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Fantastique/Merveilleux
S_word :  L'Esprit du scribe
 Publié le 03/03/12  -  5 commentaires  -  6958 caractères  -  43 lectures    Autres textes du même auteur

Le thème était « Jeux de mots ».


L'Esprit du scribe


– Savez-vous pourquoi le calame du scribe s'est transformé en plume, enfants ?

Une dizaine de petites têtes brunes, rousses et blondes s'agitèrent de droite à gauche, leurs yeux brillants suivant les mimiques de Paul Ichynelle.


– Parce que la plume est oiseau de poème, qui fait voler les mots sur un air de chanson, ou danser les lettres pour une pièce de théâtre !

Dans le ciel bleu qui nous surplombe, les champs sont faits de nuages où mûrissent des rêves...


Le fou avait levé les bras au ciel avec emphase, puis s'était baissé d'un air de conspirateur, murmurant ses derniers mots pour que son auditoire s'approche.


– Des rêves qui grandissent, et qui changent de couleur...


Se drapant dans sa cape bariolée d'un patchwork multicolore, il plissa les yeux et scruta attentivement un jeune ouvrier occupé à livrer sa marchandise, et qui, le voyant l'observer derrière son demi-masque, s'arrêta d'un air ébahi. Puis soudainement, Paul dévoila sa livrée qui avait miraculeusement changé de couleur. Elle semblait être en velours, d'un noir de jais, sur lequel se détachaient des lettres capitales, blanches et de petite taille, disséminées sur sa poitrine et son dos, au milieu d'arabesques gracieuses.


– Noirs ! Et le nuage devient cauchemar, marmottant des pensées obscures, des histoires capables de tourmenter les plus courageux d'entre nous...


Encore une fois, il avait progressivement baissé l'intonation de sa voix, passant d'une exclamation théâtrale à une déclaration solennelle et triste.

Puis à nouveau il tourbillonna avec la classe propre aux ménestrels, entraînant dans son sillage les rubans attachés à ses poignets et ses chevilles.


– Blancs !


Sa tenue était devenue immaculée, brodée de lettres aux couleurs vives, parsemée de quelques étoiles ou formes géométriques aléatoires.


– Et le rêve se pare de ses plus beaux atours, et nous entraîne dans des histoires fantastiques, où notre inconscient nage, béat, jusqu'au lever du soleil...


Des passants, intrigués, ralentirent et s'attroupèrent autour du demi-cercle improvisé au bas des marches de l'immense bibliothèque d'Angerthas. Entre ses piliers de marbre blanc veiné de bleu, celui qui s'autoproclamait Jongleur déambulait au gré de ses déclarations improvisées. Pour le moment, il ralentissait son allure, et descendait lentement les marches, vers son public.


– Du soleil... qui nous fait ouvrir les yeux sur un nouveau jour, mais également sur la réalité implacable qui nous attend à chaque réveil. Les rêves ont disparu, d'ailleurs, si vous ne prenez pas la peine de les capturer très vite, de durcir leurs détails, ils s'envolent à nouveau...


Ouvrant ses mains gantées, l'une en blanc, l'autre en noir, qu'il avait gardé serrées l'une contre l'autre, il en fit sortir une colombe qui fila droit vers le fleuve, qu'on apercevait au loin, tout au bout de la grande allée qui partait de la Grand Place.


– Mais il y a un art, parmi tant d'autres, qui peut se targuer de permettre à ses initiés de saisir une partie de l'essence des rêves. Non pas de les capturer, car cela est impensable et impossible, mais de pouvoir s'en souvenir, et surtout, de faire à son tour rêver ceux qui les entourent... Le mot Art ne lui rend d'ailleurs pas justice, la Science quant à elle le rationalise un peu trop...

On l'appelle « Lis tes ratures », et son premier sens était « chose écrite », pourtant cette appellation ne lui convient guère.


L'orateur avait capté l'attention de son auditoire, aussi sa gestuelle se fit moins grandiloquente, et il alla tout simplement s'asseoir en tailleur à côté d'une fillette aux yeux brillants qui le dévorait des yeux, mais qui devait néanmoins avoir quelques peines à comprendre.


– M'aiderais-tu à trouver le mot qui convienne, petite demoiselle ?


Cette dernière restait béate, puis haussa les épaules d'un air impuissant. Le Jongleur se saisit alors avec douceur d'une mèche de ses cheveux bouclés qui dépassait d'une de ses tresses. Avec vivacité, il en fit sortir un bâton de réglisse qu'il fit tournoyer entre les doigts de sa main gantée de noir.

La fillette en eut les joues rouges de joie, et se saisit de la sucrerie qu'il lui tendait avec un sourire.


– C'est magique !


– En effet. Tel est l'adjectif qui nous vient à l'esprit devant un événement inattendu et fantastique. Tel est le mot qui peuple l'esprit des rêveurs de ce monde. La Magie. Et la Magie des Mots est cette discipline qui tente de percer les nuages et faire tomber une pluie de rêves colorés sur des esprits embourbés dans une réalité bien trop réelle, bien trop rationnelle.


Tout en se relevant et s'époussetant, le ménestrel sortit de nulle part une multitude d'anneaux colorés, frappés de lettres. Le dos tourné à son public, il continua ses tribulations malgré tout.


– Je vais vous raconter l'une des histoires d'un grand rêveur. D'un enfant prisonnier d'une enveloppe d'adulte. D'un Jongleur pas comme les autres, car celui-ci ne se distingue en aucune manière dans la jonglerie traditionnelle. Les anneaux qu'il manipule ne sont pas importants, seul leur message l'est.


Avec une symétrie parfaite, il dévoila ses anneaux en les présentant à la manière d'un éventail d'un joueur de cartes, les bras croisés. Puis l'un des anneaux fila vers le ciel tandis qu'il se retourna et commença le spectacle. Au rythme de ses passades, il parlait, d'une voix claire et entraînante, et accentuait certains mots lorsqu'un anneau correspondant à une lettre bien précise tourbillonnait plus haut que les autres.


Ah ! Pour toujours je me rappellerais de ce baiser qu'elle m'avait cédé, du ruban bleu qui retenait ses cheveux qu'elle m'avait offert, et que j'avais attaché sur le manche de ma hache que je tenais avec fier, bien que ma cuirasse ait été cabossée... L'honneur de porter ses couleurs me donnait des ailes et je combattis sans coup faire rire. Une dernière rixe et le dernier con battant gisait à terre, tandis que le Roi stufait me congratulait, puis m'invita à prendre le thé à ses côtés. C'est alors que je vis celle que j'aime descendre dans l'Arène, et courir vers mon dernier adversaire, qui gisait encore à terre. Il s'agissait de son frère, et il semblait manquer d'air. Je ne l'avais point reconnu, et à ma belle cela n'avait pas plu. Honteux et confus, je jurais, mais un peu tard, qu'on ne m'y reprendrait plus.


Les anneaux retombèrent sur le sol pavé tandis que Paul Ichynelle faisait une profonde révérence.

Un clin d'œil, un geste, un son étouffé et il disparut dans un nuage de fumée.


Un léger murmure parvint aux oreilles des spectateurs ébahis.


" Les plus belles choses en ce monde sont l'œuvre d'hommes qui les ont construites avec leurs rêves... "


 
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   matcauth   
12/2/2012
 a aimé ce texte 
Beaucoup
bonjour,

c'est une belle histoire, un conte peut-être, un fragment de magie raconté avec des mots qui expriment... la magie.

Il est parfois difficile d'écrire pour vouloir dire tout le bien que l'on pense des mots, toute la magie et toutes les étincelles de joie qui s'en échappent. Ici, c'est chose faite, sans aller trop loin dans la complexité, car ici le héros est mystèrieux mais attachant, les liens entre lui et son public permettent de toujours revenir à la simplicité, loin des envolées philosophiques, brillantes mais soporifiques qu'on peut lire parfois.

J'aurais parfois envie qu'il y ait plus de "rebondissements" mais comme le message est passé, que le style est fluide et surtout rythmé, ponctué, le fond et la forme s'imbriquent délicieusement. Alors je me "T".

   macaron   
3/3/2012
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Une longue poésie "merveilleuse", pas évidente à écrire je suppose. Votre magicien des mots et des rêves se démène comme un...Polichinelle dans un spectacle de rue, décrit de façon alerte et coloré. Votre histoire enchaîne les différents états d'âme, la lumière et l'obscurité, le noir et le blanc avec toujours en point de mire ce rêve indispensable. J'ai trouvé cela plaisant à lire bien que la fin me déçoive un peu. Ce combat dans cette arène- je comprends un souhait de non violence- ne colle pas avec votre leitmotiv de la magie des mots et du rêve. Un bon texte malgré tout!

   brabant   
3/3/2012
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour S_word,


Je trouve bien abstrait et bien conceptuel le discours de ce "fou" qui ne doit sans doute qu'à son jeu, son costume et ses tours, ses jongleries le fait de capter l'attention des enfants.

Personnage décalé et un peu farfelu, évoquant les poèmes, les nuages, les rêves, la magie et jonglant avec les lettres, il introduit cependant une certaine poésie dans le spectacle qu'il donne et c'est par là qu'il capte l'attention.

Abracadabra ! C'est un élécubrateur ! Il sert son boniment, distribue des lettres comme autant de clefs magiques et son oeuvre accomplie il disparaît.

Laissant les enfants ébahis des voyelles et des consonnes plein les yeux.

Et maintenant vous allez me dire ce qu'ils peuvent faire de cette liste qu'il leur a laissée car moi je ne le sais pas : "a b c d e h t q o l x j p t m n r u e", cet abécédaire n'est pas complet...

- Rêver des lettres qui manquent...

- Vous seriez cruelle !

Peut-être n'est-il pas nécessaire d'avoir toutes les lettres pour rêver...

Ce serait donc pour cela que l'on ne se souvient qu'imparfaitement de nos rêves.


Si je me suis trompé dites-moi quelle est la leçon qu'il faut tirer de votre texte. Je suis un enfant.

   Selenim   
5/3/2012
 a aimé ce texte 
Pas ↑
Si les passages narratifs m'ont paru honnêtes et relativement bien écrits, les monologues de Paul Ichynelle me sont apparus bien fades et ennuyeux.

Les propos tenus par "le fou" sonnent assez creux car ils recherchent plus à briller par la forme que par le fond. Les jeux de mots sont malhabiles au mieux, déjà vus au pire. On ne comprend pas où l'auteur veut nous emmener.

Alors oui, prôner le rêve, l'imagination, l'évasion, c'est un beau message. Mais pas dans un carcan.

Selenim

   jeanmarcel   
6/3/2012
 a aimé ce texte 
Bien
Un texte d’une grande originalité que je n’ai vraiment apprécié qu’après plusieurs lectures.
Je pense qu’il ne faut pas lire ce récit comme on lit une nouvelle, il faut le lire comme un poème, une déclaration d’Amour à la poésie et à la magie de l’Art.
Le Fou s’adresse aux enfants car ils sont à l’écoute et leur capacité d’émerveillement est encore intacte.
Le poète n’est jamais qu’un jongleur de mots un peu plus habile que les autres et cette particularité peut en faire un être à part, un Polichinelle qui disparait quand il a déclamé ses histoires.
L’auteur décrit avec talent ce qui n’est pas palpable, ces poussières de rêves que les conteurs saupoudrent sur le sommeil des enfants, comme un marchand de sable.
Un beau récit poétique.


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