte couine sur ses gonds et la tête de Luc apparaît dans l’ouverture. Sa bonne bouille avinée fait plaisir à voir. Une tête d’enfant pris en flagrant délit de gourmandise.


– Salut Luc ! Entre, je ne suis pas trop présentable, mais… entre nous… Viens donc t’asseoir près de moi.

– Bonsoir Marie-Made, je ne peux pas rester, j’ai des clients en bas. Je viens juste te régler la dernière séance de… massage.

– Oh, c’est gentil mon chou, répond, tout sourire, Marie-Made.


Elle attrape le billet de 100 euros du bout des doigts.


Luc reste un instant les bras ballants, cherchant, mine de rien, à grappiller un brin du spectacle offert par les cuisses grassouillettes de Marie-Made. Puis, prenant soudain conscience du regard amusé qu’elle braque sur lui, il rougit un grand coup et bafouille.


– Bon… ben, j’y vais. À plus Marie-Made.

– Bise mon chou. Et merci ! répond-elle avec une moue mutine.


* * *


Un bruit de talons descendant lentement l’escalier résonne dans le hall, couvrant un instant le tic-tac de l’horloge. Revenu se caler derrière son comptoir, Pierre arrête de tripoter la radio et lève le nez.


– En voilà une belle descente, Marie-Made ! Même Marilyn en plein show ne ferait pas mieux. Te manque juste un truc en plumes autour du cou et, bien sûr, quelques kilos en moins.

– Je vois que tu es toujours aussi délicat, mon cher Pierre, tiens voilà de quoi te redonner le sourire, rétorque Marie-Made, en déposant le billet de 100 euros sur le comptoir.

– Effectivement, pour le coup c’est une surprise. C’est même carrément un jour miraculeux. Alléluia, ma sœur, te voilà à jour de ton minuscule loyer !


Sans un mot de plus, Marie-Made hausse les épaules, fait demi-tour et remonte lentement l’escalier, accentuant en guise d’au revoir le vertigineux va-et-vient de ses fesses. Pierre, tout en enfournant prestement le billet dans son tiroir-caisse, ne peut s’empêcher de commenter le balancier callipyge.


– Gaffe à la rampe, elle est d’époque… elle aussi.


Un majeur tendu bien haut lui signale tout le bien que Marie-Made pense de sa réflexion.


* * *


Installé sur un banc de la placette, dégustant l’ambiance hors du temps du petit village, Gabriel fume avec gourmandise une cigarette bien méritée. Face à lui, le soir descend en souplesse sur la seule table occupée du restaurant où le repas est bien entamé. Déjà le moment du fromage où se mêlent discussions hachées et Brie de Maux. Quelques instants plus tard, au moment du dessert, la nuit tombe délicatement dans les assiettes, ne faisant pas plus de bruit que le roulement d’une mûre mûre glissant d’une tartelette. Une paix douce et parfumée enrobe le bruissement des conversations. Son regard erre autour de lui et accroche soudain, à l’extrémité de la place, un panneau indiquant la distance de la prochaine ville. Il se lève précipitamment, jette son mégot dans le caniveau et se dirige à grands pas vers la pension de famille.


Ce coup-ci, Pierre n’est pas surpris par la sonnette. Voyant débouler Gabriel dans son hall, il ne peut s’empêcher d’apprécier à nouveau la belle allure de son client.


– Déjà mangé ?

– Heu, non. En fait, je viens de m’apercevoir que je suis tout près de chez moi et qu’en à peine une heure je serais rendu à la maison. Hmm… pour tout dire, il n’est pas très intéressant pour moi de dormir ici et je me demandais, hmm, si vous me rembourseriez la chambre ?


Un Perrier-rondelle s’évapore dans la nuit poursuivi par un chapelet de bulles.


– Ben, vous n’avez même pas monté vos bagages, je vois difficilement comment vous refuser un remboursement.


Masquant sa déception d’un sourire, Pierre pose le billet de 100 euros sur le comptoir et le pousse vers Gabriel.


– Je n’ai plus qu’à vous souhaiter bonne route, je suppose… ?


Un silence gêné s’étale quelques secondes. Sous le comptoir, la radio profite de la pause pour s’insérer dans la conversation.


… niveau cumulé de la dette shcrissh européenne a atteint un tel seuil, qu’il sera difficile shcrissh aux générations futures de rembourser, si shcrissh une solution n’est pas trouvée. De plus, …


Gabriel en profite pour détourner la conversation tout en empochant le billet.


– Encore cette histoire de dette, quel ennui ! J’ai bien l’impression qu’il n’y a pas de solution au problème… bon, ben… bonne soirée et merci de votre compréhension…


 
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   Anonyme   
19/9/2013
 a aimé ce texte 
Bien
La pirouette de la fin m'a beaucoup plu ! Pierre n'a absolument rien touché, mais miraculeusement le fric circulant a réglé les dettes des occupants... Voilà une petite fable plaisante et qui, mine de rien, donne à réfléchir.
Cela m'a rappelé un film avec Annie Girardot (je crois que c'est "Elle boit pas, elle drague pas, elle fume pas... mais elle cause", ou un titre du genre), où une femme de ménage fait chanter une de ses pratiques, ce qui entraîne un enchaînement de marchés d'un personnage à l'autre, et tout ce petit monde se retrouve dans un parc pour se passer le mistigri (le fric) qui circule sans jamais s'arrêter, de plus en plus vite. Cette scène m'a beaucoup frappée, je l'avais considérée comme une allégorie de l'inflation.
Je retrouve la même ambiance ici, mais sur un mode languissant que je trouve un peu lassant... Par ailleurs, la "théorie" du capitalisme par le cuisinier ne me paraît pas utile au mouvement du texte, j'ai au contraire l'impression qu'elle le parasite sans apporter grand-chose ; à mon sens, le texte serait plus efficace en laissant simplement en lumière la magie de l'effacement des dettes !

Sinon, il y a quelques jolies formules, je trouve, par exemple "les doigts nerveux de l’orage d’été martèlent la carrosserie avec entrain", "la nuit tombe délicatement dans les assiettes".

   Anonyme   
20/9/2013
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Amusante cette historiette qui voit un billet de 100€ passer de mains en mains pour finalement revenir à son propriétaire, ou comment la dette va-et-vient. Une démonstration cocasse des rouages de l'endettement à petite échelle, mise en parallèle avec la crise économique. Fallait y penser.
Bien aimé aussi le rapprochement du capitalisme avec l'invention du sac à dos.

C'est joliment écrit, clair, manque juste pour ma part un intérêt soutenu. J'ai lu d'un oeil distrait, amusé donc mais loin d'être passionné par le sujet. La démonstration est quelque peu ennuyeuse et aurait méritée davantage de péripéties.

   placebo   
7/10/2013
 a aimé ce texte 
Bien
Yep, jolie écriture pour le coup et on sent le plaisir de chercher une formule plaisante tout le long. Les doigts de l'orage m'ont bien plu à moi aussi.

J'ai compris le mouvement circulaire avant d'avoir tenté de retenir les prénoms :) un peu d'approfondissement des personnages m'aurait plu, ils avaient l'air sympathiques. Je me demande si on raconte une histoire à l'aide de personnages ou si on raconte l'histoire de personnages. Ici, la "réflexion" me semble à peine légère. Et des métaphores économique, on en trouve sous toutes les assiettes :)

Bonne continuation,
placebo

   senglar   
7/10/2013
 a aimé ce texte 
Passionnément
Bonjour Pépito,


"Un économiste sérieux ne donne jamais son numéro de téléphone, il en communique, tout au plus, une estimation..." : On a proposé quelque part sur Oniris un concours des meilleurs incipits, celui-ci figurerait en bonne place dans le palmarès des vainqueurs.


A l'image de cet incipit le texte est pétillant d'esprit, d'humour et de malice en plus que d'être très bien observé et très bien écrit. Il est émaillé d'une suite de tableaux, de scènes/scénettes et de personnages tous/toutes plus affriolants/tes les uns/unes que les autres.

Le fil de la crise/DETTE à la radio au fil de l'intrigue : Génial !
Le coup du sac à dos : Aussi !
Le billet de 100 euros, euh... J'en suis encore à essayer de comprendre... Son trajet illustre bien toute l'absurdité et tout le génie du capitalisme. Mais qui donc a été roulé dans cette histoire ?

Un moment de lecture exceptionnel en cette fin de matinée !


Merci infiniment Pépito

Senglar-Brabant

:)))

   Merome   
7/10/2013
 a aimé ce texte 
Bien
L'histoire du billet unique qui rembourse toutes les dettes, connue, mais toujours intéressante.
Un style un peu trop stylé pour l'objectif (non avoué ?) de "prise de conscience", peut-être ?

   Anonyme   
7/10/2013
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour Pépito,

A la fin du premier paragraphe, je me suis dit « chic, Shining est de retour, il va y avoir un massacre dans cette histoire !»
Les doigts nerveux de l’orage + le crachotement de la radio (shcrissh) + Le FMI + la dette + le panneau d’accueil: l’horreur ! On sait en deux phrases qu’on va y laisser not’ peau. King, tu peux retourner à tes ateliers d’écriture, c’est Pépito le prof !
- « Font chier avec leur dette ! ». Comment mieux réduire la dette de mots pour expliquer que ce type est probablement dans une merde noire ? Seul ton humour peut lui sauver la vie.

Nous sommes des moineaux déplumés. Les banquiers nous regardent à peine, en poussant des petits cris de rapaces gavés. Ils sont beaucoup mieux organisés que nous. Ils appellent ton tour de passe-passe, la « compensation ».
Par exemple, tous les jours BNP crédite ses clients qui lui ont remis des chèques tirés sur le Crédit Agricole. Et inversement, le CA fait pareil dans l’autre sens. Ces échanges établissent entre les banques des comptes de compensation. Pas question de s’arracher les cheveux chaque fois qu’un quidam ratatiné par la vie fait un chèque de 10€ pour payer une place de ciné : « je t’échange d'un coup tes dix pauvres contre les dix miens ». Et là, il ne s’agit pas de trois personnages, mais de la planète entière ! Pas besoin de connaître leurs noms, à ces pauv’ mecs ! On va pas se trouer le fion à compter des mégots ! Par la compensation on peut même effacer les détails de l’argent sale. Circulez, y’a rien à voir !

Bien sûr, ils ont tous des noms d’apôtres, Pierre, Luc, abonnés au salon de massage de Marie-Made, juste couverte par une tunique de christ. D’où tu tiens que Pierre, le premier pape, était homo ? Et Luc se tapait la copine de Jésus ? C'est quoi ce bordel ? Tu veux vraiment te faire excommunier ? Pour les sauver tous en effaçant leurs dettes, il fallait au moins un ange messager de Dieu, et comme Gabriel est le plus connu…. Tu t’es pas trop emmerdé, finalement…

Quelques perles au hasard dans ta collection :
«La nuit tombe délicatement dans les assiettes, ne faisant pas plus de bruit que le roulement d’une mûre mûre glissant d’une tartelette. » Qu’est-ce que tu veux que je te dise ? C’est bon comme un pépito !

« Un Perrier-rondelle s’évapore dans la nuit poursuivi par un chapelet de bulles. » Tu m’étonnes ! Quelle désillusion ! Où trouver une autre rondelle à cette heure-ci ?

Tu es le meilleur vulgarisateur que je connaisse. La prochaine fois, explique-nous comment on peut vendre une action sans la détenir! Ou comment on peut se faire prêter des actions par des institutionnels, banques ou compagnies d'assurance, les vendre en bloc (de gros blocs) et les racheter dès qu'on a fait baisser le marché de 30%, prendre la plus-value qui va suivre, et restituer les titres à l'institutionnel, en lui versant sa commission.

Pour moi, une nouvelle c’est ça, une petite anecdote bien écrite et bien ficelée. Comme j’adore ton style et ton humour, alors forcément je trouve l’histoire un peu courte. Dis donc, tu serais pas aussi fainéant que moi ? Je m’associe avec toi quand tu veux !

Cordialement
Ludi

   Pimpette   
7/10/2013
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Histoire excellente!
Je vois d'ailleurs que tout le monde est heureux!
Moi, j'émets quelques restrictions sur l'écriture à cause de l'abondance des adverbes et des adjectifs; mais je ne boude pas mon plaisir pour autant!
C'est un défaut qui se corrige facilement!

Un mot de Clémenceau à ses rédacteurs au journal:
- Ecrivez les phrases en français avec un sujet, un verbe et un complément. Pour les adjectifs, passez me voir à mon bureau!

   cottington   
7/10/2013
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Voilà une valse entrainante, tout est là ; la famille de JC au grand complet pour dépeindre une nouvelle religion où chacun communie sans avoir l’air de s’en rendre compte !

J’adore ce regard posé sur notre société et moi, j’aime bien « le style trop stylé » !

J’ai trouvé les personnages bien dessinés, j’aurais aimé en savoir un peu plus …

Et puis cher Pépito, quelqu’un qui écrit « Berçant tout le hall de son lourd tic-tac, l’énorme horloge étale le temps à grands coups de balancier cuivré » ou encore «les doigts nerveux de l’orage d’été martèlent la carrosserie avec entrain» ne peut pas se dire « rebelle à la poésie »…

Cottington

   Acratopege   
9/10/2013
Je connaissais l'histoire, mais pas aussi bien habillée! Vos personnages sont bien décrits, crédibles, vivants. Votre style rythmé donne l'impression d'être entraîné dans une danse chaloupée. Un moment de plaisir, donc, que cette lecture. Une petite chose m'a dérangé un brin: un certain excès d'adjectifs dans certaines phrases, surtout dans les premiers paragraphes. par exemple: "l’énorme horloge étale le temps à grands coups de balancier cuivré" Mais que celui qui n'a jamais pêché vous lance la première pierre!

   dowvid   
9/10/2013
J'ai bien aimé.
J'aime les phrases longues, alambiquées parfois, qu'on doit aussi relire pour bien saisir. On n'est pas au journal, on est en littérature. Ce sont les images qui m'intéressent, les émotions qui s'en dégagent. Et les pieds-de-nez, je l'ai déjà dit je pense.
Pepito, ton écriture se rapproche de la poésie en prose (est-ce que ça se dit, ça ?) Pleine d'images, de métaphores. C'est comme ça que je conçois la poésie : Ce n'est pas le mot qui fait la poésie, mais la poésie qui illustre le mot.(Ferré).
Je connaissais l'histoire. Il me semble l'avoir vue même à la télé, me rappelle plus exactement. Il n'y avait rien de nouveau à ce niveau.
Mais les petites réflexions sur le capitalisme, le sac à dos, j'ai bien aimé. Oui ça fait un peu moralisateur, prêchi-prêcha, mais je pense qu'on peut agrémenter ses histoires avec de telles considérations quand on veut dire quelque chose, pas juste raconter un truc. Dans le fond, l'histoire n'est qu'un prétexte à dire ce que l'on pense, parfois.
L'histoire découle bien, les événements sont bien liés, on perçoit la ronde du billet avant même de la lire.
La fin est telle qu'écrite : bon ben, à la prochaine 8-)
2 ou 3 trucs que j'ai m oins bien saisi :
- Un panneau signalant l’entrée d’un village profite de sa distraction pour faire une brève apparition : je ne vois pas très bien la distraction de Gabriel avant cette phrase.
- Le dling guilleret de la porte d’entrée le fait sursauter. Signe évident que le commerce n’est pas florissant. : je n'y vois pas d'évidence, mais...
- En un instant un délicieux parfum monte de la fricassée. Tout ce bouquet de petits bonheurs subtils s’échappe du piano pour venir ensorceler la cuisine... : il vient d'où, le piano ?
Mais tout ça, c'est des broutilles.
J'imagine que dans ton scénario, tout était clair. Mais pas pour moi comme lecteur, pas tout à fait.
Merci pour la rigolade et la lecture. 8-)

   alvinabec   
10/10/2013
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Bonjour Pepito,
L'histoire, même si éculée, est plaisante à lire. Vos personnages bien campés, on les voit s'agiter dans ce lieu confiné.
Pour ce qui est du style, aïe, j'ai l'impression que vous avez agrégé des notes disparates sur un rythme binaire.
Mozart aurait dit à la relecture 'c'est brillant mais cela manque de pauvreté'. A trop vouloir peaufiner on risque que le lecteur passe à côté du texte me semble-t-il. Je reprendrais bien une sonate toute simple.
Beaucoup aimé le titre, où est le directeur du FMI?
A vous lire...

   Pepito   
10/10/2013

   Anonyme   
14/10/2013
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour Pepito

Lecture agréable, vivante, de belles trouvailles comme ce brouhaha transformé en mûre mûre - joli - et ce temps qui s'étale... perso, j'en reprendrais bien une couche.
Sourire et même rire en lisant, c'est que le but est atteint.
Le cuistot socio-philosophe me plait bien et sa théorie est originale, en tout cas je ne la connaissais pas.
Au sujet du capitalisme :
"Non, ça c’est celui qui a volé deux gibecières, alors qu’il ne pouvait en porter qu’une, mais l’idée en découle."
Le deux m’interpelle. On aurait parlé de cinq ou dix gibecières, d'accord, mais deux, c'est facile à porter non ?
Ce que j'ai particulièrement apprécié c'est le déroulé de fil en aiguille, le premier chapitre ne laissant pas augurer du tour que va prendre la nouvelle. Pour ma part, c'est très bien mené, le fil rouge est là, et il ne se voit pas.

   CharlesJosephin   
24/10/2013
bon moi j'ai le cerveau qui s'éclaire: ah mais oui!
pédagogique donc! j'aime bien.
puis j'aime bien les descriptifs fouillés; il faut rentrer dans le décor, ça ne se laisse pas lire en diagonale, mince il faut y mettre un peu de temps, le sentir, le flairer, s'y laisser porter...
après je ne sais plus si le mec qui m'a expliqué cela, il était au bas de mes escaliers ou si je l'ai lu qlq part... et ça j'aime bien aussi!

   AhmedElMarsao   
23/11/2013
 a aimé ce texte 
Passionnément
Merci Pepito pour le commentaire encourageant.
Mes nouvelles qui se cherchent encore sont en fait loin d’égaler la création et l’écriture sublime qui sont à l’œuvre dans vos textes.
Grâce à votre commentaire, j’ai cliqué sans savoir sur quoi j’allais tomber. Pepito, le pseudo annonçait bien la couleur : que de pépites ! Un trésor ! La surprise céda tout de suite le pas au ravissement. Des textes faits de flashs qui se télescopent et font jaillir mille et une visions... Un rendu saisissant fait d’une maîtrise inouïe du rhythme et de la concision. Là où la concision économe de ses moyens se condense à l’extrême pour aller de pair avec la précision expressive. Les phrases s’entrechoquent comme des atomes – des planètes ? – se fuient, se retrouvent. Telle une danse qui compose son propre mouvement, sa propre musique au fur et à mesure qu’elle se déploie. Et le tourbillon de la lecture nous entraîne, nous emporte, à notre corps consentant, pour nous amener à recomposer un monde qu’il nous arrive souvent dans notre cécité quotidienne de frôler sans nous en apercevoir.
Une écriture parsemée d’un humour décapant qui fait mouche à tous les coups, émaillée de non-dits éloquents, de béances fécondes, le tout aménagé par l’auteur à l’intention de son lecteur pour que celui-ci délaisse sa paresse et participe activement à ce qu’il lit…
Cécité sélective (un touriste qui, à la différence du « troupeau » des compagnons d’un voyage organisé, et plutôt que de s’extasier sur les lieux visités, sur le dépaysement et l’exotisme ambiant, observe attentivement le pousse-pousse qui tracte à la force de ses faibles mollets tout ce beau monde pour quelques roupies de misère…)
Involontaire réclusion : Une fable moderne où un hamster quittant sa cage, rencontre une autre bête (un chat ?) et se mettent tous les deux à philosopher sur le thème de l’asservissement et de la servitude…
Le choix de la dette : La valse d’un billet de 100 euros qui, en circulant entre les mains des protagonistes qui se retrouvent dans une pension, permet à l’auteur de nous éclairer sur les dessous de la crise, de l’endettement…
Merci Pepito.
Merci pour tout. dans notre cécité quotidienne

   Taou   
25/11/2013
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Le texte manquait un peu de dynamisme a mon goût, mais après réflexion je me dis que ça trahissait aussi l'ambiance générale, cette langueur que l'on retrouve dans des lieux désertés, sans compter la pluie et le fait que ça se passe en fin de journée! J'ai néanmoins apprécié la trame de l'histoire, cette connexion logique entre les personnages par le biais du billet qui circule. A la place de la théorie de Luc, j'aurai plutôt voulu en savoir davantage sur les personnages: pourquoi Gabriel était sur la route? S'il était si près de chez lui, il devait avoir fait ce trajet plusieurs fois auparavant et savoir d’emblée ou il se trouvait? Comment Marie-Maude a-t-elle fait pour atterrir pensionnaire dans un hôtel, etc...?
Sinon lecture agreable dans l'ensemble.

   Bidis   
20/2/2014
 a aimé ce texte 
Beaucoup
L’écriture vivante de Pepito fait des merveilles pour rendre vivante et gaie à lire cette nouvelle sans prétention qui pourtant donne à réfléchir. Tout le monde a payé ses dettes avec un billet de cent euros qui est reparti d’où il est venu. Je cherche la faille. Je pense que je vais user mes vieux neurones fatigués là-dessus pendant un petit bout de temps…
- « ruban d’asphalte » : ce texte ne mérite pas de se voir affligé d’un lieu commun si banal
- « Un panneau signalant l’entrée d’un village profite de sa distraction pour faire une brève apparition. » : J’aime bien quand les objets prennent vie et que l’on écrit à partir d’eux et non sur eux. C’est quelque chose à quoi je voudrais bien arriver.
- « Un majeur tendu bien haut lui signale tout le bien que Marie-Made pense de sa réflexion »: Très réjouissante, la façon de décrire un doigt d’honneur. »

   caillouq   
11/10/2014
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Décidément, j'aime les nouvelles économiques ! Peut-être parce qu'on se sent plus prêt à devenir intelligent après. Dans celle-ci, Pépito en profite pour nous balancer une brochette de portraits vivants et réjouissants. L'ensemble est gentiment jubilatoire.
Dex bémols : je n'ai pas compris l'utilité de donner à tout ce petit mon de des prénoms évangéliques (au début, Gabriel m'a fait penser au poulpe, mais il a fallu se rendre à l'évidence que là n'était pas le champ sémantique). Et le "minaude" de Pierre dont on vient de nous persuader de la volonté qu'il met à sembler "sérieux" (enfin, pas trop pédé) me semble totalement superflu.
Mais à part ça, que du plaisir.

   GillesP   
21/5/2018
 a aimé ce texte 
Beaucoup
De la malice, de l'humour, une écriture que je trouve impeccable, une histoire bien fichue... J'ai beaucoup aimé.
Un petit détail cependant: le parallèle avec le capitalisme ne me paraît pas coller tout à fait: la notion de capitalisme repose, dans son sens marxiste, sur l'enrichissement des uns au détriment de la force de travail des autres. Or, ici, personne ne s'enrichit, chacun règle ses dettes grâce à ce billet qui circule de main en main. Du coup, je ne vois pas bien pourquoi vous faites un développement le capitalisme, même si la métaphore du sac-à-dos m'a fait sourire.
Au plaisir de vous relire.


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