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Sentimental/Romanesque
SaintEmoi : Début [Sélection GL]
 Publié le 03/08/22  -  8 commentaires  -  4122 caractères  -  54 lectures    Autres textes du même auteur

Voici ce qui pourrait être un souvenir.


Début [Sélection GL]


J'ai l'impression de me réveiller d'un profond sommeil, ou quelque chose de pire. Je n'ai aucun souvenir avant ce souvenir. C'est le noir, ou le blanc total, enfin c'est la même chose.

J'entends un bruit sourd, à la fois proche et lointain, presque intérieur. Non, ce sont plusieurs bruits je crois, je ne m'en souviens pas précisément. Je voudrais m'enfuir, aller loin. Je sens partout sur moi une pression formidable. Je ne sais pas la décrire. Et puis cette douleur sur mon crâne. Je suis prisonnier. Aucun moyen de s'échapper. Je me sens contraint car il n'y a pas d'issue.

Une pause un silence.

Et à nouveau le poids du monde tout entier qui se presse sur ma peau. Mais que se passe-t-il ? J'ai peur. Je n'arrive pas à crier, j'ai du liquide plein la bouche. Mon crâne me fait mal. Oh, mon crâne ! Les bruits deviennent moins sourds, ce sont des cris je crois, et des pas, des portes qui s'ouvrent et se ferment, des tintements métalliques, et nos deux cœurs qui battent.

Une pause un silence.

C'est comme l'infini qui aboutit. Je suis là. Petite conscience prise dans un flux. Je sens l'univers en moi. J'en suis une infime partie. J'ai cet étrange sentiment que je ne suis pas seul, que ma tête est pleine d'une présence multiple, qu'une masse d'autres consciences se cogne à mon front et me livre leurs petites histoires. C'est une marée de vies, l'humanité tout entière qui se presse dans mon esprit pour me dire tout, pour me livrer les secrets, pour me dire les vérités, pour apprendre les lignes de la connaissance comme on lit dans un livre sans fin. Je sens tout en moi, je sens ce partage, je touche presque ce lien qui nous unit au tout, je sens en moi les astres se mouvoir et se craindre, s'attirer et se repousser, je sens les chocs cosmiques, je sens ces animaux qui grouillent sur toutes ces planètes, je vois ces soleils, ce mouvement, cette énergie qui déjà me fait hurler dans la salle d'accouchement. J'ai alors tout oublié et je suis nu, dépossédé d'une conscience globale, livré ainsi et ignorant à l'humanité fébrile.

Je suis perdu. J'entends des bruits douloureux, nets comme des scalpels. J'ai dans la bouche quelque chose de froid, au goût mauvais mais je sens que j'en ai besoin et que cela va durer. Partout sur ma peau je sens le froid, sensation nouvelle mais désagréable. Des doigts me touchent, des gens parlent, d'autres crient encore. J'ai bien des raisons de crier de rage et je crie de rage. Je suis en colère, j'ai peur, j'ai froid, je suis surpris, je suis en colère. Je crie. Plus rien ne me retient, j'ai la bouche libre, mais simultanément mon étrange colère m'aliène totalement, j'en suis le bruyant jouet, hurlant à cet univers silencieux que je suis là, bien là, accompli.

Je comprends qu'un lien vient d'être coupé car une grande tristesse vient se loger dans mon esprit. Elle se pose là, comme le compagnon d'un voyage. Je sens déjà qu'elle ne me quittera pas, que toutes mes luttes pour la faire disparaître seront vaines, qu'elle est comme le pendant spirituel de ce souffle qui continue de m'être désagréable. Dans mon ventre quelque chose se noue, à jamais.

Mon corps est plongé dans l'eau, lavé, essuyé. Je suis pesé, mesuré. Tout s'impose à moi et je suis impuissant, inerte, je n'ai que ce cri. Je ne suis pas immobile et je sens mes jambes se tendre et mes bras se plier, mais aucun de ces mouvements compulsifs ne me protège de tant de souffrance. Tout ici est douleur.

Et puis je suis posé sur une autre peau, chaude. Dans mon nez se propage une odeur, comme un retour au nid. J'entends un cœur qui bat, moins vite que le mien, mais qui bat quand même.

Et puis dans ma bouche une peau douce et ce liquide chaud qui glisse dans ma gorge. Quel est ce plaisir qui m'envahit ? Je ne suis que joie tout d'un coup.

Mes muscles me font moins mal. Ma respiration ralentit. J'ouvre doucement les yeux. Je les referme immédiatement tant la lumière me fait mal. Je suis à nouveau dans le noir. J'y retrouve la paix, au moins pour un instant. Il y a comme un bercement, un tangage qui me rappelle quelque chose. Je crois que je m'endors.

Je viens de naître.


 
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   Vilmon   
12/7/2022
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour,
Belle énumération d'une suite d'événements entourant la naissance d'un enfant à partir de son point de vue.
On admet d'emblé qu'il a un niveau de conscience.
Qu'il passe d'une connaissance absolue de tout l'univers, un esprit de l'éther, à un être unique et solitaire qui oublie le paradis d'où il vient pour réapprendre en tant qu'être humain.
J'ai bien apprécié.

   papipoete   
14/7/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup
sentimental/romanesque
Je sens qu'on bouge autour de moi et des bruits de toute sorte ; alors que je flotte, je sens que l'on coupe mon fil d'ariane ; je vais me perdre et me noyer dans ce noir où je n'avais pas besoin de voir... soudain la lumière, une lueur si forte qui m'aveugle...
NB très originale histoire évoquant la " pré-vie " d'un enfant, encore foetus au coeur de sa mère. Je me mets à sa place, quand dans la salle d'accouchement, on s'active de toute part, l'on crie " poussez ! respirez ! poussez ! " et comme sortant d'une grotte reclus depuis longtemps, la flamme d'une bougie pourrait éblouir !
" je viens de naître " clôt ce récit tout en douceur, après ce grand chambardement !
une " courte " nouvelle qui m'attira, et lus avec grand plaisir !
papipoète

   Vincente   
16/7/2022
 a aimé ce texte 
Bien ↓
J'y croyais à moitié, et puis vint la chute… et je ne croyais même plus au crédit partiel que m'inspira ce récit.

Ça commençait bien, par exemple j'apercevais bien cette affirmation : "Je n'ai aucun souvenir avant ce souvenir.". Le creusement mémoriel ne semblait pas dans une impasse, j'accompagnerai le narrateur dans sa recherche, et sa découverte tapie là, au creux de cette histoire.

Mon problème, c'est que, un peu plus loin, ce passage en dit à la fois trop et assez mal, enfin pas dans un registre graduellement révélateur :
" C'est comme l'infini qui aboutit. Je suis là. Petite conscience prise dans un flux. Je sens l'univers en moi. J'en suis une infime partie. J'ai cet étrange sentiment que je ne suis pas seul, que ma tête est pleine d'une présence multiple, qu'une masse d'autres consciences se cogne à mon front " puis celui-ci qui enfonce ce mauvais clou narratif :
" C'est une marée de vies, l'humanité tout entière qui se presse dans mon esprit pour me dire tout, pour me livrer les secrets, pour me dire les vérités, pour apprendre les lignes de la connaissance comme on lit dans un livre sans fin. Je sens tout en moi, je sens ce partage, je touche presque ce lien qui nous unit au tout, je sens en moi les astres se mouvoir et se craindre, s'attirer et se repousser, je sens les chocs cosmiques, je sens ces animaux qui grouillent sur toutes ces planètes, je vois ces soleils, ce mouvement, cette énergie qui déjà me fait hurler dans la salle d'accouchement.".
Quand la "salle d'accouchement" se prononce, j'avouerais que j'espérais que ce récit n'était pas une revisitation d'un accouchement. Car si je le craignais, c'est que c'était une possibilité mais décalé et de fait peu crédible depuis cette formulation.

La réflexion portée est caduque à mon sens car le narrateur apparaît en réveil, et comme en hypnose replongeant dans ces instants cruxiaux et originels de sa vie. Il plonge dans l'univers physique du bébé d'alors mais avec la conscience et l'expression d'un adulte très cérébralisé. Et ça pour moi, ça ne marche pas. Que l'adulte fasse et s'empare de cette prise de conscience comme celle décrite, oui pourquoi pas, mais pas avec la conscience d'un bébé, ce qui pourtant lui donne une effective véracité. Là vient le décalage ontologique qui me pose problème.

À part cela j'ai apprécié l'écriture et le questionnement.

PS : faute de conjugaison à "Je comprends" auquel il manque un s

   Anonyme   
3/8/2022
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
Je subodorais de quoi il était question, c'est devenu une certitude en lisant ceci :
cette énergie qui déjà me fait hurler dans la salle d'accouchement
Et alors, bon, j'avais déjà tiqué sur les portes qui s'ouvrent et se ferment : comment un nouveau-né dont le récit est basé sur la pure perception, sur des sensations, pourrait-il savoir qu'il se trouve dans une salle d'accouchement et que ce bruit qu'il entend correspond à des portes ? Pour moi c'est incohérent. Et il ne faut pas me lancer sur les scalpels…

Sinon j'ai plutôt bien aimé le début, la pression sur le crâne, l'angoisse. Là, le récit me paraissait logique. L'ensemble de la nouvelle est un peu long à mon avis pour ce qu'il y a à dire, sachant que la situation se dévoile assez vite.

   senglar   
3/8/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour SaintEmoi,


Sous le charme ! Attendri et solidaire... du bébé qui vient de naître.

J'ai trouvé cette mini-nouvelle touchante (Vous excuserez la banalité de ce mot). Je me suis pris à sourire, c'est attendrissant. Affolé le bébé redevient quiet Il sort offensé, on le maltraite, il est nu et il a froid, il est désemparé puis il ressent le contact de la peau, il trouve le sein de sa mère et le cordon coupé est rétabli, il est toujours nu mais il n'a plus froid et il s'en fout.

Bonne et longue vie à votre marmot !

   Eskisse   
3/8/2022
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour St Emoi,

Une écriture qui se lit bien. La douleur initiale est bien rendue. Exercice difficile que d'évoquer une naissance.

Avec un récit à la première personne, il me semble que seules les sensations pouvaient être évoquées. La conscience du nouveau né pose ici problème. Le sentiment d'appartenance au monde par exemple me paraît peu plausible.

Une narration à la troisième personne aurait peut-être permis l'adéquation entre ce que vit le nouveau né et sa transcription dans la conscience du narrateur un peu comme dans la nouvelle "Lucien" de Claude Bourgeyx.

Merci du partage

   Cyrill   
3/8/2022
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Bonjour SaintEmoi,

Il faut avouer que l’exercice qui consiste à rendre compte des sensations éprouvées à la naissance est périlleux. Il me semble que vous n’avez pas réussi à vous maintenir à la même distance du moment que vous décrivez. Parfois on est proche des perceptions d’un bébé, du moins de ce que je peux en imaginer ; d’autres fois, comme dans le paragraphe qui débute par « C’est comme l’infini qui aboutit », le narrateur semble doué d’une prescience, quoiqu’il se dise « dépossédé d’une conscience globale, livré ainsi et ignorant à l’humanité fébrile ».
C’est d’ailleurs le passage que je préfère, j’aurais aimé qu’il soit plus développé, mais alors il aurait fallu présenter l’aventure autrement, comme si l’individu devenu adulte avait été re transporté à son début de vie pour analyser plus finement ce qu’il a vécu. Mais ça n’a pas été votre choix.
J’ai bien aimé aussi la « grande tristesse » qui « vient se loger dans mon esprit » à la coupure du cordon et ce qui suit comme réflexion dans tout le paragraphe.
Vous terminez sur une note paisible de réminiscences avec le tangage, là aussi c’est bien vu je trouve.

   plumette   
11/8/2022
 a aimé ce texte 
Bien
ce "je " qui décrit la naissance , non pas de façon clinique, mais à travers des sensations supposées , au présent qui plus est, n'est pas si évident !

Mais c'est un bel exercice et une tentative d'imagination qui s'appuie sur une réalité observée car tout un chacun pourrait, s'il l'a vécu en spectateur ou en actrice une naissance, partir du point d'où vous partez.

Ce qui m'a gêné: le niveau de conscience de cet infans qui n'a pas encore les mots ! Je me demande si ce n'est pas l'utilisation du temps présent qui a créé cette petite gêne.


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