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Fantastique/Merveilleux
Poète à mi-temps : L'Enfant
 Publié le 11/01/09  -  10 commentaires  -  4695 caractères  -  71 lectures    Autres textes du même auteur

Partie de poker dans un Londres anxieux.


L'Enfant


L'Enfant met son cartable. Il joue cartes sur table, le carré d'as dans sa chaussure, rêvasse. Il tape du pied et un son fadasse en sort : la victoire n'existe plus. Son adversaire truque ; lui joue avec ses osselets verts et met tapis.

La peur envahit l'avenue, Londres frémit, Pise s'effondre, sa mère meurt.


L'adversaire suit, et l'intensité suit : on rit, anxieux, curieux. Tapie dans l'ombre, la danseuse a appris à ne pas pleurer, et sait que l'Enfant sait.

L'osselet tombe. Un grondement. Le doigt se relâche, manque son café de peu. À Londres, on crie "buy it ! buy it !".

L'annulaire, maintenant. Le dealer pose la dernière carte, l'Enfant n'a plus que deux osselets, et le cours de la bourse anglaise chute.


En secret, l'Enfant crie à la danseuse d'aller voir si son stylo ne l'a pas lâché, et celle-ci s'exécute, s'en va dans l'anonymat le plus exquis.

Une goutte de sueur parcourt la veine de l'adversaire et tandis que la foule gronde, attendant impatiemment le dénouement si nécessaire mais pourtant craint, l'Enfant range ses osselets dans son cartable.

Clic-clac. Ils tombent au fond de cet ensemble vide avec un bruit sourd. Mais qu'est-ce qu'un bruit sourd ?

Un bruit sourd serait-il un bruit que seuls les sourds peuvent entendre, ou alors juste un étouffement, comme lorsqu'on empêche son gosse de pleurer avec un tissu de velours blanc ?


Les pavés résonnent.


Londres tombe maintenant en extase, est dans un état de transe voyeuriste : c'est l'anxiété qui rend la masse si curieuse, cette dérivation du comportement que seuls les grands peuvent décrypter.

La danseuse arrive près du papier froissé et frissonnant d'excitation. Le stylo n'a pas lâché, fond sur l'ennemi, réduit les lignes en poussières, les livres en gouttes d'eau sommaires ne pouvant plus s'échapper. Cette danseuse voit ainsi le stylo frémir, se baladant dans une boule complexe et pleine de rebords, de recoins, d'angles et de passages secrets.

En un clignement d'œil, l'Enfant renverse son jeu : il a tout, l'autre n'a aucun atout. Et même si deux as sont dans l'autre camp, lui a la Reine en main, à son service, soumise comme tous les sujets de l'Histoire réunis.


Des tintements de cloches au loin, dans la brume qui aime à rappeler les clichés sur Londres.


Le responsable du gouvernement prend la parole :


"Nous voyons aujourd'hui l'émergence d'un temps nouveau, et il nous faut applaudir tout le sang-froid dont a fait preuve notre cher camarade. Tout cela est dû au hasard, mais nous ne pouvons ne nous en prendre qu'à nous-mêmes."


L'Enfant enlève le gant de sa main gauche et découvre un os laid : une phalange un peu de travers. De ses mains d'encre, il rafle la mise ; les cascades d'idéaux sortent en rafales de sa frimousse innocente et pourtant si déterminée. Ce sont des milliers de fins drapeaux blancs et noirs qui se baladent en ville, voguent en toute quiétude sur les courants si chiants des âmes.


"Nous avons tout fait pour protéger la population, nous leur avons conseillé d'aller chercher les derniers abris restants... Je suppose que votre émission est retransmise à partir d'un de ces abris, que vous avez patriotiquement acheté."


Il meut ses mains, ses gestes voluptueux flattant l'air, cette toile dont les perspectives sont sans origine... Un souffle d'espoir caresse sa nuque, il hausse sa tête doucement puis cligne, cligne des yeux... Il commence à ouvrir la gueule, comme un loup s'apprêtant à appeler sa meute ; cela effraie la danseuse un instant.

Dans l'avenue, on reste en alerte, en haleine,

Personne n'est venu essayer d'arrêter cet aliéné,

Ce gamin à l'air étrange. Qu'ils viennent !

Qu'ils viennent jouer aux osselets !


Les pavés ont cessé de résonner, le monde a détressé les raisons sales ; la lueur du feu dans l'œil, l'Enfant annonce d'une voix sucrée :


"Ouvrez les portes de l'Avokh"


---


L'exil. Loin de ses terres natales, l'Enfant court, chatouille le monde désormais. Difficile de ne pas tendre les mains vers l'ennui... En petite fripouille au nombre d'années indéterminé, il foule le sable, s'enivre de rayons mortels. Le regard porté au loin, ses pieds ne touchent pas le sol : ils sont des mirages, forment des virages insouciants sur les dunes. Dans les yeux de l'Enfant, des millions de cristaux s'illuminent, des gouttelettes de bonheur reflétant l'horizon en une amande vacillante.

Où va cet Enfant qu'on a oublié ?


Les pirouettes anciennes l'ont fatigué, mais nul trait ne s'est tiré ; non, lui seul s'est tiré, ainsi qu'un bon nombre de créanciers. L'Avokh ne lui est pas réservé, car lui seul sait, lui seul détient la clé de tout l'univers dans ses osselets ensablés.



 
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   Nobello   
11/1/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Je viens "d'écouter" un slam particulièrement crédible, et c'était prenant au point d'en oublier de réclamer une intrigue. Et je m'avoue surpris de n'en avoir finalement pas manqué.
Tu as le sens -rare à ce point, je crois-, de la musique des mots, et assez d'adresse et de profondeur pour éviter les manques patents.
Merci beaucoup, c'est bon de se laisser aller à un plaisir d'où rien ne vient distraire.
Bravo, vraiment

   Claude   
11/1/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Effectivement, c'est de la musique de mots, c'est-à-dire de la poésie, d'après moi. C'est agréable, mené d'une main de maître, ciselé avec précision. Bravo.

   Menvussa   
11/1/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Je l'ai lu trois fois ce texte, cherchant son sens profond. L'auteur sait jouer avec les mots à la perfection, il émane une musique, une ambiance, quelque chose que l'on ressent sans pouvoir bien l'expliquer.

J'ai l'impression d'assister à une sorte de tragédie, un destin qui se fraye difficilement un chemin à travers un monde qui l'ignore.

Mais c'est une impression.

Il m'a plu ce texte, mais un mystère plane.

   dude   
11/1/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Moi aussi j'ai lu ce texte à plusieurs reprises.
Mais même au bout de trois lectures, je trouve difficile de saisir le sens profond du texte. Tout juste peut on émettre quelques hypothèses. Si le fond demeure nébuleux, la forme est très inspirée!
Avec cette écriture tout à la fois poétique et maîtrisée, cette beauté des mots, ce texte dégage une ambiance indéniable. Chapeau.

   Anonyme   
13/1/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
On reste suspendu, accroché aux phrases avec l'impression d'une catastrophe qu'on ne comprend pas.
Bravo et merci pour cet instant de poésie, d'éternité indéchiffrable

   Filipo   
27/1/2009
Désolé, je dois être dur d'oreille, car nulle poésie céleste ne m'a atteint en "lisant" (déchiffrant) cette cacophonie de mots. N'étant pas apte à comprendre, je ne prend pas avec moi (sens du verbe "comprendre") et reste en dehors du coup... C'est certainement de l'art, mais le lecteur que je suis reste de marbre.

   papyrus   
27/1/2009
 a aimé ce texte 
Un peu
j'avoue ne pas avoir tout compris même en lisant deux fois. Ceci dit le sujet est interressant.

   victhis0   
30/1/2009
 a aimé ce texte 
Un peu ↓
Oui la forme est magnifique, singulière, élégante.
Mais à un tel détriment du sens - pour les non initiés dont je suis - que j'ai quand même pris ce texte pour un difficile exercice d'onanisme littéraire où le plaisir de l'auteur m'a paru plus manifeste que celui du lecteur-frigide à ce type de gratuité on line...Que je reste

   widjet   
3/2/2009
Un texte singulier il est vrai. Difficile donc de le commenter (et d'évaluer) sur le fond (il est tard pour moi là !) alors je vais "juste" saluer la forme et l'écriture d'un niveau tout à fait correct (on passe du soutenu à une certaine familiarité mais tout ça est assez contrôle) avec quelques jolies fulgurances et traits d'esprit (os laid).

J'y reviendrai plus tard, certainement.

Widjet

   Poète à mi-temps   
3/2/2009
Merci pour vos commentaires.

Je précise quelques petits détails. Ce texte m'est venu en trois parties, chacune écrite très vite, à intervalles d'un mois.
Il me semble que c'est venu du fond de moi-même ; j'ai eu envie de créer une atmosphère, une ambiance originale, entre monde réel et éléments fantastiques, magiques.

L'idée d'un Enfant jouant le sort du monde au poker m'a semblé évidente, comme s'il fallait, pour une fois, changer l'ordre des choses et m'amuser avec les codes.

Il est vrai qu'il est difficile de comprendre ce texte. Mais pourquoi ? Parce que sa signification ne me vient pas directement. Je sens mon texte, quand je l'ai écrit il m'a emmené lui-même vers je-ne-sais-où.
Il n'y a tout simplement pas à chercher de signification concrète ; on peut en trouver une en sentant juste le texte et sans essayer de raisonner de façon concrète.

Je me suis moi-même intrigué en écrivant l'Enfant et j'espère vous avoir intrigué.
J'ai écrit d'autres textes qui sont en rapport avec certains des éléments de l'Enfant. Les danseuses, Pise, les portes de l'Avokh, l'Enfant lui-même.
C'est une espèce de puzzle que j'essaie de faire.


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