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Humour/Détente
Selenim : Comme une bulle de savon [concours]
 Publié le 01/12/09  -  30 commentaires  -  17735 caractères  -  302 lectures    Autres textes du même auteur

"Océan. Masse d'eau occupant à peu près les deux tiers d'un monde destiné à l'homme – lequel est dépourvu de branchies."

Ambrose Bierce


Comme une bulle de savon [concours]


Ce texte est une participation au concours n°10 : 4x4 (informations sur ce concours).



Charles Bouvard ajusta sa cravate écrue d'un geste sec. Il sortit un peigne couleur ivoire de sa poche revolver et organisa sa chevelure. Tirés vers l'arrière, ses cheveux dessinaient des sillons étroits rappelant un champ fraîchement labouré. Il vérifia une dernière fois le col de sa chemise, aucune trace de rouge à lèvres n'y jouait les papillons infidèles. Du bout de ses longs doigts manucurés, il déshabilla une savonnette et la glissa sous le jet fumant du robinet. Il frictionna ses paumes pour en retirer toute odeur du parfum de Mathilde. Le rituel achevé, le quinquagénaire inspecta dans le miroir cerclé d'or la qualité de sa dentition et la profondeur de ses cernes.


Il pénétra dans la chambre et ses souliers en deuil s'enfoncèrent dans la moquette avec une douceur toute crémeuse.


Il lança un regard expert en direction du lit où dormait Mathilde. La jeune femme s'abandonnait à un sommeil sans rêve, un drap de flanelle anorexique venait à peine perturber les oscillations de sa respiration. La tête avalée par un oreiller immaculé, elle gisait de côté, un mince filet de salive s'échappant de la commissure. Au passage de la lèvre inférieure, le liquide se teinta de pourpre, la couleur du désir dont certaines habillent leurs baisers.


Charles haussa un sourcil en signe de rejet. Cet épanchement salivaire ternissait la somptueuse soirée qu'il venait de passer avec sa maîtresse. Une déliquescence qui ombrageait les joutes sexuelles précédentes. En fléchissant son deuxième sourcil, il déduisit qu'il n'y avait qu'une intimité à chérir chez une femme.


Sans l'ombre d'une pudeur, petite et grande aiguilles se chevauchaient sur le cadran de sa montre gousset. Figées dans l'instant, elles paressaient sur le chiffre onze. Charles estima qu'il était temps d'aller visiter le bar.


De sa démarche coulante, il remonta le long couloir qui desservait les chambres de première classe. Le parquet huilé chatouillait mollement le cuir de ses semelles. Un petit crissement plaintif s'échappait à chaque pression du bois sur l'épiderme bovin. Charles s'en amusa et afficha un sourire de parenthèse.


C'est encore suspendu à sa bonne humeur qu'il emprunta le double escalier menant au hall principal. Les marches en érable dégageaient une odeur enivrante, à peine émaillée d'une pointe de vernis. Comme un hymen, la fine pellicule ambrée protégeait ce territoire toujours vierge. Une fois arrivé sur la dernière marche, Charles effleura du regard les lettres de cuivre incrustées entre les lattes du parquet : SS Teutonic. White Star Line.



La veille, le paquebot avait été inauguré en grande pompe, avec bouteille se brisant sur la proue, chapeaux jetés en l'air et discours suffisant de l'armateur. Une cinquantaine d'invités, riches et influents, avaient alors investi le géant d'acier pour un voyage reliant Le Havre à Marseille. Le bateau devait le mois suivant rallier New York pour établir un nouveau record et recevoir son glorieux ruban bleu.



Charles avait reçu une invitation en sa qualité de président de l'entreprise Letroyeur et Bouvard. Après avoir fourni à monsieur Eiffel les deux millions cinq cent mille rivets nécessaires à la construction de sa tour, Charles s'était constitué un portefeuille rebondi, avec une maîtresse juvénile en accessoire. Sa rencontre avec Mathilde remontait au mois de mars lors de l'inauguration de la Dame de fer. Alors qu'il paradait tel un coq cravaté sur les hanches métalliques de la vedette du jour, dégustant quelques amuse-bouches saumonés, il avait aperçu Mathilde. Évanescente dans sa toilette rouge, elle voguait parmi les costumes anthracite. Un coquelicot voletant sur une nappe de pétrole. Elle butinait sans ordre précis, n'accordant ses plus beaux sourires qu'aux porteurs de nœuds papillon. Il y avait en elle une grâce éphémère, comme si chaque geste pouvait être le dernier. Ses iris lavande renvoyaient à leur solitude les épouses poudrées.


- Vous êtes ?

- Je suis ?

- On se connaît ?

- Je ne crois pas.

- Votre regard me semblait pourtant insistant.

- Je m'en excuse.

- Présentez-vous donc, au lieu de vous excuser.

- Oh, pardonnez-moi. Je suis Charles Bouvard, de Letroyeur et Bouvard.

- Enchantée. Je suis Mathilde.

- Ravi de faire votre connaissance Mathilde. Vous êtes venue visiter la tour ?

- Non. Tout ce métal me laisse froide. Pour tout dire, je pense que ce monsieur Eiffel souffre d'un singulier complexe phallique.


Mathilde était de ces femmes qui n'avaient pas besoin de regarder les réverbères dans la rue pour avoir des étoiles plein les yeux. Elle étudiait les arts à la Sorbonne ; perchée sur ses vingt-cinq ans, elle logeait dans une chambre de bonne, avenue des Lys. Elle s'était prise d'affection pour Charles, sa candeur vagabonde, son rire d'enfant et sa tendresse l'avaient convaincue de tenter quelques galipettes avec lui. La cinquantaine bedonnante de l'industriel l'amusait et son portefeuille garni ouvrait bien des sésames dans le Paris nocturne.


Madame Bouvard, faisait chambre à part depuis la naissance de leur fille unique, âgée de vingt-huit ans. Grande amatrice de canevas, elle possédait également un herbier impressionnant qui faisait des envieuses lors des réceptions dominicales. Pour la bagatelle, elle ne concevait l'exercice que dans un objectif reproductif. Les quelques fois où son époux avait consommé leur relation, elle avait insisté pour rester sur le dos et ainsi se délecter des arabesques en plâtre sculptées au plafond. Son mari pouvait bien découcher tant qu'il restait discret. Et elle préférait regarder le plafond sans avoir à supporter un poids disgracieux sur l'estomac.



La salle qui abritait le bar était habillée aux couleurs de l'automne. Il régnait une suave tranquillité qu'éveillaient des fragrances de tabac. L'éclairage discret jouait avec les gouttes de verre suspendues aux lustres, avant de venir s'évaporer au ras de la moquette. Derrière le comptoir, un serveur exhibait son sourire mélangé au shaker, sans morceaux apparents. Le bois patiné luisait comme s'il avait subi les caresses d'une courtisane lubrifiée à la cire d'abeille. Les courbes ondulantes du meuble rappelaient à Charles la silhouette de Mathilde. Il revit sa main grumeleuse serpenter le long des hanches de violoncelle.


- Bonsoir monsieur. Bienvenue au bar du Teutonic. Puis-je vous servir un rafraîchissement ?

- Bonsoir. Je ne sais pas... peut-être une liqueur ?

- Assurément monsieur. Une liqueur de framboise vous siérait-elle ?

- Tout à fait, merci.


Le serveur empoigna une bouteille famélique qui se reposait sous la surface polie. Le liquide parfumé se logea dans un verre minuscule à l'allure de clochette. D'un geste aussi sec qu'un coup de guillotine, le barman présenta la boisson sans qu'une goutte ne vienne outrager le miroir de chêne.


Dans la salle, une vingtaine de tables attendaient, accompagnées dans leur solitude par une solide revue de fauteuils passablement endormis. Une douzaine de personnes se partageaient le salon, surtout des hommes, qui rivalisaient de verve pour se faire reluire l'ego.


À l'extrémité de la pièce, Charles aperçut un homme assis seul à une table. Le cheveu cendré et le regard cerclé de fer, il fumait un cigare à la robe épaisse. À chaque nouvelle bouffée cubaine, l'homme se perdait un instant dans la contemplation du lustre central. Ce geste de nonchalance plut à Charles. Il raffermit la prise de sa veste sur les épaules et se dirigea vers le fumeur. À mesure de son avancée, il eut la sensation que le temps était monté sur un ressort de literie. Ses pas moulinaient sur les lattes lustrées ou, au contraire, prenaient des allures de déambulations pachydermiques. Quand Charles arriva à la table, l'amateur de cigare scrutait le plafond au travers de ses paupières mi-closes. Il était impossible de deviner la couleur du ciel entre les persiennes de chair.


- Bonsoir monsieur. Excusez-moi de vous déranger. Je vous ai vu en tête-à-tête avec votre cigare et je me suis demandé si vous accepteriez de partager un verre de liqueur avec une personne de bonne société.

- Habano.

- Pardon ?

- Pas cigare, habano. Mais asseyez-vous donc, vous me faites l'effet d'un portemanteau en mal de redingote.


Il changea son habano de main et désigna le fauteuil libre. Ses lèvres se pincèrent en une virgule fatiguée que Charles interpréta comme un signe de bienvenue. Le siège étouffa un soupir sous l'agression pondérale et s'arc-bouta pour mieux répartir la charge.


- Comment m'avez-vous dit que vous vous appeliez ?

- Je ne me suis pas encore présenté.

- C'est ennuyeux.

- En effet. Je m'appelle Charles Bouvard. Enchanté.

- Également. Vous fumez ?

- Très rarement mais j'apprécie toujours un bon cigare.

- Je ne peux vous proposer qu'un habano.

- Je ne suis pas certain de saisir la différence.

- Un habano est un cigare qui est exclusivement confectionné à Cuba. Ce sont les meilleurs.

- Vous m'en voyez flatté.

- Avez-vous déjà dîné ?

- Ma foi oui ! Il est vingt-trois heures passées tout de même.

- C'est vrai. Lorsque je fume, l'empreinte du temps semble s'enliser dans les volutes de mon habano. Puis-je vous proposer de partager un modeste en-cas ?

- Pourquoi pas.


Le fumeur glissa une main sous sa veste ébène et en extirpa un fragile carnet gainé de cuir. Charles pensa, en voyant la couverture gercée, que cette peau devait provenir d'une créature ayant souffert d'une forme virulente de lèpre. Une subtile odeur de cardamome s'échappait de l'ensemble ; la tranche des feuillets offrait une surface rugueuse qui n'invitait pas à la découverte. Puis, d'un claquement étouffé de l'annulaire sur la paume, il fit venir le serveur.


- Une vichyssoise.

- Oui monsieur.

- Et monsieur Bouvard prendra une soupe de lotte et quelques croûtons safranés.

- Bien monsieur.

- Et un Corton-Charlemagne... 1884.


Le serveur s'éloigna, propulsé par une démarche enfantine. Son corps noueux donnait l'impression de chuter constamment, seule l'aide conjuguée des tangages et roulis lui permettait de rester à la verticale.


- Vous me voyez confus monsieur : vous m'invitez à dîner et je ne connais pas votre nom.

- J'ai les présentations et prologues en horreur. Mes amis m'appellent Armand. Mon comptable Monsieur et ma femme Trésor. À moins que ce ne soit l'inverse.

- Je vois que vous maniez l'humour avec habileté.

- L'humour, le fleuret et, pas assez souvent au goût de mon épouse, l'infidélité.

- Votre épouse a l'air plutôt conciliante.

- Oui, surtout depuis qu'elle a eu la négligence de mourir.

- Je... je suis navré.

- Et moi je suis veuf.


Charles pinça ses lèvres en marque de compassion. Armand regardait l'extrémité incandescente de son cigare se consumer. Son visage aride ne trahissait aucune émotion ; même les rides, par leurs courbes, ne donnaient d'indice sur les sentiments qui animaient cette enveloppe. Pour Charles, cet homme devait avoir un lien de parenté direct avec un buste en marbre. Le regard était aussi froid que le métal qui le cerclait.


- Préférez-vous la chaleur ou la froideur ?

- Pardon ?

- Vous êtes plutôt chaud ou froid ?

- Je dirais froid. J'ai très peu apprécié mon dernier voyage en Turquie. Mais pourquoi cette question ?

- C'est pour mon travail. Vous préférez la prose ou la poésie ?

- Je préfère... je ne sais pas. Je lis peu.

- C'est ennuyeux. Ah ! Voilà notre collation.

- Et quelle profession exercez-vous ?

- Tueur.

- Tueur ?

- Comme vous dites.


Le serveur glissa les assiettes sur la nappe carmin. Deux verres à pied se joignirent au ballet sans heurter les danseuses de porcelaine. Le serveur maîtrisait sa mise en scène. Une vapeur épicée s'éleva vers Charles, un fumet iodé chatouillant ses narines. Froide et terne, la vichyssoise apparaissait en parfaite symbiose avec Armand.


- Je ne crois pas avoir bien saisi.

- C'est pourtant limpide : je tue les gens jusqu'à ce qu'ils meurent.

- Quel horreur !

- Je vous en prie, vous allez faire tourner ma vichyssoise.

- Mais vous êtes un...

- Assassin ? Oui. Mais affublé d'un certain sens de l'esthétisme. Je possède un don, celui de la persuasion. Je peux influencer la pensée d'une personne par mes simples paroles. Mais en employant les mots des grands penseurs et écrivains, je peux sublimer cette légère influence. Un exemple ?


Armand saisit son carnet et l'ouvrit avec cérémonie, comme on recouvre d'un linceul un être cher. Ses doigts diaphanes firent jouer les pages ; elles craquaient, entre douleur et plaisir, les fibres végétales depuis longtemps rongées d'arthrose.


- Prenons monsieur Voltaire. Écoutez bien : Heureux qui jouit agréablement du monde ! Plus heureux qui s'en moque et qui le fuit !


Charles sentit une boule de chaleur naître au creux de sa nuque. Une coulée palpitante inonda son être avec la lenteur d'un dimanche chez tante Hortense. Il flottait, assis sur son fauteuil ; il était délivré des scories de la vie qui s'accrochent aux rêves, aspirant jour après jour les désirs vers de sombres certitudes. Il ne voyait que les couleurs, noir et blanc n'étaient que pensées exilées. Il se sentait submergé par un bien-être absolu, consumé dans une sphère d'abandon.


- Je ne sais pas si après ça vous allez supporter l'extrême fadeur de votre potage. Quant à moi, je vais sans attendre honorer cette vichyssoise. Profitez de l'instant. D'après certains témoignages, les vagues de chaleur peuvent se répéter jusqu'à la douzaine.


Charles oscillait, ondulait ; dissous dans son propre corps.


- Ce cuisinier est vraiment doué. Le secret de ce plat, c'est la ciboulette. Elle doit être dosée au gramme près et coupée en biseau, pour exhaler tout son arôme. Bientôt minuit, nous allons pouvoir conclure cette agréable soirée. Q... R... et voilà S, servitude. L'excès de liberté ne peut tourner qu'en excès de servitude pour un particulier aussi bien que pour un État.


Armand chatouilla l'extrémité guillotinée de son Monte Cristo avec la tête embrasée d'une allumette. L'assemblage de feuilles crépita, se nourrissant de la flamme soyeuse. Enfin il prenait vie, animé par une pulsation sourde, qui après l'avoir consumé, le partagerait entre terre et ciel, cendre et fumée.


- Mon cher, coiffez votre nez avec ceci. Nous ne sommes pas à l'abri d'une phrase malencontreuse et il serait dommage de trépasser prématurément. Charmant, le rouge vous va bien au teint. Si vous voulez me suivre.


Les deux hommes quittèrent le salon sans hâte. Le serveur, derrière son établi, outillait pour la nuit un couple de jeunes amants adeptes des gueules de bois serrées à l'étau. Armand précédait nonchalamment Charles, le visage agrémenté d'un nez de clown rougeaud en papier. Charles lévitait plus qu'il ne marchait, le regard cloué dans le dos rectiligne de l'assassin.


Lorsqu'il fit vibrer sa voix, il ne la reconnut pas. La rondeur de ses labiales était écrasée par la servitude. Ses cordes vocales se liaient en un nœud auquel il était lui-même pendu.


- Où m'emmenez-vous ?

- Mais voir l'océan. À cette heure, la passerelle devrait être au calme.

- Je n'arrive pas à réaliser que vous êtes un meurtrier.

- Je préfère le terme assassin, c'est plus distingué. J'assassine. Des hommes, des femmes, des riches, des pauvres, des grands des petits et même des présidents de société.

- Des présidents comme moi ?

- Précisément.

- Mais votre don m'a apporté en une soirée plus de bonheur qu'en une seule vie. Pourquoi l'utiliser pour tuer ?

- Monsieur Bouvard, tout le drame est là. Il est impossible de se défaire d'une telle accoutumance.

- Au bonheur ?

- Croyez-moi, l'homme n'est pas fait pour être heureux. Il ne devrait jamais accéder au bonheur, seulement s'en rapprocher.


Accoudées à la rambarde, les deux silhouettes se découpaient sur une lune dodue. Le bruissement de l'eau s'émiettait sur les idées confuses de Charles, exilé dans sa propre chair. Il sombrait, avalé par un océan inodore. Ses pensées suivaient la mouvance des vagues, à peine parvenues à leur crête, elles s'affaissaient dans un tourbillon d'écume.


- Vous faites ça pour l'argent ?

- Évidemment ! La gratuité c'est pour les pauvres. Mes clients ont des ressources persuasives.

- Vous n'avez donc pas de morale.

- La morale ? Mais je ne suis pas prêtre voyons. Pas de morale, mais de la compassion.

- Vous tuez par compassion ?

- C'est le paradoxe. Ce que j'offre est une bulle de savon, on ne peut s'en emparer sans la faire éclater. Et une fois effleurée, à quoi bon continuer...

- Vous pensez réellement que le bonheur est la raison finale de tout ?

- Ce que je pense importe peu car il est minuit passé.

- Je ne vous suis pas.

- C'est plutôt moi qui ne vais pas vous suivre. L'eau salée est urticante pour ma peau. Pouvez-vous me remettre votre nez de clown et l'invitation.

- L'invitation ?

- Celle que je vous ai fait parvenir afin que vous montiez sur ce bateau.

- C'était donc vous.

- Qui d'autre ?

- Tenez !

- Merci.

- Et pourquoi donc un nez de clown ?

- Je ne suis pas un adepte de la procrastination, mais je ne pouvais décemment pas vous envoyer par le fond un dimanche. C'eût été d'une profonde inélégance. Pour vous éviter un accident dominical prématuré, au détour d'une phrase qui m'aurait échappé, je vous ai fourni l'accessoire idoine : ne dit-on pas que le ridicule ne tue pas. Adieu monsieur Bouvard.


Armand s'arrêta à la page O.


- Océan. Masse d'eau occupant à peu près les deux tiers d'un monde destiné à l'homme – lequel est dépourvu de branchies.


 
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   Anonyme   
1/12/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bien dans l'ensemble. Après une relecture minutieuse, je m'aperçois que Sel nous englobe dans son univers un peu décalé sans que l'on ne s'en rende compte, et là, c'est frappant.

N'empêche que le récit ne connait pas beaucoup de remous, ce qui le rend un peu sur la fin.

"un serveur exhibait son sourire mélangé au shaker, sans morceaux apparents." description originale

Il y a ça et là dans le récit des petites gourmandises qui attirent le regard. Belle bulle de savon !

   Manuel   
1/12/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Je viens de faire connaissance avec de nouvelles constructions de phrases, qui ne veulent pas dire grand chose, mais qui sont plaisantes : suspendu à sa bonne humeur.
Et de nouveau qualificatifs : un drap de flanelle anorexique.
Pas trop compris le dernier § avec le nez de clown. et si le dénommé Charles tombe dans l'océan...

   widjet   
1/12/2009
 a aimé ce texte 
Bien
Déjà, je vais tenter de faire un peu plus long que le premier commentaire. Voilà qui est fait…

Selon moi, un bon écrivain, c’est un peu comme un bon cuisinier (mais c’est valable pour pleins d’autres métiers artisanaux) : même avec des ingrédients limités ou imposés, il parvient toujours à faire quelque chose de comestible voire de bon. Selenim est définitivement un bon artisan. Son texte se lit vraiment bien, certains passages sont exquis (« aucune trace de rouge à lèvres n'y jouait les papillons infidèles », « ses souliers en deuil s'enfoncèrent dans la moquette avec une douceur toute crémeuse »), un humour anglais des plus subtils (« elle avait insisté pour rester sur le dos et ainsi se délecter des arabesques en plâtre sculptées au plafond »), et l’ensemble diffuse quelque chose de mystérieux que n’aurait pas renié Agatha Christie (d’ailleurs par moments, Armand m’a fait penser à Poirot !).

Bon, je mentirai en disant que j’ai adoré ce texte (sans doute encore à cause des contraintes qui finissement par morceler l’unité du texte, à ce titre Mathilde ou la femme de Bouvard sont un peu parachutés), mais force est de constater que mon intérêt n’a jamais faibli même si le final peut laisser un tantinet perplexe. Mais, l’auteur a un atout redoutable dans son jeu. Son écriture, ce fameux style qui, je pense, risque de diviser les Oniriens.

En effet, ce style d’écriture est un peu à double tranchant et c'est particulièrement vrai dans ce texte. La plume est précieuse, précise empreinte d’un raffinement assez délectable par moments. L’auteur est un gourmet. Souci obsessionnel du détail (au point de faire vivre, voire de personnifier des objets : exemple le plus criant « le siège étouffa un soupir sous l'agression pondérale et s'arc-bouta pour mieux répartir la charge » mais il y en d’autres), adjectifs en pagaille et comparaisons métaphoriques parfois saugrenues ou guère convaincantes (« Une coulée palpitante inonda son être avec la lenteur d'un dimanche chez tante Hortense »).

Personnellement et généralement, je m’en réjouis (car cela donne du caractère à l’ambiance, une certaine musicalité et habille les personnages les ancrant dans une réalité palpable) même si la tartine est parfois trop épaisse et que l’histoire n’en a finalement pas tant besoin. C’est pourquoi je me permettrai juste de reprocher amicalement à l’auteur son manque d’habileté à rendre cette évidente maîtrise du mot et du verbe INVISIBLE au lecteur. Ici, le procédé est sans doute trop voyant et on flirte parfois (car la frontière est mince) avec l’épate stylistique, l’exercice de style séduisant certes, mais un peu vain.

Enfin, je déplore légèrement le caractère un peu trop systématique du dialogue entre les deux hommes. Face à la causticité d’Armand (personnage volubile et assassin des plus courtois), je m'attendais à ce que Bouvard (que j'imaginais plus charismatique, il a quand même séduit et emmener Mathilde, une nana au caractère bien trempée, au plummard !) se défende un peu mieux.

Voilà ce que je pouvais dire « à chaud » sur ce texte qui devrait rentrer malgré tout dans mon tiercé parce que malgré tout, une écriture pareille, ça fait drôlement plaisir à lire !

W

   Lapsus   
1/12/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Il n'est pas donné à tout le monde de recréer un univers, de le faire vivre par la multiplicité des détails qui lui confèreront la dose nécessaire de réalité.
Le texte couvre cette dimension de manière particulièrement caustique, livrant un portrait au vitriol d'une certaine bourgeoisie, nous laissant pénétrer la vacuité de son intimité livrée au conformisme social.
Dans la fumée du cigare, pardon du habano, Armand campe un personnage hédoniste et sûr de lui-même à la moralité aussi légère que les volutes bleues qu'il dégage.
Surtout quand le piège se referme sur ce pauvre Charles qui périra non sans avoir connu le bonheur absolu par le pouvoir de suggestion mentale de l'assassin, j'ignorais que Voltaire pouvait produire un tel effet.
L'idée du contrôle de la pensée d'autrui n'est certes pas nouvelle, mais elle trouve ici une expression littéraire, artistique et jouissive.

Bonheur, servitude, ridicule, tout cela est offert comme le dernier vers au condamné. Selon moi, le nez rouge, accessoire du ridicule et talisman protecteur vient trop tard pour avoir du sens car les plans de l'assassin sont déjà bien arrêtés et il ne reste à Charles que quelques minutes à vivre, le temps d'une promenade et d'une impitoyable citation.

La phrase savoureuse d'Ambrose Bierce (le Dictionnaire du Diable) vient à point nommé, et non Charles a de la fortune mais pas de branchies.
Alors je citerai à nouveau cet auteur et le même ouvrage :
"Félicitations. Politesse de la jalousie".

   jaimme   
1/12/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Je ne vais pas en mettre autant que Widjet il a dit l'essentiel de ce que je pensais.
Et ce qui me laisse perplexe c'est le choix de la catégorie. Je m'explique. Dès les premiers paragraphes j'ai savouré le style, avec quand même une indigestion rapide (mais de plats fins). Et pourtant, en me tournant vers la rubrique je me suis laissé persuadé que ce style tout en rondeur roccoco était l'élément essentiel de l'humour recherché.
Je n'ai pas ri, mais très souvent souri. Aux phrases, aux tournures, à l'histoire elle-même.
Mais au-delà du dramatique de la situation, ce n'est pas l'humour qui caractérise cette nouvelle, à mes yeux bien sûr, c'est le merveilleux issu de cet art de l'assasin. C'est là la meilleure idée, je trouve, et ce qui fait sa richesse. Comme ce M. Bouvard je m'étonne qu'il ne soit mis qu'au service de l'assassinat. J'aurais bien vu cette jeune maîtresse emportée par une phrase, là, juste au dernier moment.
Donc au total j'ai lu un travail très approfondi, sans doute trop c'est un comble, et une histoire qui tient sur une belle idée, ces phrases magiques.

   Anonyme   
1/12/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Je retrouve avec plaisir cette écriture, le sens visuel remarquable de Selenim et ces phrases précises à l'élégance extrême. Le reproche que je ferais, c'est que la fluidité du récit en pâtit, que moi en tant que lectrice je suis des fois perdue, les mots et les phrases étant plus importantes je crois pour l'auteur que le fonds (pour cette nouvelle je précise).
J'ai beaucoup aimé les personnages qui sont campés de manière si précise que j'ai l'impression de les connaître. J'ai adoré certaines comparaisons (j vais pas tout citer mais la première c'est la montre). D'autre m'ont fait rire. Le premier dialogue est particulièrement réussi.

Pour le tueur en fait c'est très étrange comme si la victime était consentante avant même d'entrer dans le bar (c'est Bouvard qui fait les premiers pas), une forme de suicide, Armand n'étant qu'un instrument finalement.

Je suis moins convaincue par le classement en humour. ok les détails, les comparaisons, le nez de clown (en plus de l'humour comme j'aime) etc... mais l'impression qui me restera est plus réfrigérante que drôle

Au final je vais te dire la même chose que la dernière fois (même si les nouvelles ne sont en AUCUN CAS comparables)... Je préfèrerais quand je me demanderais pas combien de temps tu as passé à tournicoter tes phrases.

Merci pour cette lecture

Xrys

   Anonyme   
1/12/2009
 a aimé ce texte 
Bien
Euh.. peu convaincue par la capacité surnaturelle que possède Armand pour "exécuter"^^ son métier,
mais sinon, même si je ne suis pas super fan du ton un peu suranné, je dois admettre qu'il colle assez bien à l'époque dans laquelle se déroule l'histoire, une époque à montres "goussets" et cols amidonnés ou l'on imagine très bien une sorte d'emphase collant presque à chaque gestes, même du quotidien.
bon, c'est un peu trop "distant" et "lustré" pour moi, mais sinon, j'ai passé un moment plutôt agréable, la lecture est fluide, l'histoire distrayante, et les contraintes... euh, je sais pas ^^
Ce que j'aime bien aussi, c'est ta manière de brouiller les pistes, j'ai le sentiment, mais ce n'est qu'un sentiment et c'est le miens ^^, que lorsque tu écris ce n'est pas toi, on oublie sélénim, enfin le peut que l'on connais ici sur Oniris, et on découvre l'auteur, différent à chaque histoire, ou presque... Une belle leçon d'écriture pour moi ça ^^

   MissGavroche   
1/12/2009
 a aimé ce texte 
Bien
Très agréable à lire, on veut aller au bout de l'histoire, cependant, et malgré un style impeccable, je regrette le classicisme et le conventionnel de certaines images: "Un coquelicot voletant sur une nappe de pétrole. Elle butinait sans ordre précis, n'accordant ses plus beaux sourires qu'aux porteurs de nœuds papillon. Il y avait en elle une grâce éphémère, comme si chaque geste pouvait être le dernier. " Alors que d'autres images sont résolument drôle, jolie et innovantes :"un drap de flanelle anorexique", "Charles s'était constitué un portefeuille rebondi, avec une maîtresse juvénile en accessoire"

   Anonyme   
1/12/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour Selenim

Un texte de ta plume est une gourmandise. J’aime le style, la façon de fabriquer les phrases, certaines comparaisons, drôles innovantes, pas ordinaire. J'ai aimé l’humour pincé. Le cynisme aussi.

Une seconde lecture, attentive, m’a fait soulever certains points, je me permets de te les soumettre.

« aucune trace de rouge à lèvres n'y jouait les papillons infidèles. » délicieux.

Un souci avec « souliers en deuil » – les chaussures en deuil sont crevées, épuisées, enfin jusque-là je le croyais.

Pareil pour la moquette… parquet ciré plutôt, vu l’époque ?

« un drap de flanelle anorexique » joli, mais la flanelle est relativement épaisse, si elle est anorexique c’est qu’elle est usée, d’autre part, c’est un tissu qui ne coûte pas grand-chose et là on est en première classe, au moins.

« Au passage de la lèvre inférieure, le liquide se teinta de pourpre » un instant j’ai cru qu’elle était morte. Le rouge à lèvre bien sûr. D’où la vérification plus haut de la chemise. Une piste que j’aurais aimé suivre mais c'est pas le sujet de l'histoire.

« Un petit crissement plaintif s'échappait à chaque pression du bois sur l'épiderme bovin. » le « sur » me gêne, ce serait plutôt « sous » ? ; épiderme aussi, pieds nus ce serait passé mais là... il est chaussé.

« ce territoire toujours vierge » : l’escalier ? Personne à part Bouvard ne l’emprunte ?

« Je suis Mathilde. » peut-être ici « je m’appelle »… du fait des répétitions êtes/suis

Il y a (avis très personnel) trop de choses dans le paragraphe commençant par « Mathilde était de ces femmes » jusqu’à « nocturne ». Ca va trop vite. Etudes, chambre de bonne, maîtresse, plus ses impressions le concernant, c’est un peu trop regroupé, ça donne l’impression de vite expédié. (Tant pis s’il y a trop de caractères, tant pis pour ceux qui n’auront pas le courage de te lire même en très long, savent pas ce qu’ils perdent.)

J’adore le cynisme du paragraphe consacré à madame Bouvard. Le portrait jusque là que je trouve le plus réussi. Il ne m’a pas séduite pour son originalité mais bien par les mots employés. Le ton surtout. La plume, trempée dans le vitriol.

A la première lecture, je me suis dit que tu prêtais beaucoup d’importance à la façon de marcher de tes personnages. Curieux mais intéressant. Peut-être un poil lassant mais il y a de la recherche, pas une description n’est identique. Celle du serveur est même très visuelle.

« Il revit sa main grumeleuse serpenter le long des hanches de violoncelle. » avis perso tjrs : j’aurais préféré « de ses hanches de », question de visualisation. Ou de tempo.

La description de la salle à manger, du fait du nom du paquebot « le Teutonic », des images se sont imposées… bref, la salle à manger, à cause des termes choisis pour la décrire me parait fatiguée, morne ou triste dans son ameublement, alors que je la voyais immense, damassée, rutilante.

De plus, il me semble, suis pas certaine, que le salon est une pièce fermée, à part. Parce que justement les hommes peuvent y fumer en paix sans gêner ces dââmes. Là on dirait qu’il est compris dans la salle-à-manger.

« était habillée aux couleurs de l'automne » "des" couleurs de l’automne ?
Réapparition de la moquette, elle m’embarrasse ici aussi. Je voyais plus des parquets cirés. Brillants.

« Derrière le comptoir, un serveur exhibait son sourire mélangé au shaker, sans morceaux apparents. » sans morceaux ? comprends pas.

« Ses pas moulinaient sur les lattes lustrées » où est passée la moquette... ? Qui a volé la moquette ?

Les deux hommes font connaissance. Là aussi ça va trop vite… On parle cigares, d'un en-cas et juste à ce moment là Armand sort un carnet de sa poche.
Un moment j’ai cru que c’était le menu et je n’ai plus rien compris.
Je trouve quand même, bien que… mais bon, la façon de parler de monsieur Armand trop pompeuse, et agaçante à force de répéter mon habano par-ci, mon habano par-là.

« veste ébène » oui mais… un peu lourde à porter, non ?

« Une subtile odeur de cardamome s'échappait de l'ensemble » pourquoi de « l’ensemble » il ne s’agit que d’un carnet. J’aurais plus vu l’odeur s’échapper des pages, d’ailleurs ensuite, on y arrive.

J’aime bien les dialogues entre Armand et Bouvard, mais quelque chose me gêne. Armand sait comment tout cela va finir, alors, que la mort soit servie froide ou chaude, pourquoi poser la question et quelle est l’incidence là-dessus de son goût pour la prose ou la poésie ?

Je ne comprends pas trop « Je peux influencer la pensée d'une personne par mes simples paroles. » Une fausse piste encore ? Je ne vois pas comment il peut influencer qui que ce soit avec des citations… Je ne comprends pas la puissance d’évocation de la phrase de Voltaire. Il y a une réaction chez Bouvard, c’est certain, mais je ne comprends pas pourquoi à ce moment là il se sent si différent ?

« les vagues de chaleur peuvent se répéter jusqu'à la douzaine. » sous entendre : bouffées de chaleur à cause de ce que ressent Bouvard ?

Je ne comprends pas comment Bouvard, se sentant si mal à l’aise ( ?) mais peut-être pas ( ?) accepte de suivre si docilement Armand. Il faut par conséquent remonter à la citation de Voltaire, ou peut-être à la suivante, mais c’est pas clair. Je n’arrive pas à savoir ce que ressent Bouvard.

Si je comprends bien, le don d’Armand est d’insuffler le bonheur. Dans ce cas, pourquoi apprendre le bonheur à un homme qu’il va tuer ? C’est vicieux, ce truc, dans le principe. Sans compter que Bouvard n’a rien demandé. Et qu’il s’estimait heureux comme ça. Enfin, je crois.
Un instant, j’ai cru que tout cela était commandité par Madame Bouvard mais… non.

Après cette lecture attentive, je ne sais pas quoi penser. Enthousiaste à la première lecture et à la seconde, moins. Emportée, charmée par les phrases et le style. Une valeur sûre. Je me demande si les contraintes n'ont pas joué les enquiquineuses, au fait, je ne les ai pas vues, elles y sont c'est sûr mais passent totalement inaperçues (chapeau).
Je suis donc mitigée…
J’ai ici l’impression que tu n’as pas exploré toutes les issues possibles de cette histoire.
Une belle écriture, un style élégant. Des idées originales mais là… pas suffisamment exploitées.
Pas grave, ce sera très certainement pour la prochaine fois.
Au plaisir de te lire

   Farfalino   
1/12/2009
 a aimé ce texte 
Bien
Que dire de plus après tout ces commentaires ?

Parfois l'usage pléthorique des adjectifs est un peu lourd. Le style ampoulé va bien avec l"époque. Je n'ai pas été choqué plus que ça de la disparition de Mathilde, cela campe le personnage. Peut-être qu'effectivement que le passage sur elle est trop long puisqu'elle n'a aucun intérêt dans l'histoire.

Le coté fantastique est intéressant mais pas assez poussé à mon sens (un peu plus démonstratif peut-être ?). Cela me rappelle un tueur dans le dernier Hercule Poirot qui tue par influence.

Un agréable moment de lecture.

   Anonyme   
2/12/2009
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
Bonjour,

Bon, j’avais l’intention de commenter ton texte et j’avais relevé certaines choses à cet effet, puis j’ai vu ton post et je me suis demandé si ça valait bien la peine, mais comme j’avais bossé dessus, tant pis, je te donne mes impressions qui pourront paraître évidentes vu ce que tu as toi-même déjà objecté à ton propre récit (ce qui est finalement une bonne façon de décourager les critiques, faudra que j’y pense...).

D’abord, le style, précieux, élégant, truffé d’adjectifs (ce qui m’a quand même fait un peu sourire), style raffiné qui convient bien à l’époque et à la situation me semble-t-il avec quelques jolies images : la tête avalée dans l’oreiller, le coquelicot voletant, la couleur du ciel entre les persiennes de chair, perchée sur ses 25 ans (même si l’association avec elle logeait dans une chambre de bonne favorise une image étrange je trouve) ou encore ses iris lavande qui renvoyaient à leur solitude les épouses poudrées…

Mais la recherche d’images semble parfois trop évidente et un peu inappropriée car suscitant des images qui vont à l’encontre de l’effet recherché et arrêtent du coup la lecture :
- ses souliers en deuil : évoque des chaussures usées, pas le cas ici
- sans l’ombre d’une pudeur, les aiguilles se chevauchaient : manque de naturel
- sourire de parenthèse : ben là, l’image me donne un sourire à la verticale donc j’ai un doute…
- elle avait une grâce éphémère, comme si chaque geste pouvait être le dernier : là, en revanche, c’est terriblement banal.
- Le serveur exhibait son sourire mélangé au shaker (très bien ça) sans morceaux apparents (aïe, ça se gâte, même avec ton explication, c’est pas très heureux)
- Armand ouvrit son carnet, comme on recouvre d’un linceul un être cher : l’image n’est pas heureuse, l’ouverture et le linceul sont antinomiques ici
- Le drap de flanelle anorexique : ne veut rien dire, ça sent l’envie d’effet.

Je n’ai pas tout relevé mais l’ensemble me laisse l’impression d’un vrai travail sur le style, avec une volonté d’imprimer dans l’esprit du lecteur de belles images, au détriment de leur sens parfois et cette volonté me parait parfois trop évidente, donnant un effet artificiel à certaines tournures, même si l’ensemble reste raffiné, presque pédant dans cette recherche, mais me convient assez car je suis assez sensible aux efforts de style. Avec cependant de petites erreurs ou maladresses, telles celles-ci :

- « Il fit venir le serveur », on est resté sur « Charles pense » donc le « Il » fait normalement référence à lui et non à Armand.
- « Armand précédait Charles, le visage agrémenté d’un nez de clown rougeaud… » rougeaud manque un peu de distinction mais c’est peut-être voulu, mais surtout, à la première lecture, on peut penser que c’est Armand qui est affublé de cet ornement. Tu aurais pu placer ce détail en fin de phrase, après « qui fixait le dos… » à mon sens bien sûr.

Sur le fond, évidemment, il y a quelques grosses faiblesses dont tu t’es déjà expliqué. Il manque quelques clés pour donner à ton récit une vraie cohérence. Pour le compte de qui agit l’assassin notamment, le rôle éventuel des deux femmes dans ce meurtre, le pourquoi de l’évidence de la rencontre entre les deux hommes qui paraît très artificielle ici et très sujette au hasard pour un meurtrier qui semble pourtant si efficace et prévoyant.

Mais en fait, la grande faiblesse de ce récit tient paradoxalement plus au style qu’au fond : tu n’as tout simplement pas su rendre le pouvoir étonnant (et très évocateur) de l’assassin, sa faculté de faire toucher à l’orgasme grâce aux écrits des auteurs (vraiment bien l’idée pourtant, un peu mégalo, mais c’est un peu le rêve de tout auteur, à sa propre échelle, non ?). C’est là le plus gros reproche que je te ferai, avoir sabordé une vraiment bonne idée, sans avoir su traduire le pouvoir des mots (c’est quand même paradoxal pour un auteur), leur capacité à plonger le brave Charles dans un état de béatitude tel que l’idée de la mort en devient, sinon séduisante, tout à fait secondaire… C’est là me semble-t-il le gros échec de ce récit, mais l’idée est là, et tu pourras éventuellement la travailler ultérieurement.

Bonne continuation.

   Anonyme   
2/12/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Selenim: trop d'adjectif tue l'adjectif! C'est ce qui me vient à l'esprit à la relecture de ton texte.

Tu les multiplies, à un point tel que ça lasse vraiment au bout d'un moment. Certes, la "préciosité" des deux personnages pourrait inciter à ce penchant, mais tout de même...

Sinon j'aime la façon dont le récit coule: c'est fluide, sans trop de heurts, plaisant.

Peut être un peu trop fluide justement! On se laisse amener par l'histoire, petit à petit, on attend une chute, et finalement, on reste un peu sur sa faim.

Je ne reviendrai pas sur tes personnages qui sont très bons, l'un comme l'autre.
J'apprécie l'élégance de l'assassin et son sens de l'esthétique, j'apprécie aussi l'industriel, que tu aurais peut être caricaturer un peu plus.
De plus la définition de Bierce est intérressante placée dans ce contexte.

Bref de très bonnes choses, mais c'est un peu comme le potage que mange Bouvard: il y a une certaine fadeur dans ton texte, alors qu'il promet quelque chose de plus épicé.

Félicitations cependant pour ta participation!

   Eric-Paul   
2/12/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Merci Selenim,

un bel hommage au pouvoir des mots

très joli meurtre !!!

   Menvussa   
3/12/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Un texte superbement bien construit. L’humour, l’ironie nous sont servis sur un plateau d’argent. À déguster sans précipitation mais sans modération. L’auteur utilise un langage imagé et en use avec finesse, raffinement et sensualité. C’est un régal. Une véritable ambiance se crée, feutrée. Sous une certaine nonchalance un drame se joue.

J’ai relevé quelques-unes de ces tournures qui nous permettent de deviner derrière les mots, des traits de personnalité.
… il déshabilla une savonnette…
… il déduisit qu'il n'y avait qu'une intimité à chérir chez une femme.

D’autres qui se lisent pour le plaisir :

… la couleur du désir dont certaines habillent leurs baisers.
Alors qu'il paradait tel un coq cravaté sur les hanches métalliques de la vedette du jour
… bouffée cubaine
Mes amis m'appellent Armand. Mon comptable
Monsieur et ma femme Trésor. À moins que ce ne soit l'inverse.

En résumé ce texte m’a vraiment beaucoup plu… vous en doutiez ?

   marogne   
4/12/2009
 a aimé ce texte 
Bien
"Péril sur le transatlantique", plutôt qu'en la demeure, mais on y retrouve presque la voix cassée de Borhinger. Il ne manque que quelques mesures de Beethoven ou de Shubert pour nous plonger dans un monde dans lequel on ne sait plus qui manipule qui.

La révélation de la fin au milieu du texte, même si je me suis dit "bon on a compris!, ne gêne pas in fine grâce à une écriture agréable à lire à ce moment car débarrassée des tentations humoristiques du début. Ce sont néanmoins celles-ci qui ont un peu gâché mon plaisir global.

   NICOLE   
6/12/2009
 a aimé ce texte 
Bien
J'ai pensé à Hercule Poirot, entre autres : des petits meurtres proprets, entre gens bien élevés, sans sang, sans sueur, sans passions dissonnantes...sans émotion. C'est probablement un détachement mis en scéne par l'auteur, mais qui réussit à me maintenir à distance, dommage.
Bien écrit quand même, j'ai bien failli ne pas le signaler, tant cela semble acquis et naturel chez Selenim.

   Anonyme   
7/12/2009
 a aimé ce texte 
Un peu
Ambitions wildiennes à la sauce Nothomb (ou inversement).
On pense cruellement aux dialogues améliens, les formules mielleuses qu'assassins et victimes échangent autour d'une table, nappe immaculée,vapeurs et liqueurs au menu, l'humour par trop distingué pour être franchement agréable, un égo qui palpite à l'angle de chaque 'envolée lyrique' ; tout ceci saupoudré de descriptions gluantes, de touches d'humour mal dosées et d'une tentative plus ou moins réussie d'instaurer une ambiance 'à la XIXe'.
En bref, du potentiel gâché. Je ne reviendrais pas sur les lourdeurs et la surabondance d'adjectifs, relevés avant moi, ni sur l'utilité inapparente de certains personnages secondaires.

Cette nouvelle reste facile à lire, on désire malgré tout connaitre le fin mot de l'histoire et il y a quelques bonnes trouvailles - le nez de clown, par exemple. Dommage que l'explication du gag soit décortiquée quelques lignes plus loin, de façon aussi brutale ... Un panneau 'ici : humour' aurait semblé plus délicat.

Je ne suis pas une grande fan de la personnification systématique de chaque élément du décor, non plus.

En fait, ce texte est monstrueusement frustrant, parce qu'on devine une certaine facilité de l'auteur à manier les mots, et une intrigue ébauchée, mais en ayant l'impression de lire le brouillon, comme Selenim l'a écrit dans son sujet de forum, le 'squelette' uniquement d'un vrai texte à venir ...

Bref, je suis un peu déçue ... (sans offense !) Ce n'est pour moi ni bon ni mauvais, un texte dont j'aurais franchement souhaitée lire la version achevée mais qui, en l'état, m'a laissée sur ma faim ...

Cela dit, j'ai lu les explications en forum et donc, mon commentaire n'a pas grande valeur puisque je suppose que l'auteur en est lui-même conscient et que de plus, il a d'excellentes réponses à opposer à mes 'critiques de bâclage', donc, je fais quand même part de mon opinion pour la forme, attend de pied ferme le prochain Selenim , etc.

(et désolée pour les lecteurs que je risque de choquer par mon manque d'indulgence ...)

Au plaisir ! :D

   Cassanda   
8/12/2009
 a aimé ce texte 
Bien
Je reste partagée... D'un côté, j'ai adoré le style, les descriptions très visuelles et poétiques, l'idée originale, d'un autre côté, je n'ai pas réussi à rentrer dans l'histoire, comme si je regardais un film, un peu indifférente aux sorts de tes personnages. Le narrateur est complètement extérieur à l'action et cela m'a un peu gênée.
Ton texte est parsemée de petites merveilles : les papillons infidèles, la douceur crémeuse de la moquette, le drap de flanelle anorexique, et j'en passe... Ces trouvailles m'ont tout de suite fait penser à l'univers étrange et pourtant splendide de Boris Vian dans l'Ecume des Jours.
Je n'ai pas très bien compris l'importance de Mathilde qui occupe pourtant une grand part de ta nouvelle et j'ai aimé la chute. Les mots et les expressions pris au premier degré, une jolie idée. Les dialogues sont bien réussis, drôles.
Les contraintes du concours : elles sont passées comme une lettre à la poste et je les ai oubliées à la lecture.
Bravo en tout cas et merci pour cette lecture,

Cass

   florilange   
8/12/2009
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
Pour moi, 1 dissertation réussie. Style impeccable, bien léché, trop. Surabondance d'adjectifs.
Les personnages sont bien décrits mais toute l'ambiance reste très froide, extérieure, je n'ai pas réussi à entrer dans l'histoire, qui m'a parue longuette.
Désolée,
Florilange.

   colibam   
12/12/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
La citation qui amorce cette histoire m'a évoqué certains films catastrophe, qui sous-titrent de manière sonore la présentation des lieux. Le parallèle s'arrête là.

Encore un texte qui vogue sur le souvenir de ces paquebots de prestige qui ont assis la légende de la White Star Line.

Tout en restant classique et peu empreinte d'originalité, cette histoire m'a ravi. L'écriture est sensuelle et raffinée. Les mots ont été choisi avec minutie et l'aspect visuel de la narration ainsi que la personnification des objets rendent la lecture vivante.

Le personnage de Mathilde, avec ses iris lavande et son mélange de fragilité et d'audace juvénile, est pour le moins séduisant.

Autre point fort : l'excellence et la justesse des dialogues et notamment le passage suivant, une véritable perle :
« - Vous me voyez confus monsieur : vous m'invitez à dîner et je ne connais pas votre nom.
- J'ai les présentations et prologues en horreur. Mes amis m'appellent Armand. Mon comptable Monsieur et ma femme Trésor. À moins que ce ne soit l'inverse.
- Je vois que vous maniez l'humour avec habileté.
- L'humour, le fleuret et, pas assez souvent au goût de mon épouse, l'infidélité.
- Votre épouse a l'air plutôt conciliante.
- Oui, surtout depuis qu'elle a eu la négligence de mourir.
- Je... je suis navré.
- Et moi je suis veuf. »

J'ai assez rapidement pressenti le noeud de l'histoire, notamment avec la réplique « je tue les gens jusqu'à ce qu'ils meurent » (génial au passage, cette réplique) mais cela ne m'a pas gêné.

Du beau travail et un régal à lire.

   Anonyme   
13/12/2009
 a aimé ce texte 
Passionnément
J'ai trouvé ce texte étourdissant de maîtrise et de virtuosité, qui lorgne quelque fois du côté de jean Echenoz-un de mes écrivains préférés- bref une écriture contemporaine où la Physique rejoint par endroits la littérature (notion d'espace, de gravité...). J'ai adoré cette écriture élégante et subtile. Merci pour cette lecture.

   Pat   
13/12/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↓
L'écriture est comme d'habitude bien maîtrisée avec ses images étonnantes et originales qui en font la marque du style de l'auteur. Mon impression, toutefois, ne peut se défaire de l'idée qu'il y en a trop, que c'est trop concentré (il y a des images, des métaphores à chaque phrase, quasiment), comme si l'auteur se complaisait à ces descriptions surprenantes, poétiques et très « écrites », au détriment de ce qui me semble manquer dans ce texte : les émotions. Tout ça est très bien dit, mais donne un effet froid, distant qui me gêne pour vraiment me sentir impliquée, m'identifier aux personnages.

Je reste admirative de la capacité de l'auteur à décrire avec précision, humour, dynamisme les situations. Mais je pense que plus de saupoudrage (moins d'abondance) permettrait de mieux apprécier son récit (des images parsemées ici ou là qu'on découvrirait aux détours de la lecture relanceraient davantage l'intérêt du lecteur, à mon avis. Trop d'images tue l'image... pour moi).

J'aime beaucoup les dialogues, faits de blancs qui sous-entendent plein de choses et de décalages questions/réponses qui donnent un effet un peu surréaliste. Là, pour le coup, l'économie de moyen est intéressante et détonne avec la précision des descriptions.

L'histoire, sans être aussi originale que le style, se lit bien. Le suspense est présent, mais la structure narrative souffre d'éléments qui ne me semblent pas très plausibles : l'argument du don ou celui du nez rouge ne m'ont pas convaincue. La soumission du personnage à son meurtrier ne me paraît pas crédible. Elle est trop rapide, ne souffre d'aucune résistance. Peut-être est-ce lié à la rapidité avec laquelle ils sont évoqués, au manque de surprise de la part du personnage. Du coup, cela affaiblit la portée du récit, même si celui-ci a été placé en humour/détente. Pour moi, il s'agit plus d'un récit policier dont le ton est certes humoristique, que d'un texte d'humour à proprement parler. Du coup, on est davantage dans un registre grinçant, sarcastique. Ce qui est peut-être lié aussi à la psychologie des personnages dont aucun n'est sympathique. Pour moi, du moins.

   Selenim   
13/12/2009
Un ptit forum pseudo explicatif : Ici

   Ninjavert   
14/12/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Je n'ai pas lu le forum, je le ferai après, afin de ne pas dénaturer mon ressenti initial. Il se peut donc que certaines de mes remarques aient déjà trouvées une réponse ailleurs :)

Je ne vais pas faire très original : l'essentiel de ce que je pense a été dit par les autres.

Ce texte est superbement écrit. Je me suis délecté de nombreuses images, métaphores et autres illustrations. Elles ont été citées à plusieurs reprises donc je ne les remets pas mais, le papillon infidèle, le déshabillage de savonnette (etc.) sont autant de superbes réussites.

Bravo.

Par contre, et là encore ce fut déjà dit, il y en a peut être une surabondance. Bien qu'aucune ne m'ait dérangé à la lecture, elles ne sont pas toutes aussi réussies. Et du coup, à trop en lire (quasiment une à chaque phrase, lors de certains passages) leur impact s'en trouve amoindri. Tu as suffisamment de talent pour rendre tes phrases "normales" belles, onctueuses et évocatrices. Du coup, tu devrais limiter un peu l'usage de ces images pour les scènes, les instants, les points précis que tu veux mettre en avant, sublimer. En faire un iceberg au milieu d'une mer d'encre. Là, on a l'impression de contempler des iceberg au milieu de la banquise : ça tranche moins.

Pour le reste, je salue à nouveau ton écriture : parfaitement maîtrisée, belle, réfléchie. Un vrai régal.

Concernant l'histoire, j'ai un peu plus de réserves. Je n'ai pas été embalé, ni conquis par le déroulement. C'est intéressant, agréable à lire, on veut connaître la fin (ce qui est déjà très bien en soi ^^), mais rien de plus. Pas de passion, pas de suspens, pas de tension. J'ai trouvé ça plat. Beau, mais plat.

La chute est annoncée tôt. Je pense que c'est voulu, qu'il n'y avait pas d'intention de surprendre là dessus. Dès qu'Armand s'annonce comme Assassin, je me suis douté que Charles y passerait avant la fin. Peut-être y avait-il plus une volonté de surprendre sur les méthodes de notre tueur ?

Mais du coup, je ne me suis jamais inquiété pour Charles. Ca a été dit aussi, mais je trouve que nos deux personnages manquent de charisme, de profondeur. Charles est bien décrit, bien amené au travers des descriptions de son rôle d'entrepreneur, de mari, d'amant. Mais dès qu'il rencontre Armand, Pffft, plus rien. Il devient transparent, intangible. Il m'a fait penser au "Mr Cellophane" de la comédie musicale Chicago.

Est-ce Armand qui lui sappe toute volonté propre ? Toute épaisseur ? Tout caractère ? Dès qu'il commence les citations à la rigueur, mais avant Charles devrait continuer à être "lui-même"... là il m'a semblé bien discret.

Armand aussi, est un peu fade. Pourtant c'est un personnage incroyable ! Fascinant, imposant. Il devrait avoir cette prestence, cette présence. Or je l'ai trouvé un peu rapidement brossé. On ne sait rien de lui, pas sur son passé (normal), mais au delà des deux - trois descriptions physiques et du ton qu'il emploie, pfff, plus rien.
Quelles sont ses motivations ? Pourquoi tue-t-il ? Non, ça on le sait. Mais le côté mercantile de l'acte, le côté "gratuit" (parce que fait pour de l'argent) réduit l'impact du geste. J'aurai trouvé Armand plus "accrocheur" s'il avait eu des motivations propres (pas incompatibles avec l'appât du gain, hein).

Au final, il ne m'est jamais apparu sympathique, ni fascinant. On sait trop vite qui il est, sans surprise, et sa personnalité ne nous livre aucune source d'intérêt supplémentaire.

J'ai accroché sur le passage où Charles se présente (ou plutôt reconnaît ne pas s'être présenté).
Armand répond "ennuyeux" (de mémoire). Pourquoi ? Il ne l'a jamais vu ? Peu probable, pour un assassin de son calibre, d'envoyer une invitation à sa cible sans même connaître son visage. De plus, il est sur le bateau depuis au moins 24h (on ne tue pas le dimanche), il a eu le temps de le repérer. Donc s'il le connaît, en quoi trouve-t-il cela ennuyeux que Charles ne se soit pas présenté ? Peut être est-ce pour une simple raison d'étiquette, mais bon. (ça reste un tout petit détail)

Au final, je suis un peu déçu par la fin. Charles nous est décrit de manière profonde et intéressante (jusqu'à sa rencontre avec Armand). Sa femme, sa maîtresse, son métier... son rang, qu'on devine, etc.
Le voir mourir sans même savoir pourquoi m'a déçu. D'autant que cette mort, comme je l'ai dit plus haut, est prévisible.

Du coup, que reste-t-il pour piquer l'intérêt ? La façon de tuer ? Moui. Intéressante, mais je trouve que tu aurais pu mieux l'exploiter. Ca m'a immédiatemment fait penser à "L'échiquier du mal", de Dan Simmons. Pas en mal, hein, pas dans le sens "plagiat" du terme. Non. Mais le principe de contrôler la pensée, d'amener une personne à obéir, en totale aliénation.

C'est la même chose, que ça se fasse via un contrôle mental classique, ou imagé de citations choisies. (C'est plus classe, bien sûr, mais ça n'est probablement au final qu'un artifice).

Or j'aurai aimé visualiser un peu plus précisemment les effets de ce contrôle sur Charles. Sentir sa volonté ployer, s'effondrer. Le sentir fondre entre les "mains" de l'assassin. D'homme, devenir pantin.
Là, tu nous évoques quelques traces de ce phénomène, mais rien de plus. J'aurai aimé que tu décrives plus cette béatitude, ce bonheur. Cette extase. Qu'Armand relâche cette emprise, simplement à la fin, et que cette seule privation soit insupportable à Charles au point qu'il se balance. Tu nous le décris comme le bonheur suprême, innaccessible, inconcevable. Or Charles dit juste "Mais votre don m'a apporté en une soirée plus de bonheur qu'en une seule vie."

C'est un peu court pour quelqu'un qui vient de toucher à l'extase absolue. Dit comme ça, ça ne fait pas rêver et du coup, ça ne m'a pas vraiment convaincu concernant les capacités de notre Assassin.

Au final, tu as peut être passé trop de "temps" sur des détails (la maîtresse, la femme, le contexte historique), au détriment du reste. C'est intéressant, délicieux à lire sous ta plume acérée, mais ça n'était pas l'essentiel de l'histoire : juste du contexte. Alors que le coeur, la rencontre avec Armand et le personnage de l'Assassin, tout ça nous est brossé bien vite, trop à plat.

C'est dommage, j'aurai souhaité y voir un traitement au moins aussi riche.

En tout cas, ce texte reste une belle réussite, à la maîtrise technique impressionnante. Et une lecture très agréable. Merci pour ce meurtre de toute beauté ;)

Ninj'

   aldenor   
15/12/2009
 a aimé ce texte 
Bien
J’ai commencé par admirer le raffinement et la subtilité du style ; mais en fin de compte je trouve que l’auteur en fait trop. Cette recherche permanente de l’effet de style manque de naturel et hache la lecture ; je n’ai jamais pu vraiment me plonger franchement dans le récit, tout le temps distrait par les comparaisons et les adjectifs.

   Meleagre   
15/12/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Décidément, 1889, navire et assassin font bon ménage sur Oniris.
J'ai bine aimé cette version savoureuse et intéressante d'un meurtre sur le nouveau paquebot de la White Star Line. L'atmosphère, feutrée et raffinée, ainsi que les personnages, contrastés et stylisés, sont bien posés.
J'aime bien la présentation de Mathilde (malgré le filet de bave, dont on pouvait se passer), et notamment la métaphore "Un coquelicot voletant sur une nappe de pétrole".
Charles déambule beaucoup sur le navire, et la nouvelle rend compte de ses déplacements, pour nous montrer, à travres le regard du personnage principal, des lieux neufs lors d'un voyage inaugural.
Le dialogue entre Charles et Armand est pour le moins déconcertant, notamment l'échange "- Et quelle profession exercez-vous ? / - Tueur. / - Tueur ?". Peut-être un peu trop abrupt ; Armand aurait pu aborder le sujet de façon plus détournée.
J'aime bien l'idée de pousser qqn au suicide par des phrases littéraires : ça fait réfléchir sur la façon de détourner des oeuvres... La phrase de Voltaire est bien choisie ; celle sur la servitude me laisse plus dubitatif. J'aurais bien aimé que l'effet exercé par ces phrases sur Charles soit mieux décrit : comment en arrive-t-il à perdre le contrôle de lui-même, à vouloir en finir ? La dernière phrase, sur l'Océan, est particulièrement bien choisie (merci Lapsus pour la référence).
Le tout émaillé d'un style assez bien travaillé, je trouve, avec des adjectifs savoureux, même si parfois décalés (ou puisque décalés, c'est selon). La description du salon en est un bon exemple (merci pour l'hypallage "À chaque nouvelle bouffée cubaine" !).
Bref, une bonne idée servie par un style assez agréable ; il manque seulement des précisions sur l'effet de ces phrases sur Charles.
Merci Selenim pour ce texte original et savoureux.

   Anonyme   
16/12/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↑
J'ai aimé. Même si déjà-lu en arrière plan (Nothomb, Christie et mon novelliste préféré ont tous déjà utilisé le truc du "meurtriersympa"), j'ai trouvé ça bien amené. Du coup moi dès le début j'ai compris la chute.

Mais je me suis laissé porter par la qualité d'écriture, la manière dont le tableau (car c'en est un, ou une photo qui s'anime sous nos doigts, à l'image du livre que promène Armand, et non l'inverse) prend vie.
Une qualité d'écriture que Sel maitrise plutôt bien malgré quelques répétitions et maladresses.

Les contraintes sont respectées (bien que la procrastination gnagnagna je l'aurais pas vue là... je pense que tu aurais pu la placer dans le descriptif de la vie du président, ou au début de la rencontre, là j'ai l'impression que tu l'as mise pour la mettre...dommage).

Merci Sel, tu ne t'illustre pas par l'originalité de l'histoire mais tu te défends dans le style, ce qui, dans l'optique de ce concours est déjà pas mal...

Bonne chance pour le concours...!

   Bidis   
18/12/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Pour moi, des métaphores dans ce texte, ont souvent gêné ma lecture. Car les mots employés étaient trop forts, (champ, deuil, anorexique, épiderme bovin…), ils suscitaient par eux-mêmes des images et brouillaient ainsi l’impression que la métaphore qui les utilisait voulait donner au lecteur. Pourtant et par ailleurs, je reconnais que l’écriture est fort belle, élégante. J’ai trouvé beaucoup d’autres figures de style parfaites, et parfaitement appropriées.
Je vais résumer mon propos avec cette phrase : « L'éclairage discret jouait avec les gouttes de verre suspendues aux lustres, avant de venir s'évaporer au ras de la moquette. ». Voilà une phrase qui commence plus que parfaitement, une image agréable et belle s’ébauche et puis le terme « évaporer » me fait trop penser à du liquide, l’adorable effet des gouttes de verre en est pour moi gâché parce que, d’un coup, exagéré.
Mais c’est mon ressenti, je peux comprendre que d’autres ne perçoivent pas les choses de la même façon.

- « un mince filet de salive s'échappant de la commissure » : on n’a pas parlé des lèvres précédemment, la commissure est un « point de jonction de certaines parties » et même si c’est souvent des lèvres dont il s’agit comme déterminatif, il faut le dire à mon avis.
- accompagnées dans leur solitude par une solide revue de fauteuils : impression de répétition à cause de la consonance « soli » dans solide et solitude
- « - Je ne peux vous proposer qu'un habano. » : pourquoi dit-il cela puisqu’il s’agit des cigares les meilleurs qui soient. Par ironie ? Alors c’est un peu plat comme humour. Ceci dit, l’humour est la chose la plus difficile à manier en écriture, je trouve, je critique ce dont je ne suis absolument pas capable.
- « Son corps noueux donnait l'impression de chuter constamment, seule l'aide conjuguée des tangages et roulis lui permettait de rester à la verticale ». A l’opposé des métaphores qui m’ont éloignée de l’impression recherchée, ceci est une image comme je les aime : on voit le serveur perdre puis retrouver son équilibre.
- « - Préférez-vous la chaleur ou la froideur ? » : là, je n’ai pas compris qui parle. Et c’est ennuyeux : à la fin de la conversation, je ne sais pas qui est le tueur. Je ne le saurai qu’après l’allusion à la vichyssoise.
- « Le serveur glissa les assiettes sur la nappe carmin. Deux verres à pied se joignirent au ballet sans heurter les danseuses de porcelaine. Le serveur maîtrisait sa mise en scène. » : répétition du mot « serveur » à peu de distance l’un de l’autre.
Mais à partir de là, le texte m’a tenue sous le charme, absolument parfait et délectable à lire et suscitant des impressions mêlées, ainsi que l’on trouve chez les tous bons auteurs.

Pour le fond, j’ai trouvé les personnages accrocheurs et j’ai suivi l’intrigue avec intérêt et grand amusement. Seulement, l’argument de la suggestion mentale ne me convainc pas du tout, j’aurais préféré du poison et d’ailleurs, c’est au poison dans le vin que j’ai pensé, ce sont les commentaires d’autres Oniriens qui m’ont ramenée à cette hypnose fort peu probable à mon sens.

   Cortese   
6/1/2010
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Très joli texte, même si l'écriture est un tout petit peu trop ciselée par moment. Bon, on ne peut quand même pas s'en plaindre !
C'est très agréable à lire, très malin, fin, harmonieux et drôle.
Le style colle aux personnages et aux décors. Certains morceaux de dialogues sont absolument savoureux :
"- Votre épouse a l'air plutôt conciliante.

- Oui, surtout depuis qu'elle a eu la négligence de mourir.

- Je... je suis navré.

- Et moi je suis veuf."

Juste assez de fantastique pour nous perdre, et presque assez de clarté pour nous retrouver...
Un délice, donc.
Mais après ? En fait, après la lecture, il reste une impression de grand plaisir, mais aussi le souvenir d'une accumulation d'adjectifs, images et autres métaphores qui, sur le moment, passent bien, mais au final laisse un goût un peu écœurant dans la bouche.
Alors voilà ; j'aime beaucoup, mais c'est à peine trop chargé, quand même. Et je n'arrive même pas bien à dire pourquoi !
Je reviendrai pour une seconde lecture.
Cortèse

   Anonyme   
16/3/2010
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
La langue est parfois un peu précieuse ; mais pas nécessairement ridicule... quoique ? Pour cette phrase oui :
Citation :
Assurément monsieur. Une liqueur de framboise vous siérait-elle ?


Néanmoins, les clins d'œil incessants du type :
Citation :
Le bois patiné luisait comme s'il avait subi les caresses d'une courtisane lubrifiée à la cire d'abeille.
se faire reluire l'ego.
le temps était monté sur un ressort de literie.
Le siège étouffa un soupir sous l'agression pondérale et s'arc-bouta pour mieux répartir la charge.

Etc...
donnent au texte des allures de déambulations érotico pachydermiques.

Un texte que j'ai trouvé léger au début mais qui s'empâte au fur et à mesure. Et puis ce ton précieux fini par agacer. Enfin trop de métaphores tue la métaphore.

Quand je lis :
Citation :
Une coulée palpitante inonda son être avec la lenteur d'un dimanche chez tante Hortense.

la coulée me reste en travers de la gorge... à la différence qu'elle ne palpite plus.

C'est très regrettable, d'autant plus qu'il n'y a rien à dire sur l'écriture. J'aurais souhaité plus de légèreté, un texte en « bulles de champagne ». Pour être franc je ne suis pas arrivé à la fin.

   Mwa   
30/4/2010
Commentaire modéré


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