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Pomme_d_Adam : Que de saisons !
 Publié le 19/04/19  -  7 commentaires  -  7805 caractères  -  77 lectures    Autres textes du même auteur

Une saison, une personne, une vie en un moment...


Que de saisons !


L’hiver


Je regardais la pellicule de mon appareil froid, tout en me disant que le vent avait tourné et que je gagnerais peut-être enfin le concours.

La blancheur d’un de mes clichés attira mon attention.

Une fois, en prenant mes photographies, j’avais été surpris par un renard blanc, c’était à peine si on voyait ses yeux, avec sa fourrure parsemée de flocons et cette montagne de neige claire dont il sortait à peine.

Il avait creusé cette poudre paisible et maintenant que le froid arrivait, pensait sûrement que cet abri de fortune le protégerait de la morsure cruelle du vent sournois.

Mais s’apercevant que je l’observais, l’animal à la queue touffue et à la fourrure douce s’était arrêté dans sa tâche et me fixait à son tour tout en exhalant son souffle chaud et opaque.

Nous nous trouvions tous deux, moi simple lycéen et lui modeste charognard aux crocs aiguisés, dans le cœur de la saison blanche.

Cette partie de l’année où les grands hibernent et les petits tentent de survivre à la température négative et à la faim qui les tenaillent.

Alors, profitant de cet instant magique où la paix régnait, je pris une photo.

Le clic, le flash et quelques secondes plus tard, il s’en allait me laissant seul, moi, Neige.


Le printemps


Je suis une fille qui adore dessiner, retranscrire ses émotions par des formes et des couleurs est la seule chose qui m’a donné envie de continuer à vivre.

Le dessin m’a aidée à sortir de plusieurs de mes moments sombres, alors je continue sans jamais m’arrêter de peur que les horribles pensées reprennent place dans ma tête tel un tsunami qui détruit tout sur son passage.

Donc, sans me soucier du vent et du froid matinal, je dessine le cerisier de la place principale de la ville assise sur un banc couvert de gouttelettes que la pluie a oubliées la nuit dernière.

Cet arbre magnifique vient de faire évoluer ses bourgeons les plus précoces en fleurs roses comme l’aube.

Cette place aussi a quelque chose de magique, car même aux heures où son sol étouffe à cause des martèlements de pieds des passants, l’arbre partage sa paisible sérénité aux gens toujours pressés vidés d’une vie dont ils se rappellent avec peine.

Lorsque les grandes personnes s’affairent à autre chose, le petit peuple revenu pour la saison verte prend le relais.

Les papillons colorés tachent les murs anciens de la mairie, les abeilles butinent le parterre de fleurs entourant le vieil arbre rose et les oiseaux volent et chantent gaiement donnant de la vitalité à cet endroit pourtant vide.

Reprenons, je viens de réaliser le ciel d’un bleu pétillant parsemé de nuages blancs comme la laine.

Je vais attaquer la coloration de l’arbre au tronc clairsemé de lichens de toutes couleurs et toutes formes.

Le rose des fleurs s’éclaircit au fur et à mesure qu’on approche de la tige jusqu’à devenir blanc comme neige.

Je détaille avec attention l’arbre aux merveilles discrètes et surprenantes, trop d’attention et je relâche la pression que j’exerçais jusqu’alors sur ma feuille.

Un coup de vent, un cri fulgurant et ma feuille s’envole entre les mains de l’invisible capricieux.

Mais étrangement, je ne me mets pas dans une colère folle ou éprouve une infinie tristesse.

Je suis pour la première fois depuis trop longtemps heureuse.

Heureuse que mon travail puisse avoir une vie ailleurs que dans mon placard.
 Peut-être atterrira-t-elle dans les mains de quelqu’un ou peut-être que non, mais tel est mon espoir.

Le dessin n’est plus, mais les terribles sensations non plus.

Un espoir inattendu, mais réconfortant, que ma maladie ait pu s’en aller en même temps que le croquis.

Je me sens délivrée.

Je me sens moi.

Je me sens Joie.


L'été


« Est-ce normal de penser que la nature est belle, alors qu’elle s’abat contre nous ? »

L’orage était arrivé un peu plus tôt dans l’après-midi.

Je devais marcher pour revenir chez moi, mais si ma mère me voyait revenir avec une robe trempée et des chaussures boueuses, elle se mettrait dans une de ses colères habituelles et me ferait dormir dehors.

Je me réfugie alors sous un chêne immense dont les branches retombaient autour de lui comme de lassitude formant une robe de feuilles vertes.

À travers le feuillage, en face de moi, je vois qu’un champ de tournesols s’étend à perte de vue.

Les plantes semblent se révolter contre cette violente pluie chaude, elles restent debout et dressent la tête à la recherche d’un simple rayon de soleil.

Elles illuminent le paysage assombri par les nuages d’été.

« Ella, profites-en pour te vider la tête, plonge une bonne fois pour toutes et laisse tous tes soucis derrière toi. »

Le lac est derrière moi, mais je ne veux pas me retourner et me retrouver seule face à cette immensité sombre et dangereuse, les algues gluantes et collantes sont prêtes à m’attraper et à me retenir dans leurs filets verdâtres.

Les cormorans se sont jetés à l’eau, ils ressemblent à des charognards prêts à déchiqueter leur proie dès son premier signe de faiblesse.

« Mais, comment puis-je trouver la nature belle et effrayante à la fois ! Suis-je devenue folle ? »

Les nuages s’en sont allés comme ils sont venus, soudainement.

Ils laissent dans leur sillage un paysage boueux et inondé, mais le champ restitue à ce paysage la vie lumineuse dont il a besoin.

Le lendemain, de nouvelles pousses émergeront de la terre, elles grandiront durant toute une vie et serviront à d’autres personnes dans la même situation que moi, tandis que le chêne d’aujourd’hui vieillira et ploiera sous son poids.

Le soleil m’ôte de mes pensées et me pousse à rentrer chez moi :

« Je veux quitter cet affreux lac, mais pourtant ne veux pas me séparer de ce merveilleux abri qui m’a protégé des colères du ciel. Décidément, cet endroit me tuera. »


L’automne


Je ne peux me retenir de pleurer.

Qui suis-je ?

Je suis seul, ici, mais aussi partout.

Je suis le fils orphelin d’une dame de la nuit et d’un homme pas vraiment précautionneux.

Je suis le père d’un enfant mort dans le liquide amniotique.

Je suis l’époux d’une femme morte de chagrin.

Je suis l’ami d’un homme qui a mis fin à sa vie.

Je suis ceux-là, mais aussi plein d’autres.

Je suis Vie.

Ironie du sort, n’est-ce pas.

Le crépuscule automnal semble me soutenir, me consoler, m’accompagner.

Le soleil a déjà disparu derrière l’horizon enflammé.

Je ne devrais pas être dehors avec ce temps, mais le vent m’apaise.

Cette force qui vient de nulle part et de partout, elle bouscule tout sur son passage et permet pourtant aux plantes de se reproduire, elle nous rend fous, mais nous aide d’une façon que rien d’autre ne saurait égaler.

Cet invisible controverse et pourtant si unifié.

Les feuilles rousses ou blondes me tombent dessus et me permettent de m’évader de ma prison de pensées.

Elles dansent dans les airs encore et encore, jusqu’à s’évanouir sur le sol en un tapis de mille couleurs.

L’allée d’arbres flamboie sous la lueur des lampadaires, on pourrait dire qu’ils sont morts, mais pourtant à cet instant, ils paraissent plus vivants que toute leur vie durant.

Les écureuils se perdent en bonds vertigineux et en courses folles, leurs pelages qui se meuvent dans les feuillages, sont telles des flammèches s’échappant d’un brasier.

Les étoiles s’allument une à une, comme hésitantes à se dévoiler aux spectateurs de la nuit profonde qui s’apprête à prendre place.

Le personnage principal de cette pièce au format universel est la lune.

Le majestueux disque pâle est plein et lumineux, le souvenir des nuits d’été revient alors et me frappe de plein fouet.

Les pleurs reviennent en force et la lune semblant se fâcher se cache derrière un nuage clair qui laisse échapper quelques filaments de sa légendaire lumière.

La nuit sera ce soir, la seule à me tenir compagnie.


 
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   Corto   
26/3/2019
 a aimé ce texte 
Passionnément
Ce texte est magique.
Structuré de façon peu conventionnelle, il mélange les situations observées, les émotions, les sentiments, les échos de vie personnelle.

Se déroulant sur toute une année il commence par l'hiver. Cet hiver où la chasse photographique en pleine neige permet la rencontre avec le renard.

Puis vient le printemps où la jeune fille qui adore dessiner est captivée par "Cet arbre magnifique" trônant au milieu de la place magique. Et lorsque le dessin s'envole dans les airs on assiste à une réaction étonnante: "Je suis pour la première fois depuis trop longtemps heureuse. Heureuse que mon travail puisse avoir une vie ailleurs que dans mon placard".

L'été n'est pas l'ami du personnage: "Le lac est derrière moi, mais je ne veux pas me retourner et me retrouver seule face à cette immensité sombre et dangereuse" ou plus loin: "Mais, comment puis-je trouver la nature belle et effrayante à la fois!".

Vient enfin l'automne dont le début interroge: "Je ne peux me retenir de pleurer. Qui suis-je?". Mais l'apaisement vient vite: "Le crépuscule automnal semble me soutenir, me consoler, m’accompagner" et aussi: "Les feuilles rousses ou blondes me tombent dessus et me permettent de m’évader de ma prison de pensées."

Le final ne semble pas exprimer de regret: "La nuit sera ce soir, la seule à me tenir compagnie" comme si la complicité avec la nature suffisait à combler une vie intérieure d'une grande richesse.

Bravo.

   Anonyme   
27/3/2019
 a aimé ce texte 
Bien
Beaucoup de bonnes choses dans ce texte dont de nombreux passages, bucoliques voire poétiques, sont très plaisants à lire.
À certains moments on pourrait évoquer Louis Pergaud, Colette ou Jules Renard.
Par contre il y a des longueurs et certaines descriptions sont redondantes.
Mais surtout le défaut majeur de la nouvelle est qu’elle pâtit d’une fâcheuse absence de fil conducteur : s’il y en a un (hormis le défilé des saisons qui est plus un prétexte qu’un fil conducteur) je n’ai pas su le voir.
Dans l’ensemble une œuvre intéressante et ambitieuse à laquelle il manque peu de choses pour être pleinement convaincante.

   plumette   
31/3/2019
 a aimé ce texte 
Un peu
il y a de belles choses dans ce texte où les narrateurs successifs ( au moins deux car il y a un homme et une femme) prennent prétexte des saisons pour nous livrer leur manière d'être au monde.

J'ai lu ce texte plutôt comme de la prose poétique que comme une nouvelle ou un texte qui proposerait une réflexion.

Ce texte est donc un OLNI ( objet littéraire non identifié) et en ce sens je m'interroge sur sa possible admission dans le catalogue oniris dans la catégorie nouvelles même s'il n'y a pas une orthodoxie absolue sur les catégories et sous catégories.

j'aime bien qu'une nouvelle me raconte une histoire, qu'elle m'emmène quelque part, et qu'elle me propose de m'attacher à un ou quelques personnages.

Rien de tel ici, et même, je ne suis pas toujours convaincue sur le parrallèle avec les saisons. Comme L'automne par exemple!)

le passage que j'ai préféré est celui de l'hiver car il m'a offert une vision! ce qui est assez paradoxal avec tout ce blanc.

bien embarassée pour évaluer ! l'écriture n'est pas en cause car elle est plutôt agréable, à l'exception de petits passages qui ont fait buter ma lecture comme:

"Mais étrangement, je ne me mets pas dans une colère folle ou éprouve une infinie tristesse." j'aurai vu une deuxième partie de phrase utilisant aussi la forme négative.
ou

"Je me réfugie alors sous un chêne immense dont les branches retombaient autour de lui comme de lassitude formant une robe de feuilles vertes." problème de concordance des temps?

Plumette

   FANTIN   
2/4/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Un texte prenant, presque envoûtant, à la fois lumineux et très sombre. Une sensibilité à vif qui vibre au fil des saisons, faisant appel à l'art sous de nombreuses formes pour lutter contre une marée noire de pensées tristes persistantes. Rempli de lueurs, de rayons, mais aussi de brumes rampantes et de nuages, ce texte à la beauté écorchée délivre tout du long une impression d'équilibre précaire, entre la vie, la mort, la splendeur, la laideur, l'espoir, le désespoir, le bonheur, la souffrance.
Pour finir on espère de tout cœur que la poésie saura durablement faire pencher la balance...

   Donaldo75   
19/4/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bonjour Pomme_d_Adam,

Autant le dire de suite, j'ai craqué sur ce texte. Pour moi, c'est de la prose poétique comme on en lit trop peu sur cet espace où nouvelles et poésies vivent presque leur vie séparément.

Est-ce bien écrit ? Oui, sans conteste. Et c'est bien exposé.

Ce texte est original du fait de sa poésie, ce qui arrive rarement ici, comme je le disais en préambule - je ne parle pas des textes supposément subtils et écrits dans un style à rendre épileptique un fan de la Nouvelle Vague - et fait du bien aux lecteurs.

Bravo !
Merci pour le partage.

Donaldo

   senglar   
20/4/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Bonjour Pomme_d_Adam,


"Que de saisons !"

Ce qui est curieux c'est que les saisons ne semblent pas correspondre aux saisons telles que les connaît le lecteur, il y a du salmigondis dans l'air (lol, c'est pas méchant), l'auteur les torture au gré de ses envies. Et tel trait du printemps peut très bien correspondre à l'hiver, et tel trait e l'été peut très bien correspondre à l'automne. Le lecteur a très bien compris que c'est un état d'esprit, uniforme, qui uniformise le tout. Le résultat en est plus un mal-être diffusé qu'un bien-être partagé ; il faut dire qu'avec la lune pour tutrice on ne pouvait guère espérer autre chose.

La poésie est là... qui sauve la mise :)


senglar

   ANIMAL   
7/10/2019
 a aimé ce texte 
Passionnément ↓
Un texte magnifique qui sort indubitablement de l’ordinaire. Cette façon de marier des saisons et des humains, l’observation de la nature en adéquation avec les humeurs des narrateurs successifs, l’ambiance douce-violente qui se dégage de chaque partie, me gardent sous le charme jusqu’au bout de cette lecture. La nature est belle ou menaçante, aimable ou cruelle, et l’humain est rêveur ou triste, mélancolique ou plein d’espoir. Que de poésie se révèle au fil de cette nouvelle.

Si j’ai une seule remarque à faire, c’est la ponctuation un peu erratique qui perturbe parfois la lecture, mais c’est si peu.

Bravo pour cette ronde des saisons qui semble flotter comme un songe et vous entraîne en dehors du temps.


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