Aujourd’hui, comme tous les matins, quand j’ai ouvert les yeux, ma première pensée a été pour l’accident. Et puis après, j’ai ouvert les fenêtres et j’ai vu la plage, ma plage et ses palmiers, le vrai cliché. Je suis sortie et j’ai commencé à m’occuper des palmiers.
Avant, on ne peut pas dire que je rêvais de plages désertes et de mer bleu-vert. Mon truc à moi, c’était l’urbain, la foule parlant dans un langage inconnu et les musées. J’espère que cela me sera bientôt à nouveau possible. New York, ça devait être l’apogée de ces voyages étrangers.
Dix ans de mariage à fêter, une vie simple et parfaite, un travail épanouissant. Et puis, l’accident, la veille du départ.
Les parents de Maddie venaient toujours la chercher à la maison, je n’avais pas à la ramener chez elle. Elle me saluait d’un « au revoir Tata » et partait main dans la main avec son père ou sa mère. C’était le dernier jour avant mes vacances, elle voulait montrer sa maison à sa nounou, j’ai dit oui, je la ramènerai chez vous à 19 heures. Nous sommes parties toutes les deux, elle me tirait par la main, fière de connaître le chemin. Maddie a vu sa mère devant chez elle sur le trottoir d’en face avant moi, elle m’a lâchée en criant « viens, c’est là ». Jamais d’accident, en 12 ans d’assistante maternelle, et tout s’écroule sur un trottoir résidentiel. La veille de New York. Plus envie de rien, peur de tout, c’est ce qui me définit maintenant. Trois mois plus tard, on a bien essayé de le prendre cet avion. Mais je n’ai même pas pu monter dans le taxi devant ma porte.
Je ne suis pas sortie depuis l’accident. Comment moi, j’ai pu en arriver là, perdre un enfant, le lâcher. C’est l’effet de la rue, le monde extérieur qui m’a fait faire cela. Chez moi, je peux croire encore à ma vie simple et parfaite. C’est incroyable les choses qu’on peut faire sans sortir aujourd’hui. Commander les courses, des livres, de la musique, se faire coiffer à domicile. Et puis, accueillir Bertrand le soir, si patient depuis 3 ans. Il aimait tellement nos voyages. Ça va lui faire du bien, Bora Bora. J’ai tout lu sur Internet, j’ai réservé l’hôtel au bout du bout, l’endroit le plus isolé possible. Pas de rue, pas de voiture, juste Bertrand, la plage et moi. Sûrement idéal pour se réconcilier avec le monde extérieur.
Mon thérapeute, Bertrand, ma mère, tout le monde s’est entendu sur le fait que je devais trouver un moyen de ressortir dans la rue. Au début, je ne comprenais pas pourquoi. La maison est grande, j’ai un jardin, je vois des amies, celles qui continuent à venir prendre le thé, malgré tout. Bertrand me raconte sa journée, moi je lui cite Internet. Et puis, le coin, je connais. Des années à sortir les enfants, promenade le matin pour acheter les repas, square l’après-midi pour se défouler. J’ai plus de choses à raconter depuis que je ne bouge plus d’ici. Mais il paraît que ce « n’est pas une vie ». Qu’est-ce qui en est une, je réponds, mais je vois bien que tout le monde se regarde d’un air gêné. D’où cette idée de m’envoyer dans un ailleurs très différent, un grand pas vers un but loin dehors, plutôt qu’un petit pas pour franchir le portail.
Bora Bora, c’est vrai que je ne connais pas. Je regarde les images, la mer infinie… Mais j’ai aussi peur de m’ennuyer mortellement, tous les deux sur cette plage. Avec ce potentiel énorme de retour sur les images intérieures de l’accident, quand rien ne m’occupe. Enfin bon, on a dit Bora Bora, Bora Bora ce sera. Pour préparer le voyage, j’ai établi un planning très précis des dispositions à prendre d’ici là, et j’ai décidé de tenir une sorte de journal. Encore un de ces trucs thérapeutiques qui va m’amadouer l’idée de ma prochaine sortie. Tout d’abord, je dois m’occuper de mon physique. Avant, je préparais chaque jour une viande ou du poisson, accompagné de légumes frais, que je mixais en petits pots maison pour les enfants qui m’étaient confiés. Je m’en gardais une part, chez moi, on mangeait équilibré. Le soir, je cuisinais pour Bertrand et moi des repas plus élaborés, toujours avec mes achats du marché. Depuis 3 ans, je me suis concentrée sur le repas du soir, je n’ai plus que Bertrand à ravir mais je peux cuisiner toute la journée. Les ingrédients me sont livrés directement à domicile. Je picore tout du long dans les plats gastronomiques que j’élabore, paraît-il par compensation. Je connais tous les sites de cuisine, Cuisiner.fr, Marmiton.org, Jecuisinecomme1chef.com. Bertrand et moi avons pris 10 kg. Chacun. L’absence de marche, les éclairs au chocolat maison, les sabayons et gratins dauphinois ont fait de moi une autre de la gorge aux genoux.
Qu’à cela ne tienne, avant Bora Bora, j’aurai remédié à cela. Je me suis commandé sur Parfaite.fr un de ces appareils de torture qui promet une marche en apesanteur, le meilleur exercice sans risque pour les articulations. Une heure par jour d’ici au départ. J’ajouterai quelques abdos avec Sportcoach-online si l’inspiration est là. J’ai aussi fait l’acquisition, sur Soleilenboite.ch, d’un lit de bronzage qui me rendra quelques couleurs. Pas question de paraître en maillot dans ma couleur patate blette cultivée en cuisine. À cela, j’ai ajouté une livraison de plusieurs guides sur les îles et de posters pour me mettre dans l’ambiance. Entre appareillages divers et affiches de plages et de palmiers, le salon a déjà changé d’allure. Pour le départ, j’ai reçu d’un site pas très officiel des calmants qui devraient minorer efficacement la réponse habituelle de mon corps quand j’essaye de lui faire franchir la porte. Une bonne grosse torpeur me permettra d’atteindre le taxi. Bertrand est un peu réticent à mon idée de quitter la maison au milieu de la nuit, quelle que soit l’heure de l’avion, mais je ne peux imaginer voir défiler en plein jour les rues qui me sont désormais insupportables.
Toute cette organisation, penser à chaque détail, me prend beaucoup de temps désormais, c’est pourquoi le départ ne sera pas possible avant plusieurs mois. Je vaque donc à ces nouvelles activités, gym, cuisine diététique, bronzette, sans trop d’inquiétude. Il y a quinze jours, j’ai trouvé sur Doigtsverts.com des palmiers nains que j’ai plantés dans le bac à sable désormais inutile. Parfois, je sors une serviette et je m’allonge dans le sable, je mets un CD qui imite le bruit de l’océan. Je ferme les yeux pour voir comment cela fera. Les voisins font de toute façon déjà partie de ceux qui m’appellent la folle, ça me console de leur donner une bonne raison d’y croire. Contrairement à ce qu’ils disent, je ne suis pas victime de mon emprisonnement, j’ai juste choisi ma maison comme havre de paix, mon île au milieu de ces rues désormais infranchissables. C’est Bertrand qui doit s’occuper des billets. Il tient à les acheter dans une agence de voyages, plutôt que sur Govoyage ou Nouvellesfrontieres.com. Mon mari voit Internet comme une passion mauvaise pour moi, quelque chose qui le menace. On ne peut pas dire que je rencontre beaucoup d’hommes dans ma réclusion volontaire, il faut bien qu’il soit jaloux de quelque chose ma foi, et il a pris l’ordinateur en grippe.
Moi, c’est sa pipe que je déteste. Je ne sais franchement pas pourquoi il s’est mis à fumer après l’accident, et pourquoi la pipe en plus ! Ce n’est pas de son âge, et ça l’oblige à sortir dans le jardin devant la maison, sitôt rentré, car l’odeur m’est insupportable. Une sorte de pied de nez, je passe mon temps à l’intérieur, et lui, de plus en plus dehors. La nuit, il contemple les étoiles en faisant des ronds de fumée, peut-être en rêvant à des voyages lointains. Un voyage par an, jusqu’il y a trois ans, cela lui manque sûrement. Sa pipe reste à la maison dans la journée, il ne fume pas ailleurs que devant chez nous. Chaque jour, je la cache dans un endroit différent, mais il la retrouve toujours. Aujourd’hui, avec toutes ces nouvelles occupations, j’ai oublié. Je prends la pipe et je la glisse dans le tiroir de la commode. Et là, je découvre les billets… Bertrand les a donc déjà achetés ! Je reconnais ces enveloppes de papier décorées dans lesquelles les agences se croient obligées de les emballer pour justifier le prix du bout de papier. 2 enveloppes, chacune avec son aller-retour vers les îles. Bizarrement, la deuxième contient un billet de plus. C’est un aller Paris- New York au nom de Bertrand, daté du lendemain du départ prévu pour Bora Bora. Je réalise que Bertrand ne croit pas à notre envol vers les îles. Il s’est décidé à voyager, et tout seul s’il le faut. Je re-glisse les billets dans les petites enveloppes Air France, et les retourne machinalement au moment de les ranger. Air France s’est fendu d’un décor photo. Sur une plage toute blanche, bordée de cette fameuse mer bleu-vert, et entre deux palmiers, une petite fille court vers ses parents qui lui tendent les bras. Je remets les billets dans le tiroir, le repousse doucement et cours vomir mon déjeuner dans l’évier. Voilà 2 jours que j’ai découvert le Paris-New York de Bertrand. Je n’ai rien dit. Bertrand lui-même est du genre peu causant, alors on pourrait bien arriver au jour du départ sans que personne n’ait bronché. Pourtant, l’idée de perdre Bertrand, quoique muet et fumeur de pipe, m’est insupportable. Pendant toutes ces années, avant et après l’accident, il a toujours été là. Cet homme a une vraie présence, il n’a pas besoin de parler. Le seul fait de poser ma tête contre son épaule suffit à me faire penser que tout ira bien. J’ai souvent été tentée de prêter son épaule à quelques amies dans le besoin, tellement j’ai confiance en lui et en la vertu magique de cette partie de son anatomie. C’est l’épaule gauche qui me va le mieux. Même un peu plus enrobée, c’est cette épaule que j’attends le soir. Bien sûr, l’épaule ne soigne pas tout, sinon je gambaderais dans les boutiques au lieu d’arpenter ma cuisine. Mais c’est quand même l’épaule de Bertrand qui m’a tenue debout depuis 3 ans. Je n’aurais jamais imaginé que cette épaule, et le bon bout d’homme qui va avec, puissent sortir de ma vie. Maintenant, je doute. New York, c’était mon rêve à moi, dans lequel Bertrand m’avait rejointe. Et aujourd’hui, il s’y voit seul.
C’est vrai que les voyages, c’était un peu notre projet commun. Nous n’avons pas d’enfant, moi j’avais ceux des autres, qui me suffisaient pour l’instant. Alors, notre vie, c’était un quotidien tranquille, ma tête contre son épaule le soir sur le canapé, et des parenthèses un peu plus folles dans des voyages extraordinaires. Le Maroc, la foule de la place Jamaâ El Fna avant le désert aux confins de l’Atlas ; l’Afrique du Sud, avec les rues sans piétons de Cape Town avoisinant les townships aux innombrables enfants massés derrière les barbelés... Aujourd’hui, c’est comme si l’appel de l’étranger était plus fort que notre amour familier. Je me dis que l’équilibre de ma tête contre son épaule ne tient que si un peu d’exotisme vient nous nourrir. Je ne savais pas, les choses s’étaient installées naturellement comme cela, et maintenant j’ai l’impression que tout cela est compromis. Mais je n’en parle pas. Le point positif, c’est que je maigris à vue d’œil, de façon bien plus rapide que prévue. Si j’arrive à monter dans ce taxi, je vais assurer en maillot sur la plage. J’y arriverai. Je passe pas mal de temps sur Tripadvisor, où on peut lire les conseils de voyageurs avisés. Parfois, j’y vais sans aucune intention de visiter un pays, par exemple la Namibie. J’ai l’impression qu’il n’y a rien à y faire, à part des cactus et des réserves d’animaux, mais bon, au final, j’y passe l’après-midi. Je détaille les commentaires sur la compagnie locale, Flyzoulou, comme si j’allais décoller demain. Éviter le vol du matin, trop de brouillard, toujours en retard. Malgré cette abondance d’informations, il n’y a pas grand-chose sur Bora Bora. Mais hier, je suis tombée sur le témoignage de Peter K. C’est un habitué de Tripadvisor, qui commente scrupuleusement tous les voyages qu’il fait avec sa petite famille. On sent que c’est un homme qui a à cœur de partager son expérience pour que les autres se sentent bien. Comptez sur lui pour signaler l’absence de climatisation dans un hôtel qui se targue pourtant de l’offrir. Peter a surtout le chic pour indiquer les lieux exceptionnels et relater des rencontres étonnantes. Visiter avec lui un pays d’Afrique subéquatoriale en une après-midi est un vrai plaisir. À Bora Bora, j’ai réservé l’hôtel préféré de Peter. Je lui ai envoyé un petit mot pour l’en informer et le remercier. Il m’a alors conseillé de lire son expérience avec les Kamayas. Les Kamayas, m’explique-t-il, sont une peuplade autochtone très mal connue, et difficile à rencontrer. La préoccupation des touristes est rarement l’ethnologie, ce qui permet aux Kamayas de rester assez imperméables au développement économique de resorts luxueux. Il faut rallier Motu One pour les rejoindre, à bord d’une frêle baleinière. Le passage vers l’atoll est tellement étroit qu’il faut lever les avirons au dernier moment pour pouvoir le franchir. Mais Peter K. l’a fait, et nous offre son récit. « La principale motivation à rencontrer les Kamayas ne devrait pas être uniquement le partage d’un pur moment d’authenticité mais aussi d’inspiration. Les Kamayas ont en effet une philosophie de la vie qui leur permet de surpasser positivement leurs soucis. Rien, je dis bien rien, ne les affecte durablement. Ils ont développé des rituels pour anéantir chacune des émotions négatives qui nous minent tant, nous autres Occidentaux. Chaque sentiment, comme la haine, la colère, le regret, fait l’objet d’un soin collectif très codé qui peut durer plusieurs jours mais libère totalement la personne. Je peux affirmer que chaque Kamaya est profondément heureux et serein, et que si l’un de ces sentiments l’affecte, il trouvera une ressource rituelle salvatrice impliquant la participation de toute la communauté. J’ai eu le privilège d’assister à l’anéantissement d’un sentiment de culpabilité envahissant une jeune fille ayant percé par mégarde la carotide de son père d’une flèche empoisonnée. La purification implique tous les Kamayas. Pendant 3 jours, ils se relaient pour porter la responsabilité et le deuil sous forme de statues de 100 kg, à moitié immergées dans le lagon. Ces statues sont faites d’un savon très dense qui se dissout peu à peu. J’ai participé à porter ces symboles de sentiments accablants et je dois dire que je me suis moi-même senti libéré d’un poids immense à leur dissolution en bulles verdâtres dans l’eau du lagon. »
Juste après avoir découvert et lu trois fois ce récit de Peter K., je reste près d’une heure assise face à l’ordinateur sans bouger, comme sous l’effet d’un envoûtement virtuel. Je ne serais pas plus impressionnée si un Kamaya en pagne chargé d’une lourde statue surgissait brusquement dans mon salon. Je vois du coin de l’œil mes posters, mes palmiers, ma table de bronzage… j’ai l’impression que cette représentation des îles est tellement superficielle au regard de ce que peut m’apporter ce voyage. Ce départ à Bora Bora, je me l’étais fixé comme un défi, un peu vide de sens. C’était juste la garantie de trouver un autre monde, dépourvu de rues similaires à celles de mon quartier, un univers un peu plus vaste que ma cuisine. Ce choix un peu hasardeux a trouvé sa valeur dans l’existence des Kamayas et leur philosophie de vie, comme s’ils m’avaient appelée à eux, pour une possible guérison. Je vois aussi à quel point mon enfermement est moins anodin que je ne voulais le croire et le faire croire. La force de ma réaction montre que Bertrand avait raison. Je ne serais pas partie. La motivation de laisser ma cuisine pour une plage déserte ne m’aurait pas suffi. Mes rituels quotidiens de préparation n’étaient que dissimulation. Je croyais apprivoiser l’idée mais en fait, j’essayais d’intégrer Bora Bora à ma cuisine et mon bac à sable. Je vais chercher deux enveloppes blanches dans lesquelles je glisse les billets d’avion sans les regarder et je les range à nouveau dans la commode. Chaque jour, je relis le rituel des Kamayas. J’ai même écrit à Peter pour lui raconter mon histoire et l’espoir que représente son récit pour moi. C’est la première fois que je parle de l’accident à quelqu'un d’autre, en dehors de Bertrand et de mon thérapeute, et surtout que je reconnais avoir un problème handicapant de culpabilité. Peter m’a sérieusement encouragée à rallier les Kamayas par tous les moyens. Bien sûr, les Kamayas n’ont ni mail ni téléphone, mais Peter a gardé les coordonnées d’un guide sur place qui pourra faire le lien. Hier, j’ai appelé l’agence de voyages. Je leur ai demandé de changer les 3 billets par coursier. Nous partirons bien pour Tahiti-Bora Bora mais le retour se fera via New York. Je n’ai encore rien dit à Bertrand. Je voudrais lui faire la surprise mais je me demande comment il fera sa valise, avec toutes ces incertitudes. Peut-être qu’au-delà du réconfortant contact avec son épaule, je devrais lui parler plus. Parler de ce qu’il ressent, de ce qui l’a enfermé, lui aussi, pendant ces 3 ans. Bertrand rentre tous les soirs à 18 h 40. Son bureau est à 40 minutes de marche et il aime bien cette promenade du soir. Il est toujours parfaitement exact. Aujourd’hui, je suis sortie à 18 h 39. J’ai attendu Bertrand devant le portail. C’est un tout petit portail assez bas, qui borde le jardin avant. Debout devant lui, il m’arrive à peine aux fesses. Pourtant cette barrière de plastique a été mon infranchissable barrière de corail pendant 3 ans. Me protégeant de la pleine mer du monde extérieur, mais m’empêchant d’aller au-delà. Ma minute d’attente est interminable au début, mais je tiens et cela finit par me sembler simple, rassurée par le contact du portail en plastique derrière moi. Quand Bertrand arrive, il s’arrête à quelques pas. Il ne dit rien, avance et me serre contre lui. Je niche mon nez dans son épaule. Maintenant qu’il est là, je sais que j’ai eu raison de résister 60 secondes à l’envie de courir rejoindre ma cuisine. Bertrand me prend par la main et m’emmène au bout de notre rue. Il y a là un petit bar de quartier où nous prenions souvent un verre le soir avec les voisins. Nous nous asseyons quelques instants en terrasse, mais brusquement, il faut que je me lève. Bertrand me demande si je veux rentrer. En réalité, tout ce que souhaite, c’est marcher avec son bras autour de ma taille, ma tête sur son épaule. On a fait le tour du pâté de maisons. C’est un petit quartier, mais c’était tout de même fatigant pour qui a perdu l’habitude du bruit de la rue, de croiser des piétons qui viennent juste en face sur le trottoir, de saluer quelques têtes connues qui se retournent sur notre passage. Demain, j’irai chercher Bertrand à son travail. Nous irons dîner au restaurant et je lui parlerai des Kamayas. Je lui demanderai de venir avec moi, d’être encore mon épaule pendant ce rituel nécessaire. Et puis, je sortirai les billets et je lui demanderai de préparer aussi une valise pour New York.
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