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Pouet : Du sens et du blanc
 Publié le 13/05/19  -  21 commentaires  -  9487 caractères  -  191 lectures    Autres textes du même auteur


Du sens et du blanc


Dans un bar-tabac de banlieue suspendu à la clavicule du périphérique sud, se retrouvaient par temps de solitude quelques putes périmées, des vieux abandonnés, des jeunes prêts à se perdre, des chômeurs et un juge, des écrivains ratés…


– En écriture, suggérer, c’est déjà trop.


Perché sur une chaise d’érable terne, le rouquin venait de prononcer cette phrase très rapidement, presque honteusement, il n’avait pas l’habitude de parler en public.


Au café de l’Arbalète, Rottka s’exprimait.


Peu de gens l’écoutaient. Un vieux vraiment vieux vérifiait la ligne de flottaison de son dentier dans un verre de blanc-cassis, Ginette une vieille qui voulait faire jeune dissimulait ses rides sous une couche d’indifférence, Sinatra le patron du bar lavait une tasse d’un air détaché. Rottka à cette heure matinale était déjà honnêtement imbibé et postillonnait généreusement sur son auditoire peu concerné.


– Voyez-vous mes amis, il faut faire confiance au lecteur et ne pas le prendre pour un imbécile, certainement, je vous le dis, et je pèse mes mots, qu’une bonne phrase est une phrase invisible… L'adjectif disqualifie, le substantif est sans substance, l'article indéfini, le verbe du verbiage...

J'ai écrit un livre qui ne contient qu’un mot : « Ellipse », et il est de loin mon ouvrage le plus accompli, le plus réfléchi, celui qui déterre tous les cachots de l’imagination ! Certes je n'ai rien écrit d'autre... Je vous le dis mes amis, l’écriture est l’art de la sobriété. Ah, je vous entends déjà me taxer de fainéantise, de suffisance, voire de malhonnêteté… Mais là aussi, je vous le demande mes amis, quel est le rôle de la littérature ? Eh bien, elle doit faire débat, interloquer, choquer, provoquer en nous une sensation de frustration superficielle : un bon livre est un livre vide.


Le discours de Rottka commençait à faire son petit effet, l’Arbalète se remplissait peu à peu de curieux attirés par les gesticulations vocales de notre rouquin qui prenait de l’assurance. Sinatra, ravi, servait bières et anisettes, Ginette voyait son maquillage s’effriter et le vieux vraiment vieux avait remis son dentier. Des cigarettes s’allumaient, des yeux brillaient, des murmures s’entrechoquaient sous un plafond graisseux.


– Ne rien écrire, voilà le travail du véritable écrivain… Comprenez-moi, il y a bien des façons de ne rien écrire, l’art du vide n’est pas qu’une question d’abstinence littéraire, non, il s’agit bien au contraire de dompter l’imagination.

Oui monsieur, de la dompter. Car lorsque nous écrivons c’est elle qui guide notre main, qui dicte nos émois et nos spasmes d’encrier. Pourtant ne rien écrire ne signifie pas ne rien penser et…

Oui madame, c’est un peu comme mettre de la brume dans un bocal, exactement… Hum… Je disais donc que nous devons, à la lisière de l’irraisonnable, brûler nos stylos pour étreindre l’imaginaire, enduire toutes nos feuilles du mascara des songes, le souvenir d’un cri nous suffira… Peut-être.

Ainsi je l’affirme, et je défie quiconque de me contredire : un écrivain est un tombeau.

Un passeur d’immobile, une coque de chair. Une boîte à souvenirs qui témoigne du Temps.


Rottka, tout en joues cramoisies, sueur et lèvres retroussées, visiblement satisfait de son petit effet, jeta sur l’assistance ses prunelles sauvages. Le vieux vraiment vieux cherchait son dentier sous la robe de Ginette, Sinatra rinçait d’immenses chopes aux sourires cernés d’écume. On se regardait. Sur les visages l’amusement laissait place à la stupéfaction, l’incrédulité au franc ressentiment. Au fond de la salle, quelqu’un rota. Les reniflements et les toux s’étiolèrent peu à peu.

Aucune ébauche d’applaudissements, point de paroles réconfortantes.


Au café de l’Arbalète s’invitait le silence.


– Merci mes amis pour… Euh… Merci de m’avoir écouté… Je ne doute pas un seul instant de l’intérêt que vous avez porté à mes propos. J’approuve totalement le temps de réflexion que vous vous accordez, garant, j’en suis persuadé, d’une intégrale compréhension et d’une complète assimilation de ces quelques mots qui, je le reconnais, peuvent sembler un tantinet déconcertants voire possiblement contestables pour des esprits logiques tels que les vôtres.

Ainsi, si vous me le permettez, je veux développer un aspect prépondérant dans cette lumineuse affaire qui, j’ai la douce faiblesse de le penser, nous préoccupe tous : le remplissage. Terme à prendre ici au sens propre comme au figuré.


Quelques paupières papillonnèrent poliment. Wladimirio Escapàn, poète surréaliste et réfugié salvadorien, qui jusqu’à présent ne s’était manifesté d’aucune manière, prit la parole.


– Si yé té souis bien tou n’aimes pas trop lé souperflou…


Wladimirio, en une valse de salive et de chicots jaunis, gratifia le pédant rouquin de son plus chaleureux sourire.


Rottka encaissa l’acidité de cette remarque sans broncher, il savait qu’Escapàn s’exprimait dans un français parfait totalement dénué d’accent centre-américain.


– Absolument Wladimirio… Je pense qu’en littérature le dénuement est un luxe du style.

Combien d’images peuvent être évoquées à la lecture d’un simple mot ? Et combien d’associations curieuses notre esprit est-il capable d’enfanter ? En ce sens, le remplissage m’est indubitablement détestable… Les descriptions par exemple… N’avons-nous pas tous lu d’interminables dissections verbales, de paysages ou de personnalités, qui, muselant partiellement notre imagination, nous empêchaient de profiter librement d’un éventuel ailleurs ? Si je le sais, tous ici…


Ginette, le pied posé sur une table, à l’aide d’une petite cuillère, s’évertuait à racler une excroissance assez disgracieuse qui décorait la base de son gros orteil gauche.

Le vieux vraiment vieux ronflait odieusement. Sinatra accoudé au zinc se curait langoureusement l’oreille à l’aide d’un éclat de liège. Le reste d’un bouchon de Mumm 77 songea-t-il…


La petite assemblée, bien que guère attentive, ne semblait pas hostile non plus.


Elle accueillait les élucubrations de Rottka avec une sorte de résignation bienveillante.


– Il en va de même pour le remplissage de nos existences. Ah… Je vous vois vous crisper… Non, non, mes amis je ne vais pas tomber ici dans la piège de la grandiloquence, loin de moi l’idée de tartiner vos tympans de confiture lyrique, non mes bien chers amis ! Entendons-nous, je cherche à vous exposer ma pensée, sans but particulier : convaincre ne fait pas partie de mon vocabulaire. Ainsi je vous invite à répondre à cette question : que signifie pour vous l’expression une vie bien remplie ?



– Se marier à un millionnaire pour plus avoir à tapiner, déclara dignement Ginette.


Gaspard, un cuisinier à la mine réjouie et à la panse ovale, s’exclama :


– Avoir l’assiette toujours pleine et les burnes toujours vides !


Quelques rires gras entrecoupés de borborygmes d’approbation suivirent immédiatement l’intervention du bonhomme rougeaud.


Wladimirio Escapàn, mettant fin au tumulte aviné, en un élégant raclement de gorge exhala :


– Une vie bien remplie… Ne serait-ce cette sensation de plénitude qui traverse certains, à tort ou à raison, à l’approche de la mort ? Cette sensation d’avoir exploité au mieux ses possibilités, de s’être impliqué avec intensité, avec sincérité dans chaque acte de la vie quotidienne et d’avoir préféré l’ironie à l’aigreur, le doute à l’affirmation ? Cette sensation tenace d’absence de regrets ? L’ambivalente satisfaction d’avoir osé aimer ? De s’être accommodé de la peur sans pour autant l’ignorer, d’avoir délaissé les grotesques atours de l’orgueil et de l’hypocrisie, d’avoir su s’arrêter, regarder et comprendre… ?


Gaspard, qui avait écouté religieusement l’envolée verbale du rimailleur de San Salvador, entreprit de se fendre d’une de ses métaphores culinaires dont il avait le secret :


– Ben moi j’dis une choucroute garnie et une baguette au four et me voilà bien rempli !


Rottka, ignorant les ricanements glaireux jaillissant de toute part et évitant de justesse un glaviot hilare en se penchant fort adroitement sur le côté, entreprit de répondre à son public captivé :


– Oui, chacun aura sa propre définition. Toutefois, chaque Homme, j’entends ici chaque être humain. J’aurais tout aussi bien pu dire chaque femme mais on dit bien Homme et non Femme pour désigner l’ensemble de l’espèce et de plus il se trouve que je suis un homme alors… Ceci étant je ne prétends pas qu’un homme pense nécessairement différemment d’une femme et je pourrais tout aussi bien me placer du point de vue d’une femme puisque ce point de vue ne saurait s’opposer ni même différer de celui d’un homme. Je suis un homme donc mais je pourrais être une femme que cela ne changerait pas ma façon de voir les choses, enfin comme je ne suis pas une femme mais bien un homme je ne peux pas vraiment affirmer que si j’étais une femme je penserais pareillement qu’un homme. Enfin, vous m’aurez compris, c'est une question de point de vue et plus on s'élève, plus nous risquons d'être aveuglés par le soleil, ou bien gênés par les nuages...

Simplement, nous ne connaîtrons jamais le contenu du verre qui se brisera dans le désert.

Voilà, mes chers amis, je pense en avoir fini et terminerai par vous dire que la pensée, en l'occurrence ma pensée, ne saurait être parfaitement retranscrite par des mots.

Mais un jour je crois que j'écrirai quelque chose, car je peux l'affirmer aujourd’hui : les mots me manquent.


 
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   GillesP   
16/4/2019
 a aimé ce texte 
Bien
Il y a de jolies formules, des réflexions intéressantes sur ce qu'est l'écriture, une sorte de bonne humeur dans la façon dont les choses sont écrites.
Il manque pour moi une véritable histoire, ou plutôt une véritable conclusion, quelque chose qui irait au-delà du jeu de mot final sur les mots qui manquent.

   Corto   
19/4/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup
"Du sens et du blanc", voilà un titre bien choisi pour cette nouvelle où l'on cherche beaucoup le sens et où le blanc est mis à l'honneur dans toutes ses frasques.

D'ailleurs on a tous remarqué que c'est dans un "verre de blanc cassis" qu'un "vieux vraiment vieux vérifiait la ligne de flottaison de son dentier".

On se régale ici de quelques perles de comptoir comme "Ne rien écrire, voilà le travail du véritable écrivain" et on peut être furieux d'avoir manqué cette séquence intellectuelle au "café de l’Arbalète". Ce bar "suspendu à la clavicule du périphérique sud" a l'air bien attrayant.

Une fois dégustées ces nombreuses descriptions savoureuses, on se prend à relire la seule phrase non farfelue exprimée par le poète surréaliste salvadorien: "Une vie bien remplie… Ne serait-ce cette sensation ...d’avoir exploité au mieux ses possibilités, de s’être impliqué avec intensité, avec sincérité dans chaque acte de la vie quotidienne et d’avoir préféré l’ironie à l’aigreur, le doute à l’affirmation?"

Diable ! Basculerait-on brutalement dans le café culturel digne de la place de la Bastille ?

Non les habitués de l'Arbalète vont résister de toute leur incompréhension pour se rassurer avec cette sentence finale "nous ne connaîtrons jamais le contenu du verre qui se brisera dans le désert."

Cette nouvelle mêle habilement des scènes et expressions populaires, avec une plongée dans une ambiance presque réaliste de "bar tabac" où l'on délire et se comporte chacun selon l'inspiration du moment.

Fort bien écrite elle ne laisse guère de répit au lecteur qui a tout lieu de s'amuser et même de réfléchir grâce au Salvador.

Bravo.

   Anonyme   
13/5/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bonjour pouet,

Cette discussion de bistrot n’est pas moins intéressante que celle jouée dans Art, de Yasmina Reza, où il s’agissait de disserter à propos d’un tableau tout blanc, chef-d’œuvre d’art contemporain.
Yé bièn conou oun Wladimirio Escapàn. Dès que j’entrais dans le bar, il me disait : saba, bou ? Je répondais pour le taquiner oui merci le tutu se porte bien, à quoi il ouvrait de grand yeux : bouse abbé achété oun nuevo toutou à vot femme ? Je lui payais un Ricard pour avoir la version anglaise.

Ben oui, j’ai adoré. Le passage « je suis un homme, si j’étais une femme… » c’est tout un sophisme à la Ionesco. La réflexion est intelligente, subtile dans notre monde surconsommateur de mots mais pas d’idées.

La narration et le style sont excellents, bien ancrés dans le contexte. Quelques vannes de bar indispensables pour être crédible. Des petits portraits à la sauvette qui semblent tous raconter une longue histoire.

Un régal, vraiment.

FrenchKiss
Qui regrette ces bars-là

   hersen   
13/5/2019
 a aimé ce texte 
Un peu ↓
Que dire, sans que les mots me manquent ?

la démonstration par son contraire : un texte très verbeux pour dire que les mots ne sont qu'encombrants pour exprimer ce qu'il y a au plus profond de nous.

Encore une fois, Pouet, tu nous emmènes au bistrot où chacun sait que règne une intelligence bien arrosée, ce qui fait éclore les logorrhées.
Est-elle pour autant affûtée , je ne saurais répondre.

Je ne me suis pas retrouvée dans grand-chose dans ce texte qui prend, justement, appui sur des clichés pour fonctionner (par ex, ce que signifie une vie bien remplie pour les personnes présentes) et je ne trouve pas vraiment matière à réflexion. Ni, ce que je pense plus grave, de nouveau.

Alors je me suis un peu ennuyée.

Une remarque : quand tu spécifies Homme, Femme. Tu es dans le dialogue (enfin, monologue...) et présenté ainsi, ce n'est pas compréhensible pour un auditeur, client du bar. Il faudrait préciser Homme, avec h majuscule, Femme avec F majuscule, non ? Car que peuvent-ils comprendre à cet oral, contrairement à moi qui lis ?

Bon, tu l'auras compris, ça n'a pas fonctionné pour moi. désolée.

A te relire.

   Donaldo75   
13/5/2019
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour Pouet,

J’ai trouvé ce texte marrant, bavard certes mais presque théâtral. Je ne sais pas si les mots me manquent pour étayer un commentaire basé sur une impression de lecture ; cependant, ce que je sais c’est que cette nouvelle se laisse bien lire, sans chichi.

Donaldo

   Luz   
13/5/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bonjour Pouet,

J'ai bien aimé l'ambiance de ce café, à la limite du surréalisme peut-être. Je pense qu'en développant, on pourrait avoir une pièce de théâtre assez géniale. Et puis j'adore quand je peux rire de ce que je lis ; par exemple le passage avec Wladimirio " : "lé souperflou".
C'est vrai ; moi, en poésie, quand j'enlève lé souperflou il me reste " ." ou que " " sans la ponctuation (mais j'aime moins...). Il faut bien "épourer pour qué ça percoute".

Très bonne soirée !

Luz

   senglar   
13/5/2019
 a aimé ce texte 
Passionnément ↑
Bonjour Pouet,


Un véritable feu d'artifice que cette nouvelle ! Et je ne crois pas que le blanc y soit pour quelque chose... Tout cela est traité de plume de maître, avec beaucoup de virtuosité... Que dire ? Que relever ? Tout est dit ! Tout est est relevé ! Vous êtes à la fois et le contempteur et le lauréat... Je dirais qu'en quelque sorte vous ôtez le pain de la bouche à qui veut le rompre avec vous. Superbe solitude que celle de l'écrivain qui ne se soucie pas de son lectorat tout en sachant que son lectorat l'observe...

Coquetterie aussi ;)

Bravo Pouet ! "Du sens et du blanc" Blanc-seing à vous quelque part du côté de chez Coluche :)))

Merci pour cette lecture virevoltante et combien enrichissante sans être pédante.


Senglar from Brabant

   alvinabec   
13/5/2019
 a aimé ce texte 
Passionnément
Bonjour Pouet,
Le début de la nouvelle est super accrocheur, enfin un auteur qui parle de la phrase ( si possible vide à un moment donné) et du fait de dompter l'imaginaire.
Le propos est drôle, le lecteur suit les personnages dans le rade de banlieue, c'est vivant, ponctué de réflexions et de tumulte, bref c'est du consistant!
A vous lire...

   plumette   
13/5/2019
 a aimé ce texte 
Bien
Pouet en nouvelles, voilà qui est réjouissant, un café de banlieue avec ses habitués hauts en couleurs et son Rottka ( contraction entre rot et vodka) qui monologue pour un public plutôt indifférent, c'est encore réjouissant et puis, le verbiage de Rottka me perd un peu, quelques phrases ici et là me réveillent "c’est un peu comme mettre de la brume dans un bocal, exactement… Hum… Je disais donc que nous devons, à la lisière de l’irraisonnable, brûler nos stylos pour étreindre l’imaginaire, enduire toutes nos feuilles du mascara des songes, le souvenir d’un cri nous suffira… Peut-être"
Là je retrouve le pouet! qui s'amuse.

et puis ce calembour comme je les aime "Si yé té souis bien tou n’aimes pas trop lé souperflou…" face au discours assez fumeux du rouquin.

Un moment de lecture un peu disparate mais plutôt plaisant.

   Vincente   
14/5/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup
J'ai beaucoup aimé le style, j'aurai pu dire le ton, mais non c'est plus le style qui m'a plu, la façon de formuler, entre discussion et évocation, très incarné. Très vite, je me suis trouvé dans cette salle de bar, à écouter, et puis j'aurais bien voulu répondre, contredire, enfin participer...
Votre manière de raconter est très "impliquante" (c'est pourtant je présuppose une fiction), parce que j'ai cru à une évocation. La scène sonne vrai et le propos, assez surréaliste, aussi, paradoxalement.

Le sujet est fumant, assez fumeux, peut-être même une peu fumiste dans sa facilité de façade. En fait, il dégage un questionnement pas vraiment innocent : cette balade parmi les sens et apparences des mots, la façon de les exploiter voire d'abuser d'eux, la nécessité de leur économie, allant jusqu'à l'utopie de leur sobriété ultime, etc... Alors quand un chevalier blanc s'élance étendard au vent restreint des piliers d'un bistrot, ça produit de drôle de choses... C'est peut-être sur la continence de l'expression que dans un deuxième temps, j'aurais bien vu plus d'exubérance ; j'ai trouvé que la fin arrivait un peu vite (rançon de l'efficacité !) et que l'auteur nous abandonnait de façon un peu perverse après nous avoir bien fait saliver. C'est une nouvelle, d'accord, mais une deuxième partie m'aurait mieux rassasié.

   LenineBosquet   
14/5/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Un rouquin nommé Rottka.... Fallait la faire celle là, ou pas ! Sûrement un sobriquet hérité du tiékar. J'aime le bar et ses caricatures qu'on y croise, les discours abscons qui font quand même réfléchir, le vrai dans l'absurde et les dentiers dans le blancass.
Le rythme est alerte.
Bien joué.

   Eva-Naissante   
14/5/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bonjour,

Les mots me manquent mais si je devais en trouver je dirais que votre nouvelle m'a plu. A l'instar de vos poèmes, elle est d'une profondeur légère, avec un style aigre-doux qui tient l’œil ouvert jusqu'au bout, jusqu'à cette chute qui en est toute la synthèse. L'humour est tantôt manié avec subtilité tantôt moins, en tout cas il fonctionne pour moi, pas seulement parce qu'il fait sourire mais parce qu'il sert la description de la scène et met en lumière les propos de votre personnage principal. Entre drames et cocasseries, intellectualité des dialogues et trivialité du lieu, votre texte ouvre une fenêtre sur le champ des possibles.

A vous relire,
Eva-N.

   maguju   
14/5/2019
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour Pouet

Chouette cette nouvelle! J'ai aimé votre humour mais pas que. Etant une grande admiratrice de Raymond Carver -adepte de la sobriété en littérature- je ne peux qu'être d'accord avec votre Rottka! Voilà ce que dit un article sur Carver:
"Avec trois bouts de ficelle - deux mots, une ellipse, beaucoup de silences -, il arrivait à rendre palpable la détresse des moins que rien, la solitude des naufragés de la vie, agrippés à leurs frasques, à leurs rêves déchus et à leurs bouteilles de scotch."
Superbe non?

C'est très personnel mais la deuxième partie m'a moins touchée.
Au plaisir

   Mokhtar   
15/5/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Je suggère aux lecteurs un peu désorientés par ce texte (il doit bien y en avoir) d’utiliser ma méthode.

D’abord imprimer. Puis enluminer de stabilo tout ce qui concerne les figurants annexes, faire-valoir des deux intellectuels. Les faire rougir de leurs lots de vannes, billevesées, calembredaines, aphorismes, calembours, carmeteries ou desprogeries, expectorations et borborygmes divers et variés. Jeter les deux stabilos asséchés. Profiter et se repaître de tout son saoul (c’est le lieu) d’un humour que n’aurait pas désavoué le Jean-michel Ribes de la grande époque (quand il fréquentait plus les bistros que l’Élysée).

Une fois écartés les amuse gueules, entremets ou trou normand dispensés par le maître saucier pour planter le décor, créer l’ambiance, assurer les liaisons et oxygéner les cerveaux surmenés…il est temps de passer au plat de résistance.

Où l’on voit tout d’abord un rouquin aussi verlandisé qu’emméché, qui a probablement trop lu André Breton, se perdre en diatribes contre l’écriture briseuse de rêves et d’imagination (je résume…autant que faire se peut). Et prétendre que la production de la page blanche est la seule œuvre nobelisable. Superbe logorrhée, démonstration par l’absurde, aussi convaincante que celle de Bourvil dans sa promotion de l’eau ferrugineuse.

Heureusement, le salvadorien, mine do rien, est etymologiquement là pour sauver le dialogue. Et forcer l’orateur à sortir de l’inconsistance par cette phrase : « en littérature, le dénuement est un luxe du style ». Phrase qui me convient tout particulièrement. Car je pense que celui qui est capable de beaucoup dire en peu de mots est un bon écrivain. Que le choix du mot précis, signifiant, indubitable…de la phrase concise débarrassée de ses superflus et redondances… élève l’écrivain au rang de l’artiste dont on loue le style.

Faut-il pour autant certifier que c’est « museler l’imagination » que de construire une description, un personnage, par une multitude de petites touches allant au détail ? Faut-il que Monet se contente de l’esquisse au crayon ? N’est-il pas apaisant, voire envoûtant, de se laisser promener par Maupassant ou Balzac ?

Car l’imagination a besoin d’être nourrie. Elle n’est pas le fruit de la génération spontanée. Le natif de Limoges a besoin de récits descriptifs pour que son imagination le porte au pôle Nord ou dans la jungle amazonienne.

La notion de remplissage bifurque brusquement sur la philosophie. L’auteur, que l’on sent s’investir, exprime par la bouche de son personnage une conception de l’existence très travaillée, avec du sens, et que l’on devine personnelle. Comme un message à ses enfants.

Et c’est épuisé que le lecteur doit démêler l’écheveau final traitant de la nature respective de la pensée de l’homme et de la femme. Analyse tortueuse qui aboutit…à rien. Car l’homme et la femme ayant chacun en eux leur part de féminité ou de masculinité, on a du mal à attribuer l’influence du genre sur la réflexion. Opinion personnelle.

Voilà. Était-ce une nouvelle ? Non, c’était du Poët. C’était marqué sur la boite : fallait pas ouvrir !

   Acratopege   
15/5/2019
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Comme j'aurais aimé participer à cette soirée sans piper mot. Le verbiage post-moderne du héros m'aurait fait rire sous cape. Bref, un texte à la fois virtuose et sans prétention (il me semble) qui se moque finement de nos aspirations littéraires à tous: trouver le mot juste en se débarrassant de toutes les fioritures. Quelle critique aurions-nous osée si cette nouvelle n'avait comporté que le mot "ellipse"?
Merci de m'avoir fait sourire beaucoup et penser un peu.

   Malitorne   
16/5/2019
 a aimé ce texte 
Pas
Je n'ai pas accroché à ce récit dont le discours vaguement moralisateur m'a ennuyé. De façon générale, toutes les tentatives pour expliquer l'acte créatif – ici l'écriture – m'apparaissent comme un océan de verbiage lié au parti-pris de son auteur. Chacun y va de sa petite analyse pour déclamer qu'il voit la chose comme ça et pas autrement. Vous prônez la sobriété, l'épuration, d'autres loueront la richesse inestimable du vocabulaire. C'est un choix très hasardeux que de définir une règle dans ce qui échappe par définition à toute rationalité.
Pareil pour l'interrogation suivante : « que signifie pour vous l’expression une vie bien remplie ? ». Vous partez à nouveau dans votre vision des choses mais là par contre on n'y comprend rien. Le long discours sur la concordance homme femme débouche in fine sur du vent ou alors c'est moi qui suis à côté de la plaque.
Je n'aime pas qu'on me fixe des directions de pensée donc je ne peux être en accord avec ce genre de texte qui trace des lignes, même sous le couvert de l'humour. Reste une écriture tout à fait correcte que j'aimerais voir exploitée différemment.

   STEPHANIE90   
17/5/2019
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour Pouet,

un blanc qui a du sens. Rire...
Je n'ai, enfin je n'avais jamais poussé la porte d'un tel troquet mais je dois dire qu'une fois installé, dans une telle nonchalance, je me serais bien vu échanger d'un ton badin sur l'écriture de quelques bons mots cocasses et caustiques.

Je me suis bien amusée à la lecture de votre nouvelle, j'ai aimé cet art du vide que vous dispersez tout au long de votre nouvelle.
J'en retiendrai que "l'écriture est l'art de la sobriété" et "un bon livre est un livre vide".

Cela demande réflexion mais cela a du sens. Il va me falloir cogiter sérieusement...(sourire)

Bref ! merci pour cette lecture divertissante et sans chichi mais fort bien travaillée et sans : " fainéantise, suffisance, ni malhonnêteté ".

StéphaNIe

   Anonyme   
22/6/2019
Lu de bout en bout avec plaisir.
C'est très bien écrit, c'est drôle, c'est truculent, c'est léger, à la fois surréaliste par la superposition du contexte et la teneur de certains propos, mais finalement pas tant que cela si l'on songe au discours surprenants que l'on peut parfois surprendre dans de tels endroits.
J'ai bien aimé la peinture rapide des différents personnages, presque à la limite de la caricature, mais en restant toutefois en-dessous.

C'est stylé, c'est chouette. J'en reprendrais bien.

   David   
23/6/2019
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour Pouet,

Une scène de vie gouailleuse, je lui trouve des airs de bd. J'ai adoré Wladimirio, cet improbable poète centre-américain au prénom slave latinisé :) une toile de fond humoristique pour un propos certain, un certain propos, sur la littérature. Ça m'évoque en miroir exégèse d'un poème flash sans en tirer la moindre conclusion, j'y vois plutôt ici un céleste carnet de bord.

   clarix   
8/8/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Académies et Cénacles ne sont pas toujours là où on les attend! J'aime bien ce texte où un théoricien de la littérature largement imbibé prêche devant un auditoire tout autant imbibé. Un bon sens populaire digne des Brèves de Comptoir répond au verbiage et aux gesticulations vocales. L'art du vide atteint son point culminant avec le discours abscons et empâté sur l'homme et la femme.
De très jolies formules comme" la clavicule du périphérique"contribuent à l'intérêt de ce texte

   Anonyme   
13/2/2021
J'ai beaucoup aimé ce texte jusqu'à "une vie bien remplie". Je m'y étais plongé en client du bistrot, intéressé par la thèse de l'écrivain "opposé à l'écriture" et attendant les réponses ou les silences de l'auditoire. Mais l'auteur, me sembla t-il, dû être pris par l'envie de conclure et la suite me parut bâclée. Après le meilleur le moyen paraît mauvais. Dommage car le style était très plaisant. A suivre lors d'autres nouvelles.


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