|
![]() ![]() ![]() |
Cox
25/6/2024
trouve l'écriture
aboutie
et
aime un peu
|
« Tout bien considéré, la disproportion qui se faisait jour entre le motif invoqué et l’affliction outrancière du bonhomme eut pour effet immédiat de suspendre mon effroi pour laisser place à une hilarité grandissante »
L’auteur nous résume ici ce qui est le principal problème du texte à mes yeux : on en rajoute beaucoup mais au final le lecteur reste extérieur et suit l’action avec une certaine distance. Le texte a ses qualités, indéniablement. C’est un récit érudit mais didactique. Malgré mon inculture crasse, j’ai pu suivre sans difficulté mais avec l’impression de me coucher un peu moins bête. C’est déjà un bon point ! Le style d’autre part se tient bien. On s'accroche à une narration classique, peut-être un peu trop scolaire et sans surprise, mais cohérente dans l’ensemble. Le registre soutenu n’est pas mon préféré pour une histoire relatée à l’oral mais le style est suffisamment propre et bien maîtrisé pour passer. L’idée centrale d’un tableau vivant ou chargé de magie n’est pas neuve sans doute (le portrait de Dorian Gray par ex. ou même The ring si on transose le tableau à l'ecran télé), mais ça reste un ressort dérangeant qui a fait ses preuves. Le problème, c’est que ces points forts sont largement desservis par la construction du récit et la façon dont ils sont amenés. L’auteur passe toute la première moitié du texte à mettre en place un « teaser » pour nous dire à quel point ce qui va suivre est terrifiant, dérangeant; insupportable pour la raison humaine. C’est très long, et ça donne un caractère un peu poussif et répétitif à cette « introduction » qui prend plus de 50% de l’histoire. D’autre part, ce n’est pas fait avec la plus grande habileté parce qu’on insiste très lourdement sur les ressentis des personnages sans chercher à impliquer le lecteur. A la lecture, je ne partage pas du tout leur angoisse hyperbolique, puisque pour l’instant rien ne se passe. Le texte suit exactement l’inverse du précepte « show don’t tell » et nous dit avec force répétitions que ça va être terrible sans rien nous montrer : - cauchemar de ma vie. - Une vague émotion m’envahit - impatient de déchaîner sa fièvre au travers d’un exorcisme - En proie à une sorte de délire, ses traits s’accusaient, me causant une impression étrange. - chaque mot de mon interlocuteur prenait un contour, un relief, une résonance inattendue -> il faudrait que ce soit le lecteur qui ait cette impression, pas le personnage - Nous étions tous deux suffoqués par l’émotion -> pareil. Je ne le suis pas, et ça commence à creuser un fossé entre les personnage sur-émotifs et le lecteur beaucoup moins impliqué - j’en ressentais la meurtrissure - Cette dernière remarque me parvint dans un souffle. L’expression si tragique du vieillard m’ébranla soudain à tel point que je ne pus proférer un son - inexplicable frayeur - regard fou - son regard chaviré, irrigué de larmes si perdu, que j’en fus bouleversé - ses yeux s’embuèrent de larmes - une vision terrifiante Et la liste n’est pas exhaustive ! Le reproche que je ferais à ce choix d’écriture, c’est qu’on nous dit finalement de manière assez plate ce qu’éprouvent les personnages au lieu de chercher à faire ressentir ces émotions au lecteur lui-même. C’est un travers que l’on retrouve souvent dans les textes proposés en catégorie épouvante. Ici, c’est d’autant plus dommage que la chute ne soutient vraiment pas cette ambiance outrancière : quoi, une goutte d’eau, c’est tout ? Je ne dis pas que l’idée est mauvaise ou trop faible en soi, mais après une telle préparation, elle ne paraît pas à la hauteur. Il aurait fallu que cela prenne un caractère plus insidieux, plus sournois, plus personnel peut-être. Si par exemple la goutte d’eau l’avait suivi en dehors du musée, si le silence noir du tableau l’avait suffoqué jusque dans sa chambre, s’il avait partout autour de lui retrouvé des éléments de l'oeuvre qui le hanteraient jusqu’à la folie… D’accord. Mais là les gars, c’est juste une goutte d’eau. C’est étrange bein sûr, mais pas assez oppressant pour justifier toute l’emphase qui précède. D’autre part, mon premier réflexe ce serait d’attirer l’attention du personnel du musée pour inspecter le phénomène. Ici le vieillard ne semble faire aucun effort pour vérifier ou falsifier sa vision et il paraît s’ouvrir pour la première fois au sujet de ce phénomène, ce qui me paraît un peu absurde. À sa place, je trouverais ça incroyable mais plus excitant que flippant. J'en parlerais à tout le monde. J’ai du mal à comprendre ses réactions. Bref, le récit me paraît largement affaibli par l’exposé des sentiments sans grand relief, l’exagération de l’effroi, et le manque de portée de la révélation. Il y a cependant des éléments que je salue comme la connaissance des œuvres et la passion du peintre, communicative même pour moi qui n’y connais rien. L’écriture est clean même si c’est un peu trop classique à mon goût, mais je ne noterai pas « aboutie » parce que l’auteur passe trop de temps à dire et pas assez à montrer ce qui me paraît relever de la faiblesse d’écriture. EDIT POST-EL: En fait, j'ai changé d'avis, je note aboutie, allez. 😁 Je tiens quand même à souligner le fait que la plume est rigoureuse parce que c'est le point qui fait qu'on ne décroche pas malgré tout. Disons que le "show don't tell" est reflété dans l'autre facette de l'appréciation |
jeanphi
28/6/2024
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
|
Bonjour,
J'apprécie beaucoup le langage littéraire et original, les tournures élégantes, le raffinement de la pensée et l'érudition quant au sujet de l'inconnu. L'effacement du jeune homme, pourtant jamais superficiel, tout comme l'enchassement des narrations, sont très immersives. S'il est vrai que le lecteur reste quelque peu extérieur à l'emphase de l'inconnu (ce qui semble d'ailleurs également être le cas du personnage principal), rien n'empêche pourtant que cela soit voulu, et que l'histoire n'atteigne pas son objectif de fascination sinon d'horreur complète (qui pour sa part ne me paraît vouloir être suggérée par l'auteur). Le fait qu'un phénomène presque anodin puisse prendre de telles proportions, mais aussi le fait que cela soit colporté au hasard des rencontres par son expérimentateur, renforcent le coté plausible de l'histoire : dans la réalité, rien ne se passe jamais de manière tout à fait linéaire et entièrement logique. Évidement, le constat final du narrateur rejoint le ton général et appuye la nature fantastique du récit, encore un bon point ! |
ferrandeix
3/7/2024
|
Un texte à mon avis d’une grande qualité littéraire sur le plan stylistique et dont le contenu est ancré dans un contexte culturel élevé. L’aspect fantastique est également bien rendu, notamment par le caractère inquiétant du personnage qui se confie. Le caractère hallucinatoire se trouve amplifié par le contraste entre l’aspect figé propre à l’art pictural et sa dérive imaginaire qui meut l’immobile.
Néanmoins, l’intérêt de la nouvelle me paraît amoindri par deux points faibles: le premier est l’extrême lenteur de la narration compensée en partie seulement par l’élégance du langage. Le second me paraît la disproportion entre la dramatisation du récit et la réalité de ce qu’il décrit. Le thème du récit, par ailleurs, pourrait rappeler, le Portrait de Dorian Gray d’Oscar Wilde, sauf que dans le roman d’Oscar Wilde la transformation de la toile se trouve justifiée par une correspondance avec le destin du personnage qu’elle représente. Au final, selon mon habitude de privilégier le style, j’accorde la mention “Bien” à cette nouvelle |
plumette
6/7/2024
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime un peu
|
une grande qualité d'écriture au service d'une histoire assez originale et érudite.
l'atmosphère du bistro est bien rendue, le personnage du peintre a accroché mon intérêt , le début de son évocation du tableau de Vélàzquez est prenante. Mais, car il y a un mais, je n'ai pas vraiment compris qu'il exprime un tel sentiment d'horreur au sujet de cet étrange phénomène et j'ai trouvé que son récit au sujet de la goutte d'eau était trop long , inutilement dramatique. j'aimerai beaucoup vous relire sur un thème plus contemporain et peut-être plus ancré dans le réel pour voir ce que donne une belle écriture dans une histoire qui serait plus proche de moi. |
David
6/7/2024
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
|
Bonjour Rosaura,
C'est l'histoire d'un tableau tellement parfait qu'une simple goutte qu'il représente en vient à devenir réelle, sous le regard d'un vieil homme. Et de même pour un autre tableau célèbre, et pour du lait cette fois-ci, sous le regard du héros de l'histoire. Réelle au point d'envoyer les deux tableaux en rénovation... Je repense au tic du héros, le moment où il est tout près de rire, car je l'ai eu aussi en finissant de lire : c'est l'effet de la blague-trop-longue, un humour potache qui repose sur l'absurde, sur le faire-durer. Je n'ai pas d'exemple en tête, mais ça pourrait être une des histoires que le héros écoutait à moitié dans ce café. Il y a de ça, mais sans le potache du tout, l'écriture est au contraire ciselée, ordonnée, très correcte. Je pense aussi au portrait de Dorian Gray avec cette idée d'une peinture qui sort de son cadre, pour un fond bien plus noir. Ici, il y a une dimension triste, un drame : les tableaux vont disparaitre, je peux imaginer en prolongeant le récit, car aucun artisan ni rénovation ne pourront aller contre la "magie" découverte par le vieil homme et le héros. Il y a aussi l'histoire du "silence du tableau", qui me semble réduite à une simple étape alors qu'elle m'a marqué durant ma lecture. Ma première émotion, elle vient d'une chute trop brutale, par rapport au "drame" du récit, ça fait un déséquilibre comme pour le "silence" que je trouve trop peu exploité, mais il reste une atmosphère solidement campée et un thème intéressant. |
Dian
23/11/2024
trouve l'écriture
convenable
et
n'aime pas
|
Le "fantastique" de la nouvelle se réduit en fait au délire du personnage racontant son histoire au narrateur.
Le texte est concis, minutieux, interminable, trop élaboré eu égard à la brièveté du genre. Le suspens que l'on attend dans ce type de récit est quasi absent. J'avoue que j'ai peiné à aller jusqu'au bout. La chute (le tableau de Vermeer à la place du "marchand d'eau") me laisse perplexe, ou alors je n'ai pas saisi la subtilité. |
Anonyme
13/2/2025
trouve l'écriture
aboutie
et
aime un peu
|
Bonjour,
Il y a quelque chose de Jean Ray dans ce récit. Cependant le récit est un peu touffu et se vautre dans les descriptions un peu trop appuyées à mon goût mais soit ! L'idée de condenser le thème principal du récit dans l'infiniment petit et de tout centrer sur une goutte que je suis bien certaine de n'avoir vue qu'après qu'elle est citée dans cette nouvelle (je n'ai aucun talent pour ce qui est comprendre l'art pictural) sauve le tout à mes yeux. Merci pour ce récit. |