Le lendemain, Tristan était resté presque toute la journée devant la chaumière, un bâton à la main grattant le sol, y dessinant tout ce qui lui passait par la tête. Cela lui permettait de ne plus trop penser aux malheurs qui s’abattaient sur sa famille. Il dessinait des oiseaux, leur enviant leur liberté, des étoiles leur enviant leur beauté et à côté de ses créations, il ne pouvait s’empêcher de reproduire un symbole qu’il avait vu dans son dernier rêve. Depuis la visite du maître des vœux, il ne cessait d’avoir des visions dans son sommeil qui lui donnaient la chair de poule. Cette nuit, il avait rêvé de Cagoule, la forêt mystérieuse. Il y avait vu mille paires d’yeux qui l’observaient dans l’obscurité, qui le surveillaient alors qu’il déambulait entre les arbres à la recherche du paon sacré. Il y avait trouvé une rivière d’un bleu d’encre qui s’écoulait paisiblement caressant les racines des grands hêtres de ses méandres sinueux. Il fut contraint de la traverser à la nage, l’eau était chaude, du moins c’est ce qui lui avait semblé durant son rêve. Une fois arrivé sur la rive opposée, il avait repris sa route sur un sentier jonché de branches. Il n’avait pas peur de se perdre, c’était comme si la forêt était sa demeure, il se sentait tel un renard, il trouvait son chemin grâce à son flair... Après une longue marche, il se retrouva devant une épaisse masse rocheuse dans laquelle le temps avait cru bon de creuser une caverne qui ressemblait à une énorme gueule prête à se refermer sur quiconque y pénétrerait. N’écoutant que son courage, il était entré et c’est là que lui était apparu le symbole :
Une espèce de croix formée de spirales. Il n’avait jamais vu ce signe nulle part, d’ailleurs il n’avait jamais été dans Cagoule auparavant. Il dessinait ainsi depuis plusieurs heures jusqu’à ce qu’il décide de rentrer. Il avait espéré avoir des nouvelles de l’elfe, pas qu’il lui manquât mais le sort de son pauvre père était entre les mains d’Antonin. Lorsqu’il franchit le pas de la porte, il surprit une fois de plus sa mère en train de sangloter et de gémir tout en tricotant un chandail qui était maintenant assez grand pour habiller un troll des Montagnes. Il ne lui dit pas un mot et quitta la pièce détournant ses yeux de ce triste spectacle qui lui déchirait l’âme à chaque fois qu’il en était témoin. Une fois dans sa chambre, il laissa une fois de plus couler les larmes, il jurait intérieurement contre lui même, se reprochant d’être là au chaud auprès de sa mère tandis que son vieux paternel lui devait subir mille supplices dans sa cellule, entouré de bandits et de meurtriers. Il aurait tout donné pour obtenir des nouvelles de lui. Au bout de deux longues heures, il finit par ne plus gémir, séchant ses larmes il se laissa une fois de plus emporter par Morphée.
Il avait revêtu sa tenue de renard, il se sentait léger, agile et intrépide. Ses pattes connaissaient maintenant mieux que lui le chemin qui menait à la grotte, il s’y rendit beaucoup plus rapidement que la dernière fois traversant la rivière et les sentiers escarpés de Cagoule. Cette fois, il était décidé à rester plus longuement dans la caverne, décidé à obtenir un quelconque indice sur ce que pouvait signifier le symbole. Il s’assit sur ses deux pattes arrière, les deux pattes avant dressées, la tête levée vers le dessin. Rien ne bougeait, tout était silencieux si ce n’est le clapotis de l’eau qui résonnait jusqu’au fond de la cave humide. Désespérant de pouvoir trouver quoi que ce soit, Vulpin, c’était le nom que Tristan avait donné à l’apparence qu’il prenait dans ses songes, décidé d’aller voir plus loin dans ce qu’il supposait être la “gorge de la gueule de pierre”. Son corps de bête lui permettait de garder un meilleur équilibre que ne pouvait le faire son ancien corps bipède. S’enfonçant de plus en plus dans ce qui lui sembla être un souterrain, il finit par aboutir à un carrefour de couloirs. Trois solutions s’offraient à lui ; continuer tout droit, tourner à gauche ou encore tourner à droite. Bien décidé à explorer plus en profondeur la mystérieuse caverne, il entreprit de commencer par la droite. Après plusieurs minutes il finit par déboucher sur un cul-de-sac. Il voulut repartir en arrière quand son attention fut attirée par quelque chose qui ornait le mur de pierre qui l’empêchait de progresser plus loin. La pénombre ne lui dévoilait, d’où il était, qu’une épaisse silhouette grotesque qu’il ne pouvait définir. Il s’approcha prudemment et émit un grognement qui aurait dû, s’il avait été homme, être un cri de terreur. Là sur les rochers était accrochée une tête horrible, reprenant ses esprits il finit par remarquer, avec dégoût, que cette tête avait été empaillée. Il lui fallut plusieurs secondes pour remarquer ensuite que le symbole était à nouveau présent, sous ce qui aurait dû être le cou de l’elfe à la tête tranchée. Le buste semblait sourire, à jamais figé dans une expression moqueuse, ses traits étaient tirés et durcis. Il semblait même faire un clin d’œil à Vulpin qui observait maintenant ses longues oreilles tombantes qui se terminaient en pointe. Un bruit retentit soudain derrière le renard qui se retourna avant d’être submergé par une lumière vive et abondante.
Le soleil tapait si fort sur le visage de Tristan à travers la fenêtre qu’il se réveilla en sueur, maudissant cette clarté de l’avoir ainsi emporté loin de la grotte mystérieuse. Sa confusion fut courte, un cri retentit à nouveau dans la vieille masure, il se leva d’un bond et accourut dans le salon craignant le pire. Son cœur fit un bon vertigineux dans sa poitrine, sa mère avait sauté au cou de son père revenu à la maison couvrant sa femme de baisers. Tristan se sentit poussé en avant par une force invisible, il étreignit son père de toutes ses forces se promettant de ne plus le lâcher. Il le serrait de toutes ses forces remerciant Antonin intérieurement, il crut même l’apercevoir à la fenêtre du salon lui adressant un petit signe du pouce.
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