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solinga : Avec un naturel fugueur, on s'ancre comme on peut aux faits
 Publié le 16/10/24  -  3 commentaires  -  8755 caractères  -  31 lectures    Autres textes du même auteur

C'est une sorte de trentenaire aux mains froides, qui faute de mieux les fait écrire.
Elle fugue, et entreprend parfois de départager ce qui provient du rêve, ce qui prend souche aux faits.
Sans renier le rêve, mais en recousant ce qu'elle peut du réel, par ce presque rien de l'écoute.


Avec un naturel fugueur, on s'ancre comme on peut aux faits


L'autre jour (puisque le jour c'est chaque fois l'altérité qui lève), l'autre jour j'ai lu (et c'est l'action) un conte où le héros se sauvait par l'interstice onirisé d'une toile. Esquivant magistralement le courroux d'un souverain.


Depuis, à l'identique, suivant l'invite, je m'enfuis directement dedans les choses. À même.

Je m'y enfouis avec régal, vaillamment, depuis la croûte du monde jusqu'en son antre, et chaque forage est neuf. C'est préjugé de croire la profondeur inaccessible.

Tantôt discrètement, tantôt remuant beaucoup de bruit, façon porte qui claque. Selon l'humeur, selon l'obliquité de la bourrasque. Selon le degré de glaciation.

Vite, vite, si besoin, véloce comme un épaulement de sourcil.


Ces plongées vives dans les dessous me sauvent, avec une certitude quasi sans faille, du courroux d'un souvenir, ou d'un courant de préconscience qui viendrait battre aux tympans.

Je fugue, et les pétales du souci s'épandent au sol. Bleu roi déposé sur carreaux de poussière. Je ressens dorénavant toute la parenté qui m'unit à cette solidité désassemblée de la poussière.


Oh, les mouvements qui m'agitent ne sont pas bornés au vertical. Non de non. Je fuse, aussi, dans le scintillement des lignes droites.

Je cours, je veux des instants qui transissent. Je suis folle, mine de rien, en transit, je vis comme une épileptique. Des à-coups. Des haut-le-cœur. Des alarmes. Des tracés sans règle, main levée, des flèches d'approximations qui précipitent.


Fugueuse.

Expulsée vive du carquois du rêve.

Dans les courants d'air du réel.

Dans les interstices d'un monde regrettable, injonctif. Hors des corrosions. Hors des carcans.


Fugueuse, semblant démissionnaire.


*


Petite trentenaire aux mains froides, ton myocarde bouillant chemine à vive vapeur, selon les lois physiques de l'inversion correspondante.


*


Nomade et citadine

Nomadine.

S'éclipsant. S'exceptant.

Interstitielle.

Ne se risquant à rien de fixe.


Mais elle sait bien, la nomadine, qu'il est des quartiers de jour où l'on ne doit s'enfuir.

Elle sait, je sais, se repoudrer delà l'éparpillement.

Parfois.

Labile dans sa constance ordinaire, elle reviendra, par embardées, par pics. Par reflux brûlants d'empathie.

Elle plaquera au monde son refus têtu de baisser l’œil, de se défausser des aiguilles ouvrières du regard, du dé à coudre de l'observance, de l'assistance…

Elle sera ce refus planté en renfort à quelque cousin d'âme, à quelque nièce en abandon.

Elle a le syndrome du héros, et ne veut pas que ça se soigne.


Parfois (c'est le hic et nunc, l'instant inclus dans un cheveu), parfois s'impose le devoir de rester là, et sans un bruit, statue de sel, mine d'iceberg, et faire de ses dix doigts autre chose que le support d'une miroiterie de poche, autre et mieux qu'une cimaise pour musée-de-soi s'ébahissant de sa merveilleuse capacité de course et résilient vagabondage.


Parfois il faut tenir en place.

Être là, bien là, bien droite et silencieuse et sage comme un i. En amie de ce qui se délite, en rafiot épaulant muettement une vague. En ourlet. Presque rien, un fil qui ondule avec l'attachement tierce d'une traversée. Être point lesté, présence pure, ponctuation solidaire.


Et recueillir, ne serait-ce qu'en page, ce qu'on ne peut laisser s'émietter sans plus dans le brouhaha du réel.

Être cimaise pour un autre… cimaise c'est « petite vague », assure l'étymologie.

Quitter le blues-à-l'âme, le bleuet de l'ego, renoncer ne serait-ce qu'une descente de clepsydre à la tendancielle et saline poudre d'escampette. Quitter la fugue pour rencontrer enfin une consistance.


*


Exemple.

Là ce jour on ne fuit pas, on ne chausse pas ses écouteurs de concentration-repli, de débandade en soi.

On est assise, les songes sagement pliés en tête, dans le coin d'une petite ville, dans ce café dédié à l'attente, coude angulaire de la gare avant train-train professionnel.


On est happée par les bribes d'une conversation au téléphone. Par un ressac de mots, bientôt murs d'une mer.


Voix d'une dame ici présente et qui vient de pourfendre un dodu pain au chocolat, raisonnablement acquis au comptoir, peut-être pour se donner une forme de courage.

Dame rougeaude et pantalon léopard. La carrure à faire des Toinette, mais avec les apparences d'une placidité moins frondeuse.


*


Or ses mots, les mots venus, les mots montés, m'arriment à mon siège, amarrent plume à page.

Ouïe tout à elle.

Cette femme un peu Toinette, cet être de-côté, ce visage en relégation, moi je l'écoute avec des biais de regard, sans peser.


Au précédent tour de piste d'horloge, elle croquait encore les dorures feuilletées des concrétions viennoises.


Puis de ses lèvres :

« Il m'a frappée, il m'a frappée à la mâchoire. »


Voilà ce qu'elle profère, sans trop faire sonner le scandale au milieu des clients ; comme factuelle, déposant des faits.

Je la regarde.

Elle se tient le front de sa main.


J'interromps sur-le-champ les balbutiements de mon poème en chantier… parce que tout indubitable ici le réel bat trop fort pour qu'on n'y prête pas un tympan qui consonne.


« Ch’suis allée chez lui pour un apéritif, j’suis pas restée, j’suis pas sa femme. »


De ce qui émerge, c'est la caractérisation d'un abus, la présomption de possession d'un pauvre malheureux sans doute, mais avec des crocs et des façons américaines de gros ours.


Je m'y retrouve, en elle, qui dit oui d'abord à l'invite d'un anodin deux-à-deux délimité par une esquisse, et puis voudrait décamper fuir disparaître parce que l'hôte augmente subitement de température, enhardi par le repas ou la collation, ou quelque contexture.


De ses lèvres, les mots qui montent, presque sans le timbre de la plainte :

« Faut prévenir M.… »

Possible que ce soit un tuteur ou quelque responsable, qu'elle soit pupille.

C'est grave.


Elle semble ne recevoir qu'une réponse géométrique et aseptisée, en forme de congédiement. Des partis-pris de prudence. Des appels à la mesure. Un bâillement peut-être, à la matité de sourdine. Une fin de non-recevoir. Un administratif abaissement de cils.

Allez savoir.


Elle avait raccroché.

Moi j'écrivais, brodant du papier.


*


Petite trentenaire aux mains froides, ton myocarde bouillant file file à pleine vapeur, inversement correspondant, et confère en retour à tes doigts la fièvre d'écrire.


J'aurais pu lucidement m'interro-rhétoriser : « À quoi je sers ? »… Mais non, la plume ourlait comme un cormoran aux abois, seulement préoccupée de garder trace du sérieux inaudible de cet appel à l'aide téléphonique, à extension publique.

Ce cri désamplifié.


Fugueuse, nomadine, à quoi sert ainsi de faire écart en ornant les choses advenues d'un friselis de mots, d'ondoiements en recherche, plutôt que d'énoncer droitement ?

Tu dénoncerais peut-être plus grandement suivant l'école des stalactites, en ligne franche, sans adornos dansants ?

Fugue, encore, d'écrire en ronds de jambe ?

Fugue aux mots ? Désertion aux toiles de texte pourtant ouvertes aux quatre vents ? Songe qu'il n'existe pour toi aucun des périls encourus par le peintre ingénieux de la légende.


Nomade à basse température, M., Moi, M. « Mains-froides-cœur-chaud », ainsi que je me plais à répéter à ceux qui m'aimèrent un peu, à ceux qui m'eurent entre leurs doigts.


Mains dévolues à écrire, malgré le flou.


Les pages sont des haillons que rien n'empêche de trembler… Mais quoi ! Le réel même est en haillons.


Et ce n'est au fond qu'un peu de moi que je ramasse, réunissant des mots vécus en entaille, recousant des bredouillis de tristesse.

Tout le laissé-pour-compte que je relève en intention, tout l'inaperçu, l'écrabouillé, c'est moi que je hisse en surface. Miroirs aux pupilles qui reconnaissent ce qui a chu et reprendra souffle sous l'écoute ou la caresse.


*


Une chose est sûre : pour aider, il te faudra mieux tenir debout, avec l'endurcissement graphite du crayon, faute de se prétendre phare.


Mais il ne suffit pas de rester droite, trait.


S'inspirer des ponctuations de bout en bout.


Tiens, les points.

Les points sont les amarres du trait, les talons des phrases. Sois dans tes talons, cesse le penché-avant, les inclinations sans frein ni loi.

Sois… Tiens… point d'exclamation : la jambe comme danseuse sur pointe. Un piqué. Qui n'est au fond qu'une autre capacité d'ajourer. Dentellière sans répit.


Vivre ponctuée et ponctuant.

Et sans traîtrise lorsque quelque chose de l'ordre de la communauté souffrante se dessine.


*


Il serait temps de demander davantage à tes mains,

tes instables mains aux nervures hivernales.


 
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   in-flight   
16/10/2024
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
"Le réel même est en haillons". Voici l'état d'esprit d'un narrateur en panne de socialisation. L'élément déclencheur serait ce courroux d'un souverain qu'on devine bourreau.

Et puis, la fugue...
Mais la fugue avec du recul. Une fugue consciente et pas tout à fait assumée. Parce que la trentaine, c'est un peu la vingtaine qui digère la réalité.

Sur la forme: une phrase = une formule. C'est un peu beaucoup. D'aucuns vous diront "emphatique". Mais si l'écriture ne plaira pas à tout le monde (et c'est tant mieux), je l'ai trouvée pour ma part remarquable.

Mention spéciale à "La carrure à faire des Toinette" :)
Mais plein d'autres également...

Un texte qu'il faut goûter plusieurs fois, car sa beauté ne se dévoile pas au premier regard.

   MarieL   
17/10/2024
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime bien
Un très beau texte qui brosse le portrait en creux d'une âme vive, hypersensible, fugace et fugitive.

C'est un bouillonnement de mots sous une très belle plume "ondoyante et diverse", toute en frémissements, en vibrations.

Tout part et tout ramène à ce Moi qui se lasse de lui-même, pourtant. Esquisse d'un nouveau départ.

   Cleamolettre   
20/10/2024
trouve l'écriture
très aboutie
et
n'aime pas
Bonjour,

Je vais tenter d'expliquer l'apparente contradiction de mes "notations" d'écriture et de ressenti :

J'admire la manière, le style, ces petites inventions à chaque phrase, le rythme un peu effréné que ça donne, l'impression parfois de se noyer dans le vocabulaire, les phrases courtes, les ponctuations acérées, de lire un peu en apnée. Ce n'est pas ma manière, j'en suis incapable et je dis chapeau pour autant de trouvailles, de danse des sonorités et de foisonnement. C'est riche, inventif, avec comme une sorte d'urgence à poser des mots pour exprimer des émotions, des faits, des pensées, raconter des scènes. A la lecture c'est une sorte de tourbillon un peu labyrinthique.

Et c'est ma transition vers mon ressenti : je suis perdue. Moi qui aime les histoires, les personnages, les narrations (même décousues) qui m'emportent dans des univers parallèles et nourrissent mon imaginaire. ici rien de tout ça pour moi, je reste extérieure, j'admire l'écriture et je ne ressens rien d'autre, elle ne m'emporte pas. Donc je passe à côté et rien ne me reste vraiment.

Mais c'est moi et mes goûts !


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