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Fantastique/Merveilleux
Perle-Hingaud : Un peu de sang dans les chaussures
 Publié le 28/06/23  -  17 commentaires  -  7808 caractères  -  101 lectures    Autres textes du même auteur

Répugnant !


Un peu de sang dans les chaussures


Après tout ce bazar, je suis rentrée lentement chez ma mère. Le trottoir était chaud sous mes plantes de pieds. De temps en temps, un gravier se collait entre deux orteils, je m’arrêtais pour le chasser et je reprenais mon chemin. L’été, j’avais souvent couru pieds nus dans le jardin. Mais là, c’était différent. Ça faisait mal. Cette douleur était la preuve que j’étais vivante. Que c’était bien moi qui marchais. Pas l’autre.


***


Le mercredi, c’est piscine. Je prends des cours depuis la petite école, j’adore l’eau. C’est magique d’être dans l’eau, je ne comprends même pas que certains en aient peur. Tu ne sens plus ton corps, tu es fluide, légère, invisible. Tes jambes sont plus fortes et tes bras plus rapides que n’importe où sur terre. Les gens qui te regardent du bord du bassin ne voient plus de toi qu’une forme mouvante, ondulante. Toutes les chairs se ressemblent à travers l’eau. Même l’équipement est génial : les lunettes te camouflent, le bonnet te fond parmi les autres.

Mais cette année, tout a changé. Je ne sais plus si l’eau est toujours mon refuge. J’ai voulu m’oublier, j’ai baissé la garde et on m’a remarquée. Je suis toujours rondouillarde, mais mes épaules ne sont plus aussi molles. J’ai nagé si souvent à perdre haleine, à me noyer, à avoir la tête qui tournait quand je hissais ce corps hors du bassin, ce ventre qui refusait de quitter l’eau, lourd, plissé, visqueux. Les regards, alors ! Mais je ne sais pas, c’est arrivé comme ça, je suis allée trop vite, trop loin, mes jambes ont changé, mes mollets sont toujours aussi ronds mais durs à présent, mes cuisses aussi. Monsieur Vaquet a rencontré maman, ils ont parlé de cours-compétition l’an prochain. Je ne sais pas. Je n’aime pas les regards des gens sur moi.

Je suis sortie la dernière. J’ai examiné mon pied sur l’échelle : l’ampoule ne saignait plus. Le sang était resté dans l’eau, peut-être bu par un des nageurs. Répugnant. D’un autre côté, mon pied était lisse et blanc, comme remis à neuf. Les garçons ne faisaient pas attention à moi, ils essayaient de pousser Théo dans le grand bain et monsieur Vaquet leur criait dessus. J’ai attrapé ma serviette sur le banc et j’ai quitté le bassin. L’eau était luisante comme de l’huile sous la lumière oblique qui traversait la verrière. J’aurais dû rester, me laisser couler. Ce n’était pas la première fois que j’y pensais. Je ne sais pas pourquoi je ne l’ai jamais fait. Je suis une trouillarde, sans doute.

Les filles étaient encore sous la douche. Elles s’échangeaient leurs shampoings en reniflant :


— Parfum fraise rhubarbe, vise un peu…

— Ma mère, elle, elle m’a trouvé un truc bio qui sent le chocolat. J’ai l’impression de me tartiner de Nutella ! Nico, ça le rend fou !


Et puis elles m’ont vue :


— Hé, la Smina, attends qu’on ait terminé pour venir. Tu prends trop de place.

— Tu pues la transpiration en plus. Pitié pour ceux d’après dans l’eau !


C’était Maurane qui parlait en se pinçant le nez de dégoût. Les autres riaient. J’ai fait demi-tour et j’ai attendu qu’elles partent. Je ne puais pas, je le savais bien. Je sentais le chlore, c’est tout.



Je me suis dépêchée autant que j’ai pu : les habits sur la peau humide, la cabine trop étroite, le coude contre la paroi, l’odeur de javel, le maillot dégoulinant roulé en boule dans la serviette. Je détestais le retour au réel. Ce cauchemar. Comme d’habitude, j’étais la dernière dans le vestiaire. Les autres finissaient d’enfiler leurs chaussures, les filles s’arrangeaient devant le grand miroir.

J’ai regardé vers le radiateur, sous le banc : pas de Nike. Plus loin, de l’autre côté : rien. J’ai commencé à transpirer alors que les autres sortaient peu à peu. On m’avait volé mes chaussures. Monsieur Vaquet est venu voir ce que je fabriquais. Il était énervé. Il a regardé dans la caisse des objets perdus à l’accueil, mais il n’y avait rien. Mes Nike. J’étais pieds nus, mes chaussettes étaient restées dedans. Mes Nike. Je voyais les autres partir un à un, quitter le hall vitré. Lequel avait piqué mes chaussures ? Aucun d’eux ne regardait vers moi en rigolant. Personne ne semblait attendre ma réaction. Monsieur Vaquet m’a dit :


— OK Marine, faut que j’y aille à présent. Tu vas te débrouiller ? Tu peux appeler quelqu’un qui vienne te chercher, ou attendre que tes parents t’amènent une paire de rechange ?


J’ai répondu qu’il n’y avait pas de problème, et il est parti. La dame de l’accueil me regardait avec un air de pitié que je n’ai pas aimé. Je suis restée assise sur le banc. Mes Nike… On me les avait volées parce qu’elles étaient presque neuves, c’est certain. Elles faisaient envie, même avec du sang dedans. Elles étaient dures mais j’étais trop fière pour l’admettre. J’avais saigné aux talons et la tache n’était pas partie en frottant. Ça faisait comme un papillon rose et délavé. À gauche, l’ampoule avait aussi saigné, mais moins fort. Elles ne me faisaient presque plus mal. Enfin voilà. Je suis restée un long moment avant de quitter la piscine. Des petits sont arrivés et m’ont regardée bizarrement. J’avais faim. J’ai attrapé mon sac et je suis sortie dans l’air encore brûlant.



J’ai commencé à avancer. C’était comme si ma tête s’endormait, refusait ce que je vivais. Mon cerveau s’était retiré loin, ailleurs. Je marchais tout doucement. J’avais trop chaud et je sentais mes cuisses frotter l’une contre l’autre alors que je posais le pied avec précaution sur le trottoir. Et puis je l’ai vue. Une fille devant moi, avec mes Nike aux pieds. C’étaient les miennes, j’en étais sûre. Celles avec mon sang dedans. Les lacets étaient jaune fluo, une idée de ma mère. C’étaient bien les miennes ! J’ai crié :


— Hé, toi ! Rends-moi mes chaussures !


Elle s’est retournée. Elle était trop loin pour que je la reconnaisse, surtout sans mes lunettes, mais sa silhouette m’était familière. Elle a haussé les épaules et a continué à marcher. J’ai accéléré en grimaçant. Elle venait de la piscine, c’est sûr, elle avait le même sac de sport que moi et ses cheveux étaient trempés. Et puis elle portait aussi un vieux jogging gris et un tee-shirt noir. J’ai continué à hurler dans son dos :


— Arrête-toi ! C’est mes chaussures, t’entends ? Espèce de voleuse !


Les voitures nous longeaient sans se soucier du spectacle : moi claudiquant à la poursuite d’une grosse fille qui portait mes Nike tachées de mon sang. On arrivait à la Nationale, elle allait devoir traverser ou bien emprunter le souterrain. Elle s’est arrêtée brusquement alors que le feu passait au vert. À cette heure-ci, il n’y avait pas encore beaucoup de circulation, mais les voitures roulaient vite. Elle a hésité entre le tunnel et la route. J’allais enfin la rattraper, j’étais en rage, je voulais la faire tomber et lui arracher mes chaussures. Elle s’est retournée brusquement et m’a poussée de toutes ses forces. J’ai basculé en arrière. J’ai à peine vu son visage, rond comme le mien. On aurait dit moi, d’ailleurs. C’était qui, cette fille ? Elle a tourné la tête vers la gauche, une voiture arrivait à pleine vitesse. Je l’ai vue tendre le bras comme pour l’arrêter, et avancer. Après, je ne me souviens plus. J’ai ouvert les yeux, j’avais fait demi-tour et je marchais vers la maison. Mes pieds nus laissaient des traces de sang.


***


Je suis entrée et j’ai entendu ma mère au téléphone. Elle n’a pas fait attention à moi. Mon beau-père n’était pas encore là. Je suis montée dans ma chambre.


Je suis assise sur le bord de mon lit, les pieds ballants. Ils sont rouges et gonflés, je dois avoir des ampoules et des griffures mais je ne regarde pas. Je ne sais pas si je suis là ou pas. Je ne sais pas qui était cette fille. Je me demande si je ne suis pas restée dans l’eau. Je suis très, très fatiguée.


 
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   Jemabi   
14/6/2023
trouve l'écriture
convenable
et
aime un peu
Il y a sans doute un détail qui m'a échappé, mais je ne décèle aucune trace de fantastique dans cette nouvelle. Si l'héroïne avait souhaité la mort de celle qui lui avait volé ses chaussures et que cette autre elle-même s'était aussitôt fait renverser par une voiture, j'aurais compris. Peut-être est-ce le cas, d'ailleurs, et dans ce cas ce n'est pas assez explicite. Tel quel, il s'agit de l'histoire d'une fille qui perd ses baskets et qui n'est pas contente. On le serait à moins. C'est tout de même un peu court comme péripétie. L'ensemble étant parsemé de souffrances et de complexes, le récit finit par ressembler à une séance de psychanalyse. Des années après le vol, la fille qui a grandi ne s'est toujours pas remise de ce traumatisme et elle le raconte au lecteur, ce qui reste beaucoup moins cher qu'une séance chez le psy.

   Vilmon   
15/6/2023
trouve l'écriture
convenable
et
aime bien
Intéressant. Le premier paragraphe introduit le mystère du récit et pique la curiosité du lecteur, l’incitant à poursuivre pour mieux comprendre. Le choix du personnage hors des canons de la beauté donne un sens réel. Intéressant la description de la manière de percevoir les corps dans l’eau. Une fin qui laisse en questionnement. J’ai bien aimé ma lecture.
Vilmon

   Asrya   
28/6/2023
Une lecture qui me laisse perplexe.

Je ne sais pas trop penser de cet écrit.

Le début est engageant, prenant, et donne envie de continuer à lire, de rentrer, s'immiscer dans le personnage, sa vie, et surtout, savoir à quoi correspond ce sang ; "c'était bien moi qui marchais. Pas l'autre"

L'intrigue est simplement amenée, mais elle prend assez bien, et nous invite à poursuivre.

Et puis, vient cette histoire de piscine, de transpiration, de douche et de vol de chaussures.
Si les dialogues paraissent crédibles, entre les filles sous la douche et "la Smina" ? La narration du personnage principal est légèrement plus délicate à appréhender, et ne me paraît pas très fluide. Le choix des mots, des phrases, de la syntaxe, l'ensemble m'a paru assez maladroit. Surtout le choix des temps employé. Je ne m'y suis pas retrouvé.

Puis vient cette voleuse de chaussures, ou cette non voleuse de chaussures ; le reste de la nouvelle est intrigant, c'est l'objet même du récit j'en conviens. Et si l'on est rapidement amené à se douter que votre personnage meurt, qu'elle se voit elle-même, avant l'accident, cela n'est pas clair et laisse un doute.
Un doute non pas dans l'ouverture de la fin du texte, mais un doute sur la situation qui prête presque à la mascarade.
N'est-ce pas habillé de sorte que le lecteur se pose des questions, sans que le texte n'y réponde ?
Je ne sais pas. Je n'ai pas adhéré.

Il y a certainement de l'idée, et si j'ai beaucoup aimé le titre ainsi que le premier paragraphe, j'ai trouvé les événements et le dénouement plus incertains, moins agréables.
Une autre fois peut-être.
Merci pour le partage.

   Disciplus   
21/6/2023
trouve l'écriture
convenable
et
n'aime pas
Narration simpliste sans relief.
Personnages plutôt insipides et fantomatiques.
Pas vraiment d'histoire : Introspection d'une adolescente avec vol d'une paire de chaussure à la piscine. Léger.
Pas saisie la chute.
Pas très fan de ce déroulé sans émotion.

   jeanphi   
22/6/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour,
Une histoire platonique, contée avec beaucoup de psychologie. On se représente très bien le jeune esprit un peu blasé ou simplement sobre et lucide, qui aime l'eau, qui aime nager. Bien sûr on est intrigué de savoir ce qui se passe pour que ce jour-là induise l'état de choc du premier paragraphe.
Les actions s'enchaînent sans traîner, le développement et le ton comportent une bonne continuité et donc l'intérêt perdure malgré l'absence d'action. Viennent subitement la disparition, l'attente, la poursuite et le retour. L'esprit du narrateur mis à rude épreuve vous permet de dérouler habilement votre gestion de la psychologie du personne.
Vol, qui y en fut victime connait le caractère aléatoire de la réaction du voleur en cas de flagrant délit.
Je me prends à admirer cette nouvelle en la commentant, action maigre/impact fort.

   Donaldo75   
22/6/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
Je vais commenter cette nouvelle au fil de l’eau. Le premier paragraphe est bien écrit et introduit un peu de mystère avec sa mention à l’autre. Je suis donc paré pour le fantastique voire le merveilleux comme me l’indique la catégorie proposée. « Le mercredi c’est piscine. » Cette phrase me fait penser à celle du film « la vie est un long fleuve tranquille » où « le lundi c’est raviolis ». Je trouve que ça rend la narration plus légère. Le monde des adolescentes est bien illustré autant dans la narration que les dialogues. La scène est de ce fait visuelle. Puis les Nike disparaissent et le drame démarre. Il est progressif. En tant que lecteur, dès que la seconde fille est décrite, je me doute un peu du pourquoi mais pas forcément de la fin de la nouvelle. Et c’est ça qui en fait le sel. « Je ne sais pas si je suis là ou pas. » Cette phrase fait penser au chat de Schrödinger. Et pour moi, elle constitue une manière subtile, intelligente, d’amener la fin, sans conclure pour autant, en laissant des points d’interrogation au lecteur (s’il veut se poser la question), le risque étant que les découpeurs de cheveux en deux-mille quarante huit évoquent un manque de développement, d’explication préalable, de préliminaires cerveau gauche pour minimiser la force de cette nouvelle. M’en fous.

   Anonyme   
28/6/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
Cette douleur était la preuve que j’étais vivante.
Euh, ouais, non. Pour ma part je n'en suis pas sûre !

Il a fallu la relecture à l'instant, après celle de l'Espace Lecture, pour que je me pénètre bien de cette histoire. Si j'avais commenté d'après mon impression en Espace Lecture j'aurais dit que cette nouvelle me paraissait embrouillée, timide, ne prenait pas parti et que tu t'étais par trop réfugiée derrière la catégorie annoncée pour me laisser moi lectrice me dépatouiller.
Mais là, non, l'ensemble me paraît justement équilibré et sans guère d'équivoque. La narratrice s'est jetée sous une bagnole puis est devenue fantôme sans le savoir, c'est ainsi que je lis l'histoire ; une triste histoire de harcèlement et d'adolescente fragile (le fait qu'il y ait un beau-père dans le tableau apporte un élément d'inquiétude supplémentaire, non ?). L'écriture, à mon avis, correspond bien à la voix de la narratrice qui se force à la neutralité, à l'insipidité : trop bien peut-être correspond-elle, cette platitude voulue a quelque chose de lassant pour moi lectrice qui aime bien, quand je lis, que ça swingue. En d'autres termes, sans doute fallait-il écrire ainsi pour la cohérence entre forme et sujet, mais cela m'ôte du plaisir esthétique.

Ah tiens, je jette un ultime coup d'œil et me dis que la mère au téléphone, on est en train de lui apprendre la mort de sa fille... J'ai-t-il bon ?

   Dugenou   
28/6/2023
trouve l'écriture
convenable
et
aime bien
Bonjour Perle,

Dur-dur d'aborder dans un texte le thème, très classique dans le genre, du Double Fantastique, tellement ce ressort a été sur-exploité... pourtant, vous vous en sortez bien, ici, ce qui est loin d'être évident !

Reste pour le lecteur la nécessité de relire plusieurs fois la fin, histoire de savoir l'interpréter correctement (j'avais cru au départ que Marine s'était noyée).

Merci du partage, Perle.

   Malitorne   
29/6/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime un peu
Essai fantastique un peu timide, pas inintéressant mais trop en surface. On parle quand même d’une tragédie, le suicide, pourtant tout est emmené d’une façon tellement neutre qu’il est difficile de s’émouvoir. On a bien compris que la narratrice est en surpoids et la cible de moqueries, un excès de méchanceté à la piscine aurait pu expliquer le passage à l’acte et solliciter l’empathie du lecteur. Quelque chose de choquant qui capte l’attention, des cris, des larmes. Tel quel, on suit d’un œil intrigué mais détaché, on pige à la fin que la narratrice est devenue esprit errant sans en être vraiment bouleversé. Même elle, qui semble se rendre compte de sa déréalisation, n’en est pas plus affectée que ça. Pour prétendre au fantastique, à mon sens, il faut frapper fort l’imagination, ici ça reste trop discret.
L’écriture est constituée de phrases courtes, renforce cet effet de concision au détriment de l’ampleur dramatique.

   AMitizix   
1/7/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
J’ai bien aimé cette nouvelle.
Le sujet « classique » du mal-être adolescent est ici abordé à travers un genre original : le fantastique. Pour moi, c’est une bonne idée pour éviter de faire quelque chose de « convenu ». Encore que, parfois, on peut toujours créer du beau et du vrai à partir d’un thème déjà mille fois abordés, même sans chercher à adopter un nouveau point de vue. En tout cas, ici, on nous propose un nouveau traitement de ce sujet. Intéressant donc.
La nouvelle se lit fluidement, c’est agréable. De plus, le point de vue interne est bien mené, j’ai bien perçu à la lecture le malaise du personnage principal. En ce sens, la nouvelle est bien « incarnée ». On sent tout long du texte l’angoisse qui prend le personnage principal à la gorge. J’ai bien aimé le fait que le style se prête bien au langage de l’enfant qui est mise en scène, tout en restant élégant et léger. Ainsi, même si je ne plonge pas dans la nouvelle au point d’avoir peur avec de personnage, je perçois bien l’ambiance qui est installée. Ça me suffit.
Le personnage principal, je viens de m’en rendre compte, n’a pas de nom. Dans cette nouvelle courte, ce n’est pas gênant (pas de lourdeur/confusion). Ça rajoute même une dimension supplémentaire, selon moi, dans la proximité lecteur/personnage, comme si le lecteur s’immisçait dans les pensées du personnage en tant que témoin de ses émotions et réflexions (avec ses actions qu’il décrit). On ne peut pas se raccrocher à un nom, seulement au « je », plus intime.
Pour moi, la nouvelle est bien structurée : petite introduction angoissante (déjà, la douleur et la peur, liée au « moi »), puis le « flash-back » (je n’aime pas beaucoup les anglicismes, mais j’ai regardé sur Internet, le terme français consacré est « retour en arrière », qui me semble moins pertinent ; et je n’ai pas le temps de trouver une meilleure option – je reviens au texte), qui nous amène à la chute. Le tout bien mené, sans période « creuse », avec un lecteur toujours tenu en haleine.
La chute n’est pas très claire : y-a-t-il eu noyade ou accident sur la route ? Pour moi, dans une nouvelle fantastique, ce n’est pas gênant : laisser le doute planer renforce l’atmosphère pesante et angoissante qui est décrite – ça me plaît bien. D’autant plus que les dernières lignes sont particulièrement bien écrites.
Merci pour cette nouvelle, et bonne continuation !

   Vincente   
2/7/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
Tout ce qui compose l'évolution narrative m'a accroché. Tout d'abord cet avant-propos qui va se révéler en fait la scène finale, où le dédoublement du narrateur s'affiche mais sans fournir d'explication. Il est comme un état de fait, une évidence qu'elle est bien elle, "pas l'autre". L'intrigue va alors consister à offrir la découverte de ce personnage dual perdu entre son identité hésitante et ce que les autres lui envoient de dénigrement. Pas facile alors de discerner là où se trouve la réalité, d'où j'imagine le choix de la catégorie Fantastique/Merveilleux (bon, pour le merveilleux, il faudra repasser, à part peut-être quand la locutrice se baigne…).

L'écriture est juste, sensible, comme vécue, mais aussi et pourtant assez légère dans le ton ; encore cette ambiguïté qui perdure dans la forme, encore elle… comme une focalisation excessive sur l'apparence alors que le fond est douloureux, terrible, invivable, mais prétendument étouffé.
J'ai trouvé audacieuse et originale toute la construction du récit par rapport à ce qu'il cherchait à dire. Il raconte mais parle surtout en creux.
Dans la justesse, j'ai été touché par ce que la narratrice exprime au sujet de son plaisir à se trouver dans l'eau, ce changement d'état qui modifie toute sa sensation de vivre, et la rend plaisante, épanouissante.
J'ai trouvé que l'objet de référence, les Nike neuves, qui sert de lien aux différentes parties du récit, par le biais des ampoules qu'elles ont engendrées, a une fonction efficace qui insiste sur la constance de la sensation déplaisante, celle-là même qui rend le quotidien insupportable.

J'ai hésité en final entre l'impression qu'un suicide pourrait advenir juste après les derniers mots, "Je suis très, très fatiguée", ou s'il n'a pas déjà eu lieu avant et que le "Fantastique" de l'histoire vient du fait que seule la part fantomatique de la narratrice subsiste et raconte, signifiant que les traces de sang de la fin de la partie précédente affirmaient métaphoriquement une mort effective.

   plumette   
2/7/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime un peu
A la fin de ma lecture, le sentiment d'étrangeté ne me quitte pas.

une ado mal dans sa peau, qui trouve dans l'eau une fluidité et une légèreté qui semble la réconcilier avec son corps.

le rejet des autres, le malaise qui revient lorsqu'il faut quitter le milieu aquatique et ce dédoublement qui fait le coeur de l'histoire.

il y a une bonne tension narrative, j'ai aimé le rythme, le côté cinématographique.

Ma limite, c'est justement ce glissement vers le fantastique parce que j'ai eu du mal à y adhérer.

Un texte qui intrigue!

   Edgard   
4/7/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour Perle-Hingaud,
J'ai bien aimé votre nouvelle, écrite simplement, pleine de subtilité quand à la description des sentiments, cela fait très érel.
Quand au genre, je n'interprète pas la fin comme du fantastique, mais comme un dédoublement de personnalité d'une adolescente qui perd pieds et imagine la mort, dans une sorte de délire, de son double positif: elle ose sans complexe voler les chaussures, est forte, voire violente, et pourrait-être l'image dans le miroir de l'héroïne, qui est tout le contraire. Quant aux traces de sang, elle évoque les scarifications que s'infligent certains ados mal ans leur peau. Ils se dévalorisent, ne veulent rien être, se complaire dans leur image négative, et tous les encouragements glissent comme sur l'eau un peu huileuse de la piscine.
Je trouve votre texte fort, et pas besoin d'effets de style pour emporter le lecteur, seulement un récit comme tranquille, qui déroule une histoire intérieure...ne s'en va pas dans le laïus ou l'explicatif. C'est le propre d'une nouvelle et je trouve celle-ci très réussie.
Bien cordialement.

   jaimme   
5/7/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
Bonjour Perle,
ça faisait bien longtemps, non?
D'abord l'écriture: très compliqué d'écrire en se mettant dans la peau d'un enfant, d'une ado. De toutes les façons il n'y a pas de modèle, les gamins sont tous différents. Bien sûr ils y a ceux qui manquent tellement de culture qu'ils ont tendance à s'aligner sur les mêmes expressions, le même modèle social, tiré vers le bas. Mais les autres? C'est pour ça que je trouve le registre plutôt bien choisi. Le vocabulaire adapté. Cette neutralité de ton participe du mystère. Même si j'aurais aimé un peu plus de personnalisation (c'est quoi cette expression: la Smina?), cette neutralité a tendance, pour moi, à universaliser le harcèlement. Ici, ce n'est pas le genre, le sexe qui sont mis en cause. Seulement les formes, les rondeurs. Et c'est bien suffisant pour arriver au drame.
Pour le fond j'aime aussi, comme le veut le genre fantastique, que tout ne soit pas expliqué. Tu nous prends par un ou deux doigts, pas par la main entière. Bon, on comprend en définitive, mais le doute persiste, et ça c'est fort. Et tu annonces la couleur (en douceur) avec l'autre, dès le début. Parfait.
L'omniprésence du thème du sang est très bien trouvé.
En définitive: une réussite.

Mieux? Selon moi des expressions parfois plus percutantes (exemple: "Je suis très, très fatiguée" m'a peu convaincu).
Allez, d'autres, vite!

   Perle-Hingaud   
5/7/2023

   Shepard   
9/7/2023
trouve l'écriture
convenable
et
aime bien
Salut Perle,
Le retour =)

Donc on pour moi on se trouve dans le fantastique qui va diviser, entre ceux qui se foutent des détails et les autres qui veulent des explications.

L'histoire se suffit à elle-même et je n'y ajouterais rien, car le format très court lui va. Si le but est de provoquer le doute, c'est un succès. Mais en vrai, il y a beaucoup de petits détails qui disent beaucoup sur la vie de ce personnage. Par exemple, cette simple phrase :

"Je suis entrée et j’ai entendu ma mère au téléphone. Elle n’a pas fait attention à moi. Mon beau-père n’était pas encore là. Je suis montée dans ma chambre."

Morte ou vivante, la mère ne la voit pas. Mon passage préféré, pourtant si anodin. Elle a un beau père, aussi. Le côté presque contemplatif, fantomatique, du personnage, illustre très bien la tristesse. Le désespoir est souvent silencieux, les gens s'effacent sans rien dire.

Je critiquerais plutôt l'écriture, pas qu'elle soit mauvaise ou ratée, mais elle pourrait bénéficier de plus de surprises. Bien que la nonchalance du texte participe sûrement à l'effet de distance. C'est un risque.

En résumé, j'ai aimé, puisqu'il n'y a pas de réponse finale.

   Tadiou   
19/8/2023
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour Perle. Ce commentaire arrive tard; comme d'habitude dans ce cas je ne lis pas les commentaires précédents avant d'écrire le mien.

J'ai été accroché dès le début, avec ces mots "l'autre" écrits en italique; l'atmosphère d'angoisse est installée.
La douleur continue, le rejet, le harcèlement, le corps repoussant. J'ai l'impression que la narratrice jette des bouteilles à la mer.

Beaucoup reste dans le suggéré; cela donne de la force au drame qui perdure.

Jusqu'à la fin qui demeure dans une sorte de pénombre floue. J'aime qu'il en soit ainsi. Que s'est-il passé en réalité? La porte ne reste qu'entrouverte. Il suffit de se laisser embarquer dans le brouillard.

Un moment de lecture intense et émouvante.


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