C’est un matin d’automne, le genre de matin où les feuilles mortes recouvrent la ville de rouge, d’ocre et de vert. Les passants vagabondent au milieu de ce fatras multicolore, froissent l’air, bruissement incessant qui enrobe la rumeur de la ville. Les gens murmurent plus qu’ils ne parlent, peut-être ont-ils peur d’achever les dernières feuilles vertes suspendues aux arbres par trop de bruits. Le soleil caracole tranquillement sur la montagne d’azur du ciel, se débat régulièrement avec des nuages taquins ; il est encore chaud, de cette chaleur lourde mais douce. Il doit être dix ou onze heures. Attablé à un bar au commencement de la rue Esperiat, celui qui fait l’angle de mon immeuble, je laisse doucement mes yeux filer les filles en retard. Elles marchent vite, n’osent courir ; c’est adorable une fille qui se débat contre le temps, lorsque j’admire ce spectacle, il me semble voir Hermione lutter contre son destin. Les heures s’écoulent lentement, au rythme des cafés et des cigarettes. Lors de certains lendemains, je passe des journées entières ainsi. Parfois, j’aperçois des visages familiers, mais jamais je ne les hèle. Toujours, je m’installe au fond à droite de la terrasse, caché par d’autres tables et quelques plantes vertes. Ces jours-là, j’aime particulièrement l’humanité ; je l’aime dans son ensemble, dans sa totalité ; les visages connus, les individualités cependant, m’horrifient. J’aime tout et tous, mais personne en particulier. Je ne veux la foule et les hommes seulement pour épancher ma solitude en leur présence ; je m’épanche de loin, de ci et là, à la croisée d’un regard. Lorsque midi arrive, je vais chercher une simple salade à emporter, je rejoins de nouveau le bar, ne bouge plus. La serveuse, lorsque l’affluence se tarit, s’assied à mes côtés ; souvent, nous passons de longues et silencieuses minutes. J’ai vingt ans, les lendemains d’extasy sont la chose la plus pénible et agréable que je connaisse. Il est midi, mes congénères délaissent le bar au profit des restaurants environnants. Entre deux commandes, Clélia – c’est le nom de la serveuse – se plante devant moi tout en allumant une cigarette. Ses mèches bleues s’agitent doucement sous l’effet de la brise ; elle a le don de figer son regard dans les expressions les plus sérieuses, c’était une mimique adorable mais grotesque ; je me retiens de rire. Elle aspire deux ou trois bouffées, les souffle doucement au-dessus d’elle, la tête penchée en arrière. Ses lèvres questionnent la fumée, comme si la réponse logeait dans ses poumons ; sa main cherche à saisir l’insaisissable, à éclaircir les volutes de l’oracle de son cœur. Je sais d’avance le sujet qu’elle veut aborder ; je ne me trompe pas. Clélia me demande ce qu’est devenue Itomi, cela fait plusieurs soirs que je viens sans elle au bar ; en fait, je vais seul, au gré des rencontres. Je suis toujours sûr de croiser au moins trois ou quatre compagnons de déchéance. Dans le pire des cas, je m’installe au comptoir, laissant les pintes défiler devant moi. Jesse, le barman, se moque gentiment de moi, raconte à qui veut l’entendre que mes bras et mes verres ont creusé le comptoir. Ces demoiselles défilent sur les tabourets alignés face au bar, tentatives vaines d’obtenir des verres gratuits de la part de Jesse. Jesse est gay et professionnel, il n’offre jamais de consommations sauf sur ordre du patron. Alors, parfois, elles tentent de se faire offrir un verre par le seul individu vissé au bar ; votre serviteur ici présent. Peine perdue, je n’offre jamais quoi que ce soit ; ni verre, ni shooters, ni tendresse. À vrai dire, je déteste draguer dans les bars, je trouve cela glauque à souhait. J’ai toujours haï coucher pour un soir, cela me laisse un arrière-goût amer les lendemains. Lorsque l’acte a lieu hors de chez moi, je fuis au matin, confus, plein de honte. Que vais-je faire alors dans les bars ? Juste compter les bouteilles derrière le comptoir, les voir disparaître au fur et à mesure des heures… J’attends, patiemment, la fin du service de Jesse. Nous disparaissons alors dans quelques appartements, emportés par la folie des afters. Cela dure au moins jusqu’à huit heures du matin, parfois jusqu’à quinze. L’on appelle ça une vie, mais ce n’en est pas vraiment une. Je garde le silence. Le regard de Clélia se fait plus insistant, plus lancinant. Je finis mon café d’un trait ; il me faut bien garder une contenance, boire une tasse de courage. Je mords ma lèvre inférieure, sale tic dont je suis incapable de me débarrasser depuis des années. Clélia perçoit cela, elle s’assied, demande à la deuxième serveuse de prendre le relais pour une demi-heure. Il est midi et demie, le soleil brille intensément ; sous sa clarté et sa chaleur, que faire sinon avouer ? J’écrase ma cigarette avec acharnement dans le cendrier posé sur la table, et trie mes mots avant de commencer.
– C’est fini… définitivement. Attends, ne m’interromps pas ; je sais que cela fait plusieurs fois que nous avons prononcé ces mots, que ce soit elle ou moi ; mais, aujourd’hui, en cette heure, je ne pense pas que nous nous reverrons jamais. C’était jeudi dernier. Nous avions rendez-vous à vingt et une heures… ça a mal commencé, Itomi avait du retard. Lorsqu’elle est arrivée, nous nous sommes embrassés ; ou plutôt, je n’ai pas eu le choix. Itomi ne m’avait jamais embrassé en public avant ce jour ; j’ai cru à quelque chose… Deux heures après, elle dansait sur de la mauvaise techno avec deux garçons ; je n’ai pas su comment réagir… J’ai fui, sans me retourner… je n’avais plus envie de faire d’efforts pour elle. Au cours de la nuit, nous nous sommes recroisés… si tu avais vu son regard… « Tu aurais pu me baiser si tu avais voulu, si tu avais été prêt à quelque sacrifice. » Je ne voulais plus la baiser… juste l’aimer… une main passait dans ses cheveux, une caresse, un murmure… toutes ces choses si incompréhensibles, ces choses au-delà de la pensée, au-delà de nous-mêmes. J’ai détourné la tête… je suis allé au comptoir, attendre la fin du service de Jesse de minuit à deux heures. Nous sommes allés chez lui, sniffer de la cocaïne jusqu’à dix heures du matin, parlant sans cesse, à mettre des mots perfectibles sur notre déchéance.
Je me suis tu. Le monde autour de nous n’a pas cessé d’exister, il a continué de tourner ; personnellement, je me suis arrêté à ce jeudi. Clélia me fixe, le regard plein de quelque chose que je ne connais pas. Est-ce de la compassion ? De l’agacement ? Certainement qu’elle ne supporte pas mes jérémiades… et mes cernes bleus sous les yeux ; mes cernes bleu nuit, coincés dans cette soirée-là. Les cernes sont une chose atroce, dévastatrice ; ils envahissent progressivement votre visage, peu à peu ; puis vous finissez, à brasser vos insomnies comme la paille virevoltante des restes d’un feu éteint… les dernières braises s’éteignent dans l’iris, vous en perdez la couleur et devenez un être de nuit. Les hommes pensent que la nuit est noire, mais ce n’est que le reflet de leurs pupilles sur le vide de l’espace ; la nuit est un volet incolore, le volet de nos cœurs, c’est pour cela que les fêtes ont lieu la nuit… à défaut de pouvoir être au monde, nous voulons être à l’autre, mais au fond qui voudrait bien de nous ? Rase les miroirs, rase les miroirs, rase les miroirs ; éteins la lumière, embrasse-moi mais éteins la lumière ; allume-moi, de désir, de toi, brûle-moi, ne t’arrête pas d’aller, reste là, sans retour, jusqu’au matin… Qui es-tu ? Qui suis-je ? Itomi avait crié, murmuré, hurlé ses paroles lorsque que nous faisions la chose ; cette chose maudite, avec ce ressac inlassable de nos corps, l’onde de la chair qui claque sur la chair ; et nos cœurs ? et nos cœurs ? Des échos, disharmoniques, mis en sourdine par le fatras de nos mots, sous l’errance des pensées ; lors de quelle nuit était-ce ? La dernière fois, peut-être, mercredi dernier ; peut-être, je ne suis plus très sûr. Cela fait une semaine que nous sommes jeudi, même pas la journée sous le soleil chaud de quatorze heures, le soleil vivant plein de caresses et de douceur, juste la nuit ; la nuit illuminée par la voie lactée des constellations de cocaïne et les étoiles d’extasy. Une cigarette presque entièrement consumée brûle mes doigts ; quand l’ai-je allumée ? Clélia au travers de ses mèches bleutées, n’a pas cessé de me fixer ; deux cafés sont posés sur la table, là encore, quand nous les a-t-on servis ? Clélia, lentement, saisit ma cigarette qui se consume entre mes doigts, et l’écrase dans le cendrier. Sa main vient se poser sur la mienne, et son pouce doucement s’agite, c’est cela à ce qu’il paraît une caresse. Pourquoi ai-je envie de pleurer ? Je suis donc à ce point incapable d’appréhender la tendresse. Je me crispe. Quelle heure est-il ? Treize heures trente affiche la montre à mon poignet ; le soleil se couche entre dix-neuf et vingt heures, plus de cinq heures à attendre. Je n’ai jamais supporté de me droguer le jour, même lors des afters je me charge toujours de fermer les volets. Déjà, la ville commence à crisser, les passants se hâtent, les retards hors cadrans ne sont plus tolérés depuis longtemps. Clélia se lève, me jette un dernier regard chargé de peine, de nouveau prend les commandes des clients impatients. De même, je demande un énième café. Jesse commence son service au bar à dix-neuf heures, d’ici là, le soleil va ariser ses rayons avant de prendre le dernier ris de l’horizon. Jesse est un barman gay de vingt-trois ans, d’allure sèche mais musclée ; en toutes circonstances un sourire poli ne quitte jamais ses lèvres, jamais un mot plus haut que l’autre, ni même de temps en temps une injure ou une insulte. Jesse est le raffinement même. Il porte des slims dont les couleurs oscillent entre différentes tonalités de rouges, en passant par le bleu, et même parfois vert pomme ; ses t-shirts sont quasiment tous en cols en V, le reste du temps il se vêtit de chemises, toujours accordées de bon goût à ses pantalons. Son plat préféré est le pavé Rossini ; il adore Chopin et Ellington ; il aime par-dessus tout la techno, et les garçons plus jeunes que lui. Jesse possède un appartement d’une trentaine de mètres carrés qui donne sur la place des Cardeurs ; un emplacement de choix, qui lui colle à la peau, l’ambiance de la place lui sied parfaitement. Jesse est étudiant en troisième année de lettres modernes, Fitzgerald et Mishima sont ses auteurs favoris. En dehors du travail, et s’il n’a pas pris de drogue la nuit précédente, Jesse occupe son temps à lire, siroter du Earl Grey, et jouer avec ses amants ; il n’a que peu de pitié ou de compassion pour ceux qui partagent son lit, ils ne sont que des moyens qu’il méprise. Jesse prétend n’avoir jamais connu l’amour, et ne veut pas le connaître ; ses seuls amours sont des morceaux de littérature qu’il couve d’espoirs rêvés. Nous nous fréquentons régulièrement, malgré le fait que nous recherchons souvent la compagnie l’un de l’autre, Jesse ne m’a jamais fait d’avances, pas même dans la nuit profonde coké jusqu’au cœur.
L’eau brûlante coule sur ma peau, à chaque seconde ma torpeur se meurt et renaît dans le délassement. Le tumulte continu de l’eau réchauffe Adams in the Cold de Schubert ; les violons lancinants cousent la solitude d’Adam, et le froid n’est que celui d’Ève le délaissant pour le réconfort acide de la connaissance. Et l’eau s’arrête, claque une dernière fois sur le sol de la douche ; la serviette qui sèche mon corps a la douceur d’une peau oubliée. J’enfile un caleçon et un jean, allume une Marlboro ; de la fenêtre toujours je laisse défiler la ville. Et de nouveau les volets des magasins s’abattent, sonnent le glas ; la raison s’efface, défaite. Au travers des bières, les regards s’entrechoquent à la volée ; la foule, joyeuse, a les yeux jaunes des démons… bientôt, moi aussi, j’irai exorciser mon mal. De ma fenêtre, j’aperçois les cheveux bleus de Clélia virevoltant entre les tables ; labyrinthe sinueux de la nuit, où s’échouent les autres aux rivages de nos tables ; qui a dit, déjà, que l’autre c’est nous ? Cigarette consumée, balancée par la fenêtre d’un geste de dédain. Elle touche le sol, le tintement unique d’une cloche lui fait écho ; dix-neuf heures trente sonne. Le before n’a pas eu lieu. Quelques bières avalées, un paquet de cigarettes fumé ; j’enfile une chemise, descends les escaliers. L’appartement de Louis est clos, ce pauvre vieux est décédé quelques jours auparavant. Mort en écoutant Autumn Leaves de Cannonball Adderley, l’ironie de ce début d’automne. Les premiers râles de la nuit galopent à l’angle des rues, la joie d’une rencontre, un cri de joie ; à l’entrée des bars, les tracas délaissés et amorphes n’émeuvent personne. J’erre machinalement sur le cours Mirabeau, cigarette aux lèvres ; les platanes ont les reflets d’or des lampadaires, soleils vains et illusoires ; la Lune n’a pas sa place dans l’entrelacs de leurs branches. Ces arbres sont l’essence d’Aix. Leurs troncs immenses sont les fondations même de la ville, ce qui la maintient dans les secousses et les soubresauts des nuits atemporelles ; leurs branches, en plus d’être des attrape-lune, dessinent secrètement un plan oublié de la ville ; certains disent même que les couleurs des feuilles font office d’oracle. Elles tourbillonnent, s’envolent, suivent le chemin de la foule, nous regardent des toits. Je m’égare, m’extirpe hors d’elle ; comment suis-je arrivé sur le périphérique ? Quelques étudiants narguent les grilles du parc Rambot, sautent par-dessus, ils ont l’air bien entamés. En dehors d’eux, et quelques voitures en excès de vitesse, le périphérique est vide. Par-delà les lumières des lampadaires, les étoiles s’affichent, brillantes et indécentes. Vingt et une heures. J’ai donc déambulé si longtemps. Il est l’heure d’aller s’accouder au bar, de vider quelques pintes, tout en regardant Jesse se prendre au jeu des commandes… La rue de la Verrerie piaffe d’ivresse et d’excitation. Le bar est bondé. Jupes courtes, décolletés, sourires charmeurs sont de sortie ; chemises cintrées, jeans slims, pointus leur répondent. Jesse et deux autres serveurs s’affairent, débordés ; son sourire poli ne le quitte pas un seul instant, même aux impatients il répond calmement. Ma place au comptoir est libre, réservée d’avance chaque soir. Je m’installe, commande une pinte de Carlsberg. Privilégié, je suis servi dans les cinq minutes qui viennent. Impossible de tirer un mot de Jesse pour le moment, il y a tant de monde à enivrer. Bière en main, je tourne le dos au comptoir, observe la foule. Les fumeurs rejouent le rythme des marées sous des lunes de braises ; et que je vais, et que tu viens… dans ce marasme moite et incessant, une allure de fille passe. Elle danse avec la foule, à contre-courants, gracieuse ; elle s’installe au comptoir, demande un daïquiri, précise qu’elle désire une paille. Elle aussi se retourne, son verre en main. Mon inconnue est plutôt jolie ; elle porte un simple jean avec des bottines, un pull gris, par-dessus une veste noire cintrée. Mes yeux ne cessent de se poser sur elle par petites touches, certainement que je dois être tout sauf discret. Je me sens comme un enfant timide qui n’ose faire un geste ; comment peut-on faire des jambes si jolies, une taille si adorable… puis ces yeux qui oscillent indécis entre vert et noisette. Elle joue avec les mèches bouclées de ses cheveux blond cendré ; je mords ma lèvre inférieure. Quelquefois, son attention semble retenue par une chose invisible dans la foule, puis l’intérêt s’efface, alors elle fait la moue, presque déçue.
– Excusez-moi, je peux vous demander votre prénom ?
J’ai osé ; inhabituel, improbable… et maladroit.
– Louise. – C’est un joli prénom…
Je me sens de plus en plus ridicule, et cruellement en manque d’originalité.
– Par contre, contrairement à mon homonyme, je suis du genre à badiner avec l’amour. – Tu aimes Musset ? – Je n’ai lu que cette pièce… je ne suis pas grande amatrice de poésie ou de théâtre ; je leur préfère les romans et les nouvelles. Dites-moi, il ne me semble pas vous avoir permis de me tutoyer.
Je rougis de honte comme un soleil mourant.
– Excusez-moi… – Je te taquine ! Tu aimes la littérature ? Et comment t’appelles-tu ? – Je n’ai plus de nom… et oui, j’adore la littérature. – Comment ça tu n’as plus de nom ? – C’est… compliqué ; disons, que, je l’ai perdu entre les interstices des heures. – … Alors, puisque tu sembles aimer lire, je t’appellerai Colin. – Colin ? Celui de Sartre, piégé en enfer ? – Exactement ! La seconde pièce qui m’ait marquée avec celle de Musset ! – Mais pourquoi ce personnage ? – Tu zieutes la foule avec dédain, saupoudré d’un zeste de désespoir ; toutes ces filles qui frôlent, caressent et embrassent d’autres garçons, tu les dévores plein de morgue (sy), et les garçons, eux, paraissent te faire l’effet d’une traînée d’acide qui dégouline le long de ton être… pourtant, pas une ou un ne t’aperçoit ne serait-ce qu’un instant ; même lorsque tu te frayes un chemin entre eux, que tu bouscules, déranges, piétines, parles, personne ne te remarque… sincèrement, cela est d’une tristesse… pour toi aussi, l’enfer c’est les autres ; pas leurs regards plein de reproches, qui t’accusent de crimes, que, peut-être, tu n’as pas commis ; seulement, les yeux vides qui font de toi un fantôme désœuvré…
Il est un peu moins de vingt-deux heures trente, j’en suis à ma deuxième pinte, légèrement saoul. Cette fille, Louise, me parle comme le miroir de ma conscience ; elle n’a pas touché à son verre ; personne ne semble la remarquer. Ces mots qu’elle prononce avec une légèreté angoissante sont les mêmes qui tintent sous la couverture de ma chair les nuits d’hiver. Je tremble un instant.
– Ne ressens-tu pas la même chose ? – L’on m’observe, me détaille et me dévore ; je suis une fille ! – L’on te dévorait. Lorsque tu entres quelque part, à ce moment précis, les regards fondent sur toi, et s’agrippent… mais tu passes, n’en rends pas un ; ou si tu en rends un, tu le fais avec une telle distance… ils n’y voient que le reflet d’une étoile éteinte depuis longtemps, une étoile d’où ne parvient qu’une lumière morte… alors tu traverses, et de l’autre côté, tous les regards se sont détournés ; ils n’ont vu qu’une chose magnifique, libre et éphémère… tu n’es pas à vendre, et ce qui n’est pas à vendre n’intéresse personne ici… ou plutôt, tu as certainement un prix, mais personne ne le connaît ; il est possible que tu ne le saches pas toi-même.
Elle vacille, s’accoude au bar, fais un signe à l’un des serveurs. Jesse n’est plus derrière le comptoir, et je ne l’aperçois pas en train de fumer au travers de la foule ; j’ai une vague idée d’où il peut être. Louise finit son verre d’un trait, et commande un autre daïquiri, j’en profite pour m’éclipser un instant. Les toilettes du bar sont situées dessous, pour y aller, on passe par un escalier étroit éclairé par des lumières de toutes les tonalités de vert. Cela est presque une descente dans un enfer psychédélique. La porte des toilettes est fermée, une fille discute à travers la porte avec Jesse qui est appuyé contre. Tranquillement, il prépare une longue et fine ligne de cocaïne comme il aime en faire.
– T’en veux une ? – Pas d’refus. Cette fille là-haut me rend réellement fou… – Je reconnais qu’elle est très jolie ; ça se passe comment ? – À vrai dire, je n’en sais trop rien, notre conversation est… déroutante. – Bah, ça ira mieux dans une minute !
Jesse me tend le miroir sur lequel reposent nos deux traces de coke avec une paille du bar ; il sait que je ne sniffe jamais avec un billet, j’adore la drogue, mais j’aimerais éviter le sida. Je mets la paille dans mon nez, et inspire profondément. Je lui rends le plateau ; allume une cigarette, laisse échapper un long soupir de plaisir. Nous échangeons encore quelques mots ; la porte des toilettes s’ouvre, une fille plutôt jolie en sort ; elle pose un baiser sur la joue de Jesse, me lance un sourire charmeur ; je lui rends juste pour le jeu. Nous remontons tous deux, retournons au comptoir, chacun de son côté, chacun à notre place. Louise n’est plus là, disparue. Rien dans la foule, la rue, pas même aux bras d’un garçon. L’ai-je seulement réellement rencontrée ? Était-elle là ; est-ce bien elle qui a prononcé ces mots semblables à l’écho de l’eau ? Je fais signe à l’un des serveurs du bar, lui demande s’il n’a pas vu partir Louise ; il n’a pas eu le temps de voir, tant de monde, de bruits… peu importe ; je commande deux shooters de tequila. À peine servis, déjà vidés. Et tous défilent, défilent, défilent, telles des caricatures de mannequins sur la piste d’eux-mêmes incroyablement étroite ; puis ils dansent, dansent, dansent, moutons à la recherche d’une herbe plus verte. Tout cela, je le zieute, avec dédain et morgue, les plus fidèles amis du consommateur de cocaïne…
Minuit. Demain s’est métamorphosé en aujourd’hui. Je fume une cigarette dans la rue, Louise n’est toujours pas réapparue ; Jesse finit son service dans une demi-heure. Nous avons repris une ligne. Morgue ne cesse de se délecter de la rue bondée, ne s’arrête sur personne, en détaille certaines ; les défauts sont comptabilisés sans pitié dans les colonnes des charges, les qualités se rangent dans celles des produits ; à la fin, mon cerveau fait un bilan, généralement désastreux. J’aspire une dernière bouffée sur ma cigarette, la jette, et recrache la fumée au-dessus de moi. La nuit est noire. Les lampadaires suspendus aux murs et dans les rues déchirent les ombres de la ville ; la nuit, craintive, s’enfuit de temps en temps aux creux de quelques nuages ; les étoiles dans leurs révoltes brillent plus intensément. Au milieu de tous ce fatras, un détail tinte ; un simple éclat, une caresse connue. J’aperçois de dos une nuque délicieuse, fine, blanche et gracieuse. Qui cela pourrait-il être sinon Itomi ? Elle est la seule personne que je n’aie jamais connue à avoir une nuque érotique. Longue, mais à peine, soutenant un visage si charmant. Les courbes intérieures ont le tracé à l’inverse de l’arc solaire ; la clarté d’un après-midi d’avril avec le mystère de la nuit. Je mordille ma lèvre inférieure ; allume de nouveau une cigarette ; manque de confiance en soi, contenance nécessaire. Elle discute avec une fille qui m’est vaguement connue, elle s’agite tandis qu’elle parle, excessivement fidèle à elle-même. L’autre fille lui fait un signe dans ma direction, Itomi se retourne. L’air se teinte d’une réminiscence d’espoir. Et soudain, je prends conscience du monde. Les bars autour de nous crachent de mauvaises musiques électroniques, des voix s’élèvent sans cesse, et retombent avec fracas. Des rires éclatent, des verres s’entrechoquent… le silence se fait. S’il te plaît, ne porte pas de tels yeux sur nous ; tu n’es pas coupable, pas plus que je ne le suis. L’encéphalogramme sonore trace une ligne d’horizon dans le désert de notre amour ; plus aucune fuite n’est possible. Un battement de cœur à l’unisson nous mène sur le pic de nos vertiges, et dans le silence je t’entends :
– Nous rejouons l’Idiot, le sais-tu ? Je suis de la lignée de Nastassia Filippovna, et toi de celle du prince Mychkine… mais nous nous sommes mêlés, et maintenant, j’ai peur. Peur de m’en aller à mon enfer, peur de ne plus être sauvée… Je ne crains pas ce qui viendra ; mais je tremble, surtout, d’être sauvée… Quelles raisons aurais-je pour souffrir et faire souffrir, si je n’ai plus de plaies… Tu es mon purgatoire ; sans paradis, ni anges, juste la lumière incandescente qui brûle si l’on s’approche… pour y accéder au paradis, comparaître devant la grande conscience, il faut encore le vouloir… seulement, avant de gravir la montagne de la rédemption, il a fallu s’enfoncer dans les strates de l’enfer… et, vous qui entrez ici, abandonnez toute espérance… ! Ne jette pas de tels regards, je t’en prie ! Un minimum de retenue, pas de larmes, de cris, de murmures… de toutes ces choses ; tu ne peux me faire aucun reproche… c’est à peine s’il te reste une once d’humanité, quelques débris noircis, presque entièrement rongés par l’inertie… tu n’as même plus de nom… c’est pourtant une chose essentielle, un nom ! Peut-être que tu te connais, mais les autres, sans nom, comment peuvent-ils te connaître ? Ils ne peuvent te définir, dire que tu es tel que… tu envahis, piétines, sans permission, juste comme ça, par habitude…
Je suis certainement ridicule ; ma cigarette à la bouche s’est consumée jusqu’au filtre ; pour encore quelques précieuses secondes, le temps happe nos vies. Itomi enrobe la rue d’un ultime regard, s’arrête sur moi ; il y a au fond de ses pupilles une foule de sentiments, l’on croirait voir Moravagine perdu dans son asile. Ces yeux de fou, de douleur, et pourtant, d’espoir. Elle soupire, un peu par lassitude, prends la première à droite, s’en va. Les murs sont jaune sale, artificielles, nos ombres s’y projettent ; sans les couleurs, ce spectacle adopte le macabre, et nos ombres se dévorent entre elles, silencieuses… Méphistophélès tire-t-il les ficelles vautré dans le caniveau ? Nous avons tous des silhouettes de pantins ; danse, petit pantin, danse, sous les rires aux échos glauques, valse avec les paires de seins, les jambes légères, valse sans amour… L’effet de la cocaïne s’estompe, je suis en redescente… des jets de lumières colorés s’égrènent des bars ; que sont toutes ces gueules, où la misère perce sous les faux jours… la redescente de cocaïne est l’une des pires choses qui soit, la fatigue insidieuse enveloppe le corps et l’esprit ; même l’orientalisme de Delacroix ne porte plus les rêves doux et bleutés de la nuit… les hauts immeubles d’Aix nous recouvrent, rugueux, possessifs, dédale où nous sommes nos propres minotaures ; quelques fenêtres allumées me laissent l’espoir d’une fuite, l’espoir de rêver à ce que je ne peux voir… certainement que l’on peut imaginer bien des choses au travers des fenêtres fermées, mais une fois parti, l’obscurité reprend ses droits ; les fenêtres en étages, éclairées par quelques lumières douces, mais sûres, rassurantes, sont les rêves les plus secrets qui nous habitent. Il est facile de s’imaginer dans la lumière, de s’y lever, et de tendre la main à ceux qui, comme moi, comme nous, observent au-dehors à la recherche d’un quelque chose perdu, au fond de ce dédale, puisque, ce que nous recherchons justement n’est rien d’autre que notre propre lumière. Une main attrape mon épaule, m’embarque ; Jesse est à mes côtés, la pression de ses doigts, le sourire légèrement triste à ses lèvres, me laissent deviner qu’il a assisté à la scène ; pas un mot à ce sujet, inutile de raviver à l’alcool les plaies ouvertes, laisse-les sécher avec la Lune froide, et les nuits sèches d’automne ; le fil des souvenirs refermera la plaie dans la chrysalide de la mémoire, la mélancolie passera. Ce sera une époque humide, sans cheminée, foyer, ou âtre, je serai une bicoque d’où suintera la pluie incessante, enfoncée dans le bourbier sanglant des feuilles mortes.
Une heure du matin. Louise fume une cigarette, Bloody Mary en main ; l’avantage d’avoir des amis serveurs, même lors des soirées en appartement l’alcool est de qualité. Jesse prépare sur la table basse six longues et fines lignes d’extasy. Les cristaux sont limpides, presque transparents, synonyme de pureté et de qualité. L’appartement de Jesse est l’un de mes préférés. Le salon doit faire une vingtaine de mètres carrés accolés à la cuisine ; une simple table basse au centre sert à tout, repas, bureau, bibliothèque mouvante ; une porte coulissante le sépare d’une petite chambre. Lors du trajet pour rentrer chez lui, son amant l’a appelé demandant s’il pouvait venir avec quelques amis ; Jesse en connaissait trois, seule une était inconnue ; Louise. Lorsqu’ils sont arrivés Jesse et moi avions déjà repris un peu de cocaïne. Au retour nous avons fait un léger détour, d’un gramme exactement ; Jesse m’en devait un, d’une soirée précédente ; avec le gramme qu’il garde religieusement chez lui, cela devrait amplement suffire pour une nuit… Louise lorsqu’elle m’a aperçu a délaissé le sourire joyeux pour celui du cynisme et du mystère. En plus, accompagnaient l’amant de Jesse, un garçon et deux filles, tous entre vingt-deux et vingt-trois ans ; lui travaille en tant que serveur dans un café plutôt chic en bas du cours Sextius ; les filles, elles, sont étudiantes troisième année de droit. L’un après l’autre, nous sniffons notre ligne ; je passe en dernier, galanterie et espacement des prises oblige ; enfin, je fais cela plutôt par acquit de conscience. Sniffer deux lignes à zéro ou un quart d’heure d’intervalle, cela ne change que peu de chose ; si l’on désire consommer de manière prudente et raisonnable, il convient d’espacer chaque prise d’un couple d’heures au moins. Le fait d’avoir pris de la cocaïne juste avant l’extasy me laisse la sensation d’avoir un certain contrôle sur la montée. Si la coke est la morgue, l’exta’ est l’absolu. Elle se caractérise par « l’open door » ; lorsque l’effet commence à se faire sentir, le relâchement massif de sérotonine dans le cerveau donne l’impression que le monde s’ouvre, comme si la vision s’élargissait, et que l’on ressentait tout ce qui passe autour de nous. L’on a envie de parler, d’aller à l’autre, de déverser en lui tout notre être ; les mots prennent des allures de vieux disques rayés qui tournent inlassablement, une obsession presque insidieuse sous la forme d’une pensée réflexe ; la conversation se répète jusqu’à ce qu’une anomalie la dévie sur autre chose ; et cela recommence. Seule la musique permet d’éviter ce schéma ; une ouverture sur autre chose, un passage au spectre du rayon X. Le son nous traverse de part en part, trouve écho aux tréfonds de nous-mêmes, rejaillit sur ce qui nous entoure. Une communion unique avec des inconnus adorés mais déjà oubliés. Louise assise à côté de moi finit son verre d’un trait, laisse dériver sa main sur la mienne ; je tressaille. Je n’ai pas envie de jouer, pas envie d’essayer ; je me lève, lance une playlist sur l’ordinateur de Jesse, les enceintes font résonner de la drum’n’bass de mur en mur ; je danse. L’une des filles étudiante en droit se joint à moi ; rien de lascif dans sa danse, juste le plaisir de se déhancher sur de la musique de qualité ; cela est agréable. L’horloge oscille, le temps vacille ; les secondes tirent leur essence du fatras des nombres. Tous les six nous dansons. Des regards à la dérobée, des sourires intuitifs, des caresses s’échangent, discrètes, esquisses de promesses possibles. L’un d’entre nous a éteint la lumière du salon, ne reste qu’une lampe phosphorescente aux couleurs changeantes ; Louise pose ses mains sur ma taille ; encore une fois je tressaille. Même sous extasy, les vieilles peurs sont tapies dans l’ombre de mon subconscient. Je n’arrête pas de bouger ; Louise perçoit ma réticence, elle m’attire vers elle. Ses mains se referment sur ma taille, collée à moi, elle danse, entraînante. Il n’y a pas une volute d’érotisme, même pas quelque langueur, dans sa manière de danser. Louise est incroyablement douce. Je n’ai jamais ressenti une telle tendresse ; certes, l’extasy trompe mon cœur et mes sens… malgré la drogue, lorsque j’y pense, la mélancolie gagne la nasse de mes sentiments. Je pose mes mains sur celles de Louise ; quelques heures à aimer, un rien, semblable à un rayon de Lune perçant une nuit noire d’orage ; le tonnerre a cessé sa fronde à l’encontre de notre humanité. Pourtant, c’est un événement infime que ce geste, salvateur cependant. Ses lèvres ont la même saveur que les platanes de notre automne, un goût de lumière humide, tendre, avec la chaleur agréable du soleil après la fraîcheur du matin. Sa langue est une friandise sucrée, de celles qu’aiment les chouettes à la fin de leur longue veille d’hiver ; comme la Lune l’est pour ces oiseaux noctambules, elle est une passerelle pour naufragés. Déboussolés, nous ne savons pas qui a osé le premier pour ce baiser ; nous nous en moquons. Jesse et les autres ont cessé d’exister, peut-être nous ont-ils vus, qu’importe. Deux heures et demie ; l’exta’ et la coke s’estompent peu à peu ; Louise et moi fumons une cigarette à la fenêtre, les derniers marins quittent le navire des bars. Sous l’orage des rideaux métalliques, la pluie des verres brisés laisse place à une bruine d’épaves ; des cris incohérents, épars, se diluent dans le premier silence de la nuit. L’amant de Jesse lance une deuxième playlist, de la minimal berlinoise, plus sombre, cela prend aux tripes, comme le ressac d’une mer profonde, noire. Jesse assis, sur le canapé, discute avec les deux filles ; il est la seule personne que je connaisse capable d’en subjuguer d’autres en discourant sur le nihilisme ; l’exploit est d’autant plus remarquable qu’il le fait dans cet état précis. Sur le plateau, deux lignes de cocaïne côtoient quatre de leurs sœurs d’ecs’. Jesse les prépare minutieusement, sa carte bleue sépare poudre et cristaux, travaille l’une et l’autre inlassablement ; des vagues blanches, pures, pleines d’écumes, que nous battons à la recherche d’un navire à saisir… Jesse et Raphaël sniffent la cocaïne ; nous nous partageons l’exta’ tous les quatre. Jesse ne cesse de discourir sur le nihilisme ; rien de très neuf, il ne fait cela que pour s’amuser ; en l’écoutant l’on croirait entendre le juge lors du procès de Mitia Karamazov. La nuit suit son cours, tourne avec le monde, les planètes, les étoiles, la galaxie ; tout tourbillonne sans cesse, à vide…
La nuit épuisée, blanchit. Les étoiles peureuses s’en vont timidement ; le soleil n’a pas encore percé le voile bleuté du sommeil. Au travers des persiennes du salon, la pénombre s’installe ; Louise est allongée à mes côtés sur le canapé clic clac. Inconfortable. Elle et moi fumons notre joint de fin de soirée ; l’odeur douce et âcre de la marijuana se répand dans la pièce. Jesse et Raphaël sont dans la chambre derrière nous ; leurs respirations paisibles nous parviennent ; les autres s’en sont allés, rentrés quelque part, chez eux. Fait remarquable, avec Louise nous n’avons pas couché ensemble. Cela fait un peu plus d’une heure, que nous sommes enlacés, accrochés l’un à l’autre, échangeant des silences entrecoupés de rares paroles. Elle regarde le plafond, soufflant doucement la fumée ; le cendrier sur ma poitrine se grise au fur et à mesure de la venue du jour ; sa main passe dans mes cheveux, à la recherche, peut-être, d’une pensée qui pourrait l’attendrir. Elle recrache une bouffée, lentement. La fumée masque son visage, derrière pointe une interrogation.
– Oui ? – Je n’ai rien dit.
Silence d’une poignée de secondes ; un remous perturbe l’onde.
– Cette nuit, tu as prétendu ne pas avoir de nom… pourquoi ? – Je ne suis pas sûr que cette histoire se prête au contexte… – Rien ne convient jamais au moment présent, vivre c’est voler au temps. – Ces trois dernières années, j’ai tant vécu… quelque part, à un lieu et un temps donné, j’ai perdu mon être. – Nous nous sommes tous perdus, c’est le propre de nos âges, peut-être même, de notre génération. – Certainement que tu as raison, mais on finit par trouver quelque chose, aussi ténu cela soit-il ; un geste, un rire, un mot ; j’ai cherché refuge dans les pages de papier et les lignes d’encres… j’ai croisé la route de l’orage, la pluie est tombée, l’encre s’est diluée, les pages se sont effritées… toutes ces choses que j’ai faites, ces choses qui n’étaient pas moi, qui ne le sont pas, qui pourtant, aux yeux des autres me définissent… cela a le goût terreux de la tragédie, je me démène, me débats, autour de moi l’on s’ébat, s’échangent des paroles, des secrets infimes qui morcellent les êtres, et les unis… je reste là, hagard, tendre une main, attraper à la volée un parfum, une note… un rien me permettrait d’être… mais j’indiffère, j’ai la peau de l’oubli, celle que l’on caresse, évanescente, disparue à un détour effacé, justement, par la pluie…
Un soleil de sept heures s’esquisse timidement entre les interstices des persiennes ; la pénombre comble l’écart de nos corps ; un rai de lumière entortille une caresse, nous nous enlaçons. Louise paisiblement inspire son sommeil ; j’expire un sourire.
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