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Humour/Détente
solidane : Comptes insolubles comme un morceau de sucre
 Publié le 16/05/09  -  13 commentaires  -  6848 caractères  -  50 lectures    Autres textes du même auteur

Un divorce, c'est pas si compliqué... Il suffit de s'organiser.


Comptes insolubles comme un morceau de sucre


- L’assurance, c’est 227 €, j’arrondis. À celle-ci s’ajoute ta mutuelle de 250 €. Tu me dois donc à peu près 477 € par an. Inversement, il est juste que je te rétrocède les 100 € mensuels du supplément familial. Tiens, peux-tu me rattraper ce sept qui se « fait la malle ». Merci, reste à séparer nos crédits…


Un peu de patience, je suis en train de faire les comptes avec Léa, moins simple que vous ne le pensez.


- Si tu pouvais, Léa, prendre la calculatrice et je te fournis les données.


Je sais que vous attendez un texte moins stérile. Mais qui va les faire ces comptes vous ou elle et moi ?


- Un moment s’il te plaît Léa, je ne peux pas tout faire en même temps, je sais que tu attends mes chiffres. J’en ai pour un instant.


Voyez-vous une curieuse division (rien à voir avec la calculatrice) s’est opérée, je peux à la fois vivre la difficulté et les incompréhensions de cette situation de séparation et aligner les chiffres nécessaires à son opération, posément. Un comptable froid s’est installé en moi.


- Oui, tu prends déjà la masse globale des crédits. Combien ? 115 € voiture et 142 € pour les autres. Tu me donnes le total.


Je comprends que l’énumération de ces nombres vous soit fastidieuse, rien de pathétique, rien de vivant et puis, vous avez les vôtres, je sais.


- 253 € parfait, il faudrait maintenant qu’on établisse une proportion pour chacun…


Non sincèrement, laissez-moi cinq minutes, sinon on n’avancera pas. Je m’excuse, on vient de sonner. C’est Maryline, la voisine, une erreur de courrier probablement.


- Entrez, vous ne me dérangez pas, vous allez bien prendre un café… Je vous présente Léa… ! ! ! Excusez-moi, c’est une façon de parler, il n’y a personne ici. J’arrive, j’en finis avec elle au téléphone.

- Léa, as-tu estimé ce qui nous revient à chacun. Je sais, mais on est obligé de faire ça à peu près.


Vous noterez que ce n’est pas moi qui estime ce qui est juste, quand je repense à cet abruti d’avocat et à ses présupposés !


- Vous avez raison, ces erreurs de lettres arrivent assez souvent, vous prenez du sucre ?

- Non, je n’ai pas de clé de huit, désolé, c’est quand même votre métier ! Au mieux, je peux vous proposer un tire-bouchon. C’est le réparateur, un problème avec la machine à laver. Il est à côté, je l’avais oublié.

- 153 € pour moi et 100 € pour toi ? Ça me semble raisonnable. Pour en finir, qu’est-ce qu’on fait pour l’argent de poche des enfants ? Tu veux un café ? Excuse-moi, je sais bien que tu n’es pas là. Deux sucres, tenez, servez-vous. Et vous, en désirez-vous un ? Plus tard… vous êtes coincé dans le tambour de la machine ? Je viens vous aider mais je vois mal comment vous avez pu vous y rendre.


Votre impatience se comprend parfaitement. Je suis là, à régler mes problèmes ménagers. Je suis désolé, mais c’est aussi ma vie. Bien qu’elle ait subitement été bouleversée, beaucoup de scènes restent immuables.


- Eh oui Léa, la routine aussi. En quoi la tienne diffère-t-elle à présent ? Tu tiens à donner l’argent de poche ? D’accord.

- Mais non, ne partez pas, vous ne me dérangez vraiment pas, je vous ressers un café ? Vous aussi, alors cette machine ? Le tire bouchon, il est cassé ? Qu’importe, vous ne me le remboursez pas et on annule la facture. Combien de sucres ?

- Je pense oui, ça devrait pouvoir aller, je te laisse y réfléchir. Tu me rappelles si tu estimes qu’il faut modifier certains points. Tu tiens toujours à divorcer ? Une question stupide, ne m’en veux pas.

- Mais non, ce n’est pas à vous que je m’adresse. Comment pourrais-je savoir que vous allez divorcer de votre propre machine à laver. Trop, vous en avez trop vu. Phénomène de saturation, je comprends. Ne cachez pas cette tristesse. Tenez Maryline, pouvez-vous vous en occuper.


Vous pensez réellement que je n’ai pas remarqué que certains d’entre vous ont quitté cette lecture. Bien sûr, je ne vous en veux pas. Quitter, ça se fait communément.


- C’est vrai, il va falloir qu’on se voie pour mettre tout ça sur papier, certainement passer à la banque. Jeudi ? Non, j’ai une réunion. Propose-moi une autre date. Pardon, j’entends mal… le bruit de la tondeuse, j’ai oublié de l’arrêter, elle vient de pénétrer dans le salon.

- Bloquez la roue avant avec le reste du tire bouchon, pas moyen de l’arrêter autrement. Comment ça vous n’arrivez pas à la saisir ! De qui parlez-vous ? Excusez-moi, Maryline, pouvez-vous l’aider à la bloquer. C’est ça, chacun de son côté.

- Vendredi, ça me semble bon en matinée. Je sais Léa, c’est compliqué mais j’ai tant de choses à faire en ce moment. Et les poissons, qu’est ce que ça donne ?


Veuillez à nouveau m’excuser, il va falloir que je les aide.


- Doucement, doucement, elle est assez réactive, parlez-lui, Maryline. Mais non, pas au réparateur. Justement vous, pendant qu’elle calme la tondeuse, maintenez la poignée. C’est ça Maryline, proposez-lui un café. L’idée vous paraît stupide ? Chacun son truc, après tout c’est ma tondeuse, elle boit ce qu’elle veut. Combien de sucres ? Voyez ça avec elle.


C’est vrai, il est parfois plus difficile de gérer le coutumier que d’affronter ses propres sentiments, y compris quand ils sont douloureux. Vous vous lassez, ça se sent. Avez-vous une calculatrice, ça pourrait nous avancer. 590 € de remboursement de prêt maison, ensuite vous ajoutez…


- C’est exact que c’est nettement moins bruyant, à présent qu’elle est arrêtée. Merci pour le courrier Maryline, repassez quand vous voulez. Bien sûr que vous pouvez emmener le plombier. C’est vrai qu’il était dans la salle de bain et que je l’avais aussi oublié. Offrez-lui un café. Ben ici ? Non si vous pouviez le faire chez vous ? Merci, oui, oui, emmenez aussi le réparateur, de toute manière, ma machine ne fonctionne toujours pas et on a réglé nos comptes.


Combien sont encore à mon écoute ? Vous êtes fatigués, énervés. Il y a tellement d’histoires plus belles à raconter. Ah oui, effectivement… donc vous ajoutez les 245 € du prêt complémentaire et vous me faites un ratio, disons 30/70. Il n’y a donc personne qui dispose de trois minutes pour me l’établir. Non je n’ai pas dit mauvaise volonté. Oui, je l’ai pensé et après ?


- Écoute Léa, peux-tu me compter un ratio 40/60, c’est pour voir. Allo Léa, allo… allo… allo… allo ?


J’ai bien peur que cette fois elle soit partie. Je ne vous en veux pas, vous n’y êtes pour rien, mais que pouvais-je faire ? Lui dire d’attendre, lui raccrocher au nez ?

Bilan aucun compte n’est fait, ma machine reste en panne, la voisine si jolie est partie, et c’est certain, pour le compte, Léa m’a définitivement quitté.

Mais il me reste vous lecteurs, donc reprenons : l’un d’entre vous peut-il maintenir le tire-bouchon, sinon elle va redémarrer. Combien de sucres ? C’est ça, trois euros. Je sens qu’ensemble, on va enfin progresser.



 
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   Anonyme   
16/5/2009
Dérisoire et dérision. Infinie tristesse derrière les lignes. Absurdité de la vie et des situations, tout y est.
La forme est excellente (non, pas celle du narrateur, celle du texte...) et ce qui se cache sous les mots est palpable, perceptible. C'est très fouillis et en même temps fouillé, mais peut-être un peu trop fouillis et par moment la dérision est proche de l'absurde, ça ne choque pas du tout, ça m'a fait sourire parce qu'en fait je n'ai pas vu le narrateur tel qu'il se décrit, au téléphone avec Léa, je l'ai vu assis, en train de penser et remâcher tout ça en y rajoutant une bonne couche de désespoir mais d'un désespoir très relativisé et surtout maîtrisé.
Bon il manque un point d'interrogation au bout d'une phrase, parfois on ne sait plus qui parle à qui, de quoi mais c'est pas grave, (quoi que ça mériterait d'être retravaillé, posé) pour y ajouter des liants, même des soupirs, bref, des pauses. Caustique, ironiques, blasées, parce que le narrateur l'est aussi, blasé. Beau texte, surprenant, qui a besoin d'être... posé.
C'est un ressenti très personnel, mais je suis sûre qu'avec une ou deux relectures et quelques améliorations ce texte pourrait devenir un petit bijou.

   Selenim   
16/5/2009
J'ai été épaté par ce sens de la prédiction:

Vous pensez réellement que je n’ai pas remarqué que certains d’entre vous ont quitté cette lecture. Bien sûr, je ne vous en veux pas. Quitter, ça se fait communément.

J'ai effectivement stoppé ma lecture à cet endroit précis.

Un détail : 115+142=257

   aldenor   
16/5/2009
 a aimé ce texte 
Bien
Très sympathique. La tondeuse folle est une merveille. Mais très améliorable ; pas mal de confusion.
Merci pour le café.

   Menvussa   
17/5/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Je suis resté jusqu'au bout et j'ai réparé le tire bouchon. deux sucres dans le café, merci.

C'est complètement fou ce texte, et j'ai me bien quand c'est déjanté. mine de rien on la suit bien l'action. bon il nous faudrait une photo de Maryline la voisine qui a piqué le plombier et le réparateur... Quelle ménagerie.
pour les comptes, tu te débrouilles !

Ça se lit avec le sourire, c'est du déjanté pur sucre.

   widjet   
18/5/2009
 a aimé ce texte 
Un peu ↓
Armé de son sens de l’absurde et de l’auto dérision, Solidane a prit là (et de façon consciente et pleinement assumée) un sacré risque.
Celui de perdre ses lecteurs en cours de route et de se saborder.

Si je salue cette forme de courage, je dois dire que je n’ai pas mordu à l’hameçon.

Doit être plus efficace interprété à haute voix et sur des planches. Peut-être.

W

EDIT : fait rarissime, je reviens sur ma note après une seconde lecture. J'y ai vu ce qui m'avait de prime abord échappé. Alors j'ai creusé et je me suis fait mon interprétation.
Derrière cette folie (thérapeutique presque)...Une douleur béante.

   Anonyme   
18/5/2009
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
Oui la confusion jusqu'à l'absurde... et malheureusement (pourtant je suis une fan d'absurdité...je suis l'absurde...) j'ai pas accroché.

Je souligne celà dit l'exercice, pareil moi je m'y risque uniquement dans le privé...j'oserai jamais publier en prenant ce risque là...

Maintenant, je ne suis pas pour les interventions du narrateur... je trouve qu'elles alourdissent un peu l'ensemble et parfois coupent une envollée sympa...

Autre chose, je me demande si une narration externe n'aurait pas été plus appropriée.
On sent derrière la confusion une véritable recherche évolutive qui me plait mais qui aurait pu monter crescendo... à non... dommage.

Celà dit...on progresse, j'ai souri quelques fois, j'ai trouvé ça agréable, j'ai failli décrocher, mais je suis restée jusqu'à la fin...

Je note au ressenti, fouilli... encore un rien brouillon mais rigolo quand même et c***llu

   NICOLE   
22/5/2009
 a aimé ce texte 
Bien
Huuum, ça sent le vécu tout ça, ou alors c'est trés bien imité.
En tout cas, dans un cas comme dans l'autre j'ai bien aimé ce mélange touchant de désordres affectifs et matériels.

   cris   
28/5/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Et bravo. Je n'ai rien compris aux machines, au sucre, a la jolie voisine, et tout le cirque mais la confusion matérielle qui nous passe le message de la confusion affective je trouve l'idee extra. J'aime beaucoup cette desinvolture pudique. Je prendrai un café sans sucre merci.

   leon   
29/6/2009
 a aimé ce texte 
Bien
J'ai bien aimé : ça se lit bien. C'est un peu le délire dans la cambuse et ça m'a fait sourire parce qu'un divorce, ça peut être bien pire que de faire des comptes... Mais bon, j'ai bien accroché tout de même.

   leon   
29/6/2009
*

   florilange   
5/7/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Déjanté, fou, tout ce qu'on veut... en surface. Pour ne pas approfondir et s'apitoyer sur soi-même. Alors on rit, pour ne pas pleurer. Très fort, d'être le 1er à rire de ses malheurs.

Bravo pour cet exercice de style, assez réussi dans le genre.

Florilange.

   jaimme   
24/8/2009
 a aimé ce texte 
Un peu
Le texte, pour moi, est plus poignant que comique. Et je reste bloqué à ce niveau.
Les appels au lecteur ne me dérangent pas (je pratique aussi, et c'est vrai que c'est délicat).
L'ensemble me laisse un effet de malaise car cette souffrance n'est pas passée du côté du comique (je ne dois pas être en forme aujourd'hui; il faudra que je revienne un meilleur jour).

   Anonyme   
4/5/2010
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Le tire-bouchon m'est resté en travers de la gorge, le téléphone a été greffé sur la tondeuse ce qui permet de téléphoner en tondant Maryline, Léa est partie, Ah ! Léa ! Le sucre est dans le réservoir quant au café je vais en avoir un besoin urgent pour dissiper... quoi ? Je ne sais pas en fait. Tout cela est bien confus dans ma pôvre tête.


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