– Franchement, je ne comprendrai jamais comment vous pouvez rentrer dedans...
J'admirais mon grand frère et ma grande sœur gesticuler pour rentrer dans leurs skinny délavés et troués.
– Arrête de nous espionner et va t'acheter une vie ! me salua Mounir. – Qu'est-ce que tu nous veux ? demanda Selma, plus conciliante. – Calmez-vous, les clones. Je viens seulement récupérer mes dix euros. – Fais gaffe à comment tu nous parles, Samira, menaça mon frère. Tiens, voilà ton fric et sers-t'en pour t'acheter un miroir.
Je récupérai mon argent sèchement. Mon frère, avec ses seize ans, me surmontait d'une bonne trentaine de centimètres. J'essayais malgré tout de me donner une contenance en bombant le torse et en transpirant le dédain. Avec quelques provocations, je réussis à énerver Mounir une dernière fois avant que ma Selma ne me pousse vers la porte de leur chambre.
– Écoute... Tu nous saoules là, donc va t'amuser ailleurs au lieu de passer tes nerfs sur nous. – Mais non ! Tu te goures... protestai-je.
Selma me sourit tout en fermant la porte.
– À moins que tu ne veuilles que ta sœur chérie te donne quelques conseils de mode. Par exemple, vire ton poncho arc-en-ciel et mets à la place... – Stop ! C'est bon, c'est bon, je m'en vais, capitulai-je tout en me bouchant les oreilles.
Je savais que je m'aventurais sur un terrain glissant. Ayant récupéré l'essentiel, il valait mieux m'en aller.
Je lisais sur un banc dans le parc Ductertieux. C'était l'endroit idéal pour avoir la paix : malgré sa relative petite taille, il était tellement vallonné et touffu qu'on s'y perdrait presque comme en forêt. Un peu vannée par la difficulté de mon bouquin, j'en abandonnai la lecture et me dirigeai vers la place avec laquelle le parc communiquait. Il y avait dans cette place une église, des maisons aux façades charmantes et vieillottes, et souvent des marchés et des brocantes. Alors que je me baladais en toute innocence entre les étals, je la vis ! Ces carreaux ringards, cette couleur jaunâtre évoquant le vomi, tout ça, sur une écharpe ! Quelle horreur ! Et ce n'était pas tout. Il y en avaient déclinées en différents coloris : rose vomi, orange vomi, vert vomi et bleu vomi... Euh non, ce bleu-là évoquait plutôt des chiffons délavés. Néanmoins j'étais effarée de voir qu'un tel gaspillage de tissus existait et autant de monde devant ces horreurs ! Parmi la foule, je repérai Mélissa, une peste plutôt superficielle et hargneuse. J'espérais la charrier sur son intérêt pour ces écharpes, ce qui n'était rien comparé à ce qu'elle m'avait déjà fait ou dit. Mais par paresse et par peur de manquer de repartie, je préférai retourner me balader dans le parc. J'y rencontrai Meline ma meilleure amie. Comme Selma et Mounir, elle aimait les fringues et la mode mais elle y ajoutait sa personnalité, son bon goût et sa grâce naturelle. Elle m'avait donné le goût de la couture et du bricolage et j'aimais trouver dans ces tenues sa touche perso : une broderie, un tricot ou des boutons fantaisie, par exemple. Elle sourit en m'apercevant et agrippa mon poncho.
– T'as fini de le tricoter, alors ? C'est vraiment horrible ton truc, on dirait qu'une licorne a vomi dessus. – Dixit la meuf qui... Euh, qui... – Allez Sam, tu peux y arriver !
Je passais un bon moment avec elle à blaguer et à bavarder. Soudain, elle remarqua :
– T'as vu les écharpes qu'ils vendent dernièrement ? Faudrait me payer cher pour me faire porter ça ! – Heureuse que quelqu'un l'ait remarqué ! dis-je en surjouant le soulagement. Mais tu connais la meilleure ? J'ai vu Mélissa baver devant une de ces écharpes.
On fit toutes les deux une mimique de dégoût avant de ricaner comme des hyènes. Cette conversation peut paraître futile, mais ces écharpes donnaient vraiment la nausée (je pense avoir assez insisté sur leurs couleurs vomi) et Mélissa également. Arrivée chez moi, je fonçai directement dans ma chambre. Dans notre maison, il n'y avait normalement la place que pour deux chambres, une salle de bain et une cuisine/salle à manger/salon/bureau/buanderie. Mes parents, je ne sais comment, étaient parvenus à construire malgré tout une troisième chambre, destinée à Mounir. Mais comme Selma et moi ne pouvions pas nous supporter, les jumeaux avaient préféré partager encore leur chambre même s'ils avaient dépassé l'âge pour ça. Je m'étais rendu compte ce jour-là que je jalousais leur complicité et que Mounir était un pigeon. Dans ma chambre donc, j'essayais à nouveau de me concentrer sur mon bouquin, un livre de philosophie, et le balançai au bout de dix minutes. Je décidai de faire quelque chose d'un peu plus manuel et sortis de sous mon lit une boîte avec mes travaux en cours, notamment une veste rouge que j'avais cousue à partir d'un beau tissu de qualité acheté il y a trois jours et sur lequel j'avais appliqué des motifs floraux blancs thermocollants. Finaliser cette veste et voir qu'elle m'allait à merveille me détendit. Je décidai alors d'espionner mes victimes de la mode. En ouvrant la porte de leur chambre, j'eus une attaque ! Qu'est-ce qui est de matière irritante, d'une couleur douteuse et qui était amoureusement enlacée au cou de mon frère et de ma sœur ?
– Elles ! m'écriais-je. – Encore toi, râla mon cher Mounir, que nous veux-tu cette fois ? – C'est quoi, ça ? dis-je sous le choc. – Ceci, dit ma sœur, c'est élégant, n'est-ce pas ? On les a achetées au marché, il en existe en divers coloris et même déclinées en bonnets.
Ce fut trop pour moi et je courus m'enfermer dans ma chambre. Vous trouvez ma réaction exagérée ? C'est que vous ne connaissez pas ces deux-là : aucun de leurs vêtements n'est laissé au hasard. De son matériel jusqu'à sa provenance, il faut que tout soit classe et à la page. Alors un chiffon informe acheté dans un marché ! Après coup, je remarquai qu'autre chose m'avait dérangé : eux qui sont si exubérants, sont toujours excités comme des puces après un shopping. Là, ils étaient trop posés et trop calmes. Et surtout, Mounir a posé une question en faisant une inversion sujet-verbe !
« À tous les coups, j'exagère, me dis-je, peut-être que cette écharpe ressemble au dernier accessoire à la mode, mais qu'au lieu de se ruiner pour une vraie marque, ils ont, pour une fois, préféré se rabattre sur de la contrefaçon moins chère ». Cette hypothèse plus que plausible me fit prendre conscience d'à quel point j'avais été ridicule. C'est peut-être de moi, d'où venait le problème : j'ai tendance à être nerveuse pour un rien. Le lendemain, un lundi jour de grève, j'appelai Meline pour causer avec elle en ligne. Quand elle apparut sur mon écran, je constatai qu'elle avait une mine affreuse ; traits tirés, cernes bleutées..
– J'en connais une qui a mal dormi, remarquai-je. – Tu parles... – Je te dérange pas, au moins ? – Non, c'est pas ça...
Je lui laissais le temps de choisir ses mots.
– Tu vois les écharpes trop moches qu'on a vues hier ? – Ouais, mon frère et ma sœur les adorent. N'importe quoi. – Sérieux ? Du côté de ma famille aussi ; toutes mes cousines en ont. – C'est dingue la rapidité avec laquelle ce truc est devenu aussi populaire. C'est ça qui t'as empêché de fermer l'œil ? blaguai-je. – Mais non ! Écoute... Hier soir, Lisa avait oublié son écharpe dans le salon. Je ramasse l'écharpe et la laisse sur une chaise. T'as déjà touché au tissu, au fait ?
Je hochai la tête.
– Je croyais que c'était une sorte de feutre irritant, mais en fait c'est tout doux et tout chaud. – Et ça t'a tellement traumatisée que tu... – Mais t'es lourde ! J'ai pas fini. Je reprends : je m'allonge ensuite sur le divan et je m'endors, genre quinze minutes. Quand je me réveille, l'écharpe avait bougé ! – En glissant... – T'as déjà vu une écharpe glisser en se pliant sur elle-même en trois ? Et je sais ce que tu devines, mais j'étais seule !
Il y avait des dizaines de façons d'expliquer rationnellement ce « phénomène », mais je me retins de me moquer une nouvelle fois face à l'air anxieux de mon amie. Si elle se prenait autant la tête avec ça, il devait y avoir une raison.
– Tu sais quoi ? On se rejoint au parc. On va enquêter.
Après s'être un peu détendues dans le parc, on rejoignit la place. À cette heure-ci de l'après-midi, se tenait une braderie noire de monde. Je repérai un étal à écharpes sans clients, tenu par un seul homme avec une camionnette derrière.
– Distrais le gars pendant que je fouille, fis-je tout en contournant l'étal.
Meline un peu perplexe, agit rapidement et se campa devant l'homme.
– Bonjour, vous vendez des écharpes ? – Ça se voit, non ?
Pendant que Meline occupait le garde... je veux dire, le vendeur, je rentrais via la porte arrière, laissée ouverte. Des cartons remplis sûrement de fringues étaient empilés pêle-mêle. Je les examinais à la recherche d'une inscription quelconque tout en entendant mon amie jouer son rôle à l'extérieur.
– Vous en avez en fuchsia ? – Tout est sur l'étal. Là, y en a des roses. – Vous en avez le même modèle en bonnet ? – Tout est sur l'étal !
Près du siège du conducteur se trouvaient des vêtements neufs emballés dans du plastique avec cette fois-ci, une étiquette plus détaillée que ce que j'avais vu jusque-là :
Anima - Damier Dépôt : (série obscure de chiffres et de lettres) 124-128 quai des Bourges XXXX, ville de Luidert
Quel coup de chance ! En vitesse j'arrachai l'étiquette et me ruai hors du véhicule pendant que Meline continuait son numéro :
– Vous n'auriez pas un miroir pour que j'en essaie ? – S'il vous plaît, partez...
Je contournais l'étal en essayant d'être dans le champ de vision de mon amie qui me remarqua.
– Est-ce que ce serait possible de payer par carte ? – Quoi ? Non ! – Oh ben dommage, alors ! Bonne journée ! lança Meline avec un sourire radieux.
J'étais hilare lorsqu'elle me rejoignit.
– T'as pas trouvé plus bidon comme réplique ? – Ben quoi, j'ai fait le taff, non ? Allez, arrête de te marrer et dis-moi ce que t'as trouvé.
Je lui montrai l'étiquette.
– Pourquoi, tu l'as pas prise en photo ? – Parce que je suis bête... Sinon, on a eu un coup de bol, non ? – Oui, c'est pas loin. Donc prochaine étape, on se rend à l'adresse et on casse tout ? – Je t'avoue que je ne sais pas. En fait j'ai aucune idée de ce que cette adresse indique ; un hangar, une usine, un truc administratif ou un point de vente. On va commencer par un truc simple auquel on n'a pas pensé : chercher la marque sur Internet. – C'est pour ça que de nous deux, c'est toi le cerveau. – Merci Minus, fis-je en embrassant ma camarade sur le front.
Étrangement, je ne trouvais rien de concret sur la provenance de la marque sur mon ordi. Tout ce que je trouvais se résumait à des photos de poseurs sur Instagram. Même sur Wikipédia, la page de la marque n'était qu'en construction. Je trouvais cela tellement bizarre que j'en oubliais de taquiner Mounir comme à chaque repas du soir, mais ce dernier était devenu tellement placide que ça n'aurait servi à rien :
– Mounir, faut que tu calmes avec tes emplettes, là, remarqua mon père. Je sais que t'as un petit job, mais là avec ta sœur, vous avez bien dû dépenser deux cents euros ce mois-ci rien qu'en fringues. – Oui, c'est vrai Papa. Avec Selma, on pense aussi qu'on devrait réduire nos dépenses. On s'est promis d'être plus raisonnables à l'avenir, répondit Mounir d'un ton calme et monotone.
Que répondre à ça ?
Mardi, retour à l'école. Cette dernière n'avait pas été épargnée par la contamination qui toucha même le corps enseignant. Notre classe était beaucoup trop calme et attentive, mes camarades ne faisant pas mine de comprendre lorsque je parlais avec eux du changement d'ambiance ou de la popularité soudaine de leurs écharpes. Je ne vis pas Meline de la matinée, n'étant pas dans la même section qu'elle et n'ayant pas de cours en commun ce jour-là. À la pause de dix heures, introuvable. Son absence commençait à me peser. À midi je décidai de prendre le bus afin de rentrer chez moi. Pendant que le bus était à l'arrêt, je vis à travers la vitre Meline rentrer chez elle à pieds. Étant à ma hauteur, je toquais le plexiglas pour attirer son attention. Non seulement elle m'ignora mais j'aperçus à son cou une écharpe, cette maudite écharpe ! Alors que le bus s'ébranlait, je fus pris d'une agitation nerveuse à la Louis de Funès en exprimant ma surprise avec de grands gestes sans me soucier des regards. Je me ruai vers l'avant du bus et fis une scène pour obliger le chauffeur à s'arrêter. Il s'exécuta à grands coups de rouspétances que j'ignorais. Je courus tout en marmonnant pour rattraper Meline. Je l'accostai, débraillée et en nage.
– Qu'est-ce' tu fais ? haletai-je.
Meline leva élégamment un de ses sourcils.
– Bonjour à toi aussi, Samira. – J'suis sérieuse ! Ces écharpes... on sait... tu sais qu'elles sont pas normales et toi tu... – Je t'arrête tout de suite, Samira. Lisa m'en a fait essayer une et je dois dire qu'en plus d'être confortables, elles sont à la pointe de la mode et d'une élégance rare.
J'écoutais Meline, abasourdie par son discours digne d'une démarcheuse du dimanche.
– De plus, continua-t-elle, ces écharpes habillent n'importe quelle tenue lui donnant une note sophistiquée, bien que je doute qu'elles puissent faire quoi que ce soit pour un accoutrement pareil.
Elle me fit un geste éloquent du menton tout en détaillant ma veste rouge fait-main, mon pantalon à carreaux verts et mes bottines mauves. Elle passa à côté de moi et continua sa route sans un regard pour moi. Choquée, je ne pus m'empêcher de laisser couler quelques larmes : jamais Meline ne m'avait parlé comme ça. Jamais ! Cette histoire devenait ridicule et je comptais bien y mettre un terme. Je décidai de sécher les cours de l'après-midi pour me rendre à l'adresse que j'avais trouvée. Cela me prit une heure de bus avant de me trouver en zone industrielle le long du canal. Sans GPS ou carte, je galérais une heure et demie avant de trouver le quai des Bourges, d'autant plus qu'il n'y avait pas un chat aux alentours à qui demander son chemin. En remontant la rue, je fus étonnée de voir que les numéros 124 à 128 correspondaient à une petite maison d'un étage. J'examinais la porte ; pas de sonnerie ni d'écriteau, ni de boîte aux lettres. Je toquais ; rien. Je fis le tour de la maison et aperçus à l'arrière une baie vitrée peinte en blanc avec une porte. Je collais mon visage contre le verre rendu opaque ; rien, rien, rien ! Énervée, j'ouvris la porte en verre qui n'était pas verrouillée et me retrouvais dans une pièce presque vide. C'était un atelier faiblement éclairé par la lumière du jour, avec une tuyauterie vétuste et visible et un radiateur vieux et bruyant à l'entrée de la pièce. Le plafond était recouvert de toiles d'araignée. Il y avait au fond de l'atelier une simple table avec une vieille machine à coudre à pédale et un livre. Où est-ce que j'étais ? J'étais sûre et certaine de ne pas m'être trompée, alors à quoi servait cet endroit ? Poussée par la curiosité, je m'avançais vers la table. L'obscurité n'était pas très importante et je pus ainsi détailler la couverture du livre ; en papier glacé, ressemblant à un catalogue, titré « Anima ». Je feuilletais les pages, jusqu'à tomber par hasard sur une page titrée "Collection Damier". Dans une écriture imprimée impersonnelle, je vis un schéma de l'écharpe, du bonnet, la liste des coloris disponibles, la date de jeudi dernier, la date de ce dimanche et la date d'aujourd'hui. En bas de la page était noté :
Pour un toucher confortable et chaleureux, utiliser le programme 6. Un défaut de fabrication est à noter, le textile ne résistant pas aux fortes températures.
Alors que je voulus en savoir plus, j'entendis un bruit de frottement venant du haut. Instinctivement je levai la tête et aperçus des paquets informes se détachant du plafond. Dégoûtée par ce que je prenais pour de la poussière, je mis ma capuche et saisis le livre.
– Arrête...
Un soupir avait été lâché du plafond. Je sursautai et braquai mes yeux écarquillés vers le haut. Ça bougeait... Les bandes bougeaient puis tombèrent au sol. Je reculai et retins mon souffle quand j'aperçus des écharpes se tortillant.
– Lâche...
Le soupir provenait du sol ! Des écharpes ! Elles tremblaient, semblaient se convulser au sol avant que leurs fibres ne se détachent, dans un mouvement fluide. Je laissai ce tas informe de textiles derrière moi et fonçai vers la sortie mais j'eus beau secouer la poignée, j'étais coincée.
– Reste...
La voix me crispa le cœur et me fit crier. Je n'osais pas me retourner, préférant m'acharner sur la porte, jusqu'à démonter la poignée.
– Non ! hurlai-je.
Dans la panique je réalisais enfin que j'étais face à une baie vitrée. Sans réellement contrôler mes bras, tétanisés, je donnais des coups aux vitres. Rien ! Même en me servant de la poignée...
– Ne sors pas...
Je me retournais lentement, la respiration bruyante et saccadée et hurlai de terreur. Face à moi, les fibres s'étaient rassemblées en une masse grouillante atteignant le plafond, grisâtre et à la forme évoquant une écharpe.
– Crève... me souffla une voix fragmentée, résonnant dans toute la pièce.
Je sanglotais, les yeux grands ouverts, la bouche coincée dans un rictus. Tout ceci était ridicule et j'allais mourir de la façon la plus ridicule qui soit. Mon corps, pas encore résigné, envoya par réflexe ma main droite agripper un tuyau à l'entrée de la pièce. Je retirai dans un sursaut ma main : ce tuyau qui partait du plafond et reliait le radiateur était brûlant. Pendant ce temps l'écharpe s'était lentement avancée dans un sifflement et n'était plus qu'à un mètre de moi. Sans réfléchir, j'abattis ma main gauche tenant la poignée sur la base du tuyau. Un jet d'eau bouillante aspergea de plein fouet la masse textile. La voix désincarnée se concentra et se transforma en une plainte suraiguë inhumaine, tandis que le corps se ratatina. Encouragée par ce résultat, j'essayais du mieux que je pus de bien diriger la projection d'eau sur la monstruosité qui diminuait de plus en plus. Bientôt la voix disparut et il ne resta qu'une flaque visqueuse. Je restais droite comme un i à côté de mon sauveur jusqu'à ce que je me rappelle de respirer. Je pense que dans ce genre de situation, j'aurais dû réessayer de m'enfuir, mais à la place, je m'approchais et détaillais avec fascination ce qui restait du monstre serpentin. J'aurais également dû trouver une réplique spirituelle sur le fait de ne pas laver les vêtements à plus de 30°C mais malheureusement, je manquais de repartie. J'aperçus alors le catalogue que j'avais lâché plus tôt. Je pensais avoir enfin le temps de l'analyser. Je retrouvais facilement la page sur la collection Damier et quelque chose me sauta au yeux. En bas de la page une nouvelle remarque avait été ajoutée :
Le défaut est noté. Utiliser le programme 7.
Je ne savais qu'en penser. Je tournai la page et en lus le verso. Un schéma de veste était dessiné et la date de jeudi dernier était indiquée.
Patron en attente. Tissu disponible à la vente. Projet de coupe-vent ou de manteau.
Coloris disponible(s): rouge vermillon (des broderies blanches sont à l'étude).
Pour un toucher confortable et chaleureux et un rendu imperméable, utiliser le programme 7.
J'avais chaud tout d'un coup sous ma capuche. De ma veste. Rouge à fleurs blanches.
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