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solidane : Scènes de… mystère
 Publié le 25/05/09  -  7 commentaires  -  6930 caractères  -  71 lectures    Autres textes du même auteur

Peut-on réellement résumer la lumière, le bruit, la chaleur...? J'en suis incapable.


Scènes de… mystère


La lumière.


Ballet incessant, probablement rituel vu d’un au-delà, expert et scientifique. Certains entrent, d’autres sortent ; les uns vides pour déjà se remplir, les autres pleins pour mieux se vider. Portes automatiques, cellules infrarouges qui peinent à suivre le rythme. Longue chenille de fourmis précipitées.

Et cette flaque de soleil qui s’est abattue, courte averse de chaleur à s’être déposée sur l’immense parking de ce supermarché. Elle dessine un cercle presque parfait, chaud et dense, alors qu’autour la grisaille est restée indifférente, parking encore mouillé de la dernière pluie, ciel gris, chargé, plombé. La tache jaune s’est installée pour longtemps, et le long défilé des caddies s’est mis à circuler sur son pourtour, chariots au pas de course pour les enfants, récalcitrants pour les parents qui peinent et finissent par renoncer à atteindre leur voiture prisonnière de la tache. Nul n’ose pénétrer le disque lumineux.

L’organisation s’en trouve profondément perturbée, stationnement engorgé. Les nouveaux arrivants ne trouvent plus de place, personne ne part, cercle emballé. Anneau de lumière, trop chaud sûrement ; phénomène inexpliqué. Les caddies finissent par s’entrechoquer ; les victuailles amassées pour la semaine, pour la quinzaine, s’en trouvent abîmées, tassées, compressées, compactées. Rires des enfants, colère grandissante des parents.

Les autorités du grand magasin ont perçu le trouble, sorties embouteillées. L’espace de soleil semble vouloir s’agrandir, repoussant chaque fois le cercle des chariots, créant ainsi à sa lisière du disque quelques nouvelles places, bien insuffisantes pour dégager les abords du magasin. Dans le même temps, la pénombre grise recule inévitablement, et de moins en moins de véhicules peuvent être atteints par leurs propriétaires. Cercle vicieux, long serpent de caddies qui se mord la queue. Le directeur de la grande surface houspille ses employés, que fait la sécurité ? Les vitres du grand magasin enflent dangereusement sous la pression des clients accumulés, bloqués.

Le cercle de lumière s’est alors fait intense, éblouissant, supernova naissante. Un flash fulgurant stoppe la rotation incessante et hallucinée des paniers à roulettes. Regards éblouis. Et plus rien, la flaque a disparu aussi vite qu’elle s’était matérialisée. Flash intense, photo emmagasinée, la France vue du ciel. Un magnifique cliché.


Le bruit.


Cette longue auge qui aligne ses travées inutiles. Couloir sans fin, piscine asséchée qui jamais ne connut le moindre remplissage ; j’ai toujours eu du mal avec les quais. Gare d’une ville moyenne où j’attends ton arrivée. Les voyageurs en partance sont peu nombreux. Ils se tiennent en groupes essaimés le long du trottoir. Beaucoup échangent… sur quoi ? Et pourtant on n’entend nulle voix, au plus celle du micro annonçant les arrivées et départs par intermittence, c’est tout. Les gares sont toujours grises, et que l’on installe une machine à composter inévitablement jaune ou orange, que l’on cale quelques panneaux publicitaires n’y change rien. Il est rare que je fréquente ces endroits, le bord du quai m’attire et m’effraie, vieille sensation.

L’attente en ce lieu ne peut être que longue, qu’il s’agisse de quelques minutes ou d’une heure ou deux, train en retard, problème sur la voie, on fait tout notre possible… Le temps y marque toujours une pause, les gestes sont lents, les bouches articulent difficilement et rien n’est audible. Je suis pris comme les autres dans les mailles de ce filet invisible, j’allume une cigarette, laquelle ?... Celle du moment.

Alors que le haut-parleur s’annonce par ce bruit si particulier (est-ce ton train qui entre en gare ?), sa voix est couverte par un long hurlement. C’est plus un sifflement aigu et strident qui nous massacre les tympans. Je vois des mains se tendre vers les oreilles, les recouvrir en vain, la persistance du bruit recouvre l’ensemble des quais, nulle part où s’échapper, où s’enfermer. Les groupes de voyageurs cherchent à s’assembler, l’inquiétude est perceptible, elle prépare une belle panique. On s’interroge, les questions fusent, inutiles ; personne n’a de réponse et de toute manière, personne n’entend personne. Le monstre entre en gare, nous ne l’avons pas vu venir, la place était au bruit. Sa soudaineté nous fige sur place, il est titanesque, c’est un TGV souple et silencieux.

À l’avant de la machine, fixé aux tôles du toit, on a dressé un immense sifflet, coloré, au retentissement d’une portée stupéfiante. Ridicule, clownesque, la dernière trouvaille de la SNCF pour amuser ses clients. Comique assuré, image d’un service public qui se remet perpétuellement en question pour mieux séduire les voyageurs impatients. Et pourtant sur le quai… personne ne rit.


La chaleur.


C’est un tableau étonnant, paysage d’ergs dans un désert moutonneux, les tons en sont or, or rouge, or jaune, passant par de multiples nuances déclinées au soleil fatigué. Les versants ombrés des dunes conservent cette dorure, devenue sombre. Le ciel s’est chargé des mêmes teintes, il a repoussé le bleu jusqu’aux extrêmes limites du tableau.

Au centre, parcourant une longue vallée, on distingue une flèche, allongée, tirée vers le soleil déjà à moitié avalé par le sable. On ne sait trop si elle vise l’astre ou une toute petite étoile, la seule visible, légèrement à droite au-dessus du soleil.


Le projectile tire une longue cordelette nouée à l’empennage. La corde est tendue, l’autre extrémité se perd en bas du tableau, au premier plan. La perspective à cet endroit en évase le corps. On peut en distinguer les brins tressés. Que tracte cette fine corde ? Celui qui regarde le tableau ? Ou encore ce spectateur ne la retient-il pas pour l’empêcher d’atteindre son but ? Allez savoir…

Je me suis alors allongé au flanc d’une dune, j’ai suivi le mouvement de la flèche, sans impatience, son chemin est encore long. Si une légère brise fraîche s’est levée, elle ne contrarie en rien le trajet du trait ; le sable est chaud, j’y suis bien. Mes doigts effleurent les grains dorés, s’y enfoncent légèrement, ils écrivent un nom que je ne connais pas ; souffle le vent et qu’il disparaisse ! Le vol du projectile est si lent qu’il paraît presque stationnaire et pourtant je sais le mouvement. Où va-t-elle, d’où vient-elle, qui tracte-t-elle à sa suite ? Qu’importe. La brise, esprit disparu et si présent, pousse les grains de sable sur mon corps et l’enveloppe d’un doux édredon. Bien pour la nuit : je vais rester là.

J’ai fermé les yeux et remonté le sable jusqu’au cou, la flèche parcourt encore mes nuages personnels. La suivrai-je ? Le souffle poursuit son office ; au premier plan, vers le bas sur la gauche, il découvre quelques fragments de la cordelette, son cours sinueux semble remonter vers moi : rien n’est certain.

On est ensemble, liés pour peu de temps, mais je ne vous l’avais pas dit.



 
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   Anonyme   
25/5/2009
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
Bonjour solidane.
la lumière : j'aime bien l'écriture, j'ai saisi des bribes d'images qui m'ont plu. Avis vraiment très personnel : quitte à couper les phrases avec des virgules, certaines virgules transformées en point auraient servi le texte. (mais c'est mon avis) Bien aimé mais il m'a fallu plusieurs lectures avant d'entrer dans la danse des caddies. Pas trop compris comment se matérialisait cette tache de lumière ni pourquoi, mais je crois que ce n'est pas si important. Le rythme m'a bien plu, m'aurait plu encore mieux avec des points.
Le bruit : J'adore les gares, alors j'ai en commun avec toi certaines images, certaines impressions mais pas toutes.
là par contre, j'ai aimé l'écriture et le rythme. Le sifflet c'est rigolo et la critique -sous-jacente de notre Mamie SNCF n'étant point virulente, elle est amusante.
Bizarre ce bruit violent, strident et l'arrivée en souplesse du monstre TGV, bizarre aussi que tu aies choisi pour orchestrer le bruit un bolide silencieux. Mais bon... le sifflet intervient... Pourquoi ? Comme si tu trouvais les gares trop silencieuses.
la chaleur :
je sais pas, ça n'a pas fonctionné. Je ne suis pas entrée dans ce tableau surréaliste. j'ai eu du mal à le comprendre. Chaleur flèche et corde... parce que la chaleur étouffe ou prend à la gorge ? Je ne sais pas. Bcp trop hermétique pour moi. De plus la chaleur n'incite pas à la réflexion.
Ce n'est pas cette partie là que j'ai préféré.
Bonne continuation à l'auteur et au plaisir de le suivre.

   xuanvincent   
26/5/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↓
PS (écrit le lendemain du commentaire) : Ce texte me paraît pouvoir recevoir plus que deux commentaires et trois lectures.

L'importance des descriptions - très détaillées (visuelles dans le premier paragraphe puis sonores enfin sur les sensations liées à la chaleur) - m'a frappée.

L'auteur m'a paru soucieux de particulièrement soigner son écriture, par le biais de phrases assez longues et remplies d'adjectifs qualifiant les scènes décrites.

Sur le plan de l'action en revanche il m'a paru ne pas se passer grand-chose.

Un point m'a intriguée, sur le plan de la narration : je ne sais pas bien s'il y a un narrateur pour la première partie, tandis que le narrateur m'a paru apparaître clairement, en cours de narration, pour les deux parties suivantes du texte.

L'atmosphère qui se dégage de ce récit m'a paru étrange. Bien que l'on semble être par exemple dans un simple supermarché, la narration m'a paru transformer ce lieu a priori banal en un espace presque fantastique.
Les choses semblent être devenues sous la plume de l'auteur quasiment des personnages, tandis que les personnages (humains) m'ont paru étrangement absents, passer au second plan.

La première partie - sur "La lumière" - est celle que j'ai préférée, par son mélange de fantastique mêlé au banal.

En cours de lecture, j'ai pensé un peu à un rêve, à une succession de rêves étranges et étonnamment détaillés.

On pourrait imaginer une suite à ce récit ?. Par exemple sur les les sens non traités dans ce texte, pour arriver à cinq parties traitant chacune d'un sens distinct.

Au final, je retiens surtout une succession d'images sollicitant un sens dans chaque partie du texte, moins le déroulement d'un réel récit. Il pourrait s'agir là d'une sorte d'exercice de style ?

PS : Je n'avais pas lu la phrase introduisant le texte (comme cela m'arrive souvent) ; je l'ai trouvée assez curieuse (cette phrase m'a paru ne pas encourager le lecteur à commencer le récit), j'aurais sans doute préféré par exemple une phrase exprimant la même idée mais de manière interrogative.

   nico84   
28/5/2009
 a aimé ce texte 
Bien
J'ai préféré le bruit. Car c'est bien rendu à la fois dans le fond (le théme, et les mots justes), et la forme (le ton, le cadre, la scène).

La lumière est bien aussi mais j'ai l'impression que la chaleur s'y est invitée. J'ai l'impression que tu ne traite pas que la lumière. C'est un détail, j'ai aimé l'ambiance de ce supermarché.

Par contre la chaleur ne m'a pas touché. Bizarrement, je n'ai pas compris le message peut être.

Une nouvelle à commenter davantage. Bravo !

   Selenim   
30/5/2009
Il faut que je me fasse une raison, depuis le temps : je ne comprends rien à la poésie.

Ce texte est trèèèès poétique.

Selenul.

   florilange   
24/7/2009
 a aimé ce texte 
Bien
Ce texte en 3 parties, selon moi, est à prendre comme 1 exercice de style, assez réussi. Car cela coule, justement comme du sable entre les doigts.
Je penche pour des rêves éveillés, de ceux que l'on prolonge volontairement après le réveil, avant d'affronter la réalité. J'aurais moi aussi préféré que les 5 sens soient de la partie mais peut-être n'est-ce que partie remise.
Belle lecture, merci.
Florilange.

   Anonyme   
29/8/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↑
J'ai bien aimé ce texte qui me parle bien, aidé en cela par ma formation scientifique : flashs, fracas, lumière au zénith tout cela dans un espace qui m'est familier ; en somme un poème en prose de notre temps...

   Anonyme   
19/9/2009
 a aimé ce texte 
Bien
J'aime bien l'idée et la manière de. Mais la réflexion qui mène à la dissertation me semble lointaine. Trop écrit et pas assez pensé, mais ce n'est que mon avis. Toutefois ce texte est très agréable, la découpe harmonieuse, il a quelque chose d'aérien de très séduisant.


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