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Réalisme/Historique
plumette : Un monde nouveau
 Publié le 02/05/23  -  10 commentaires  -  18659 caractères  -  75 lectures    Autres textes du même auteur

Elle ne veut pas d’une vie lisse, elle ne veut pas dépendre du bon vouloir d’un homme, elle ne veut pas… Mais ne sait pas ce qu’elle veut ! C’est ça l’adolescence ? Ne rien vouloir de ce que les parents veulent pour vous ?


Un monde nouveau


Elle est arrivée en retard. Il n’y a plus qu’une chaise libre autour de la table, à côté de l’aumônier. Tout le monde se tait pendant qu’elle s’installe. À sa place, Pascale se sentirait gênée, mais la fille est souriante et décontractée. Un vague « excusez-moi » se perd dans les raclements des pieds de la chaise sur le sol.


– Bonjour Anne-Marie. Alors Pierre, tu nous parlais de…


Pascale n’écoute pas. Elle dévisage Anne-Marie, attirée par ses cheveux roux foncé, souples, lâchés sur ses épaules. C’est dommage, ces grosses lunettes carrées qui lui mangent le visage, ça casse un peu la première impression. Pascale se sent terne avec ses cheveux fins, raides et incoiffables, alors, elle les comprime dans une petite queue-de-cheval. Les jumeaux l’appellent sa queue de rat, ça la met en rogne. Son atout à elle, ce sont ses yeux clairs, d’un bleu qui change avec la couleur de ses pulls.

À la pause, Anne-Marie papillonne, fait la bise, aux garçons surtout, et ne la voit pas. Pascale file aux toilettes pour se composer un visage devant la glace. Lorsqu’elle retourne dans la grande salle, le père Faletti vient à sa rencontre :


– Alors Pascale ? pas trop perdue ? Ce n’est jamais facile d’arriver dans un groupe ! Va voir le tableau là-bas, il y a toutes les actions en cours pour le Biafra. Inscris-toi quelque part.


La jeune fille parcourt le tableau. Anne-Marie s’approche.


– Tu veux venir avec nous cirer des chaussures place Bellecour ?


Pascale ne sait pas trop en quoi ça consiste.


– On aura des panneaux pour expliquer la guerre, la famine avec des photos horribles d’enfants. On est associés à la Croix-Rouge, mais on veut pas se contenter de faire une quête. C’est pour ça qu’on propose aux gens de cirer leurs chaussures et, eux, ils donnent ce qu’ils veulent. C’est aussi une action symbolique, à cause des pays où les enfants sont obligés de travailler.


Pascale trouve que c’est une super idée.


– C’est moi qui ai eu cette idée, parce que ma mère a un magasin de chaussures et que pour le cirage, les brosses, les chiffons, ç’est facile. Y en a qui ont dit qu’on allait quand même pas se mettre à genoux par terre ! Le mieux ce serait d’avoir ces boîtes spéciales, tu sais, qui font à la fois siège et repose-pieds. On a pas trouvé encore, mais il y a bien un parent qui va nous bricoler quelque chose !


Anne-Marie accompagne ses phrases avec des gestes et des grimaces. Pascale se sent un peu débordée.


– Ça te dit ? On fera ça tout un samedi après-midi. Faut qu’on soit nombreux. On est déjà trois. Mais j’ai pas trop de succès côté garçons. Je crois qu’ils sont trop fiers. T’as vu, il n’y a que Gilles qui s’est inscrit.


Anne-Marie pouffe :


– Il s’est inscrit partout. C’est pour se faire bien voir. Tu verras, au dernier moment il se trouvera une excuse.


Pascale hésite.


– Et les parents ?

– Quoi les parents ?

– Faut qu’ils soient d’accord…

– Pfft ! Ils peuvent pas dire non. C’est pour le Biafra quand même ! Moi, mes parents, ils sont à fond avec moi.

– Euh oui, mes parents, ça les choque aussi le Biafra, la famine et tout, mais avec mon père je fais pas ce que je veux. Je suis l’aînée, il dit qu’il est obligé d’être sévère, pour l’exemple. En plus… il est juge.

– Ma pauvre ! Tu dois pas rigoler tous les jours, t’es peut-être pas obligée de tout lui raconter…


Sur le tableau de plastique blanc, Pascale inscrit son nom au feutre rouge dans la colonne « Anne-Marie ». Tout paraît si simple avec elle.


– Gé-nial ! Si tu veux on sera co-organisatrices.


À la fin de la réunion, les deux filles font un bout de chemin ensemble.

Anne-Marie parle beaucoup. Elle rit fort. Pascale écoute, tente parfois de donner son avis mais elle n’arrive pas à en placer une.


****


Le jeudi suivant, à 13 h 30, Pascale a rendez-vous au magasin de chaussures des Petitjean sur le cours Vitton. Avant d’entrer la jeune fille regarde la vitrine. Rien de bien tentant, des modèles que sa mère et sa grand-mère pourraient porter, dans des tons noirs, bordeaux ou crème. Pascale pousse la porte, elle est surprise par le son du carillon. Derrière la caisse une femme rousse, à chignon banane, le visage lisse, les lèvres rose corail. Elle est habillée comme pour sortir, veste verte et jupe assorties.

Anne-Marie se précipite :


– Ah Pascale ! Salut, c’est ma mère ! dit-elle en désignant la femme derrière la caisse.

– Bonjour mademoiselle.

– Mais maman, c’est pas une cliente ! Tu peux l’appeler Pascale. Elle vient pour l’opération Biafra.


Pascale n’a pas le temps de s’approcher de madame Petitjean, Anne-Marie l’entraîne déjà vers le fond du magasin.


– Mam, on va dans la réserve, tu nous as préparé les trucs ?

– Oui, allez voir, tu me diras ce qu’il manque.


Elles descendent au sous-sol par un escalier étroit et pentu. Pascale imagine des allées et venues malcommodes avec des piles de boîtes. En bas, les filles font l’inventaire du matériel : boîtes ou tubes de cirage de différentes couleurs, brosses dures ou souples, chiffons, de quoi équiper cinq ou six personnes. Anne-Marie met le tout dans une caisse.


– Faut qu’on porte tout ça à l’aumônerie. Je demanderai à mon père. Si je lui dis que c’est pour Faletti, y aura pas de problème.


Les filles remontent.


– Maman, on va au 5e.

– Un petit quart d’heure alors. Tu te souviens que tu dois m’aider pour le magasin cet après-midi ? Et change-toi !

– Oui, oui !


Elles prennent l’ascenseur grillagé dont les grincements inquiètent un peu Pascale.

Un appartement sombre, lumière mangée par le feuillage des hauts platanes du cours Vitton, cuisine toute en longueur, et contre un mur une table en formica marron avec quatre chaises identiques.

Anne-Marie ouvre le frigo, sort une barquette de Danette au chocolat et une bouteille.


– T’aimes le Coca ?


Pascale retient la petite tirade de sa mère qui lui vient spontanément aux lèvres sur les effets toxiques du soda et avale avec plaisir la boisson maudite. Pendant ce temps, Anne-Marie mange goulûment deux trois cuillères à soupe de crème chocolat à même le pot, en rabattant l’opercule, remet la barquette dans le frigo. Elle entraîne sa copine au fond de l’appartement pour lui montrer sa chambre. Pascale remarque la lampe de chevet orange, le papier peint à formes géométriques sur les murs et le poster de Michel Sardou au-dessus du lit.


– C’est la chambre de mon frère. Il me l’a passée quand il est parti à Brest dans la Marine nationale. Ici j’ai la paix, c’est super ! Avant je dormais dans une alcôve à côté du salon.


Pascale remarque la platine sur une étagère, elle en rêve ! Avec les étrennes de son parrain, elle aura bientôt assez d’économies pour s’en acheter une. Écouter sa musique dans sa chambre plutôt qu’au salon, ce sera vraiment super.


– Attends deux minutes, je me change.


Dans la penderie en foutoir, Anne-Marie décroche un pantalon bleu marine en jersey pattes d’éléphant et un chemisier blanc. La jeune fille se déshabille vivement, Pascale détourne les yeux un instant. Anne-Marie virevolte tout en brossant ses cheveux qu’elle relève et fixe avec une grosse barrette en cuir.


– T’es vachement classe comme ça !

– Ah ? t’aimes bien mon look de vendeuse ? Faut que ce soit chic et pratique dixit ma mother.


Les deux jeunes filles descendent et Pascale repasse par le magasin pour saluer madame Petitjean.


De retour chez elle, Pascale file dans sa chambre sans un mot et ferme la porte. Elle se sent nulle, sans trop savoir pourquoi. Un coup d’œil circulaire à sa chambre : le lit en fer forgé, les murs blancs, une affiche du film « the Kid », son petit bureau en bois, le même depuis le CM2, bien sage, face à la fenêtre, bien sage et bien rangé comme son placard où rien ne dépasse, sa mère y veille, elle entre ici comme dans n’importe quelle pièce de l’appartement, aspirateur le lundi, lessive le mardi, repassage le mercredi, courses le jeudi, et les extras le vendredi, une litanie de tâches ménagères et domestiques dont Pascale est dispensée, ça l’arrange, il faut bien le reconnaître. Ah si sa mère pouvait envoyer paître cette routine qui rythme leur vie à tous.


– Tu vois ma chérie, ça c’est une organisation ! Quand arrive le week-end, ton père peut se reposer, le frigo est plein, on passe notre temps libre en famille, ça permet de garder un équilibre…


Ras-le-bol de ces leçons d’harmonie familiale à deux balles ! Il n’y a que sa mère pour y croire. Son père ramène des dossiers à la maison, il s’enferme dans son bureau tout le samedi, concède une promenade le dimanche avec les jumeaux après l’immanquable poulet/petits pois/chips. Même si rien ne dépasse, Pascale sent quelque chose : parfois un poids, parfois un vide, ou un voile de tristesse fugitif dans les yeux de sa mère. Elle ne veut pas du sérieux de son père, de sa morale, de ses méfiances, elle ne veut pas de l’éternel sourire de sa mère, de sa fausse bonne humeur. Elle ne veut pas d’une vie lisse, elle ne veut pas dépendre du bon vouloir d’un homme, elle ne veut pas… Mais ne sait pas ce qu’elle veut ! C’est ça l’adolescence ? Ne rien vouloir de ce que les parents veulent pour vous ? Se sentir étrangère et grognon ? Pascale donnerait cher pour que ça passe vite !


***


La préfecture n’a pas donné l’autorisation pour le cirage de chaussures sur la place publique alors Pascale a dit à ses parents qu’il y aurait simplement une quête avec l’aumônerie en compagnie de membres de la Croix-Rouge. Quête, aumônerie, Croix-Rouge, un vocabulaire familier dans sa famille. Avec Anne-Marie, la jeune fille a appris à manier les demi-vérités.

Les jeunes ont rendez-vous sur la place Bellecour, sous la queue du cheval de Louis XIV. Pour cirer il y a quatre filles et deux garçons plus une équipe de soutien, avec des panneaux et des banderoles. Anne-Marie est très excitée.


– C’est dément ! j’y croyais pas ! T’as vu, y a les scouts qui sont venus en renfort !


Un des animateurs de l’aumônerie fait un petit laïus et invite les cireurs à se disperser par deux sur la place, chaque tandem accompagné d’une ou deux personnes avec des panneaux explicatifs et des photos. Anne-Marie se lance à l’assaut des passants. Volubile, expressive, elle ne paraît pas déstabilisée par les refus, elle rit et virevolte, toujours en mouvement. Pascale a risqué une timide approche d’un couple de promeneurs, ils ont passé leur chemin sans lui jeter un regard, elle se sent mortifiée, tente sa chance à nouveau, essuie un refus poli. Elle n’a pas encore pu expliquer l’action qu’Anne-Marie est déjà assise sur sa petite caisse à faire reluire les mocassins d’une grosse dame.


– Alors ? c’est marrant non ? T’as fait combien ?

– Bof, rien, j’ai pas trop de succès pour l’instant.

– Faut pas leur laisser le choix, tu leur barres le passage et tu t’imposes !

– Facile à dire !

– Écoute, faut déjà aller vers les bonnes personnes, évidemment si tu n’abordes que les pisse-froid !

– À quoi tu vois que ça va marcher ?

– Faut tout t’apprendre à toi ! Essaye déjà d’établir un contact visuel. Si la personne trace en regardant par terre, c’est pas la peine ! Quand t’as capté le regard, tu souris, tu t’approches avec un petit mot rigolo, j’sais pas moi, c’est pas bien compliqué. Bon le prochain, j’aborde et c’est toi qui bosses, OK ?


Pascale prend peu à peu de l’assurance, sa gorge se desserre, elle se fait de plus en plus convaincante, elle sent qu’elle a trouvé le bon ton, le sien. Beaucoup de gens donnent mais refusent de faire cirer leurs chaussures. Elle insiste, explique son point de vue, revendique un véritable échange, dit que ça passe par ce rapport inhabituel emprunté aux pays qui font travailler leurs enfants.

Le temps passe vite, les cireurs s’accordent une petite pause, ils rejoignent le groupe de scouts vers la statue équestre, Anne-Marie accepte une clope, propose une taffe à Pascale qui n’ose pas refuser et fait semblant.


– Ça se passe hyper bien !


Anne-Marie n’a pas le temps de développer, le père Faletti se dirige vers eux à grands pas, en faisant des signes de dispersion.

Certains ont compris tout de suite.


– Les flics, barrez-vous !

– On va pas abandonner le matos…


Anne-Marie s’indigne de voir filer la plupart comme des flèches, ils ne sont plus que quatre à rester médusés, les caisses de cireur à leurs pieds. Un quart d’heure plus tard, Pascale et Anne-Marie et les deux autres rient nerveusement dans le panier à salade. À tour de rôle, les jeunes sont interrogés sur leur identité par une fliquette compréhensive qui s’excuse presque de faire son boulot.

On les fait tout de même poiroter dans le véhicule sans leur donner d’information sur le sort qui les attend. Anne-Marie a gardé son aplomb, elle semble même tirer une fierté de la situation.


– C’est pas ma première manif, mais c’est mon premier panier à salade ! Quand mon père va savoir ça, il va bien se marrer !


Au mot « père » le visage de Pascale se fige.


– Tu crois qu’ils vont prévenir les parents ?


La réponse arrive avec celui qui semble être le chef :


– Bon, on a pu joindre vos parents, ils vont venir vous chercher au commissariat du second. Qui est Pascale Bret ?


Pascale lève le doigt.


– Ton père ne t’as pas appris à respecter la loi ?


La jeune fille baisse la tête pour dissimuler un petit sourire.

Lorsque monsieur Bret est venu chercher sa fille, il est resté de marbre, figé dans un silence hostile, n’a pas fait de scandale en public. Dans la voiture, sur le court trajet, il n’a eu qu’une phrase.


– Moi qui pensais pouvoir te faire confiance ! Tu me déçois beaucoup.


Pascale a reçu cette phrase comme une sentence de condamnation, elle a retenu les larmes qui venaient. Elle est allée droit dans sa chambre soulagée que sa mère et les jumeaux ne soient pas rentrés. Elle n’avait qu’une envie, parler à Anne-Marie, elle a risqué une sortie vers le poste de téléphone dans l’entrée, mais son père avait, pour une fois, laissé la porte de son bureau ouverte. Alors, elle a attrapé son journal, a déversé dedans toute sa révolte, puis a déchiré la page avec rage et l’a balancée dans le vide-ordure. Elle a pris son courage à deux mains, a fait irruption dans le bureau de son père.


– Qu’est-ce que tu veux ? Tu vois bien que je travaille…

– Tu travailles tout le temps, on peut pas te parler !

– Si c’est pour entendre tes mensonges, je préfère travailler.

– Tu comprends rien !

– Ce que je comprends, c’est que ta nouvelle amie a une influence désastreuse sur toi ! Avant tu ne nous mentais pas. Tu vois, c’est ça qui m’a déçu, pas cette histoire de cirage de chaussures pour une bonne cause !

– T’aurais jamais voulu que j’y aille ! Déjà qu’au début, t’étais pas chaud, tu trouvais cette opération ri-di-cu-le, tu nous as dit qu’on se faisait manipuler, et t’as tout de suite parlé de responsabilités en cas d’accident, alors avec l’interdiction de la préfecture, j’avais aucune chance…

– N’importe quel parent censé aurait réagi comme moi. Vous êtes mineures !

– Ma nouvelle amie que tu n’aimes pas, ses parents, eux, ils la soutiennent, elle peut tout leur dire et elle se fait pas casser la baraque.

– C’est pas toi qui vas me donner des leçons d’éducation tout de même ! Et tu as pensé aux conséquences de votre petite mise en scène ? Tu crois que ça m’a fait plaisir de voir l’air goguenard des flics au commissariat ? Parce que ça va se savoir au tribunal que ma fille de 15 ans fait la mariole sur la place Bellecour malgré les interdictions préfectorales ! Si tu veux venir en aide aux petits Biafrais, tu n’as qu’à donner ton argent de poche à la Croix-Rouge ! Ça aura un peu plus de sens que vos simagrées !

– Tu vois qu’on peut pas parler avec toi ! T’as toujours raison, et de bonnes raisons pour m’empêcher de vivre !


Pascale quitte la pièce en claquant la porte. Elle se sent bouillir, a envie de casser quelque chose, ouvre le frigo, le referme violemment en vociférant, sort brusquement de l’appartement, zut elle n’a pas pris ses clés ! Après avoir tourné trois fois autour du pâté de maisons, elle se calme, ses pensées brouillonnes deviennent plus fluides. Elle aimerait faire comprendre à son père que la confiance, c’est réciproque. Marre qu’il la rabaisse dès qu’elle ouvre la bouche, toujours à lui dire ce qu’il faut penser comme si elle n’avait pas de cerveau. C’est trop chiant à la fin. Et sa mère qui ne dit jamais rien pour la défendre… Elle s’imagine faire une fugue, enfin… attendre la nuit au moins, si ça pouvait leur fiche un peu la trouille, mais elle, au fond, sait bien qu’elle va rentrer.

D’ailleurs voilà sa mère avec les jumeaux, ils courent vers elle très excités, parlent tous les deux à la fois, ils reviennent du cinéma, ont adoré les Aristochats, se battent pour raconter l’histoire, Pascale s’enthousiasme avec eux et fait la sourde oreille aux questions de sa mère.

Au dîner, les jumeaux sont toujours dans leurs histoires de chats, Pascale fait le service sans renâcler, elle est pressée de retourner dans sa chambre. Elle se demande ce que son père va raconter à sa mère, elle attend avec inquiétude le retour de bâton, mais rien… Le lendemain, dès que les autres sont partis pour la balade dominicale, elle se précipite sur le téléphone.

Avec Anne-Marie, elles se repassent en boucle le déroulement de l’après-midi, l’arrivée des flics, la débandade et le panier à salade, Pascale lui raconte qu’elle s’est engueulée avec son père, qu’elle a même claqué la porte de son bureau, qu’elle lui a dit ses quatre vérités en face. Elle s’emballe, traversée par une énergie nouvelle.


Au bout de quelques jours, lorsque son père lui dit qu’il l’a inscrite au club de tennis avec des cours collectifs le jeudi après-midi, elle déchante. C’est pile le jour des réunions de l’aumônerie ! Le tennis, oui, c’est elle qui avait réclamé en début d’année, à cause de ses cousines snobs qui la ramenaient sans cesse avec leur club et leurs copains ! Elle n’a plus du tout envie de faire du tennis, c’est loin, tout ça même si ça ne date que de quelques mois. Les parents n’ont rien compris. C’est bien eux ça ! Déguiser une interdiction avec une autorisation… Ils la prennent pour une andouille mais elle sait qu’elle n’ira pas. S’ils croient qu’elle va aller sagement taper la baballe avec tous ces enfants gâtés alors qu’elle peut se rendre utile, dire sa révolte d’un monde qui laisse mourir de faim ses enfants ! Jamais elle n’oubliera l’image de ces gosses aux bras malingres et au ventre gonflé, couverts de croûtes et de mouches, dont on peut compter les côtes une à une, leur regard fiévreux et leur attente insupportable.


 
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   Asrya   
14/4/2023
trouve l'écriture
convenable
et
aime bien
L'histoire se lit sans difficulté.
Le récit est guidé du début jusqu'à la fin par une narration fluide qui ne se focalise pas sur d'éventuelles errances littéraires. C'est simple, confis, sans fioriture, efficace.
On ne saluera certainement pas le "style littéraire" qui n'a rien de "marquant" dans ce texte, mais cela est-il nécessaire pour faire un bon texte ?

On pourra sans doute souligner quelques passages qui paraissent "survoler" en terme de tenue et de cohérence narrative, qui paraissent peut-être probablement trop "léger", "facile", "prévisible", mais ils restent des exceptions dans l'ensemble.

Les dialogues sont relativement convaincants hormis quelques expressions qui sonnent légèrement "faux" à ma lecture. Peut-être est-ce lié à un décalage générationnel et à un manque de perception de ma part de certaines expressions passées. Peut-être, je ne sais pas.
Quoi qu'il en soit, le dialogue avec le père me paraît en-dessous de la spontanéité du reste.

Il y a beaucoup de choses à lire entre les lignes de ce texte ; l'attirance d'Anne Marie pour Pascale, qui, pour l'époque probablement ne devait pas être si simple à vivre ; cette volonté frénétique d'aller à l'encontre de l'autorité parentale (qui plus est pour quelqu'un qui travaille au tribunal) ; cette volonté humaniste proche de la jeunesse dans l'ensemble (s'étiole-t-elle au fur et à mesure du temps ? Avec le capital, les responsabilités, les crédits et autres problèmes liés à l'argent ?
Mais aussi la pression, l'entrave parentale sur les désirs des enfants, des adolescents, qui eux sont bien conscients de ce qu'ils veulent, individu comme tout un chacun.

Beaucoup de choses à lire donc, et qui pourtant ne sont pas développées, pas réellement, sont juste exposées à la liberté du lecteur de les extrapoler.

J'aime ce type de texte qui tente d'évoquer des phénomènes sociaux, par un prisme ou par un autre ; celui-ci ne fait pas exception.
J'aurais seulement espéré en lire davantage, plus de détails, et un parti plus tranché de l'auteur, ou en tout cas du personnage sur l'ensemble. Une réflexion plus intense probablement.

Une belle tentative donc, qui pourrait être encore plus aboutie !
Merci pour le partage,
Asrya.

Lu et commenté en espace de lecture.

   jeanphi   
17/4/2023
trouve l'écriture
convenable
et
aime bien
Bonjour,

Mais comment vous êtes vous débrouillé pour ajouter tous ces espacements autour de votre ponctuation ??
À partir de la virgule manquante dans la phrase "Avant d'entrer la jeune fille regarde la vitrine." Il me semble que toute la ponctuation est présente, mais indiscutablement baladeuse, vous en conviendrai.
Être en réaction avec l'autorité parentale peut avoir du bon et du mauvais, et puis, ce que les parents ne disent pas, c'est qu'ils ont bien souvent été bénévoles à droite ou à gauche dans leur jeunesse, ils savent jouer de psychologie, mais ça aussi ils le cachent ...
Faire ses armes par soit même, excellent !
L'aumône pour la croix rouge peut être bénévole, mais, le plus souvent, il s'agit de faire souscrire à un ordre permanent les donateurs par le biais d'un employé rémunéré à l'heure. Pensez-y ! Vous pourrez reverser votre rente à l'association des cireurs en infraction !
Merci pour cette écriture joviale

   Donaldo75   
22/4/2023
trouve l'écriture
convenable
et
aime un peu
J’ai eu peur en lisant la première phrase. Je me suis dit que j’étais encore tombé sur un de ces textes écrits à la troisième personne du singulier, quand « il » ou « elle » résonne dans la narration comme la voix de Jean-Pierre Léaud dans les films les plus ennuyeux de François Truffaut et ses disciples. Heureusement, il y a Pascale. Je me sens mieux. Bon, il va falloir remettre la typo en place parce que je lis du dialogue et du récit au même endroit et mes yeux se croisent. Bon, l’histoire est bien racontée, pas dans mon style favori – et c’est un vieil euphémisme – mais il va bien avec la Place Bellecour (« private joke » à destination de mon for intérieur) et l’histoire un peu « seventies en province ». Elle me rappelle un peu certaines filles de mon lycée à Lyon – c’était dans les années quatre-vingt chantées par Claude François - qui découvraient la réalité loin de leur bénitier familial et de leur couverture chauffante. Les dialogues sont un peu longs. J’ai l’impression de théâtre filmé. Les films de François Truffaut et consorts me font le même effet alors je me dis que je suis en train de regarder un Chabrol. Bon, en résumé, la partie centrale est la plus intéressante. Le reste est pas mal de l’habillage, un peu de la sociologie littéraire.

   Dugenou   
2/5/2023
trouve l'écriture
convenable
et
aime bien
Bonjour Plumette,

C'est marrant, même si ça n'a rien à voir, tout au long de ma lecture j'ai eu l'affiche du film Diabolo Menthe qui me dansait devant les yeux...

Ce qui, au début du texte, paraît être une attirance physique de Pascale pour Anne-Marie se révèle en réalité une envie d'être aussi épanouie, décomplexée qu'elle, au vu de leur relation.

J'ai également apprécié la caractérisation du père de Pascale, avec qui l'expression 'raide comme la justice' prend tout son sens. À cela s'ajoute sa mentalité 'sévère avec l'aînée', très 'vieille France', ce personnage est vraiment plus vrai que nature et constitue un obstacle épineux pour que Pascale puisse s'émanciper.

J'ai bien apprécié ce texte à la narration fluide.

À te relire !

   Disciplus   
3/5/2023
trouve l'écriture
convenable
et
aime un peu
Lecture facile et prévisible. Style sans artifices. Les personnages principaux sont récréatifs, L'histoire connue de la confrontation entre l'autorité parentale et une émancipation de la jeunesse ne propose rien de particulier. Dans une période mouvementée (Famine biafra - 1967-1970- Mai 1968. Il me souvient de photos assez "trash", en effet), je n'ai pas ressenti d'intensité, d'émotions ou de rage libératrice pour un" monde nouveau". Trop étiqueté "bibliothèque jeunesse" pour moi.

   Alfin   
3/5/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
D'emblée, j'ai trouvé le style très scolaire et sans surprise.
Je ne me suis pas arrêté là, heureusement, car d'après moi, la narration colle bien à l'évolution de Pascale, sage au début et plus emportée par la suite.
Dans son ensemble, le tout est cohérent, mais reste trop policé au cœur d'années 70-80 qui l'étaient moins. Il y a aussi ce sentiment d'éclosion de Pascale qui s'ouvre au monde de façon assez charmante et naïve qui donne toute la fraicheur de cette belle nouvelle.

Une impression positive globale ! Merci à toi Plumette pour ce partage, une belle écriture qui nécessiterait parfois un peu plus d'audace. La retenue gâche un peu ta plume qualitative. Celle-ci aurait avantage à s'exprimer plus pleinement, sans non-dits.
Au plaisir de te relire !

   Corto   
3/5/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
Eh bien plumette, voilà une nouvelle qui déménage...
Pour tout dire dès la première ligne j'ai failli faire demi-tour: "l'aumônier" ça m'a bloqué, mais j'avais envie de connaître la suite, même dans ce contexte.

La description extérieure et intérieure des deux ados sonne juste. Le regard de Pascale sur Anne-Marie est bien décrit, avec ces différences, ces difficultés d'être face à une aisance dans la relation et dans les initiatives.

L'audace très relative de la manif, très "catho" à vrai dire, mais pourquoi pas (?) est bien montrée dans ce qu'elle exacerbe les traits de caractère de chaque ado dont les relations se percutent pour mettre Pascale un peu plus en mouvement.
Mais cette dernière est affublée d'un père juge: manque de chance pour développer un côté trublion...

" Elle ne veut pas d’une vie lisse, elle ne veut pas dépendre du bon vouloir d’un homme, elle ne veut pas… Mais ne sait pas ce qu’elle veut ! C’est ça l’adolescence ? " OUI a-t-on envie de lui crier, mais pas seulement l'adolescence, c'est ça toute la vie adulte.

Evidemment Papa et Maman ne seront pas d'accord mais il n'y a pas à regretter le " poulet/petits pois/chips " du Dimanche. Tu verras les tacos c'est bon, surtout à petites doses, surtout quand on choisit !

On assiste donc à l'évolution d'une ado contrainte dans un milieu conformiste qui découvre la vraie vie, surtout celle qu'on ne lui a jamais montré avec des "gosses aux bras malingres et au ventre gonflé, couverts de croûtes et de mouches".

Beau travail, un style dynamique, des éléments construits et bien organisés pour un texte de qualité.

Bravo
Corto.

Cadeau pour Pascale: chanson Paris Mai (Nougaro):

" Avec ma belle amie quand nous dansons ensemble
Est-ce nous qui dansons ou la terre qui tremble?
Je ne veux plus cracher dans la gueule à papa
Je voudrais savoir si l'homme a raison ou pas
Si je dois endosser cette guérite étroite "
etc.

   Malitorne   
7/5/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
C’est sans doute présomptueux de ma part mais je trouve que nos écritures se ressemblent : simples, directes, faciles à lire et sans fioritures. Pas d’effets superflus pour aller à l’essentiel. Tu penses bien que je suis donc très réceptif à ton style.
Concernant le thème traité, je ne vais pas dire que ça m’a transporté mais ça se laisse lire. On se demande quelle forme va prendre la révolte de Pascale. J’ai trouvé quand même un peu surprenant qu’elle affronte aussi vertement son père, tout laissait croire qu’elle en avait une grande crainte. Pour le coup, c’est de l’émancipation !
Les dernières phrases m’apparaissent superflues, l’actualité internationale se voulant l’épilogue d’un cheminement intérieur. Il semblait pourtant que l’héroïne était davantage préoccupée par sa propre vie que par la misère du monde. Fallait-il renforcer une générosité relative ?

   plumette   
9/5/2023

   Pepito   
24/5/2023
Coucou Plumette !

« des photos horribles d’enfants »… c’est pas bien de se moquer. ^^
« Se sentir étrangère et grognon ? »… mhhh… pas sûr que l’on s’aperçoit de notre état à cet âge. Le problème c’est les autres, c’est bien connu…

Heureusement, l’écriture se tient bien, car, je l’avoue, les affres de cette jeune bourgeoise ne m’ont pas passionné. Au cirage le lundi, à la manif-pour-tous le mercredi. L’adolescence d’un vrai cireur de souliers m’aurait plus intéressé.
Pfff… ces "grands" ados, jamais contents ! ^^
Pepito


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