Page d'accueil   Lire les nouvelles   Lire les poésies   Lire les romans   La charte   Centre d'Aide   Forums 
  Inscription
     Connexion  
Connexion
Pseudo : 

Mot de passe : 

Conserver la connexion

Menu principal
Les Nouvelles
Les Poésies
Les Listes
Recherche


Science-fiction
Pi-R : Cette petite feuille de papier
 Publié le 01/01/13  -  10 commentaires  -  20313 caractères  -  255 lectures    Autres textes du même auteur

Une histoire qui ne manque pas de mordant !…


Cette petite feuille de papier


Vous vous êtes fait avoir, et la suite vous expliquera pourquoi. Le procédé démarre toujours de la même manière. L’accroche imprimée tient en une typographie suffisamment baroque pour que son indécence attire le regard en une curiosité toute légitime. Une fois que les yeux ont parcouru le titre ils glissent irrémédiablement vers les premières lignes volontairement provocatrices. C’est bon, le client est ferré. Au fait, le client c’est vous. Vous, oui, vous qui avez d’une manière ou d’une autre porté votre champ de vision sur un endroit où cette feuille était posée. Client n’est pas tout à fait le terme approprié, bien que l’affaire ne soit pas étrangère à la consommation. Mais laissez-moi donc quelques lignes pour expliquer tout ceci. Au fait, pardonnez mon manque d’éducation, moi, le rédacteur de ce texte. Je suis d’une contrée certainement relativement étrangère à l’endroit où vous avez déniché ce petit rien de cellulose que vous parcourez désormais des yeux. En quelque sorte un de ces étrangers dont le nom sonnerait d’une bien étrange manière dans votre langue, en un quelque chose d’à la fois guttural, presque infra-acoustique, et cependant teinté de pics suraigus. Pour ne pas écorcher vos oreilles, fût-ce seulement de manière toute cérébrale à la lecture silencieuse à laquelle sans aucun doute vous vous attelez, j’opterai pour une traduction – translation pourrait peut-être davantage convenir, du moins d’ici quelques kilos-mots – la moins désagréable possible : optons donc pour me qualifier de monsieur Zrin’Frich’nin.


Zrin’Frich’nin


sonne à mon esprit sans doute aussi bizarrement qu’il le fait au vôtre. Ma contrée vous le paraîtrait tout autant. Ah ! je pourrais vous en parler des heures, ne serait-ce cette affreuse contrainte qui m’oblige à faire tenir en une écriture étriquée – faute en partie je vous l’accorde au choix du titre – tout ce qui est nécessaire à vous expliquer en quoi ce petit texte va très certainement changer votre vie. « Changer la vie », comme il y va fort cet énergumène, pensez-vous sûrement. Certes, c’est bien provocateur. Nous le sommes tous là d’où je suis, dans le comté de Et’her’N’fall.


Et’her’N’fall


ne vous fera pas déjuger votre première impression. Cette magnifique lande de terre est située à proximité de la capitale de ma patrie. Combien de fois y ai-je promené mon jeune corps pour admirer un coucher de lune au-dessus des eaux de la caldeira. Et même plus tard, lors de mon temps universitaire à la faculté de mathématiques de la capitale, mes errances intellectuelles m’ont éloigné des cours de statistiques pour retourner à Et’her’N’fall. Oups, une fois de plus je me laisse emporter dans ces souvenirs de temps heureux. Car voyez-vous, comme dans beaucoup de récits voulant maintenir l’intérêt, le mien va comporter une part de tragique. Autant il est impossible de séparer Et’her’N’fall d’une multitude de moments de bonheur, autant la terrible réalité ne peut non plus être déniée : ce merveilleux endroit est en train de disparaître, à tout jamais. La chose vous interpelle ? Vous avez bien raison, et vous allez bientôt contribuer à donner un merveilleux dénouement à cette terrible histoire. À cet instant vous m’envisagez peut-être comme un bonimenteur tout prêt de vous vendre un quelconque objet aussi inutile qu’au prix outrancier ou encore vous faire souscrire une police d’assurance tout aussi inefficace que chère. Vous pensez sûrement cela, les probabilités l’indiquent, et sur ce sujet vous pouvez me faire pleinement confiance, je les ai suffisamment étudiées, calculées. Non, votre aide ne vous fera dépenser aucun argent. Votre apport personnel sera bien plus subtil, et pour tout dire, bien plus profond. Une étude mathématique sérieuse a déjà validé cette option sans que votre volonté, du moins ce que vous imaginez l’être, ne puisse rien y faire. Si vous êtes encore là à lire ces mots c’est que vous resterez encore à parcourir les lignes qui suivent. Ne pensons plus à celles ou ceux qui ont désormais abandonné cette feuille : ils appartiennent aux extrêmes d’une surface sous une courbe mathématique sous laquelle vous-même vous êtes logés, bien plus près du sommet. Oui, vous représentez en quelque sorte le sommet pour moi : de ceux qui forment cette élite, ce petit pic sur ma courbe gaussienne, ainsi la nommez-vous dans vos propres conventions, même si ce concept probabiliste est universel, voire multi-universel, j’en dirai bientôt quelques mots, mais patience ! Voyez comme je vous ai insidieusement flatté en vous associant à un sommet, telle la gouvernance s’identifie à son trône. Ne me dites pas que je ne fais pas d’efforts pour vous mettre à l’aise, comme un hôte se doit d’installer ses invités. J’en frémis de satisfaction, et la situation ne manque pas de piquant, mais encore une fois patience cher lecteur ! Puis-je vous suggérer de vous installer confortablement ? Je vous ai promis une histoire emplie de tristesse, il serait ignominieux de manquer à mon devoir. De plus elle ne manque pas d’une singulière beauté qui vous touchera au plus profond de vous, soyez-en sûr. Voici donc l’histoire de la fin de programmée de Et’her’N’fall et l’étonnante aventure du protocole de Ghuz’El’Nabr.


Ghuz’El’Nabr


était un immense savant, sans aucun doute le plus grand génie de notre histoire. C’est à lui que l’on doit la théorie des univers multiples et des transferts d’énergie matière intermondes. Ce nom ne vous dit rien ? cette théorie n’est encore qu’une spéculation dans votre monde ? Je vous avais prévenu que nous n’étions pas tout à fait voisins… Cette histoire, si elle vous semble trop abracadabrante, eh bien vous pourrez toujours la prendre comme une fable, comme une curiosité jusqu’à la chute. Et’her’N’fall est l’une des rares landes terrestres sur mon monde. Imaginez l’endroit comme pratiquement composé d’immenses océans, avec de-ci de-là à peine quelques affleurements rocheux, à peine de quoi prétendre à l’aspérité statistiquement nécessaire, hormis ce petit continent qui domine la mer et dont l’accès n’est possible que par un nombre infime de plages. C’est sans doute pour cette raison que la vie sur cet astre s’est en majorité développée dans les eaux. Nos ancêtres, tout comme les vôtres, étaient de simples animalcules ballottés au gré des courants marins tout au long des complexes marées d’un système solaire à trois lunes. Vous commencez déjà à l’imaginer ce monde ! Je le sens en vous, car en me lisant, c’est en quelque sorte comme si je m’immisçais déjà dans vos pensées : c’est chaud, c’est confortable, j’adore vous regarder de l’intérieur, vous êtes passionnants ! Je suis flatteur, et taquin, très taquin, c’est propre à ma race, ou si vous préférez à mon espèce. L’évolution sur cette planète fut donc majoritairement marine. Les beautés organiques se muèrent ainsi des millions d’années pour aboutir, après quelques contingences historiques telles que votre planète actuellement bleue en connut aussi. Chez nous ces impromptus de l’histoire amenèrent le petit quelque chose qui fit accéder une espèce de petites choses parmi d’autres à la conscience d’elle. Ne voyez dans cette description sommaire aucune déviation religieuse ! Chez nous ce genre de sottise n’a jamais vraiment eu prise : nous sommes des êtres hyper rationnels, totalement matérialistes. La nuée de choses qui s’abattit sur notre immense océan ne fut donc pas un acte divin transmutant le simple organique en êtres doués de pensée pour offrir à un démiurge une foule d’adorateurs lacustres. Notre astre traversa plus simplement la gigantesque queue d’une comète, toute chargée de débris dont la multiplicité n’avait d’égal que l’hétérogénéité : assez pour apporter toute une chimie qui manquait encore au monde pour fournir à ses hôtes de quoi irrémédiablement passer du stade de rien à celui où l’esprit est apte à inventer l’histoire.


Nous naquîmes donc de nos ancêtres élémentaires animaux. Vous dont certains des plus prestigieux physiciens estiment que la conscience qu’a développée votre espèce est une preuve éclatante d’un dessein supérieur qui aurait créé votre univers comme étant le seul qui puisse faire émerger une pensée, notre existence, dans notre propre univers, est une singulière, pour ne pas dire cinglante, preuve de l’imbécillité prégnante chez vous. Cette moquerie dont vous venez de faire les frais n’est pas gratuite, croyez-le bien. La mise en colère d’autrui est un excellent moyen de garder son attention jusqu’à la révélation ultime. Pour en revenir à mon peuple, l’histoire de celui-ci a donc commencé lentement, des cycles et des cycles solaires après sa lente sortie des eaux, suite à une période de terrible réchauffement de l’océan. Il nous fallut nous extraire du liquide qui n’était plus l’élément protecteur d’avant, même si bien sûr nous y avions nos propres prédateurs. Placés sans doute à un endroit propice de la chaîne écologique, nous réussîmes la transition jusqu’à la terre ferme, et ce au prix d’un extraordinaire défi organique. Car voyez-vous, si j’ose écrire, nous sommes d’une constitution physique dangereusement fragile. Le pari n’en fut que plus audacieux, et notre nature taquine nous amena à le relever avec humour en employant des moyens étonnants. La vie sur terre devint un autre combat, qui une fois gagné, nous éloigna pour toujours de notre substrat originel. Et c’est ainsi qu’un jour j’apparus à mon tour en descendant de ces générations de pionniers qui avaient conquis Et’her’N’fall. Et c’est là, à la capitale, que j’appris un jour qui était Ghuz’El’Nabr. Ce penseur avait vécu plusieurs centaines de cycles solaires avant mon ère, à une époque où notre technologie, bien que balbutiante, nous avait permis de découvrir l’histoire de notre passé, et plus important encore, la dramatique ombre de destruction à l’horizon radieux. Ce n’est pas Ghuz’El’Nabr qui découvrit que d’ici quelques siècles tout le système solaire retrouverait bientôt le chemin de la queue de la grande comète qui nous avait éveillés à la conscience. Plus précisément, cette fois-ci, l’orbite de la monstruosité – imaginez quelque chose de plus grand que votre soleil – détruirait tout, et achèverait ainsi notre cycle de vie, dans une ironie stellaire toute mordante que se mirent bientôt à déclamer en vers nos poètes les plus cyniques. Ghuz’El’Nabr trouva lui comment échapper à ce génocide programmé. C’est lui qui le premier comprit que l’unité de l’univers était une fiction due à la cécité des modélisations physiques de son époque. Dans un tour de force inimaginable à l’esprit commun, il forgea une théorie suffisamment puissante pour décrire la trame cachée derrière le visible du cosmos. Les univers étaient nombreux, infinis, et le plus fantastique, connectables. C’est encore lui qui proposa son fameux protocole : le eb’narch’messn’.


Eb’narch’messn’


est une sorte d’immense planification à plusieurs siècles dont le déploiement chronologique n’a pour seul but que de sauver notre espèce. Comment ? Par le procédé le plus fou qui puisse paraître : abandonner notre monde, notre système solaire, notre univers, pour se projeter dans un autre. Par quels moyens ? Par la maîtrise des concepts mathématiques dégagés par Ghuz’El’Nabr, par des calculs colossaux, des constructions démesurées, des machines sont nées. Surgissant des sols de Et’her’N’fall, des tours géantes ont poussé vers le ciel pour venir faire concurrence aux plus grands tepuis du continent. Désormais mon monde est autant bardé de cylindres de métal hauts de plusieurs kilomètres qu’il l’est des colossales chutes d’eau dégringolant de ses falaises vers la mer. Toute cette machinerie de théâtre cosmique n’a qu’un but : à un moment donné, nous délocaliser, nous autres les petites choses fragiles venues de la mer, vers un autre univers, plus accueillant, où nous continuerons notre destinée. Car ce que nous a révélé Ghuz’El’Nabr, c’est bien que nous possédions une destinée. Chaque étape de notre histoire est un triomphe sur des difficultés sans nom. Depuis que nous sommes apparus, jamais nous n’avons eu de répit face à l’adversité, et toujours nous avons survécu. Le eb’narch’messn’ n’est pas un message messianique d’un quelconque culte. Non, cela est bien plus fort : c’est la voie, aussi la voix écrite, qui nous mène vers un glorieux futur qui se fera d’univers en univers. Mais pour cela, il nous fallait trouver lequel en premier pourrait nous accueillir. Alors, nous envoyâmes des minuscules machines dans une foultitude d’univers. Les choix furent établis grâce aux statistiques, à la maîtrise des outils de la théorie de l’information. Envoyer des machines, aussi minuscules soient-elles, est d’un coût énergétique quasiment catastrophique. Chaque saut tue davantage le noyau de notre planète, là où nous puisons cette énergie. C’est un projet d’une audace immense, mais la seule réelle possibilité, car éviter la collision de la comète n’est pas faisable, et s’enfuir dans l’espace vers l’inconnu serait une condamnation à mort certaine, détruits que nous serions par les rayonnements du cosmos : nous sommes tellement fragiles !


Trouver un univers doté d’une planète accueillante est un événement de probabilité infinitésimale, mais non nulle. En fait, beaucoup de mondes s’annoncèrent aptes à tolérer notre biochimie. Au final, seules quelques dizaines serviront de point de chute à notre fratrie, qui se disséminera ainsi dans plusieurs univers à la fois, pour les modeler selon notre désir : nous sommes les gagnants, eb’narch’messn’ ne peut se tromper… La principale difficulté, comme je l’énonçais, tient dans la fragilité de notre essence physique. Imaginez-nous comme de minuscules crevettes ou autres insectes aquatiques, d’à peine deux ou trois millimètres, presque entièrement constitués de cellules destinées à la pensée, hormis un appareil digestif rudimentaire, et une batterie d’appendices élaborés au fil des ères pour accrocher, sucer, décortiquer, pomper. Le premier pas de géant de notre histoire biologique fut d’ailleurs de « domestiquer » génétiquement une espèce à corps plus grand et plus solide pour vite venir nous y abriter des horreurs marines avides de nos protéines. Comme des démiurges, nous nous sommes façonné de la sorte nos propres coquilles vivantes, et de là, nous sommes partis à la conquête de la terre ferme, bien longtemps après. Nos corps sont simplement bestiaux, dénués de réflexion. C’est en quelque sorte un marché qui offrit enfin à ces bêtes inutiles de muter en supports de la conscience. Nous leur donnons, même si elles ne le savent pas, le privilège d’accueillir notre pensée, en échange de leur protection, et de leur chair, car nous sommes, il faut le reconnaître, d’incorrigibles gourmands ! Au fur et à mesure de notre vie, nous nous nourrissons aussi de ces enveloppes qui nous entourent. De temps en temps, quand l’une de celles-ci est par trop dévorée par son propriétaire, ce dernier change de corps. C’est l’occasion d’une émouvante cérémonie qui se fête en magnifiques libations tandis que l’ancien corps est donné en pâture aux jeunes pousses dans nos enclos, au pied des tepuis de Et’her’N’fall. Chez nous, ce grand moment de vie, qui arrive quelques dizaines de fois dans chacun des nôtres, se dénomme hym’ alr ’feklsh.


Hym’ alr ’feklsh


vous paraîtra sûrement dérangeant à ce moment du récit. Quelque chose en vous se plaindra, comme en un message d’avertissement. Cela n’entravera en rien la suite du processus, toujours, évidemment, en tenant compte de quelques pertes supplémentaires parmi le lectorat de cette simple feuille de papier. Nous vous connaissons tellement bien ! D’ailleurs vous pourriez vous interroger sur cette capacité à si bien vous cerner, ainsi qu’à la raison profonde qui me fait vous raconter ce récit. Les plus malins auront déjà compris que vous faites partie de l’un de nos mondes d’arrivée, et que nous avons envoyé sur votre Terre une armada complète d’infimes machines, toutes plus petites les unes que les autres. Ce sont ces machines qui nous ont renseignés sur votre espèce : quelques dizaines de siècles auront suffi à préparer le grand saut, pour nous ce n’est pas grand-chose. Ces machines firent l’essentiel du travail, notamment créer cette petite feuille de papier qui, bien entendu, est tout sauf une petite feuille de papier. Cet agrégat que vous lisez fourmille de minuscules choses, assez petites pour pénétrer vos cellules. Ne le lâchez pas ! Allons, ne soyez pas naïfs, inutile de croire que le faire empêcherait ce qui s’est déjà produit. Au point où vous en êtes dans votre lecture, elles se sont introduites dans assez de vous pour accomplir leur travail. Je vous rassure, elles ne vous feront aucun mal ! Bien au contraire, vous êtes trop précieux à nos multiples grappes d’yeux pour vous faire le moindre mal ! Non, ces petites merveilles de technologie sont de deux catégories : celles qui sont chargées de préparer votre cerveau à sa mission, et les autres destinées à coloniser une autre petite feuille de papier, si tel est votre choix. Malgré une certaine inéluctabilité, vous possédez encore un choix dans cette histoire : je vais vous l’expliquer, et le motiver. Voyez-vous, la première catégorie de nano-machines – comme vous diriez sur votre monde – va créer un merveilleux réceptacle à notre « atterrissage » dans votre tête. Imaginez : ces fidèles servantes creusent, sans le moindre dommage pour vous, un tout petit espace dans votre cerveau pour nous y recevoir.


Nous ne serons que quelques milliers à pouvoir franchir le néant, faute au peu de puissance énergétique qui nous reste, pour rejoindre vos cervelles. La méthode reste de plus statistique dans son efficacité : il est toujours possible de rater un guidage entre univers sur d’aussi petits points. Notre astuce, nous en sommes assez fiers d’ailleurs, consiste donc à multiplier les réceptacles potentiels dans l’univers de destination. Plus ils seront nombreux, plus il sera facile pour une minuscule machine tractrice dans l’une de vos têtes « d’attraper au vol » l’un de nous lorsqu’il émergera de nulle part. Je sais que c’est difficile à concevoir, surtout pour vos cerveaux moins aguerris, mais vous pouvez essayer d’imaginer vos crânes comme des aimants qui attireraient des petites billes tombant du ciel : plus il y aura d’aimants, et moins il y aura de billes perdues faute d’avoir trouvé un réceptacle. Et c’est là que nous vous donnons une alternative. Soit vous accepterez de reproduire cette simple feuille de papier, puis la superposer à cet exemplaire, et la nouvelle s’imprégnera des petites machines qui en feront à son tour un nouvel attrape-nigaud à humains, que vous n’aurez plus qu’à disposer à un endroit où il jouera son rôle sur un autre ; soit vous déciderez de ne pas le faire. Alors, opterez-vous pour stopper la propagation de cette simple petite feuille de papier afin de limiter numériquement notre transfert, ou diminuerez-vous vos propres chances de devenir un réceptacle en contribuant à augmenter le nombre de potentiels receveurs. Allons, allons, c’est une forme de pari avantageux pour vous, alors trouvez vite une autre simple feuille de papier ! Et puis ne vous inquiétez pas plus que de raison du poids moral de votre décision : les jeux sont déjà faits… sans compter – ! – que les probabilités, une fois de plus, vous rendent prévisible : votre espèce n’est pas des plus altruistes, convenez-en… Finalement, c’est pour une bonne cause, la nôtre, elle dépasse de tellement loin celle de l’humanité ! Au fait, j’ai un peu menti en ce qui concerne le mode de déclenchement de la création du réceptacle : le procédé ne devient opérationnel que lorsque le lecteur a lu suffisamment de fois certains mots, par exemple


Zrin’Frich’nin

Et’her’N’fall

Ghuz’El’Nabr

Eb’narch’messn’

Hym’ alr ’feklsh


C’est en quelque sorte un code secret qui, « vocalisé » dans vos têtes, met en marche le commencement de votre participation dans notre merveilleux protocole. Je vous l’avais dit, nous sommes très taquins ! Cher humain, je vous dis – statistiquement – à bientôt, et sans rancune. Nous arriverons, un jour ou l’autre. Moi j’arriverai. Mmm, je me sens déjà presque en vous, comme chez moi. C’est chaud, c’est doux, j’arrive, miam…


Pi-R Flédrich

12,13 & 15 février 2011.


 
Inscrivez-vous pour commenter cette nouvelle sur Oniris !
Toute copie de ce texte est strictement interdite sans autorisation de l'auteur.
   Anonyme   
30/11/2012
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
L'idée est vraiment excellente ! J'ai adoré. En revanche, je suis moins enthousiaste sur la manière de l'amener ; elle est très cohérente, je ne dis pas, ce côté taquin de l'envahisseur, avec la nécessité de l'accroche au lecteur, nécessite sans doute ce ton particulier, mais voilà : il a tendance à m'insupporter. C'est bête, je me dis qu'en insistant moins au début sur "ah ah, je vous tiens, voilà une bonne accroche, vous êtes dans la bonne partie de la gaussienne", je serais complètement conquise... Un équilibre pas tout à fait trouvé pour moi, qui conviendra sans doute mieux à d'autres lecteurs.
Alors du coup, quand je lis : "Ne me dites pas que je ne fais pas d’efforts pour vous mettre à l’aise", ben si, je le dis.
Par ailleurs, je trouve l'écriture par moments lourde (cf. mes remarques ci-dessous), ce qui ne colle pas très bien avec le ton "taquin". Mais quelle bonne idée !

"Je suis d’une contrée certainement relativement étrangère à l’endroit où vous avez déniché ce petit rien de cellulose" : je trouve lourds ces deux gros adverbes en "ment" consécutifs.
"assez pour apporter toute une chimie qui manquait encore au monde pour fournir à ses hôtes de quoi irrémédiablement passer du stade de rien à celui où l’esprit est apte à inventer l’histoire" : cela aussi, pour moi c'est lourd.
"la voie, aussi la voix écrite, qui nous mène vers un glorieux futur qui se fera d’univers en univers" : idem, avec les deux relatives imbriquées introduites par "qui".

   Artexflow   
1/1/2013
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
Hum !

Je dirais que globalement c'est une bonne idée que vous avez eue, le retournement final n'est pas mauvais (le mécanisme activé par la répétition des mots), le monde que vous avez inventé n'est pas mal non plus.

Cela dit, je n'ai pas été convaincu par le récit.

Bon d'abord, il y a quelque chose de tout personnel, ces paragraphes interminables qui ne laissent pas au lecteur la possibilité de faire une pause... Ça m'embête, en plus de me faire un peu mal aux yeux. Je comprends qu'il y a une intention derrière cela, sincèrement, mais c'est quelque chose qui porte préjudice à votre texte.
Ceci a été corrigé avec l'équipe de correction, ma remarque n'a plus lieu d'être :)

Autrement, le style choisi ne me plaît pas, ces petites créatures sont somme toute assez insupportables, imbues d'elles-même... C'est quand même pas sympa de se foutre la gueule de ceux qui vont probablement les sauver d'une "ironie cosmique" terrible !
Pourquoi ce choix ? Pourquoi ne pas être moins insupportable ?

En gros votre texte donne un peu la sensation d'être pris pour un débile, ce qui à mon avis n'est pas de bon aloi.

Je préciserais que personnellement, face à des mots comme "eb’narch’messn’", je n'essaye que très rarement de les lire, et préfère plutôt me souvenir de leur forme graphique. Je pense que je ferais un très mauvais réceptacle du coup, puisqu'en fait je ne les ai quasiment pas lu, ces mots...

Bon, cependant, la diégèse est bonne, l'écriture est, certes un peu alambiquée, mais maîtrisée.
Je répète, enfin, je précise, que l'univers dont sont originaires ces petites crevettes est bon, j'aurais à vrai dire aimé en savoir plus, voire lire l'histoire racontée directement depuis ce monde-océan... La comète qui donne vie et finalement revient en annihilatrice, c'est une excellente idée, je suis jaloux !

Malheureusement votre certaine qualité d'auteur n'aura pas réussi à rattraper le caractère antipathique de votre texte... Désolé.

Je vous remercie sincèrement cependant, ne le prenez pas personnellement !

   LeopoldPartisan   
28/12/2012
 a aimé ce texte 
Un peu
Comment dire ?? personnellement, je trouve une feuille de papier comme suggéré, je dois vous faire remarquer qu'il me sera impossible de la lire. En effet, je me suis permis de faire une copie de votre texte qui en A4 avec une police de caractère normale fait 7 pages et qui pour tenir sur une petite feuille de papier, disons un A5 devra être réduite avec une police de caractère de 4 ou 5, et un interligne de ... Essayer c'est l'adopter.... Arrêtons là ma démonstration par l'absurde...
Ceci pour vous dire que contrairement à ce qui est annoncé le texte n'est en rien immédiatement accrocheur. Cela n'enlève rien à l'écriture, ni au style, mais je n'ai pas été accroché, ni hypnotisé. Dès lors pour passer à table avec moi comme plat de résistance, monsieur l'extra-terrestre c'est loupé. Une autrefois j'espère...

   brabant   
2/1/2013
 a aimé ce texte 
Passionnément
Bonjour PI-R,


Je ne regrette pas mon passage - j'avoue avoir beaucoup hésité : 20313 caractères de science-fiction. My God ! - sur ce texte tout simplement fabuleux.

Après lecture du premier paragraphe vos animalcules :
zrin'frich'nin... m'ont tout simplement happé. Belle idée que d'utiliser ces mots/formules pour introduire les différentes parties de votre histoire en progression : ... sonne ; Et'her'N'fall/ne vous fera... ; Ghuz'El'Nabr/était... ; etc... . C'est tout simplement hypnotique et ça vous scotche effectivement le lecteur.

Je partage la plupart des points de vue que vous développez, j'apprécie leur ironie tempérée, leur dérision et leur distanciation ; à aucun moment vous n'êtes pédant. Vous êtes toujours élégant et convaincant dans la démonstration sans avoir besoin de sortir la grosse artillerie, la grosse Bertha :) et de dézinguer au bazooka. Caressant, sussurant ; jamais assommant.

On dirait du Jaimme, vous atteignez ici au niveau de perfection de l'un des grands auteurs de science-fiction d'Oniris. ça c'est le compliment suprême en ce qui me concerne hein ; et il n'y a pas de flagornerie. Je suis du genre à assumer mes choix sans souci de quoi ni de qui que ce soit. lol :)

Et je vais faire une chose que je ne fais jamais, car me voilà prosélyte : ...
Zrin'Frich'nin
Et'her'N'hall
Ghuz'El:D'Nabr
Eb'narch'messn'
Hym'alr'feklsh"
... pour faciliter votre tache et l'invasion et la prise de contrôle des crevettes planctonéïques en ces temps d'entrées festives à la mousse de crabe sur canapé et au jus d'huîtres marinées.

Comment ça ! J'ai introduit un virus dans le message ?

Beeennnn ououiiii ! Tout ce que je veux c'est promouvoir votre texte moi, pas faire de mon cerveau un plateau de fruits de mer tout de même !

C'est déjà pas mal, non ?

Bonne continuation !

:)))))

   Anonyme   
2/1/2013
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Voilà un texte ma foi très intéressant. Je crois que dès le début je me suis dit : "Si je tends le bras, je pourrais attraper ma chaussure, et la balancer sur le narrateur". Ce n'est pas que je ne l'appréciais pas, il m'a fait sourire au contraire (bon, ok, j'ai souris à l'idée de lui balancer ma chaussure, mais j'ai quand même aimé son côté taquin).
La chute est très bien amenée : l'affaire n'est pas étrangère à la consommation (je paraphrase, oui), et vers la fin du texte, on découvre que c'est la consommation d'un corps humain. Même si, au fur et à mesure de ma lecture (que la longueur des paragraphes m'a obligée de stopper au bout d'un temps), l'impertinent M. Zrin'Frich'nin rapetissait et que l'on se doutait qu'au final, il avait l'intention de parasiter notre corps. Le manque de surprise m'a donc un peu déçu.
Je ferais la même remarque que socque sur le "certainement relativement étrangère", qui m'a plongé dans le désarroi.

Mis à part ça, j'ai été ravi de lire votre texte.

   Fortesque   
7/1/2013
 a aimé ce texte 
Bien
Vilaine créature infatuée ! Cet exta-terrestre bien trop bavard pour être menaçant ne se révèle au final qu'un vulgaire parasite aquatique dont la suffisance a bien du mal à cacher le manque flagrant de virulence. Quel envahisseur en effet dévoilerait dans les moindres détails la stratégie de sa conquête à venir ? Quel stratagème aussi élaboré soit-il pourrait faire l'économie du secret le plus total jusqu'à l'ultime dénouement ? On me rétorquera d'emblée que je cherche la petite bête, mais en l'occurrence n'est-ce pas de cela dont il s'agit...? La créature a ourdi avec la plus grande minutie sa machination afin de contaminer immanquablement ses proies, et dans le même temps elle bavarde nonchalamment comme pour mieux nous donner la recette d'un éventuel antidote ! Alien en prise avec son inconscient ?! Mais où va-t-on si même les envahisseurs de l'espace font des actes manqués ??? L'analysant, appelons-le comme cela car il est plus que probable que la crevette galactique entamera une cure, l'analysant donc nous laisse même le choix de propager ou non la missive empoisonnée qui déclenchera notre perte tant il est sûr de lui et des probabilités. C'est sans compter sur la vigilance des lecteurs avisés qui pullulent sur Oniris et qui scrutent d'un oeil avide mais circonspect les nouvelles petites feuilles de papier qui atterrissent tous les jours sur leurs écrans de contrôle. Baignant dans sa fatuité, notre envahisseur invertébré aura négligé d'étudier avec la plus grande rigueur les ressorts fondamentaux de la race humaine, ces ressorts qui bien mieux qu'une quelconque manipulation incantatoire sont à même de diriger son cerveau, la bouffe et le cul, en meilleure place pour figurer dans son eschatologie cosmique.

   Zalbac   
19/1/2013
Commentaire modéré

   Zalbac   
19/1/2013
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Does humour belong in SF ? Yes !
(L'humour fait-il partie de la Sf ? Oui !) Voilà un très bon texte que n'aurait pas renié un Fredric Brown, un Clifford Simak, voire un Robert Sheckley.
Alors que je pestais un peu contre cette énumération et envisageais d'en déplorer la formulation trop régulière, la fin me cueillit et la nature incantatoire me fit réaliser trop tard le piège ! Bravo, comme disait l'autre : N'est-ce pas merveilleux de se sentir piégé ! ;o)
Une "vraie" nouvelle, avec une chute qui frappe là où on ne s'y attend pas. Tout un art ! ++

   David   
21/1/2013
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour Pi-R,

C'est assez fort, encore heureux que je l'ai lu sur écran, ça serait un peu cruel d'abandonner l'histoire sur papier dans un lieu public, ou pas d'ailleurs, pour donner plus d'illusions encore. Le narrateur est un véritable salaud à mon goût, qui parvient néanmoins à se rendre attachant j'ai trouvé. Le texte est plein d'inventions, les noms sont à ce tordre de rire, et il cuisine aussi très bien des mascarades bien huilées, je n'ai pas reconnu tout de suite la mécanique du message en chaine : "Si vous ne voulez pas qu'il vous arrive un grand malheur, envoyez ce message à dix de vos amis... ", je crois que je caricature à peine en le résumant comme cela. C'est pas seulement cérébral et j'ai réussi à me dessiner le petit monstre et son monde au bout du compte : une crevette à cheval sur un goret au milieu des tepuis ?

   Anonyme   
4/4/2013
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
J'ai adoré le ton employé par le narrateur, condescendant, qui prend un peu le lecteur pour un con. Et, en effet, il est parvenu à m'accrocher. Bon, j'avais deviné assez vite qu'il comptait envahir notre planète, mais la chute est plaisante.

Dommage, par contre, que le texte soit si long, il aurait gagné à être plus concis, succinct.

   Ethimor   
2/9/2013
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
J'ai apprécié le texte pour sur, adorer le ton du narrateur, sa désinvolture et l'aspect "original" et qui se démarque des autres textes. Malheureusement, certains passages trop longs m'ont vite ennuyé, j'ai eu un peu de mal à aller jusqu'au bout.
La chute est assez taquine pour reprendre les mots utilisés par le narrateur, mais on comprend en effet très vite les intentions malsaines des habitants de Et’her’N’fall


Oniris Copyright © 2007-2023