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Sentimental/Romanesque
plumette : Tic-tac
 Publié le 28/12/24  -  7 commentaires  -  5610 caractères  -  28 lectures    Autres textes du même auteur

Pour Anaïs, la dimension humaine de son travail prime sur sa dimension technique ; c’est si facile de faire naître un sourire !


Tic-tac


Assise sur le petit banc du vestiaire, elle quitte ses bottines, enfile ses sabots en plastique blanc, en remonte la bride sur le talon. Devant le miroir, vérifier que les cheveux sont bien rentrés sous la charlotte, se pincer les joues pour les rosir, prendre dans le casier deux masques sous emballage à usage unique, en glisser un dans chacune des poches de la blouse.

Elle fronce les sourcils. Surprise, elle retire de sa poche droite une enveloppe mince, cachetée, adressée à Madame l'Infirmière du service de cardiologie, Hôpital de la Croix-Rousse, Lyon.

L’écriture est étrange, raide, hachée. Elle tâte l’enveloppe, plutôt mince, la retourne, s’apprête à l’ouvrir puis se ravise. Qui a pu accéder à son casier ou à sa blouse ? Sans doute quelqu’un de l’administration ? Il sera toujours bien assez tôt pour prendre connaissance d’une nouvelle sûrement contrariante !

Couverte de blanc des pieds à la tête, elle parcourt le long couloir, les portes des chambres sont entrouvertes, encore dans la pénombre.

À cette heure-ci, le bureau est vide. À côté de l’ordinateur dont l’écran est en veille, le cahier de la relève. Elle reste debout pour déchiffrer rapidement les consignes, se dirige vers la pharmacie avec le chariot, compte les piluliers, prend la fiche plastifiée, zut ! elle n’a pas ses lunettes, elle les oublie encore une fois sur deux, elle va faire sans, c‘est tout frais cette prothèse visuelle, drôle de cadeau pour ses 48 ans.

Elle sort une paire de gants d’un étui, les enfile, et remplit chacune des petites boîtes en vérifiant bien la correspondance des numéros de chambre avec le nom des patients. Sur l’étagère basse du chariot, elle pose les poches de perfusion, les seringues stérilisées, les couches qu’on doit pudiquement nommer protections.

Elle jette un œil au planning, elle est en binôme avec Cécile, l’aide-soignante antillaise. Au passage, son regard accroche la série de dessins humoristiques punaisés au mur, plutôt nuls, sauf celui du chat qui relève que soigneur est l’anagramme de guérison, cette fameuse guérison tant espérée par ceux qui passent entre ses mains, un mot dont le sens est souvent une question « est-ce que tout va pouvoir redevenir comme avant ? ». Anaïs, au fil des années, a appris à se méfier des mots, elle les utilise avec prudence, et compose avec le temps.

Le voyant de la sonnette clignote en rouge, Joss qui était de nuit a coupé le son, penser à le remettre avant l’arrivée de la surveillante dans moins d’une heure, c’est la 204, Anaïs trottine jusqu’à la chambre, allume le plafonnier, elle n’a pas son masque, tant pis. Elle aide la patiente à se redresser, puis à s’asseoir au bord du lit, faire pivoter ses jambes, prendre appui sur le sol : « Allez-y madame, tenez-vous à moi, comme ça, c’est bien ! », la soutient jusqu’au cabinet de toilette. La petite mamie se confond en excuses.

Le service est encore calme alors Anaïs peut prendre un peu de temps, en dehors de ses attributions car ici la division des tâches est très verticale, très hiérarchisée. Une infirmière ne remplit pas la carafe d’eau d’un patient, même quand elle est dans la chambre pour des soins, et s’il a glissé de son lit, elle doit appeler l’aide-soignante. Pour Anaïs, la dimension humaine de son travail prime sur sa dimension technique, c’est si facile de faire naître un sourire !

La voilà qui repart dans l’autre sens, il va falloir commencer la distribution des médicaments, puis faire les prises de sang.

En repassant par le bureau, elle échange quelques mots avec Cécile qui vient d’arriver. En prenant son masque dans sa poche, elle sent la lettre, la sort et la montre à sa collègue :


– Toi aussi, tu as eu ça ?

– Non, c’est quoi cette lettre ?

– Justement, j’sais pas ! Ça ne me dit rien de bon.

– Ben ouvre !


Anaïs s’écarte, se décide à lire.


« Madame l’infirmière,

Présente aux autres, tu ne te plains pas, comme moi tu veilles. Tu ne t'arrêtes donc jamais ?

Tes pas s’accélèrent à ton insu, comme moi tu veilles.

Je rythme le cœur de l'hôpital, le poumon des services, la cadence des interventions chirurgicales dans le huis clos des blocs opératoires, la distribution des médicaments, des potions réconfortantes, le débit des perfusions.

Ma présence discrète ponctue le travail des blouses blanches. Et toi, tu trottes, tu cours, pensive, occupée, préoccupée, dans la rigueur, l’exigence du cadre, sans répit. Les tours du cadran marquent toujours le même tempo.

Tu ne sais plus où donner de la tête. Pour toi, le temps compte double : les personnes alitées, le bip des sonnettes, le roulement des chariots.

Jour et nuit, ensemble, nous gérons le temps : le temps à attendre, le temps des soins, de la douleur, du repos, le temps venu celui de l’espoir…

Tic-tac, tic-tac !

J’entends l’accélération de ton pas dans le couloir.

Enfin te voilà !

Ta trotteuse »


Les yeux d’Anaïs vont de la lettre à l’horloge du couloir dont la trotteuse est sa petite musique familière. C’est avec Mathieu, le jeune patient de la chambre 210 qu’elle a évoqué ce tic-tac qu’il écoute pendant ses insomnies. Ce Mathieu, avec ses yeux pleins d’une fièvre qui n’a rien à voir avec la maladie, et son humour qui tient à distance l’inquiétude depuis son arrêt cardiaque soudain dont on n’a toujours pas trouvé la cause.

Cécile s’avance.


– Alors ?


Anaïs replie la lettre, la glisse dans l’enveloppe en souriant, ce clin d’œil inattendu la réconforte.


– Tu ne me la montres pas ? C’est quoi ces cachotteries ? Encore un patient que tu fais fantasmer !

– Tu ne crois pas si bien dire…


Anaïs se dirige vers la chambre 210.


 
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   Dameer   
8/12/2024
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime bien
Ce texte me laisse un sentiment divisé :

Il y a d’abord la qualité d’une écriture soutenue : j’ai particulièrement apprécié la succession d’infinitifs au début, qui donnent une urgence aux consignes qu’Anaïs se donne à elle-même en prenant son service.

Et puis il y a une connaissance approfondie de la vie de l’hôpital et de ses rouages : "Car ici la division des tâches est très verticale, très hiérarchisée. Une infirmière ne remplit pas la carafe d’eau d’un patient, même quand elle est dans la chambre pour des soins, et s’il a glissé de son lit, elle doit appeler l’aide-soignante."

La partie faible de cette nouvelle, c’est le contenu de la lettre glissée par Mathieu, un jeune patient en service de cardiologie, dans la poche de l’infirmière. Il n’apporte rien de plus que le propre regard d’Anaïs sur son travail, commandé par l’avancement de la trotteuse de l’horloge.

De là à imaginer que ce jeune "Mathieu, avec ses yeux pleins d’une fièvre qui n’a rien à voir avec la maladie", ait pu tomber amoureux de cette infirmière plus âgée que lui (elle a 48 ans) et le lui fait savoir de façon (très) intellectualisée ?

A vrai dire rien n’est impossible dans la vie !

   Vilmon   
8/12/2024
trouve l'écriture
convenable
et
aime un peu
Bonjour,
La dimension humaine ET la dimension technique est l'une comme l'autre tout aussi importante.
La patiente lui tousse au visage, elle reçoit les microscopiques gouttelettes de muqueuse, sans lunette ni masque, elle est infectée à son tour. Le lendemain elle est malade, persiste à aider les patients pour la dimension humaine, contamine sont entourage à l'extérieur de l'hôpital et participe à propager la maladie plutôt qu'à l'endiguer.
Je crois que le récit n'envoie pas le bon message, mais explique sans doute pourquoi certaines personnes ne respectent pas les consignes éprouvées.
Pour le texte, on plonge dans le détail de l'habillement, on se perd un peu par la suite avec la sonnerie absente et comment un patient alité a bien pu insérer une lettre anonyme dans la pochette d'une blouse dans un casier hors de la zone de quarantaine et qui pourrait contaminer l'extérieur.
Vilmon en EL

   Cleamolettre   
15/12/2024
trouve l'écriture
convenable
et
aime un peu
Bonjour,

Je trouve l'idée jolie : une lettre mystérieuse qui vient casser la routine de l'infirmière et lui rappelle immédiatement un patient, un de ces humains dont elle s'occupe au mépris de la hiérarchie verticale, parce que l'humanité est dans le soin autre que médical pour les patients alités à l'horizontale. Par exemple dans le sourire, l'attention, les paroles et l'humour dans lequel l'espoir de guérison prend parfois sa source.
Et puis j'aime bien l'hommage à cette profession si nécessaire et souvent si mal considérée.

Mais la construction de la nouvelle m'a un peu gênée.

Le début qui plante le décor et permet de connaitre Anaïs est bien décrit, sans trop en faire mais permettant de se figurer le cadre, la personnalité, la routine du travail.

La suite me semble trop rapide, cette lettre mystérieuse, j'aurai aimé qu'elle prenne un peu plus de place, qu'elle se rappelle plusieurs fois à la main plongée dans la poche de la blouse, qu'elle ne dévoile pas si vite ses secrets. Peut-être qu'elle aurait pu être rappelée pendant l'aide à la patiente avant d'être lue sous l'impulsion de la collègue. Avec plus de temps d'hésitations ou l'imagination d'Anaïs sur sa provenance une fois qu'elle comprend que ce n'est pas un courrier administratif.

Et la fin ou la chute est trop courte pour moi et pas si compréhensible que ça, je pense qu'il manque un élément placé avant qui permette de faire le lien avec le patient de la 210.
Peut-être qu'elle peut aller le voir avant de lire la lettre et que j'aurai bien aimé lire la discussion entre eux sur la trotteuse. En l'état ça me fait penser à une "private joke" entre l'infirmière et le patient dont je suis, en tant que lectrice, exclue.
J'ai peiné à comprendre leur relation, même si un jeu de séduction est évoqué, mais j'ai surtout peiné à comprendre le lien entre eux et cette trotteuse, à part cette discussion à laquelle je n'ai pas eu accès.

Bref, globalement j'ai aimé le cadre, la mise en avant de la profession, l'idée et le mystère de la lettre, mais il m'a manqué du développement, des précisions et de la surprise dans les relations humaines.

   Donaldo75   
17/12/2024
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
J'ai trouvé à cette nouvelle une écriture soignée, travaillée, ainsi qu'une véritable ambiance. Il y a un ton. Le mystère reste épais car la nouvelle ne donne qu'une idée de ce qui pourrait se passer ensuite. Et moi, j'aime bien ça ne pas avoir tout livré d'un coup sans que j'ai à imaginer un peu.

   Luz   
28/12/2024
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
Bonjour plumette,

J'aime bien cette nouvelle sur le milieu hospitalier que je connais un peu (en tant que patient, quelquefois). J'ai rencontré beaucoup d'infirmières qui, comme Anaïs, remplissait mon pot à eau si besoin, bien que ce ne soit pas leur rôle. J'ai toujours préféré les infirmières aux médecins...
Cette nouvelle est très bien écrite, à part peut-être la phrase : "Le service est encore calme alors Anaïs peut prendre un peu de temps, en dehors de ses attributions car ici la division des tâches est très verticale, très hiérarchisée." où j'aurais placé 2 virgules de plus (mais je suis un maniaque de la ponctuation, bien que ne la maitrisant pas vraiment, et sans doute à cause de cela...)
Le suspens s'installe dès le début, avec cette enveloppe, et se dévoile à la toute fin. Le lecteur est libre d'imaginer la suite...

   Lil   
30/12/2024
trouve l'écriture
aboutie
et
aime un peu
Une tranche de vie plutôt mince, malgré l'épisode de cette lettre un peu mystérieuse.
Le milieu hospitalier est bien rendu mais je n'y retrouve pas justement e côté surmenage qui fait perdre aux soignants leur humanité, malgré eux.
L'écriture est efficace sans en faire trop, mais il me manque quelque chose pour être vraiment convaincue par cette tranche de vie.

   Charivari   
2/1/2025
Bonjour Plumette,

tranche de vie.... L'activité de l'infirmière est plutôt bien décrite, mais j'ai trouvé cette fin tout à fait abrupte et la lettre trop énigmatique pour trouver un sens à ce court récit. Désolé.


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