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Sentimental/Romanesque
plumette : Anniversaire
 Publié le 03/05/19  -  13 commentaires  -  11634 caractères  -  143 lectures    Autres textes du même auteur

Ce jour-là, Didier, confronté à un personnage de fiction, s'interroge sur sa vie.


Anniversaire


Didier lance à la cantonade : « Salut, bon week-end ! »

Seule la prof d’italien lève les yeux et lui fait un vague signe de la main.

Ils sont bien douze, pourtant, plongés dans leurs bouquins.

Perdu dans ses pensées, il marche lentement jusqu’à la sortie du lycée, les paquets de copies des 1ères ES et des Terminales A3 pèsent dans son sac à dos, soixante et une fois vingt minutes, soit plus de vingt heures de boulot en perspective, heureusement, il a deux semaines devant lui mais il faudra tout de même s’y mettre dès demain, il en est fatigué d’avance.

Rentrer à pieds ou en tram ? Si c’est trois minutes affichées, il patiente, si c’est plus, il avance. Avancer plutôt qu’attendre, c’est un parti pris, presque un principe, comme sortir de l’autoroute quand il y a des bouchons. Plutôt passer deux heures à se perdre sur les routes de campagne que rester, coincé dans la voiture, à rouler au pas, ne serait-ce qu’un quart d’heure.

Quand on avance, on conduit. C’est comme dans la vie. Piloter, ça lui donne l’impression d’être celui qui décide. Avance, allez avance ! Pour aller où ?

Finalement il rentre à pieds, la ritournelle de Souchon dans sa tête, rythme ses pas :

On avance, on avance, on avance

C’est une évidence, on avance

On n’a pas assez d’essence

Pour faire la route dans l’autre sens, on avance


Une nostalgie soudaine, il ne s’y attendait pas.

Après tout, c’est un jour comme un autre.

Un vendredi, qui précède un samedi, un 19 octobre, rien de notable, ciel nuageux, temps doux, pas de vent.

Il s’est bien gardé de le claironner au lycée. Il déteste quand les collègues, des femmes surtout, se trémoussent en disant : « C’est mon anniversaire aujourd’hui ».

N’empêche que oui, c’est son anniversaire aujourd’hui. Il a cinquante ans, il est seul. C’est ce qu’il a voulu, il en est convaincu.

Lorsque Caro, embêtée, lui a dit qu’elle avait un séminaire professionnel à cette date, il l’a mise à l’aise.

« M’enfin ! C’est un jour comme un autre, non ? Et que veux-tu fêter ? Ma vue qui baisse, mes cheveux qui tombent, mon bide qui prospère ? » Ça l’a calmée. Mais là, maintenant, la seule compagnie des copies à corriger, c’est un peu rude. Il se surprend à regarder à plusieurs reprises l’écran de son téléphone portable. Est-ce qu’on pense à lui ? Sa mère ? Caro, ou son pote Jérôme qui est passé par là récemment ?

Vaut mieux éteindre, que d’attendre.

Allez avance ! Didier passe devant le Royal. Il regarde les affiches distraitement. On y passe cette comédie dont tout le monde dit grand bien. Caro l’a vue, et elle a beaucoup ri.

Ça lui fait drôle d’entrer en milieu d’après-midi dans le grand hall désert et décati. La salle est presque vide, quelques duos ou trios de mamies, disséminés, à bonne distance les unes des autres. Un autre homme solitaire, plongé – plutôt planqué – dans un journal. Didier a le choix de la place, se poste en bout de rangée, comme toujours, pour pouvoir sortir au cas où… ni trop loin, ni trop près, sac à dos et blouson posés sur le fauteuil voisin, distance de sécurité à respecter.

Lorsque la salle plonge dans le noir, Didier commence à se détendre, il s’affale dans son siège, est tenté d’enlever ses chaussures, se contente d’en dénouer les lacets. Le défilé des bandes-annonces le saoule, il ne s’y est jamais fié pour faire ses choix.

Avance, bon dieu ! Quand est-ce que ça commence ?


Ça commence dans un café de la banlieue parisienne.

L’homme est fébrile, il attend, va et vient, passe un coup de fil, la mine sombre. Puis il houspille le serveur, assis comme un consommateur à une table, dans un coin près de la fenêtre. Le serveur lit un gros bouquin. Il regarde l’autre s’agiter, se décide finalement à se lever, avec nonchalance, s’approche du comptoir et le nettoie sans conviction. Le patron semble de plus en plus nerveux, plus il s’active, plus le serveur ralentit ses gestes. Les mots du patron sont cinglants. Le serveur lève un œil blasé, ça glisse.

Didier compatit : un mollasson pareil, oui, on a vraiment envie de le secouer !

Une femme entre, elle embrasse chacun des deux hommes, c’est Betty la sœur du patron, l’ambiance s’électrise. Le frère et la sœur ont des échanges aigres-doux, et le serveur retourne à son bouquin.

En passant, il s’adresse au vieux chien qui ronfle, encombrant le passage vers l’arrière-salle : « Tu t’en fous, toi ! T’es bien là, hein, mon vieux ? »

Attente. Didier surprend le regard interrogatif du serveur.

Pour l’instant, la salle n’est pas réactive. Didier n’est pas le seul à se demander quand est-ce que ça va devenir drôle.

Il a mal pour le patron, ce pauvre type bougon qui planque à sa famille ses déboires conjugaux. Et s’il y en a un qui n’est pas dupe, c’est bien le serveur.

Didier se rappelle des commentaires de Caro : « Tu verras, des dialogues ciselés, c’est très subtil, toute l’ambivalence des rapports frères/sœurs, la mère odieuse qui ne se rend même pas compte qu’elle fait du favoritisme, la belle-sœur, une fausse godiche, et ce pauvre vieux chien à moitié paralysé. »

Bizarre, Caro ne lui a pas parlé du serveur. C’est l’intrus, il n’est pas de la famille lui, et il assiste à tout ça en spectateur goguenard.

Goguenard, oui, c’est ça, avec son petit œil malin de gars qui ne s’en laisse pas compter, mais sait tout de même rester à sa place, Didier l’a bien vu tout à l’heure le regarder d’un air entendu. Comme s’il savait que c’est exactement sa façon d’être quand le proviseur fait son numéro en réunion.

Il a même cru l’entendre lui parler à l’oreille, un chuchotement ou un chuintement, un petit air qu’il a cru reconnaître, encore Souchon et ses chansons. Tu la voyais pas comme ça ta vie… Tu la voyais pas comme ça frérot… doucement ta vie t’a mis K.O.

Didier a secoué la tête et a essayé de se concentrer sur les dialogues, de comprendre l’histoire.

Deux frères et une sœur qui se réunissent avec leur mère et leur conjoint respectif comme chaque vendredi soir, dans le café tenu par Henri, l’aîné, fils mal-aimé. Mais ce vendredi semble sortir un peu de l’ordinaire. On attend Arlette, la femme d’Henri. On parle de la prestation télévisée de Philippe, le fils chéri celui qui a réussi, et on s’apprête à fêter l’anniversaire de Yolande, l’épouse de Philippe. À peine si on écoute Betty qui vient d’avoir une altercation avec son chef.

Didier voit tout ce petit monde s’agiter sur l’écran mais les réparties qui font d’après Caro tout le sel de cette comédie aigre-douce lui échappent. Il est rivé sur Denis, le serveur qui le prend à partie à la moindre occasion. C’est discret, une petite phrase glissée ça et là entre deux répliques. Ce type l’intrigue, qu’est-ce qu’il lui veut avec son air doux et insistant ? Il n’est ni beau, ni moche, son jean fait la poche sous les fesses, il porte un pull marin défraîchi, ça lui rappelle sa période caban juste après son stage aux Glénan ! Des types comme ce Denis, sûr qu’il en connaît, des rêveurs qui font un boulot alimentaire, celui-là qui lit un gros bouquin dans ce café de banlieue, il se voyait sans doute écrivain.

Didier tend l’oreille et surprend à nouveau une petite phrase :

Te laisse pas faire mon vieux, tu mérites mieux que ça.

Ah oui ? Prof d’histoire/géo, c’est comme ça que tu as recyclé tes rêves d’explorateur ?

Didier s’agite sur son siège, il se surprend à guetter les interventions de Denis à l’écran et à dresser l’oreille pour capter encore ces étranges paroles qui viennent le titiller.

C’est le moment ou jamais frérot, si tu veux que ça bouge, c’est maintenant.


Didier n’a pas vraiment suivi la fin du film. Il s’est juste remobilisé lorsque Denis a fait danser le rock à Yolande, il a été touché par la tendresse de ce type, le seul à être bien dans ses pompes finalement.


Après le ciné, Didier rentre doucement en longeant le fleuve. Il contemple les flots à contre-courant, toute cette eau sombre et tourbillonnante, chargée des pluies de ces dernières semaines.


Dans sa tête la petite voix de Denis lui suggère d’y aller. Aller où ? Il ressent cet appel sans savoir quelle direction lui donner. N’est-il pas satisfait de sa vie, presque heureux même ? Bon ! ça ronronne dans son quotidien, il y a eu des moments plus trépidants, ça manque d’intensité mais c’est assez confortable, sauf lorsque Lola avec ses dix-sept ans, ses tatouages, ses cheveux qui changent de couleur et son phrasé précipité vient perturber ses certitudes de quinqua plutôt blasé qui n’a plus grand-chose à découvrir.

Didier est indulgent, il garde en mémoire sa propre adolescence flamboyante, et le sang d’encre (comme disait sa mère) qu’on se faisait pour lui et son avenir, il est bien placé pour savoir qu’il faut que jeunesse se passe, cette jeunesse, il l’aime et la défend, sinon il ne serait pas ce prof cool et néanmoins respecté de ses élèves.

Ce vas-y insistant, cette petite voix persuasive de Denis qui insiste dans son oreille, lui évoque ce moment très particulier, avant le départ d’un 100 m où le coureur se tient, posté dans les starting-blocks, ramassant toute son énergie et sa concentration pour bondir au coup de feu.

Surtout, ne pas rater son départ ! Un faux départ et c’est la disqualification. D’où lui vient cette image ?


Ses pensées flottent maintenant dans le courant du fleuve qui a noirci avec la tombée du jour, cette masse mouvante l’hypnotise, il s’imagine sur un radeau voguant au gré du courant, c’est le radeau de l’été de ses treize ans. Avec Cédric, ils ont mis cinq jours pour en venir à bout, le moment est venu de la mise à l’eau, Cédric entre dans la rivière pour tirer tandis que sur la berge Didier pousse, ça coince, ça crie, une poussée plus forte, enfin efficace, Cédric surpris trébuche, s’affale dans la rivière. Bam, le radeau cogne la tête du gamin. Didier lâche tout, se précipite vers son copain, son cœur tape fort, il y a du sang, Cédric remonte avec son aide sur la berge, plus de peur que de mal ! La plaie au front ne paraît pas profonde, Cédric sera bon pour quelques points de suture, Didier voit le radeau qui part là- bas au gré du courant, avec son paquetage et sans ses marins, son équipe est éliminée du défi, il se retient de pleurer.


Un peu plus tard, les monos étaient allés en canoë récupérer le chargement et avaient laissé le radeau s’échouer.


La fin de la semaine au camp avait été morose, pluvieuse. Cédric avait été renvoyé chez lui, en attendant le retour des autres, on avait casé Didier chez les Éclaireuses. Le dernier jour, il s’était fait désigner pour le démontage du camp pour éviter d’assister à la remise des trophées.


Après, terminés les défis. Les remous du fleuve avaient emporté les rêves de l’adolescent. Didier les avait modulés et quelque peu rétrécis pour qu’ils lui soient accessibles, une manière d’éviter de nouvelles déceptions : exit la traversée de l’Atlantique transformée en stage aux Glénan, il avait choisi le CAPES d’histoire/géo plus sécurisant que la thèse d’anthropologie et puis s’était laissé embarquer par Caro pragmatique, contre son attirance pour une Lili fantasque qui lui avait fait peur.


Didier s’est arrêté, il contemple le fleuve, prend une grande inspiration, c’est vrai qu’il a choisi la navigation en eaux calmes, plutôt proche du bord, n’a pas osé s’élancer dans le vif du courant, trop peur de boire la tasse ou pire : se noyer. Mais s’est-il trahi pour autant ?

Non, Didier ne remet pas en question la direction prise, mais peut-être pourrait-il faire plus de place à ses rêves, comme on donne prise au vent dans les voiles, pour aller plus vite et plus loin ?


 
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   Corto   
13/4/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Voici une grande introspection qui mérite attention.

Ce prof d'histoire/géo de 50 ans plonge en lui-même sans vraiment s'en apercevoir dans un premier temps.

Il est même plutôt dynamique puisqu'il a pour philosophie de toujours avancer. Belle référence à Souchon avec "On avance, on avance, on avance C’est une évidence, on avance" qui lui sert de devise de vie.

Mais un premier tournant vient avec ce film où l'intrigue ce serveur mollasson qui lit un gros bouquin dans un café de banlieue "Le serveur lève un œil blasé, ça glisse". Et c'est ce personnage secondaire falot qui semble regarder Didier "Comme s’il savait que c’est exactement sa façon d’être quand le proviseur fait son numéro en réunion."

De fil en aiguille Didier en arrive à revivre "sa propre adolescence flamboyante" et à comparer ses ambitions d'alors avec l'adulte qu'il est devenu: "c’est vrai qu’il a choisi la navigation en eaux calmes, plutôt proche du bord".

L'interrogation cruelle arrive dans sa tête "s’est-il trahi pour autant ?"
On est en plein dans le blues de la cinquantaine. Place à l'introspection, à la réflexion. L'heure n'est pas à la réponse.

Un texte bien écrit, bien déroulé, qui vise la profondeur plus que l'action.

   vb   
3/5/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Chère Plumette,
J'ai beaucoup aimé ce texte mélancolique - surtout pour quelqu'un qui comme moi approche de ses cinquante ans. On sent bien cette nostalgie de l'adolescence, cette middle-life-crisis.

J'ai eu un peu difficile avec la séance de cinéma. J'ai eu de la peine à m'imaginer le film dont tu parles ; mais peut-être n'était-ce pas ton but. Je pense que tu voulais justement montrer que le narrateur n'aimait pas le film ou plutôt était trop préoccupé par lui-même pour vraiment le comprendre et se contentait de s'identifier à ce Denis. J'ai cependant trouvé ce passage un peu longuet.

Par contre, j'ai apprécié l'image des remous dans le courant du fleuve et les souvenirs qui remontent à propos de Cédric et ses amis d'adolescence. J'ai trouvé ça bien amené.

Merci pour ce texte et à bientôt.

   Anonyme   
3/5/2019
Bonjour Plumette,

Je ne suis pas convaincu par le choix narratif. Soit la séquence Un air de famille, au cinéma, est trop longue, soit elle est trop courte. La nouvelle est en déséquilibre, elle a du mal à trouver son révélateur. Ce Denis, le serveur, qui devait tenir ce rôle, disparaît trop vite. On aurait voulu garder ce contact entre lui et Didier, il aurait dû être le ciment de l’histoire, jusqu’au bout. Les eaux du fleuve nous emportent vers d’autres courants, et c’est bien dommage. Au total, une histoire qui régresse à mesure qu’on avance et une dernière phrase à l’existentialisme un peu plan-plan.

Il y a aussi quelques confusions possibles dans les personnages. La présentation de Caro laisse penser qu’elle est la sœur de Didier plutôt que son épouse. Vous installez une distance entre les deux : « Caro l’a vue (parlant de la comédie), et elle a beaucoup ri ». Je ne sais pas, mais lorsque je lis ça sans d’autre précision, j’ai plutôt l’impression d’une sœur qui téléphone à son frère. C’est comme le parachutage de Lola et de ses dix-sept ans, on peut facilement penser à un fantasme de Didier. C’est le genre de petits mystères qui me font relire les phrases à l’infini, en me demandant si je ne deviens pas gâteux.
Cédric aussi, il est bien gentil sur son radeau, mais il n’aurait pas dû peser lourd à côté de Denis, le serveur.

En fait, je crois que j’ai abdiqué quand Didier est sorti du ciné. J’aurais préféré que l’intrigue reste circonscrite à cet espace.

Quant au style, c’est ce que j’appelle un style indéfinissable, qui tire souvent sur le cursif et parfois soudain sur l’étirement, sur des phrases qui font cinq lignes. Harlan Coben qui aurait fauté avec un petit-neveu de Proust. Je veux bien suivre les méandres psychologiques de Didier, mais bon, ces ruptures exagérées de cadence, ces inflexions finalement hésitantes de la voix, finissent par abîmer le style. Pour le dire plus simplement, la première partie et la seconde ne semblent pas écrites par le même auteur.
Désolé, cette fois c’est vraiment non.

FrenchKiss
Fan des meilleures années Bacri

   hersen   
3/5/2019
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
Salut Plumette,

Une remise en question au fatidique anniversaire des cinquante ans n'est pas un des sujets les plus émoustillants. car on sait à peu près ce qu'on y trouvera et que cela finira par des regrets, de n'avoir pas osé sortir des rangs.
Ton texte ne déroge pas à cette règle.

le point que j'ai trouvé intéressant est le plongeon dans le film, où Didier se voit comme dans un miroir, en quelque sorte et je me dis que tu aurais dû, peut-être, pousser plus loin dans cette voie;

Je n'ai pas vraiment compris l'histoire du radeau. Enfin si, j'ai compris le fiasco, mais pas la raison de s'étendre à ce point. Je pense que c'est aller très loin de suggérer que cela, à treize ans, puisse avoir anéanti ses beaux rêves d'ailleurs et d'aventure.
Je reproche un peu au texte qu'il y ait des excuses constantes. Et je me dis qu'à cinquante ans, il est encore temps de tout lâcher pour voguer loin, donc je termine avec l'impression d'avoir assisté non pas à une remise en question, qui pourrait être salutaire, mais à un ressassement. Pour exemple, la fonction de prof d'histoire/géo : Didier le voit de façon négative. mais ne lui rest-t-il pas vingt ans encore pour se bouger aux quatre coins du monde ?

Je pense que je ne suis pas trop bonne cliente pour les crises des ...taines;
La dernière phrase dit bien l'atermoiement : en fait non, c'était bien, mais on pourrait faire un peu plus fantaisiste, c'est à dire faire ce qu'il n'a jamais fait plus jeune.
je doute.

Tu l'auras compris, je ne suis pas embarquée cette fois-ci.Même si ton écriture est raccord avec le sujet, je n'ai pas en fin de compte éprouvé grand chose envers Didier.

mais après tout, peut-être est-ce toi qui est réaliste et que je juge Didier à l'aune de ma bougeotte. peut-être ne pourrais-je jamais rencontrer le IRL tant nos notions sont différentes.

A te relire.

   senglar   
3/5/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour Plumette,


Ah que j'aime pas ce mec ! Pas étonnant que personne ne lève la tête quand il sort de la salle des profs... l'insignifiance même qui s'accorde pourtant de l'importance, nécessité pour survivre sans doute.

Ah que j'aime pas le com. que je vais faire, moi qui suis si positif d'habitude. Je ne vois même pas ici de quoi être dérisoire. Sans dérision je meurs. ahiiiiiii ! Ferré chantait parfois comme ça ! Que m'as-tu fait plumette ? Ahiiiiii !...

A cinquante balais il ne reste plus grand-chose à balayer pour Didier qui a balayé sans trop sourciller ses rêves de jeunesse pour l'essentiel bien vite avortés. M'est avis qu'il va rentrer sagement corriger ses copies ; finalement c'est peut-être tout aussi ardu pour lui que de se taper, je ne sais pas, l'Orénoque en canoé... et peut-être qu'il y trouvera des pépites dans ses copies alors que dans l'Orénoque il n'y a que vase et fange c'est bien connu. Un empiriste ce Didier et c'est bien comme ça. Bien pour lui. Bien pour Caro. A mon avis Lili l'a échappé belle ; en elle Lily il se serait miré Narcisse recomposé. Pas vraiment doué pour l'aventure le Didier ; c'est d'ailleurs dans un film de ce titre qu'Alain Chabat (génial ! L'un de nos rares vrais comiques ! Avec le sens, l'innéisme itou...) se prenait pour un bon gros toutou. Désopilant. Le CAPES d'histoire-géo - le plus confortable soit dit entre nous, celui que prenaient ceux qui craignaient celui de Lettres françaises classiques ou modernes plus aléatoires - semble le nec plus ultra, l'aventure ultime, la lutte finale pour ce handicapé de l'aventure, il a atteint ce qu'il pouvait atteindre, heureux en fin de compte d'être là où il est. Surtout ne pas plaindre ce héros de la procrastination, héros ordinaire comme beaucoup de héros qui pleurent sur eux-mêmes en buvant de la limonade et en mangeant du chocolat. Devinette : Assassin par ricochet raté, aventurier raté, Casanova raté, tous rêves loupés que pouvait-il être ? Ben... un prof réussi. Bon faux courage pour les copies. Après tout là encore il suffit de patience sans génie...

A Tristes Tropiques triste héros ! En fin de compte auto-satisfait de s'auto-apitoyer sur son son auto-personne.


Quel com. dis-donc que j'aime pas du tout ! Mais pour la lecture de la nouvelle j'ai couru d'un bout à l'autre plumette :)

C'est pas moi ça ! Pourquoi aussi m'avoir foutu un antihéros dans les guiboles... lol :)))


senglar

   Anonyme   
4/5/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour plumette

Avant toute chose : à pied ne prend pas de "s" et il y a une petite répétition du verbe passe : il passe devant le Royal ; il y passe cette comédie.
C'est marrant le film que vous racontez m'a fait penser à "Cuisine et dépendances" où Didier serait en quelque sorte un Jean-Pierre Bacri taciturne et nostalgique.

J'aime beaucoup Didier. On dirait que vous avez un faible pour les loosers et tous ceux qui marchent férocement dans les clous, parce que oui, forcément, à force de regarder où on met les pieds, un beau jour, on lève la tête et on observe ce qui se passe autour de soi. Encore qu'ici ça disjoncte en douceur, mais c'est méchant aussi les disjonctions douces, ça électrocute plus… durablement. La chanson de Souchon est fort bien vue parce qu'on est tous, tous, tous rangés dans nos tiroirs. Rares sont ceux qui ont une vie exceptionnelle et même ceux-là un jour ou l'autre rencontrent les regrets. C'est obligatoire vu qu'il est impossible de tout avoir. J'aime particulièrement dans vos textes voir transpirer votre attachement à vos personnages. Merci pour cette lecture.

   Mokhtar   
4/5/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup
On retrouve dans ce texte de Plumette ce que j’aime bien dans ses histoires : sa façon de brosser les traits d’un personnage pour lui donner vie, lui donner une crédibilité, faire qu’on a l’impression d’avoir déjà rencontré son héros quelque part.

Celui-ci vit comme un albatros sans rémige dans un poulailler. Il s’en est fallu de peu que le radeau ne le porte vers des aventures extraordinaires. Mais il n’y a jamais eu déclic, de coup du destin. Alors il s’est laissé glisser vers la facilité d’une existence banale (encore qu’être prof doit bien procurer quelques péripéties, quelques richesses sortant de l’ordinaire).

L’identification au personnage de Denis doit mieux « parler » à ceux qui on vu le film. Peut-être même que l’idée de l’histoire est venue à Plumette par ce biais.

Alors Denis-Didier débobine sa vie, plus en recul qu’effacé, un peu désabusé, un peu goguenard, un peu en survol. Piégé mais pas conquis. Il vole plus haut que sa condition. J’ai envie de lui suggérer d’écrire. Pour nous montrer « qui ne s’est pas trahi » et « pour faire place à ses rêves ». Pour expulser ses potentiels. Faire que sa plume l’emmène aussi loin qu’un radeau.

J’ai eu plaisir et intérêt à lire ce texte, porté par une écriture qui sait retenir.

PS : « Didier se rappelle des commentaires de Caro « (rappelle LES, ou SE SOUVIENT DE)

   jfmoods   
4/5/2019
I) Un homme un peu seul

Sa semaine de travail achevée, Didier, enseignant en histoire-géo au lycée, entrevoit déjà l'interminable corvée qui l'attend : corriger la soixantaine de copies qu'il vient de ramasser. Notre homme a aujourd'hui 5o ans et, d'un naturel discret, il n'a pas cru bon d'annoncer l'événement à ses collègues. Il semble même passablement soulagé de ne pas pouvoir fêter cet anniversaire avec sa femme Caro, absente pour raison professionnelle.

II) Un spectateur dans son fauteuil

Rentrant chez lui à pied, Didier passe devant le cinéma Le Royal et décide d'aller voir "Un air de famille" de Cédric Klapisch, film que Caro a vu et particulièrement apprécié. Cependant, au lieu d'en savourer l'intrigue, il se focalise sur le personnage de Denis, serveur dans le bar qui sert de toile de fond à l'histoire. Dans une hallucination, Didier entend Denis qui lui parle, qui lui présente sa vie comme un échec, qui lui laisse entrevoir d'autres pistes.

III) En remontant le fleuve du temps

Didier sort du cinéma. L'hallucination auditive a largement ouvert les vannes du souvenir. La crise de la cinquantaine est en marche. Didier se rappelle l'été de ses 13 ans, cet échec sportif qui a définitivement éteint le côté aventureux de son caractère. Didier considère alors le pragmatisme de son choix professionnel. Il revoit son passé amoureux, constate qu'il a préféré la sécurité (Caro) à la fantaisie (Lili). Quel autre homme serait-il devenu sans les circonstances malheureuses de cet échec ?

Il existe plus d'une raison pour aimer ce texte...

D'abord, le jeu de l'intertextualité. Souchon, chanteur indémodable, est présent dans d'autres nouvelles de Plumette. Il y a aussi, évidemment, un cadre spatial ("le fleuve", "dans le courant du fleuve", "il contemple le fleuve") qui ne laisse guère planer de doute sur le fait que nous nous trouvions, là encore, dans la capitale mondiale de la gastronomie.

Ensuite, il y a, évidemment, ce décalage entre l'aspect comique du film (je pense, en particulier, à la scène d'anthologie du coup de fil à l'hôtel -> https://m.youtube.com/watch?v=ABxytyKcQaw) et l'incapacité de Didier à rire, son obsession pour le personnage du serveur qui l'empêche de profiter de la séance.

Enfin, il y a l'humanité qui émane du personnage. Didier est resté l'adolescent qu'il était ("il est bien placé pour savoir qu’il faut que jeunesse se passe, cette jeunesse, il l’aime et la défend, sinon il ne serait pas ce prof cool et néanmoins respecté de ses élèves."), comme chaque homme le demeure au fond de lui-même, sans forcément oser se l'avouer.

Merci pour ce partage !

   Shepard   
5/5/2019
 a aimé ce texte 
Bien
Donc, toutes les dizaines y a la crise... avec une saveur différente...

Avoir des regrets c'est facile : tout est vu sous au travers d'un prisme négatif. Prof d'histoire-géo, c'est presque un échec (alors qu'il est respecté, donc quelqu'un de compétent). Un homme 'seul' alors qu'il est marié ? Des rêves abandonnés pour une chute à 13 ans ? Vraiment, s'agissait-il vraiment de ce qu'il souhaitait faire ? Les rêves sont ce qu'ils sont... personne ne sera jamais satisfait.

Mais finalement, la nouvelle se termine bien : Didier accepte son chemin et regarde l'horizon. La nostalgie est un piège vicieux, regarder en arrière est inutile, donc le personnage est plus fort qu'il n'y paraît au premier abord.

J'ai bien aimé le bonhomme, beaucoup n'aurait pas fait mieux que lui !

   Donaldo75   
6/5/2019
Bonjour plumette,

En lisant cette nouvelle, je me suis retrouvé dans les films français du début des années deux mille. C'est bien écrit, il y a une histoire ancrée dans le quotidien mais je me suis posé la question: ai-je réellement envie de lire une nouvelle sur un professeur qui passe le cap de la cinquantaine, se pose des questions sur ses rêves d'antan et sa réalité d'aujourd'hui ?

Je ne sais pas.
Des fois, non.
D'autres fois, pas non.
Jamais oui.

Peut-être que cet univers ne m'intéresse pas, en fait. Je ne vais pas rentrer en psychanalyse pour si peu, alors que je pense que tu as passé du temps pour concevoir l'histoire, écrire la nouvelle, la relire et en soupeser chaque élément, comme toujours chez toi dans ce souci du travail bien fait.

   maguju   
9/5/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour Plumette

Pardon de commenter seulement aujourd'hui mais je voulais prendre le temps de relire votre texte. Il se trouve que je connais bien le film auquel vous faites allusion et je l'apprécie beaucoup! Votre histoire m'a touchée à différents titres et votre style, toujours impeccable, a rendu ma lecture très agréable. Merci pour le bon moment.

   plumette   
16/5/2019
Pour un retour sur vos commentaires et prolonger la discussion,

http://www.oniris.be/forum/anniversaire-remerciements-et-discussion-t26941s0.html

   Sylvaine   
21/5/2019
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour Plumette

Une nouvelle en demi-teinte, où chaque adulte parvenu au mitan de sa vie peut se reconnaître sans peine. Chacun a laissé derrière soi les rêves de l'adolescence, mais toute la question est de savoir si l'on se reconnait finalement dans l'existence que l'on a vécue. La réponse est positive pour le protagoniste de l'histoire, qui, ainsi, ne laisse pas un goût trop amer. J'ai bien aimé le rôle joué par le film dans ce retour sur soi-même. Il montre bien que le détour par la fiction nous aide à clarifier notre monde intérieur.


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