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Policier/Noir/Thriller
peridot : La fin justifie les moyens
 Publié le 05/08/07  -  6 commentaires  -  9120 caractères  -  20 lectures    Autres textes du même auteur

Tout le monde rêve d'être célèbre, mais abandonne rapidement. Moi, je n'ai jamais abandonné.


La fin justifie les moyens


J’ai toujours rêvé d’être quelqu’un de célèbre. La façon dont j’allais m’y prendre m’importait peu. Donc, à l’âge de cinq ans, ma mère m’a donné mes premiers cours de chant. Comme plusieurs jeunes filles de mon âge, j’étais convaincue que je deviendrais la future Céline Dion et que je changerais la vision du monde par le son même de ma voix. Je suis donc devenue très compétitive pour pouvoir réussir ce que je voulais accomplir. Je voulais être la meilleure dans tous les domaines. C’est pour une de ces raisons que j’ai « accidentellement » déchiré le dessin d’une fille qui avait eu une note plus haute que la mienne. J’avais pas accepté que le professeur préfère son dessin au mien. Évidemment, je m’suis arrangée pour que personne ne sache que j’étais coupable d’avoir fait pleurer cette braillarde. C’est en partie pour ça, que j’avais de la difficulté à trouver des amis ; j’étais trop différente et ils aimaient pas ma façon de penser. Il me semblait que les jeunes de mon âge acceptaient pas le fait que j’étais supérieure aux autres et ils faisaient en sorte que j’étais la deuxième meilleure au lieu d’être la première. J’ai donc passé mon primaire seule. Ça me dérangeait pas parce que je rêvais toute la journée d’être la plus jeune chanteuse au monde... ce qui était naturellement mon destin.


- Je suis désolée madame, mais il n’y a rien à faire avec votre fille. Tout le temps que j’ai mis à essayer de lui faire sortir quelque chose de potable de sa bouche a été donné en vain. Je n’ai vu aucune amélioration de sa part depuis ces trois derniers mois. Votre fille n’a aucun potentiel de chanteuse.


J’étais donc là, l’oreille collée derrière la porte où se trouvaient ma mère et madame Sophia, mon professeur de chant. J’comprenais pas de quoi elles parlaient puisque j’étais persuadée que j’avais une voix merveilleuse.


- S’il vous plaît madame, vous faites sûrement erreur. Vous avez sûrement pas mis les efforts requis. Ma fille peut pas chanter mal à ce point.


- De toutes les personnes à qui j’ai enseigné, votre fille est la seule qui n’a effectué aucune amélioration. Je suis désolée, mais elle n’a aucun talent de chanteuse. Peut-être qu’elle trouvera sa place ailleurs… Maintenant veuillez m’excuser, j’ai un cours qui va commencer dans cinq minutes.


J’ai pas aimé sa dernière phrase. J’ai eu la légère impression qu’elle croyait pas en ce qu’elle disait. J’entendais des pas se diriger vers moi, je me suis donc vite retirée de la porte pour laisser passer madame Sophia avec son air snob en premier, suivie de ma mère, qui m’a jeté un regard déçu.


Je l’avais plutôt bien pris. Après une semaine, j’étais redevenue la petite fille de cinq ans, toujours aussi énergique et déterminée d’atteindre son plus grand rêve. Les années ont passé plutôt rapidement et sans que je l’aie vu arriver, le secondaire faisait maintenant partie de ma vie. J’étais pas une fille timide et j’aimais plutôt attirer l’attention. Je faisais donc partie des « troubleurs de classe », ceux et celles qui se faisaient exclure de la classe plusieurs fois par semaine. Ça m’permettait d’avoir une réputation et d’être connue dans toute l’école. J’avais déjà atteint un point de célébrité. Mais une école était trop petite et j’étais vite insatisfaite. Le seul cours que je réussissais facilement à respecter et peut-être même à aimer était le cours de théâtre auquel j’assistais à peu près deux fois par semaine. À la fin de mon secondaire 5, on a présenté la pièce de théâtre Cyrano de Bergerac. J’avais obtenu le rôle de la belle Roxane et j’ai fait un succès. J’ai par contre été obligée de faire quelques démarches nécessaires pour obtenir le premier rôle féminin. On devait descendre les escaliers pour nous rendre aux auditions, le « hasard » a fait que j’étais placée derrière la seule personne qui pouvait avoir assez de potentiel pour décrocher le rôle de Roxane à ma place. Ma main s’est alors subtilement placée derrière son dos pour ensuite pousser un tout petit peu. Elle s’est jamais rendue à l’auditorium, elle pouvait même plus marcher. De toute façon, elle méritait pas d’avoir la première place parce qu’elle s’est crue assez belle pour essayer de me voler mon Éric. Donc tout est resté sous mon contrôle et à la fin de mon spectacle, j’entendais les spectateurs me dire : « Bravo ! » « Belle prestation ! » ou bien « Tu étais la meilleure ! » À partir de ce moment, j’ai su que je voulais devenir une grande actrice et mon rêve de devenir célèbre a ressurgi en grande force.


- C’est une chose, moi, où je ne consentirai point. Les alliances avec plus grand que soi sont sujettes toujours à de fâcheux inconvénients. Je ne veux point qu’un gendre puisse à ma fille reprocher ses parents, et qu’elle ait des enfants qui aient honte de m’appeler leur grand-ma...


- Stop ! Stop ! Je n’en peux plus ! Êtes-vous certaine que vous voulez devenir comédienne ?


- J’en suis plus que certaine… monsieur. J’ai prononcé le dernier mot avec dédain.


- Alors ayez-en l’air d’une ! Vous restez plantée là comme si vous ne saviez pas quoi faire. Vous avez une scène entière ! Utilisez-là ! De plus, vous ne donnez pas la bonne expression. Mme Jourdain est contre l’idée de son mari. Elle ne veut pas que sa fille se marie avec un gentilhomme. N’ayez pas l’air d’avoir envie d’embrasser votre mari. Nom de dieu ! Allez, rentrez chez vous et tentez votre chance l’année prochaine.


- Peut-être préféreriez-vous que nous fassions une pause et que nous recommencions après ? Vous avez l’air fatigué.


- Oui je suis fatigué ! Je suis fatigué de vous entendre. Sortez d’ici !


- Vous savez pas ce que vous dites. Pensez à la chance que vous aurez de m’avoir dans votre équipe. J’pourrais améliorer la pièce en jouant dedans...


- Hors de question ! Suivant.


Il est aveugle et inconscient lui. Il s’rend même pas compte à quel point il laisse passer sa chance de posséder quelqu’un qui a du talent dans cette école, il connaît pas le Bourgeois gentilhomme aussi bien que moi et ça se voit. Je joue très bien Mme Jourdain et il le sait. Il est simplement jaloux de pas pouvoir faire mieux. Pendant encore trois ans j’ai fait les mêmes auditions pour entrer dans l’école de théâtre et pendant trois ans j’ai été refusée.


Pendant ce temps, j’ai travaillé comme caissière dans un magasin Winners pour ramasser de l’argent pour pouvoir entrer aux études pour devenir biologiste. Je pourrais ainsi créer un antidote contre le SIDA et devenir connue à travers le monde comme étant une des meilleures biologistes mondiales. J’ai vite renoncé à cette idée puisque ça demandait trop d’efforts, trop d’études et trop de mémorisation. Avant de partir, j’ai quand même décidé de laisser ma trace en détruisant les observations des élèves qui réussissaient mieux le cours que moi. C’est moi la meilleure ici ! Ils ont pas le droit de jouer aux plus fins avec moi. J’ai ensuite songé à faire d'autres choses qui pouvaient me rendre célèbre comme la politique ou inventer un tel produit qui ferait un tel accomplissement, ça m’importait peu. J’ai essayé plusieurs méthodes, mais jamais j’arrivais à bout de mon plus grand rêve. J’ai cherché et j’ai formé des plans mais aucun fonctionnait. J’ai longtemps cherché le moyen qui pouvait m’emmener au sommet et enfin étancher ma soif de célébrité.


Cette idée est arrivée quand je regardais les nouvelles. J’en avais assez de voir que les gens deviennent célèbres sans y donner l’effort. Alors que moi, je donne tout pour l’être. Une femme qui a cent ans a rien fait pour être reconnue, elle a juste attendu que le temps passe. Un chien qui sauve une petite fille du feu. C’est le travail des pompiers ça ! Le chien est trop imbécile pour accomplir quelque chose comme ça ! De toutes façons, ces petits gestes seront vite oubliés. Il faut quelque chose de grand, quelque chose qui va marquer les gens et qu’ils pourront pas oublier.


J’ai maintenant 27 ans et j’ai finalement accompli mon rêve de toujours. Je suis traitée comme une reine et tout mon entourage et les gens de l’extérieur connaissent mon nom et mes accomplissements. J’peux dire que j’ai pris les grands moyens pour y arriver et j’ai dû sacrifier certaines choses, mais l’important est là. Les médias parlent de moi, les journaux parlent de moi et les gens parlent de moi. Je dois évidemment remercier Sophia, les juges responsables des trois années d’auditions que j’ai passées et toutes les personnes qui au début m’empêchaient d’arriver à la gloire, mais qui en me donnant leur vie ont réussi à se faire pardonner. Certaines personnes me croient folle, mais je n’suis qu’une passionnée de l’accomplissement. Je vais au bout de mes rêves et on m’admire pour cette qualité. J’suis peut-être pas la personne la plus appréciée, mais tant que mon nom est connu, ça me va parfaitement. Une fois sortie de prison, je pourrai recommencer encore une fois pour garder mon nom en première page. Pour l’instant, je savoure ma victoire. J’ai pas abandonné et j’abandonnerai jamais. Si cet acte m’a rendue célèbre, je l’ferai autant de fois qu’il le faudra, et ça, jusqu’à ma mort.



 
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   guanaco   
8/8/2007
Je n'arrive pas à savoir ce qui me gène dans cette nouvelle.
D'un côté j'ai de la pitié pour cette fille "malade" à la limite du psychopathe, dont tous les actes meurtriers (car tel est l'objectif finalement) obéissent à une logique froide et justifiée (pour elle).
Le personnage est assez bien construit.
C'est je crois la construction du texte qui me titille. le personnage est présenté maladroitement et des infos sont distillées trop rapidement dès le début, notamment les explications/justifications sur les gestes de la petite fille. Il est bien de temps en temps de laisser travailler l'imagination du lecteur...
Globalement, un travail intéressant.

   Pat   
15/8/2007
 a aimé ce texte 
Un peu
L'histoire est intéressante, mais le style parfois maladroit (il reste des fautes, d'ailleurs). Ex : "entrer aux études". Par ailleurs, c'est trop explicatif : on reste à distance du personnage. On sent presque une hésitation entre de l'humour (un certain cynisme dans la manière dont se décrit le personnage) et quelque chose de plus dramatique sans qu'il y est vraiment un choix entre ces deux registres. Les meurtres sont un peu trop rapidement traités, à mon avis. Qu'il n'y ait aucune culpabilité n'est pas un problème, mais peut-être un autre type de sentiment (plaisir sadique ?). C'est un peu froid... Mais ça va avec le personnage. Peut-être aurait-il fallu accentuer cela.

Un peu de retravail pourrait améliorer cette histoire, somme toutes intéressante.

   Lariviere   
15/8/2007
 a aimé ce texte 
Bien
"C'est un peu froid, mais ça va avec le personnage"
Dixit ma très chère Pat...
Je trouve justement le personnage crédible grace à cette froideur immature, et donc, je ne partage pas tout à fait les critiques de mes co-détenus oniriens au sujet de la psychologie du personnage. Cette espèce de psychologie en filigrane ou cette absence de psychologie, peut donc très bien s'expliquer pour moi par l'immaturité et le coté malheureusement médiocre d'une personne qui déni sa vrai nature, aveuglé par son ambition maladive. Le coté froid, "border line", à coté de la réalité, rejetant (haineusement) ses propres lacunes sur les autres, collent plutôt bien à celà, d'après moi.
Ensuite, je les rejoins sur la forme, bien que là encore le style "machinal" ne m'est pas tant gené que ça finalement...
Le premier paragraphe, au moins, serait à améliorer au niveau du style, parce que c'est quand même lui qui présente le récit... Un peu comme une vitrine de magazin de chocolat (belges) qu'il faut rendre alléchante. Il faut donc rendre le premier paragraphe un minimum attrayant pour faire comprendre au lecteur que l'histoire va se dérouler progressivement et ainsi donner envie à celui-ci d'aller plus loin.
Moi, sur les premières lignes, j'ai failli arreter là, devant l'écriture trop "simpliste"... Mais comme je suis bon public et que j'ai déjà réussi à finir un christine angot, je me suis dit que c'était peut être un "style qui se voulait sans..."
J'ai l'impression que c'est un peu le cas et ça rajoute une froideur qui colle là encore bien à la psychologie de la fille...
Il y aurait malgré tout, je crois, quelques couleurs et quelques feux brulants à rajouter à cette intrigue et à ce personnage pour étoffer un peu sa complexité humaine et rendre, mais la c'est un point de vue qui n'engage que moi, la nouvelle plus interressante et plus dense, la faire sortir des prévisibles sentiers battus de la psychopathie vulgaire et "tout terrain" caricaturalement décrite pas les (mauvais) films et téléfilms du genre...
Par exemple, moi, quand j'ai des personnages froids dans leur rapport aux autres à décrire, je les animes à l'intérieur de beaucoup d'images colorées, bouillonnantes, presque magmatique... Je les enfermes mentalement dans un monde étouffant, autistique, pressurisé qui donne une compréhension à leur "anormalité" relationnelle et à leur commmunication inadapté avec l'extérieur... Celà donne un contraste simple à mettre en place qui donne de la densité psychologique et du rythme...
Ceci, encore une fois est un angle très personnel, donné à titre d'exemple..
Pour finir, le texte me semble malgré tout à améliorer et à épurer de quelques maladresses de styles et de syntaxes. Mais pour la rhétorique, si elle est souhaitée comme telle, pour moi, elle parait coller avec l'histoire...

Je tiens quand même à signaler que la fin est très bonne à mon idée, la chute étant amenée de façon aussi machinalement simple que le reste du déroulement, et donc pour le coup, distillée dans le monologue sans crier gare, comme il se doit pour préserver l'effet de surprise du feu d'artifice final...

   fatou95   
20/8/2007
 a aimé ce texte 
Bien ↓
L'histoire est assez bonne et interressante. Seulement, il y a beaucoup de fautes de construction.
Au début, cela ne choque pas trop, sachant que c'est une enfant qui parle. Mais même à 27 ans, elle garde ce "parler" enfantin. C'est dommage...
Sinon, je l'ai déjà dit; mais l'histoire est bien.

   Bidis   
10/9/2007
 a aimé ce texte 
Bien
Je suis tout à fait d'accord avec les autres commentateurs.
Ce qui me gêne dans la façon de s'exprimer de l'héroïne, c'est son changement de ton et de syntaxe : dans certains passages, elle parle correctement, dans d'autres non.
Mais autrement, c'est assez criant de vérité. Et ça fait d'ailleurs froid dans le dos...

   carbona   
7/9/2015
 a aimé ce texte 
Un peu ↓
Je suis partagée. J'aime l'idée : un personnage prêt à tout pour devenir célèbre.

Mais il y a quelque chose dans le développement qui pêche. La nouvelle n'a donc pas eu sur moi l'effet escompté. Habituellement, je jubile quand le texte se termine ainsi, là non, ça ne m'a fait ni chaud, ni froid.

Je pense que cela est dû au traitement du personnage : les différentes étapes de sa vie sont racontées très brièvement d'un ton presque neutre et se succèdent sans trop d'émotions. Je pense qu'il aurait peut-être été intéressant d'approfondir et de retravailler les quelques détails que vous glissez à chaque étape.

C'est étonnant de voir le personnage avoir la même réaction à 4 ans qu'à 22 ans avec ses camarades biologistes. Puis il y a une incohérence dans le personnage, je suis étonnée de ne pas la voir plus persévérante avec une telle obsession. Je pense que je n'ai pas été suffisamment convaincue par son caractère obsessionnel pour croire à la chute et l'apprécier.

Merci pour cette lecture.


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