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Réalisme/Historique
Pepito : Tranches de brie
 Publié le 09/03/15  -  16 commentaires  -  11405 caractères  -  247 lectures    Autres textes du même auteur

« Et mon cœur est en perce – Et mon cœur pleure à verse – Je ne garde pas rancune, cela ne mène à rien. » Pimpette (Je larmiche en moi-même…)


Tranches de brie


Vingt et un


Merde, je l’ai pas vu arriver. D’un rapide coup d’œil à travers la porte entrebâillée, je jauge la situation, il a l’air seul. Curieux…


Curieux aussi, je n’entends rien. D’habitude il lui est impossible de débarquer dans un endroit sans ouvrir sa grande gueule. Avec sa voix aussi haut perchée que son crâne oblong, difficile de confondre son arrivée avec celle d’un autre. Mais là, silence… pas un mot.


Mine de rien, les yeux toujours baissés sur quelques affaires étalées sur mon lit, je surveille sa route. Chiotte, il prend la direction de ma travée. Il n’y a que nous deux dans la pièce, pas un seul de mes potes en vue. Bon, au moins ce sera du un contre un…


Enfin… ça c’est la théorie…


Dans les faits, il doit faire deux mètres de haut pour un cinquante de large. Du un contre un et demi serait plus juste… Du bout de ma Rangeo je fais glisser un tabouret à portée de main. C’est la doctrine de Pupi, « le premier coup est primordial, il faut y mettre le paquet ! Une arcade pétée, ça déstabilise l’adversaire… Mais bon, ça marche pas à tous les coups, hein… » Il en a toujours d’aussi bonnes le Pupi…


Voilà, il vient de stopper au pied de mon lit, inutile de faire semblant plus longtemps. Je lève la tête, gonfle le buste façon chat de gouttière et le regarde bien en face. J’en profite pour apprécier le décor. Un lit superposé à droite, un autre à gauche, mon armoire ouverte derrière moi et Anduéza devant. Anduéza dit la Bête ! Autant le reconnaître, mon horizon à court terme est plutôt bouché…


Son surnom, la Bête ne le doit pas à ses exploits dans les bastons, ni au fait d’imposer la vieille loi des servitudes sur l’étage, mais à une marche homérique effectuée par notre groupe quelques semaines plus tôt. Soixante-quinze kilomètres dans la journée avec arme et bagages sur le dos, la bonne promenade de santé. Au milieu du parcours, en plein nulle part, un embauché a stoppé net, s’est posé sur l’herbe, a enlevé ses Rangeos et a exhibé ses chaussettes… en nylon tout fin.


Il a ensuite délicatement décollé le filet de tissu de la peau de ses pieds, pour nous montrer deux magnifiques ampoules. Au jugé, j’aurais parié sur 700 watts par peton ! Comme la marche était finie pour lui et qu’il était plutôt chétif, un chef l’a embarqué sur son dos. La Bête, quant à lui, a chargé les deux sacs à dos et les deux fusils par-dessus son propre paquetage et a terminé les vingt bornes restantes en sifflotant. Arrivé au campement, il s’est mis à chercher de la bouffe dans les affaires de gars débarqués en camion, distribuant des baffes aux récalcitrants, sans même penser à poser les quatre-vingts kilos de bardas qu’il avait sur le dos.


– Hé, la Mule !


De mieux en mieux, voilà que j’ai droit à un surnom personnel maintenant. Moi qui, comme tous les gars arrivés le même mois dans cet endroit de fous, devais jusqu’ici répondre au terme générique de « Bitard ! ». J’avais fini par m’y habituer. Par rapport à deux mois de bizutage permanent, serpillière et balai toujours à portée de main, ce n’est que cerise sur le gâteau. Curieusement, j’avoue préférer mon nouveau surnom, d’autant que je sais à quoi je dois cette montée en grade.


Trois jours plus tôt, le temps de trouver un timbre, j’ai laissé la lettre que je venais de finir à plat sur la table de la chambrée. Un libérable est descendu de son lit et, avant que je puisse réagir, il était de nouveau perché en haut du superposé, mon courrier dans les doigts. Je suis resté coi, courir après ma lettre n’aurait fait qu’attiser leur envie de jouer au pompon de manège. Je n’avais pas grande crainte pour ma description du quotidien, j’étais resté très en dessous de la vérité histoire de faire crédible. Par contre, les quelques mots d’amour contenus dans ma prose allaient bien les faire marrer.


Au lieu de le faire à haute voix, comme je m’y attendais, le gars s’est mis à lire ma lettre pour lui-même, avec une concentration surprenante, en mimant les mots avec les lèvres. Au bout d’un moment il a levé les yeux, m’a regardé, m’a tendu la lettre et m’a dit : « Ah, mais t’es pas qu’un gros mulet alors ? »


J’ai réalisé à ce moment-là que, d’une part, ma technique pour me forger une réputation était particulièrement efficace et que, d’autre part, ce gars avait un mal fou à lire quelques lignes. Quand je me suis retourné, j’ai réalisé qu’Anduéza n’avait rien perdu de la scène.


– … tu veux me rendre un service ?


Bon il veut quoi, la Bête ? La dernière fois que je l’ai vu arriver en catimini, accompagné de toute sa cour, ça s’est pas bien terminé. Sous prétexte qu’on avait une grande gueule, mon pote Zépol et moi, on a eu droit à une bite au cirage. Le nettoyage, par trois degrés au-dessous de zéro, nous a d’ailleurs laissé un souvenir cuisant. Donc, mieux vaut rester prudent.


– Ça dépend… Tu veux quoi ?


Il baisse la tête, la relève l’air gêné. Holà, il va pas me proposer la botte quand même ? Faudrait pas qu’il ait pris goût à me tartiner les bijoux de famille, le bougre… Puis, tout à coup, il semble se décider, fixe un point quelque part derrière moi et se lance.


– Heu… tu voudrais m’écrire une lettre, hmm… c’est pour ma fiancée ?



Seize


La porte s’entrebâille, premier choc, l’odeur. Un mélange de renfermé, de sueur des jours d’avant et de tabac froid. Je bloque ma respiration et pousse encore le battant. Vient la luminosité… marron ! Ça existe, ça, une luminosité marron ? Le Gros doit expirer tellement de merde qu’il en a enduit les stores, je vois que ça. Je pousse encore, silence, la porte est bien huilée et le voilà.


Il n’est pas seul, pourtant je ne vois que lui. Il trône derrière son bureau marron, marron comme son costume défraîchi, marron comme sa tignasse grasse, marron comme son haleine immonde. Petit à petit, les autres apparaissent. La secrétaire de la vie scolaire, neutre, aussi passionnée par mon cas que par le ramassage des cahiers d’appel du matin. À l’autre angle du bureau, debout également, ma prof d’histoire, le pourquoi de ma présence ici. Elle se tortille sur ses hauts talons, fixant un point quelque part au-dessus de mon arcade sourcilière gauche. Hep ! Mes yeux sont plus bas… Un remords par hasard ?


Il faut bien l’avouer, d’habitude elle est canon, mais là, par comparaison avec le Gros elle est carrément magnifique. De quoi hanter une multitude de mes nuits adolescentes. Mes coturnes n’ont pas fini de me chambrer sur mon sommier musical. Mal huilé, lui.


– Asseyez-vous !


Retour à la réalité. Par défi, parce que j’ai lu quelque part qu’être assis mettait en position d’infériorité – pour elle aussi – je demande à rester debout.


– Comme vous voulez. De toute façon nous n’en avons pas pour longtemps. Vous passez en conseil de discipline pour avoir manqué de respect à Mlle Tourmet, votre professeure d’histoire. Des objections ?


Il jubile le Gros, depuis le temps qu’il cherche à me coincer, c’est Byzance ! En même temps, je ne peux pas lui en vouloir. La semaine dernière, quand on lui a joué le coup du « Train postal », il a quand même chargé.


Alerté par le barouf, il est descendu de son appart sous les combles en pleine nuit et en robe de chambre. En entrant dans le dortoir, il n’a pas été déçu, l’Immonde, un spectacle dantesque. Le pion coincé dans sa tutte, porte bloquée par un tas de chaises, le compteur électrique éteint, une barricade de lits au milieu du dortoir et une bataille de polochons homérique, aile nord contre aile sud. Guadalcanal, par comparaison, c’était la fête au village.


Au bout d’un moment, quand le Gros en a eu marre de courir après des ombres, il a enfin eu l’idée de s’approcher du compteur électrique. Cela faisait une bonne demi-heure que j’étais planqué là, à l’attendre, polochon sous le bras.


Dans le noir j’ai senti l’odeur, vu sa masse plus sombre… Alors j’ai tapé de toutes mes forces ! Cela doit encore le gratter, les crampons de rugby prêtés par Philippe tassés au fond de la taie, même au milieu des plumes, ça laisse des traces.


– Cela vous fait rire ?


Je me reprends, difficile de lui expliquer la raison de mon sourire.


– Pas du tout, monsieur le conseiller, mais je pense juste qu’il s’agit d’un malentendu. J’ai posé une question d’histoire un peu pointue à Mlle Tourmet et ne sachant que répondre, elle m’a répliqué qu’elle n’était pas une encyclopédie. Par réflexe, j’ai répondu que c’était dommage, qu’une encyclopédie comme elle, on aimerait bien la feuilleter. Pour moi, c’était plus un compliment qu’un manque de respect et…

– Trois jours !


Bon, je m’en sors pas trop mal, mais va falloir expliquer ça aux parents maintenant. Le vieux va encore piquer une colère noire.


Merde, à rester si longtemps au pensionnat j’avais presque oublié. Les coups de ceinture, aussi, laissent des traces.



Quatre


Le haut du muret m’arrive à la poitrine. Ronds et verticaux, une rangée de barreaux métalliques en émerge pour aller se perdre loin au-dessus de ma tête. De l’autre côté de cette grille une ombre impressionnante me domine de toute sa masse. Elle n’a pas de visage, pas de jambes, juste une grosse bedaine. Une grosse bedaine bienveillante et deux mains. Des mains énormes, passées à travers les barreaux, avec de gros doigts boudinés occupés à dépiauter une orange sous mes yeux.


Je n’aime pas beaucoup les oranges, surtout quand elles ont leur peau. Mais, quand je regarde ce fruit, maintenant débarrassé de sa gangue, je le trouve magnifique. Je n’ai toujours pas envie de le manger, mais mordre dedans sera un délice, j’en suis sûr.


L’orange m’est délicatement tendue, en équilibre sur l’extrémité de trois gros doigts. Quand je la saisis, elle remplit complètement ma main et déborde même un peu. La tenant à bout de bras, comme une relique, je m’éloigne de la grille, sans me souvenir d’avoir dit merci. Je fais quelques pas dans la cour, les yeux toujours rivés sur la sphère juteuse.


Soudain un cri retentit et je relève la tête.


Un rictus hideux sur la figure, à cheval sur le dos de son copain la grosse brute, le fils de la maîtresse fonce droit sur moi ! Perché à cette hauteur, il est encore plus grand, plus terrifiant que d’habitude. Je reste la bouche ouverte, les yeux écarquillés, incapable de faire le moindre mouvement. Les deux affreux m’évitent au dernier moment tandis qu’un poing fermé s’abat d’un coup sec sur ma main. Le centaure s’éloigne ensuite au triple galop, poussant des hurlements d’Indien.


Mon orange, elle, roule silencieusement sur les graviers de la cour.


Je reste là, les yeux rivés sur le fruit délicat, maintenant recouvert d’une gangue de sable et de poussière grise. Avant que de grosses larmes ne roulent sur mes joues, je tourne la tête vers la grille de l’école. Mais l’ombre s’est déjà éloignée, sans rien voir de la fin tragique de l’orange pelée.


Ma grand-mère m’a souvent raconté que, pour mon grand-père, être à côté de son petit-fils suffisait à son bonheur. Alors de temps à autre, pendant les récréations, il s’approchait de la grille de la maternelle pour m’amener un petit goûter, se donnant ainsi une excuse pour passer quelques instants près de moi. Peut-être sentait-il que ces moments-là étaient comptés ?


Cette orange est le plus ancien de mes souvenirs. C’est aussi la seule image qu’il me reste de lui.


 
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   Neojamin   
18/2/2015
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour!

Une belle petite nouvelle. J’ai bien aimé, c’est doux, c’est bien écrit. L’idée de remonter le temps n’est pas des plus originales mais elle fonctionne bien. J’aime cette trilogie d’instants séparés dans le temps. A priori, il n’y a rien de commun au trois, à priori.
La chute est belle, poétique et pleine de sentiments. L’orange qui roule sur des graviers comme un dernier souvenir... pas mal!

Sur la forme, ça fonctionne, c’est efficace, sans fioritures, direct et agréable à lire.
Une seule petite remarque :
- «j’aurais parié sur 700 watts par peton» Bof...pas très fin!
Merci!

   Asrya   
23/2/2015
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Quelques tranches de vie servies sur un bout de papier (numérique en l’occurrence).
Sympathique.
L'écriture est plutôt agréable, une histoire qui se lit facilement, sans embûche ; un bon point.
Rythmée, organisée, humaine, juste ; une aventure de vie qui sied honnêtement à la réalité.
Chacune des parties que vous nous proposez a son charme. La dernière m'a peut-être davantage enthousiasmé ; c'est celle que je me suis le plus imaginé (question de vécu probablement).
J'aime assez la complémentarité de votre récit, entre émotions, humour et tourments (légers ceci dit).
Après... je ne comprends pas trop le lien entre les différentes parties. Quatre, Seize, Vingt-et-un, y-a-t-il une logique derrière ces âges en particulier ? Simples souvenirs de votre vie ? Dans ce cas, je trouve que cela manque de lien.
Des événements indépendants qui ne construisent pas quelque chose en particulier ; simple reflet de votre personnalité. Remarquez, c'est déjà ça.

Merci pour cette lecture,
Au plaisir de vous relire.

PS : Merci pour la citation de Pimpette, elle est magnifique.

   Anonyme   
9/3/2015
 a aimé ce texte 
Bien
Une nouvelle qui commence par "Merde" j'hésite à continuer en général, surtout si, dans la foulée, je tombe sur "chiotte" mais bon, j'ai continué parce que j'étais intriguée et que l'écriture est agréable. Où se passait cette scène ? J'ai pensé d'abord à une prison mais ça ne collait pas.
Donc c'est à l'armée. Donc ça date un peu... une nouvelle-souvenir ?
Après on passe à une autre brute malfaisante... le conseiller d'éducation. Souvenir aussi, je suppose.
Et puis souvenir de maternelle avec toujours une brute malfaisante.
21 ans, 16 ans, 4 ans... j'ai juste ?
C'est gentil, c'est émouvant mais je ne suis pas emballée.

   Pimpette   
9/3/2015
 a aimé ce texte 
Passionnément
J'adorrrre!
Ton écriture toujours impecc mais que j'ai souvent boudée dans des textes de science fiction...je ne te l'ai pas caché?

Ici les souvenirs sont parfaitement choisis, traités avec verve,et humour(sinon Pepito ne serait pas Pepito), certains brutaux correspondant à l'âge....et le dernier si touchant sans aucune pleurnicherie.....que la larmichette n'est pas loin!!!

Rien de tout ceci, malgré ton talent, n'aurait existé sans cet incipit génial ...bravo!

Pimpy

Ecris zen une autre très vite!

   Shepard   
10/3/2015
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Salut Pepito !

Hmmm Tranches de brie ? Je dois dire que j'ai premièrement pensé au fromage, mais difficile d'y mettre un sens. Serais-ce un jeu de mot entre tranche de vie/bris ?

Bref, j'aime bien votre style qui n'en rajoute pas trop et qui a quelques tournures percutantes/amusantes ("Je lève la tête, gonfle le buste façon chat de gouttière" ; "Au jugé, j’aurais parié sur 700 watts par peton" ... Enfin il y en a tellement que je ne vais pas toutes les relever). On ne s'ennuie pas avec votre écriture !

Du coup, je vois un lien entre les trois parties (si je prend en compte le titre) : c'est simplement trois moments ou le personnage se mange une brute, des tranches de brie/s quoi. J'y vois aussi, peut-être une progression ... Au plus jeune âge, c'est la misère. Plus tard, il y'a une 'revanche' sans avoir le dernier mot, et finalement c'est le bourrin qui a besoin d'aide. Y aurait-il une victoire de la plume sur l'épée dans ce texte ? En tout cas j'y crois et ça me plaît !

Un texte très réussit !

   Bidis   
10/3/2015
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
J'avais déjà lu "Quatre", avec l'orange, et j'avais aimé, beaucoup.
"Seize" m'a amusée mais j'avais trouvé "Vingt et un" par trop jubilatoire, je suis redescendue d'un cran.
Car ce premier opus mérite tous les superlatifs. On a les images, le son et les odeurs. Et même du suspens. Avec, en prime, une chute A-DO-RA-BLE.

   Francis   
10/3/2015
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
J'ai lu ce triptyque le sourire aux lèvres mais aussi avec beaucoup d'émotion ! En effet ces différentes scènes m'ont emporté dans mes souvenirs. Nous avons vécu les mêmes moments !
11
Je suis pensionnaire au collège. A la récréation du soir, papa (envoyé par ma mère) arrivait à vélo. Devant la grille, il m'observait avec un sourire que je n'oublierai pas. Moi, honteux devant mes camarades, je ne me rapprochais pas de la grille. Quel idiot j'étais !
17
L’Ecole Normale et sa discipline militaire ! Trois dimanches de colle, un mois sans revoir mon petit village à cause d'un pion qui ressemblait à votre surveillant général.
20
Je suis marié et dispensé du service militaire en qualité de soutien de famille. Ouf !!!
Je remercie cette belle plume pour ce voyage dans le temps.

   Perle-Hingaud   
10/3/2015
 a aimé ce texte 
Bien
C’est quoi ce titre ?!
Vous n’avez pas pu vous en empêcher, mmh ? ^^

Bref, du boulot honnête. Je ne vais pas m’étendre, j’ai déjà lu plus travaillé de votre part, (oui, je fais ma difficile aujourd’hui), la construction est trop classique selon moi (la succession de tranches de brie, justement). Ceci dit, j’aime bien ces anecdotes. Le narrateur sait éveiller l’empathie par la sensibilité de son récit, le tout sous une couche de rigolade, parce que quand même, on est des hommes, des vrais.
Votre style est toujours aussi vivant, même si les trois « bon » et les trois « merde », sur un texte aussi court, bof…
Par contre, vous avez mis la pédale douce sur les adverbes et autres adjectifs, cette fois-ci... perso, je préfère comme ça.

Allez, on ne se repose pas sur ses facilités, on y va !

   placebo   
11/3/2015
 a aimé ce texte 
Bien ↑
21 - j'ai bien aimé, même si j'ai du relire pour comprendre l'enchainement de l'action, car il y a beaucoup d'explications :)

16 - ces pensionnats, je n'y ai pas vécu, mais j'en ai tellement lu/vu que j'ai l'impression de retrouver un endroit familier :p

4 - j'avoue que malgré la brièveté, j'ai sauté quelques lignes que je suis revenu lire après.

En fait ce qui me marque, c'est que les trois textes abordent les mêmes thématiques : la violence, l'amour (moins pour le 2eme), les relations sociales ; et leur traitement leur confère un côté "épreuve" qui fait grandir. Et on a une sorte de régression vers des sentiments de plus en plus bruts.

Globalement, j'aime bien :)
Bonne continuation,
placebo

   Myndie   
11/3/2015
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bonjour Pepito,


J’aime ce récit elliptique, que sa découpe en « tranches » à reculons rend ouvert à tous les souvenirs et donc jamais clos. J’avais déjà eu l’occasion de lire quelque part le très émouvant passage de l’orange.
Chacun de ces trois épisodes est raconté avec le talent d’écriture qu’on te connaît déjà à travers tes récits de SF mais il y a plus encore : il y a cette finesse d’observation des lieux, des circonstances, des êtres, et la manière très adroite dont tout cela nous est offert – la suggestion dans la narration. Moi j’adore.

Tout comme je me suis régalée des envolées stylistiques san antoniesques qui émaillent« seize » et que j’aurais aimé retrouver dans « vingt et un » ((dans « quatre », c’eût été de moins bon goût^^)
Mais ce que j’ai préféré à tout le reste, c’est la tendresse avec laquelle le vécu est restitué et qui confère à ces trois récits un indéniable relief.
Alors après la SF, Pepito expert es-poétique de la nostalgie ?

   Louis   
11/3/2015
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Trois moments "forts" dans le vécu du narrateur.
Trois moments marquants qui ont pour point commun de se trouver confronté à la force brutale et violente.

Le premier se situe dans une caserne : une confrontation avec un grand type, costaud, résistant, surnommé « La Bête ». Le narrateur craint une agression. À côté du colosse, il ne fait pas le poids, ni même hauteur et largeur, et effectivement il n'en mène pas large.
Mais la force brutale cache autre chose, la demande d'une lettre d'amour. La puissance physique et violente s'incline devant un autre pouvoir, reconnu au narrateur, le pouvoir d'écrire et d'exprimer des sentiments par l'écriture.
Dans cette expérience, le narrateur semble découvrir ce qui permet de surmonter sa faiblesse physique, son état d'infériorité, et d'échapper aux brutalités de l'existence : le pouvoir de l'écriture.

Le deuxième temps marquant se situe dans le pensionnat d'un lycée. Le narrateur se trouve confronté, cette fois, à un conseiller d'éducation à l'apparence « immonde », un homme « marron », surnommé : « le gros ». De nouveau, l'homme en mémoire ( « Il n' est pas seul, pourtant je ne vois que lui ») présente une allure bestiale, sauvage, une puissance impressionnante et redoutable.
Il s'agit cette fois aussi de remédier à la faiblesse, à une situation d'infériorité. ( telle est bien la préoccupation, comme l'atteste la volonté du narrateur de rester debout : « J'ai lu quelque part qu'être assis mettait en position d'infériorité, je demande à rester debout » ). Ce n'est pas l'écriture qui est cette fois le remède, mais l'impertinence, la dérision, l'humour potache. Le Gros conseiller a subi « le coup du Train postal », plaisanterie un peu rosse, tout de même.

Le troisième et dernier moment se situe dans une école primaire ou maternelle. On remonte dans le temps, le narrateur est cette fois un jeune enfant.
Deux puissances cette fois sont en présence. L'une, bienveillante et protectrice, celle du grand-père, « Une grosse bedaine bienveillante et deux mains. Des mains énormes... ». L'homme apparaît gros, énorme à l'enfant, mais la grosseur ici est délicate et bienveillante.
L'autre puissance est brutale, hostile, méchante. Elle est représentée par « le fils de la maîtresse », qui apparaît grand, gigantesque, « à cheval sur le dos de son copain la grosse brute »

Le narrateur enfant fait la découverte d'une puissance plus grande que celle de son grand-père, mais qui n'a rien de bienveillant.
Le géant imposant et doux se trouve abattu, mis à terre, par un autre géant, brutal et cruel.
L'orange roule sur le sol, et se recouvre « d'une gangue de sable et de poussière grise ».
L'orange, substitut du grand père, se retrouve dans la terre et se couvre de poussière. Dans la mémoire de l'enfant, elle est l'image du grand-père disparu, enterré, enrobé de terre.
L'orange à terre est associée à l'absence du grand-père dans la scène infantile : quand l'enfant se tourne vers la grille, comme pour un appel à l'aide, le grand père a disparu, « l'ombre s'est déjà éloignée ».
L'orange vivante, enveloppée de l'image du grand-père, de sa peau, est « juteuse », « délicieuse » ; l'orange morte, enveloppée de terre, n'est que pleurs et déception.
Vivante, elle est promesse de liberté, de vie que l'on croque.
Enveloppée de terre, elle est une absence, un manque de protection, une solitude par laquelle l'enfant se sent livré seul aux difficultés de la vie, à ses pépins, à sa cruauté, à son acidité ; livré seul à la force brutale et méchante.
Une scène émouvante du désarroi d'un enfant.

Trois moments marquants donc, qui se caractérisent par l'écriture, le rire, l'émotion.
Trois caractéristiques importantes du narrateur dont on devine qu'il est aussi l'auteur.
Le titre joue sur les mots « brie » et « bris ». Mais les trois moments, trois tranches de vie, ne sont pas seulement des « bris », mais aussi des moments affirmateurs et constructeurs d'une personnalité. Ce n'est pas rien, c'est pourquoi Pepito peut en faire.. tout un fromage. Un fromage savoureux.

   molitec   
12/3/2015
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
J’ai trouve ce texte très agréable a lire, et qui a pu rester harmonieux malgré les changements d’ambiance, on est transporté dans trois environnements différents dans une seule nouvelle, avec quelque chose de commun , comme des références discrètes, trois étapes différentes dans la vie du personnage, qui ont presque une forme commune ; le personnage se retrouve au début de chaque situation en face de quelqu’un de plus "grand" que lui, les intentions de ce dernier vers la fin diffèrent d’une tranche a une autre ; d’abord sollicité (vingt et un), jugé (seize) et ensuite aimé ou apprécié (aime) , il avait changé en grandissant et les intentions des autres aussi, chose qui est peut être banale ou normale, toutefois ces tranches mise l’une a cote de l’autre donnent a ce changement plus de relief en quelque sorte.
J’aime cette écriture fluide, j’aime beaucoup aussi l’humour présent dans le texte, comme ces deux passages : (il y’en a beaucoup d’autres dans le texte)
« Je bloque ma respiration et pousse encore le battant. Vient la luminosité… marron ! Ça existe, ça, une luminosité marron ? » Cette phrase m’avait fait rire, quelle simple remarque drôle, bizarre et inattendue !
« Cela faisait une bonne demi-heure que j’étais planqué là, à l’attendre, polochon sous le bras. »
Drôle dans le contexte.
Quant a l’intrigue, j'ai eu l'impression qu'il s’agissait d’une même intrigue qui se répète dans le temps, avec des dénouements différents a chaque fois, le dernier étant différent des autres, le plus important peu être...
Enfin, j’ai trouve la dernière partie et la chute particulièrement touchantes.
Merci pour cette lecture, au plaisir.

   Coline-Dé   
11/3/2015
Pepito, j'aime bien quand c'est rigolo, mais je crois que je préfère encore dans le registre un poil sentimental. C'est toujours très visuel, très vivant, une écriture qui ne s'embarrasse pas de tournures compliquées, qui va droit au but, avec juste un petit détour par l'humour. On y croit. Ca ( j'ai la cédille en panne sèche) pourrait être autobiographique, du genre d'autobio que je trouve chouette.
Il y a quelques bricoles qui mériteraient un petit ponçage ( elle n'est en panne que pour les majuscules) comme par exemple la répétition de "réalisé"ici :
"J’ai réalisé à ce moment-là que, d’une part, ma technique pour me forger une réputation était particulièrement efficace et que, d’autre part, ce gars avait un mal fou à lire quelques lignes. Quand je me suis retourné, j’ai réalisé qu’Anduéza n’avait rien perdu de la scène. "

Mais ça finit sur un goût d'orange au parfum délicieux...

   Alice   
12/3/2015
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Ah! Enfin! Orange de Pepito, je te retrouve!
Une excellente idée que de raconter les vingt et un ans à rebours, cela met du piment à l'histoire, même si j'ai été assez bête pour ne pas m'arrêter au "seize" à la première lecture, ce qui m'a un peu fait perdre le fil (j'ai une tendance étrange à occulter ce qui est en gras, comme si je refusais de me plier à l'exigence d'un changement de caractère, avant je regardais toujours pendant cinq minutes en me disant que ça devait être important, mais finalement tout ce que j'enregistrais c'était: c'est en gras).
Bref.

J'ai eu des doutes au départ en me disant que le style comportait un peu trop de familiarité à mon goût, ça me paraissait facile et pas particulièrement agréable (cette manie d'écrire "bite", notamment, je dois dire que je serai à jamais trop québécoise pour y réagir autrement qu'avec un léger "rrrrhoo" mental). Mais il y a une subtilité, une tendresse dans le récit qui surprend et qui laisse couler les "merde" et autres. Le rythme est également admirable, pas de longueurs.
Le grand-papa est évidemment mon préféré, car autant j'aime votre humour autant je suis avant tout une grande sentimentale :P
Les "700 watts par peton" m'ont bien fait rire. "Un remords par hasard?" aussi.

Le début est selon moi plus faible que le milieu et la fin, sauf ces passages concernant le bas de nylon (je dirais que ça démarre vraiment là) et la requête de la Bête. Je crois que ma réserve du début touche plus la mise en page que le texte en tant que tel, on est toujours convaincu que le prochain paragraphe donnera des éclaircissements, sans qu'il le fasse jamais, alors on vous en veut du saut de ligne ;)
Le message est simple : dans la vie, bah y a toujours une grosse brute quelque part. Avec toujours un rôle à la fois violent et philosophique, je dirais, du moins c'est ce que je pêche dans ce texte.

Un plaisir, comme toujours; et ça faisait un moment, non?

Alice

   Anonyme   
15/3/2015
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Pepito dans le registre tendre, j’aime aussi beaucoup, surtout que l’humour Pepitache n’est jamais bien loin.^^

Trois tranches de Brie sur un fil rouge claquent au vent du temps passé.
Ainsi va la vie, de l’amour/orange aux mots d’amour écrits qui adoucissent les brutes épaisses.

Le tout, narré de ton écriture fluide et imagée qui fait mouche à chaque fois, m'emballe dans la douceur au parfum d'orange.

Merci l’Ami.^^

Cat

   Acratopege   
28/3/2015
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Voilà du vrai Pepito, avec un style direct, un propos simple, mais toute une subtilité de sentiments et de situations. Violence et passion, amour et autorité, puissance et misère, tout y est à travers ces trois historiettes en coup de poing. Dommage qu'il n'y en ait que trois: j'aurais bien apprécié un 87 dans un asile de vieux, un 1 à la pouponnière, un -0.5 dans le ventre maternel!


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