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Science-fiction
Stephane : Berserk
 Publié le 20/11/21  -  7 commentaires  -  23836 caractères  -  64 lectures    Autres textes du même auteur


Berserk


Ron avisa l’écran panoramique d’où pulsaient les courbes de graphiques sur la dérive de distorsion active. Des grappes de combats se déversaient des multiples alvéoles en un essaim incessant de frelons pourvus d’aiguillons en hyper-titane. Il admira un moment la double ellipse formée par le ballet des frelons plongeant tout droit vers la masse titanesque de métal d’un millier de kilomètres de long sur cinq cents de large. Le Léviathan était une prouesse technique dépassant l’imagination. Son seul but : l’anéantissement de toute vie. La bataille décisive avait été lancée il y a moins d’une heure, avec pour seul et unique enjeu la survie de l’espèce humaine.


— Commandant, la distorsion s’effectue sans accroc. Le Léviathan a du mal à absorber l’effet gravifique de la dérive et ne peut riposter à l’approche des grappes, comme prévu.

— Il ne tardera pas, Capitaine. D’ici une minute ou deux, tout au plus. L’écran panoramique recouvrait la passerelle de commandement à 180 °, offrant à Ron une vision intégrale en 3D du théâtre d’opérations. La manœuvre d’encerclement opérée par les trois mille six cent soixante-quatre vaisseaux constituant l’intégralité de la Flotte avait admirablement fonctionné. Disposées en une soixantaine de points stratégiques situés à intervalles réguliers recouvrant la totalité de la surface du colosse en vue de le frapper avec une précision et une efficacité optimales, les nasses de vaisseaux s’imprimaient comme des lucioles sur l’écran.

— La première vague de frelons arrive au point névralgique dans 5, 4, 3, 2, 1… tête de pont établie !

— Zoomez sur le 1-7-0, demanda Ron à l’officier-radars.


Les frelons apparurent aussitôt en gros plan sur l’axe de dérive, savamment répartis au point d’impact, attendant l’ordre de passer à l’action. Simultanément, tous les frelons vomis par les vaisseaux-mères se placèrent à l’endroit prévu autour de la coque du Léviathan, à une soixantaine de kilomètres de distance, prêts à fondre sur l’armature colossale de titane et d’acier.

La tension était palpable au sein de la passerelle grouillante d’activité. Jusqu’ici, Ron n’avait jamais rencontré de vaisseau aussi gros – ni personne d’autre d’ailleurs – et il se demandait qui avait été capable de concevoir une telle abomination…

Posé comme un glaucome au milieu d’un des bras en spirale de la Galaxie, le Léviathan avait été découvert par l’une des nombreuses sondes électromagnétiques disséminées aux quatre coins de la Voie lactée, dans le but de déceler n’importe quel corps étranger pourvu d’intelligence, même artificielle. De nombreux vaisseaux avaient été découverts quelques décennies auparavant, déclenchant un affrontement soudain qui s’était soldé par des pertes énormes en termes de vies humaines. Désormais, la moindre erreur tactique – voire un simple aléa sur le théâtre d’opérations – se solderait inévitablement par la disparition totale de l’humanité.

Ron était inquiet. Le Léviathan aurait dû réagir face à cet ennemi venu de nulle part prêt à le réduire en miettes, or la structure n’avait pas bougé d’un iota ni émis le moindre début d’activité, même après que la dérive eût pris fin, réduisant l’effet gravifique à zéro en permettant ainsi au monstre d’engager une attaque massive contre les forces terriennes.


— Commandant, la masse semble inerte, peut-être morte, qui sait !

— Elle attend le moment opportun, c’est tout.

— Mais, ce n’est pas conforme à…

— Soyez sûr qu’elle bougera ! le coupa Ron, alors tenez-vous prêt !

— À vos ordres, répondit l’officier de quart, avant de se concentrer à nouveau sur l’écran tactique.


Ron attendit l’ordre du Vaisseau Amiral avant d’ordonner à son tour :


— Préparez-vous à tirer : les ogives Anti-G d’abord en cas d’activation du bouclier, puis les bombes à fragmentation une fois celui-ci neutralisé. Ensuite on envoie les béliers et on tente une première percée dans l’armature au point 1-7-0.


Ron savait qu’en cas d’échec une seconde fenêtre pouvait éventuellement s’ouvrir, à condition que les ogives perçantes issues du deuxième tir soient envoyées aussi rapidement que possible, c’est-à-dire moins de cinq secondes après la première salve, sans quoi le Léviathan aurait déjà riposté en annihilant la menace.


— Les troupes de choc se tiennent prêtes, commandant, au cas où, annonça un sous-off à brûle-pourpoint.

— Bien, fit Ron, espérons qu’elles n’aient pas à intervenir.


En effet, celles-ci étaient constituées uniquement de soldats d’élite en nombre limité représentant le fleuron de la Flotte, et ne devaient être utilisées qu’en dernier recours.


— Le radar indique un mouvement au cœur même de la masse du Léviathan, lança l’officier-radars.

— À quelle intensité ? demanda Ron.

— En DEV-6.

— J’attends les ordres…


Le DEV-6 indiquait une riposte majeure et le temps n’était plus aux conjectures. L’ordre tardait à venir du Vaisseau Amiral et dans quelques secondes il serait trop tard. Ron se préparait au pire quand l’ordre tant attendu fusa de l’Amirauté. Il répondit à la vitesse de l’éclair :


— FEU !


Les ogives Anti-G furent propulsées simultanément des trois mille six cent soixante-quatre vaisseaux au moment même où le Léviathan déployait le bouclier thermique sensé le protéger de toute agression extérieure. L’énergie permettant d’activer un tel bouclier était tout simplement prodigieuse et ne pouvait être comparée à celle utilisée par la Flotte pour protéger ses propres unités.

Ron avisa à nouveau l’écran panoramique, les yeux rivés sur les cent quatre-vingt-trois mille deux cents tracés lumineux représentant les ogives Anti-G se dirigeant tout droit sur le bouclier aux reflets irisés enveloppant le monstre.


— Tenez-vous prêts pour les bombes à fragmentation !

— Prêt pour le tir, répondit l’officier en Second.


Les ogives Anti-G heurtèrent le bouclier thermique dans une profusion de lumières aveuglantes. Les dizaines de milliers d’impacts subis au même moment eurent pour effet de souffler littéralement la première couche de protection et d’affaiblir la seconde, sans toutefois entamer suffisamment le plasma pour que celle-ci ne rompe définitivement.


— Merde, lâcha Ron, les yeux écarquillés de surprise.


C’était la première fois qu’il assistait à une telle résistance de la part d’un bouclier thermique. La Flotte avait épuisé d’un coup son stock d’Anti-G et l’espoir reposait maintenant uniquement sur les bombes à fragmentation.

Un nouvel ordre fusa et les bombes s’échappèrent des multiples écoutilles. Le bouclier étant en parti détruit, on pouvait aisément espérer que le souffle opéré par la fragmentation des bombes-F serait suffisamment efficace pour annihiler d’un coup la seconde couche de plasma déjà bien entamée. Sinon, c’était le repli assuré et la fuite en avant pour tenter de ne pas se faire tailler en pièces par les drones de combat et les batteries anti-aériennes.

Ron retint sa respiration à l’instant même où les bombes à fragmentation heurtèrent à leur tour le bouclier à demi actif, réduisant celui-ci à néant. D’un coup, les batteries anti-aériennes entrèrent en action à la cadence de 1 500 tirs-minute en direction des frelons éparpillés sur les cinquante kilomètres de l’axe 1-7-0, qui ripostèrent aussitôt en déversant une pluie d’aiguillons en hyper-titane capables d’intercepter les obus adverses et d’infliger des dégâts considérables dans l’armature colossale. Dans le même temps, les croiseurs en soutien lancèrent une flopée de contre-mesures dans le but de perturber les multiples trajectoires des obus continuant de se déverser du Léviathan et de les détruire avant qu’elles ne parviennent à destination, protégeant également les vaisseaux-mères avec un maximum d’efficacité.

Croiseurs et destroyers déversaient quant à eux des quantités phénoménales de torpilles anti-leurres, leurres et contre-mesures afin de perturber le feu nourri des batteries anti-aériennes et de créer des diversions afin de limiter les dégâts causés au sein des frelons.

Des soutes du Léviathan surgirent des centaines de milliers de drones de combat, au moment même où l’Amirauté décida d’envoyer la seconde vague de frelons en formation serrée sur l’axe 1-7-0, de même que sur tous les axes majeurs du colosse.

Sur l’écran panoramique, Ron n’arrivait plus à distinguer qui, parmi les belligérants, avait clairement l’avantage, tant les forces en présence étaient denses. Les points jaunes censés représenter les frelons se mélangeaient à ceux, mauves, de la partie adverse, dans un foisonnement de lumières aveuglantes. Seul le compteur situé en haut à droite de l’écran tridimensionnel, fournissait un chiffre précis des pertes subies par la Flotte.

Il fallait tenter une percée, et vite. La zone des cinquante kilomètres était trop difficile à couvrir compte tenu du nombre croissant des drones de combat qui continuaient de se déverser sans relâche des entrailles du colosse, menaçant de submerger les essaims et de les tailler en pièces. C’est ce que Ron pouvait maintenant constater de visu : le nombre croissant des points mauves par rapport aux jaunes, annonciateurs d’une défaite probable.


— Concentrez toutes les forces sur l’axe des dix kilomètres à hauteur du point 1-7-0 et envoyez les Béliers ! rugit-il à l’attention du Commandant en Second.


L’autre hésita.


— Nous n’avons pas reçu l’ordre, Commandant.

— C’en est un !

— De vous ou de l’Amirauté ?

— Le temps presse, alors contentez-vous d’appliquer les miens !

— Mais je…

— Fermez-là, le coupa Ron, et obéissez avant qu’il ne soit trop tard !


En effet, on vit le Vaisseau Amiral pris dans un étau sur l’écran panoramique, essayant de sauver sa peau devant la déferlante des vaisseaux ennemis entourant la coque de toutes parts en vue d’entamer la mise à mort. D’ici une poignée de minutes, aucun ordre ne parviendrait plus jamais de l’Amirauté et le Commandement Général reviendrait de plein droit à Ron.


— C’est fini, articula-t-il comme pour annoncer la sentence. À nous d’assurer les défenses.


Il n’avait ni l’envie ni le temps d’ajouter quoi que ce soit, et il réitéra l’ordre d’envoyer les Béliers. Cette fois, le Commandant en Second obtempéra sans rechigner, soucieux de sauver sa peau.

Les Béliers étaient des mastodontes en hyper-titane de 200 mètres de long sur 50 de large, capables de briser n’importe quelle structure connue à ce jour sur une épaisseur de 100 mètres, suivant le type de matériau auquel il avait affaire. De forme cylindrique, ils étaient dotés d’une foreuse à plasma leur permettant de poursuivre la percée sur une distance équivalente à un centième de largeur du Léviathan, soit 5 kilomètres en une heure.

L’axe 1-7-0 avait été défini comme un point névralgique à cause d’une blessure infligée par on ne sait quel procédé qui avait creusé la coque sur une distance de 100 mètres sans pour autant l’affaiblir, mais qui avait amorcé le travail des Béliers dont la fonction était de percer l’armature en s’enfonçant le plus loin possible à l’intérieur du vaisseau.

Les frelons étaient maintenant rassemblés de manière à assurer pleinement les défenses, appuyés par le tir cadencé des batteries provenant des destroyers et des milliers de torpilles anti-leurres projetées par les dizaines de croiseurs opérant dans la zone.

La plupart des forces ennemies étaient maintenant concentrées à percer les essaims de frelons pour se défaire des Béliers avant que ceux-ci n’atteignent leur but. Ron et tous les opérateurs présents sur la passerelle de commandement assistaient avec fascination à un déploiement de forces telles qu’ils n’en avaient jamais vu auparavant. Les tirs fusaient de toutes parts, zébrant l’espace en une myriade d’explosions : une orgie presque théâtrale de faisceaux lasers et de leurres, d’aiguillons en vrilles et d’éléments de synthèse au plasma, à la vitesse de mille mètres secondes, sur toute la cambrure de l’espace. À tel point que le premier Bélier ne put franchir qu’un quart de la distance qui le séparait du point d’impact avant d’être sectionné en deux sous la pluie de projectiles venus s’abattre sur sa coque. La bombe à fractals enfouie dans ses entrailles fut désactivée un centième de seconde seulement avant la séparation induite par les frappes incessantes, neutralisant le mécanisme d’explosion qui aurait eu pour effet d’anéantir tout objet dans un rayon de 20 kilomètres à la ronde, et par là même une bonne partie de la Flotte.

Le second Bélier fut dévié de sa trajectoire aux trois quarts de la distance qui le séparait encore de l’épicentre de l’axe 1-7-0, pour se perdre dans l’immensité de l’espace après avoir dérivé sur une courbure non conforme du Vecteur X de distorsion. Le mécanisme de déclenchement de la bombe à fractals fut neutralisé à distance et le Bélier disparut dans les limbes, objet inerte mais potentiellement dangereux.

Au cœur de la passerelle surchauffée, tous se regardèrent sans un mot, comprenant que le sort de l’humanité se jouait désormais dans la capacité de mener le dernier Bélier à son terme.


— Passez en automatique pour mieux protéger le Bélier et orientez les manœuvres pour former un blocus, lança Ron !

— Passage en automatique et début du blocus engagé jusqu’à l’impact final, répondit aussitôt le Second.


Ainsi, tout reposait désormais sur la vitesse d’exécution de l’ordinateur de bord à imprimer les meilleures ripostes dans les millions de circuits intégrés de la totalité de la Flotte, y compris dans ceux des frelons qui se voyaient maintenant dirigés par un cerveau quantique capable d’analyser les meilleures trajectoires dans un laps de temps proche du milliardième de seconde.

La percée suivit son cours grâce à la neutralisation de l’ennemi jusqu’au cœur de la cible, et le Bélier put accomplir son œuvre de destruction avec toute la puissance qui le caractérisait.

Tous contemplèrent le spectacle avec une sorte de ravissement proche de l’extase, comme si le temps avait suspendu son cours.

Le Bélier heurta de plein fouet l’armature déjà passablement amoindrie au point d’impact 1-7-0 avec une puissance effroyable, enfonçant la coque de 100 mètres supplémentaires à l’intérieur du colosse. Les ogives au plasma, aidées par les tirs continus des lasers, firent fondre une bonne partie du titane instantanément, pénétrant plus encore dans le cœur du vaisseau. Les bras articulés du Léviathan entrèrent aussitôt en action, déchirant la partie exposée de la tête du Bélier, soutenus par les tirs incessants des drones de combat, dont certains se jetèrent littéralement sur la masse compacte du tronc lézardé d’obus pour tenter de l’achever promptement. Celui-ci résista le temps d’achever la percée, accomplissant ainsi pleinement sa mission avant d’expulser de son antre une bombe à fractals dans les entrailles insondables de la Bête. Une gangue de titane et d’acier enveloppa aussitôt la bombe-F à l’instant même où celle-ci explosa dans un déchirement fractonique, amorti par un ultime bouclier au plasma de haute résistance absorbant considérablement le souffle destructeur en le faisant imploser en partie, ce qui eut pour effet d’ouvrir une brèche de 150 mètres de diamètre à l’intérieur de la coque. Le Bélier fut réduit en bouillie et se désintégra instantanément, laissant un trou béant hautement radioactif que les frelons pouvaient maintenant franchir aisément.

Les drones chargés de reboucher l’ouverture à l’aide de plaques en acier renforcé et de morceaux de titane fraîchement usinés et extrêmement résistants commencèrent à accomplir leur travail avec une incroyable célérité. À tel point qu’il n’y avait pas une minute à perdre.


— Envoyez l’ultime vague avant que la porte ne se referme, hurla Ron !


Les huit mille cinq cents frelons restants plongèrent dans la nasse avec une célérité inouïe, soutenus par les tirs cadencés des croiseurs dans un espace étroit équivalent à un peu moins de dix kilomètres de circonférence autour de l’épicentre formée par la brèche. Sur les mille kilomètres de distance du Léviathan, Ron constata de nombreuses pertes subies par la Flotte, dont certaines défenses avaient été anéanties sur un quart des points stratégiques. D’autres cédaient petit à petit, et il comprit que toute victoire était désormais impossible.


— Commandant, seules dix-huit brèches sur soixante ont pu être ouvertes et seuls six régiments sont encore en mesure d’assurer les défenses, du moins pour le moment.


Les données furent confirmées par une colonne de chiffres s’étalant sur une fenêtre de l’écran tridimensionnel. Du reste, ceux-ci baissaient à vue d’œil, signifiant des pertes énormes subies par la Flotte, alors que le nombre de drones ennemis ne cessait de croître de façon exponentielle.


— Ça n’a plus d’importance, fit Ron avec un certain détachement. Préparez-vous à envoyer les troupes de chocs pour une ultime tentative. Je vous confie le commandement le temps de revêtir mon armure et de rejoindre les unités d’élite afin de les mener à bon port.

— Mais… tenta de riposter Lopez, vous ne pouvez pas…


Ron le fusilla du regard. Lopez discerna une lueur pourpre dans les yeux de Ron, une lueur de rage telle qu’il sentit une onde glaciale lui parcourir l’échine.


— Vous ne savez rien, débita Ron, ni de moi ni de l’esprit guerrier qui m’anime. Dans quelques minutes j’entrerai en transe et je ne ferai alors aucune distinction entre l’ennemi et vous. Tous ceux qui se dresseront sur ma route subiront le même sort que les milliards de soldats jamais tombés au combat depuis la nuit des temps, alors laissez-moi accomplir ce pour quoi je suis né et fuyez mon courroux, c’est votre dernière chance. Le sang de mes ancêtres coule dans mes veines depuis des générations : celui de redoutables guerriers rendus fous sur les champs de batailles, imprégnés de l’esprit d’Odin. Nés pour détruire jusqu’au dernier des vivants, tel Bersis, le premier Berserker d’une longue lignée dont le nom s’inscrivit pour l’éternité à travers les âges, jusqu’à ce jour de lutte mémorable face à un ennemi digne de mon rang.

— Un Berserker, bafouilla Lopez… ce n’est qu’une légende…

— Vous croyez ? fit Ron en le foudroyant à nouveau du regard.


Lopez vit à nouveau passer une lueur étrange dans ces yeux injectés de rouge qui le fixaient avec fureur, et il fit un bon en arrière, la peur au ventre.


— Je ne vous demande qu’une chose : contentez-vous de maintenir la brèche ouverte et de concentrer les forces autour du point 1-7-0 dans un rayon de cinq kilomètres, afin de couvrir les unités d’élite jusqu’à notre arrivée. Ensuite, repliez-vous et fuyez le plus loin possible, n’importe où pourvu que vous réussissiez à sauver le reste de la Flotte !


Ron serra les poings à en faire craquer ses jointures avant de faire demi-tour en direction d’un des nombreux ponts d’envols où un frelon muni d’une armure de combat conçue spécialement pour lui l’attendait. Il quitta la passerelle sans se retourner, laissant Lopez seul face à son destin.

Dans l’ascenseur qui le menait tout droit vers la piste d’envol, il repensa à Helen, restée sur Bêta-II avec leur fille Thara, alors âgée de six ans. Victime d’une attaque surprise, la planète avait été intégralement détruite, emportant son épouse et la petite ainsi que plusieurs millions d’êtres humains, il y avait de cela six mois, pendant qu’il effectuait une mission de défense dans une autre partie de la Galaxie. Il s’en était voulu de ne pas avoir été présent à leurs côtés au moment où elles en avaient eu le plus besoin, mais aujourd’hui il tenait enfin sa revanche.

Il revêtit son armure en Xonon, un métal extrêmement rare dix fois plus résistant que le graphène et cent fois plus que l’iridium, se cala dans l’habitacle et referma l’ouverture du frelon lui-même entièrement recouvert de Xonon. Le fleuron des soldats d’élite, soit un millier d’hommes rompus aux opérations les plus périlleuses, se tenait parfaitement aligné, prêt à se sacrifier pour la cause. Ron donna l’ordre de décoller et les frelons se jetèrent à corps perdu dans la dernière bataille aux côtés du dernier des Berserkers…


« Il est le Roi des Hommes et dans sa hargne, il a brandi le fer pour sauver le monde d’une guerre sanglante au-delà des terres, engluée depuis des siècles, qu’aucun calendrier d’aucune sorte n’aurait été en mesure d’indiquer, alors il a prié.

Jadis simples machines de mort aux pouvoirs destructeurs, se sont dressés de véritables Léviathans, froids et sans peur, d’une intelligence brute et sans bornes, quasiment invincibles. Une force de frappe gigantesque au-delà du possible.

Mais tandis qu’aux frontières du monde des Hommes se dresse, à la limite de notre Galaxie, l’Ennemi absolu, le Dieu de silicone, ombre tentaculaire parmi les ombres, la voix du Roi des Hommes gronde, et l’on entend enfler les roulements de tambours qui résonnent jusqu’aux confins des étoiles, à des milliers de parsecs à la ronde… Se dessine alors, bien en vue des guerriers qui, à l’unisson, tonnent, une arme artificielle et malveillante en forme de cône d’un millier de kilomètres de long, vers laquelle des milliers d’essaims voués à la mort se pressent.

Le Léviathan s’éveille, crachant des millions de projectiles provenant des milliers de batteries soudain en action, et la Galaxie tout entière s’illumine. Le ciel n’est plus qu’un embrasement de lumières qui zèbrent l’espace en une multitude d’explosions, et en un instant l’Univers tout entier vacille. Torpilles et obus valsent de concert, et les guerriers fulminent, blessés dans leur orgueil, en voyant s’effondrer leurs frères d’ordinaire si fiers.

L’armée des Hommes est touchée, les divisions décimées, alors les guerriers se reforment en bataillons enragés, encerclant le Monstre de métal pour le blesser à mort, vomissant mille milliers de contre-mesures, à tort ! Car le Monstre riposte, vomissant une marée de torpilles anti-leurres, décimant les salves d’aiguillons en vrilles. Et tandis que les humains un à un continuent de tomber, le dernier Berserk, Roi de tous les Hommes, entre en transe.

Tandis qu’une pluie meurtrière se déverse de la Bête, les guerriers rescapés se replient en synchrone, et l’on entend la voix du dernier des Berserks s’élever haut et fort qui, fou de rage, laisse échapper un râle, comme ses ancêtres jadis le firent, revêtus d’une simple peau d’ours, tel Bersis. Les guerriers aussitôt comprennent que la mort bientôt va s’abattre et que rien ne pourra l’arrêter, ni les tirs ni les drones, et que le Léviathan ne sera pas à la fête.

Et soudain l’on voit un millier de guerriers fous de rage protéger leur Roi, face à un milliard d’aiguillons qui jaillissent du ventre de la Bête, explosant en autant d’impacts. Et tandis que la lutte est perdue se dresse à nouveau le dernier Berserk, parant, taillant, bloquant d’un millier de façons sur le milliard d’impacts, tous les sens en alerte, insensible à sa propre folie, ouvrant une brèche…

Ne restent plus que cent guerriers galvanisés par leur Roi, fonçant au mépris du danger dans un étroit goulet…

Berserk entre dans le goulet, suivi des Cent ! Sa folie meurtrière est telle qu’il ne sent plus la douleur ; sa puissance si grande qu’aucun impact ne peut l’atteindre…

Le goulet est si étroit que les batteries couvrent le moindre centimètre carré, faisant s’écrouler quatre-vingt-dix guerriers, malgré les boucliers. Le Dernier Roi sort du goulet et le Léviathan tout à coup prend peur. Les Dix Derniers sont sectionnés par les tirs cadencés au sortir du goulet. Berserk est seul face au Léviathan ; tire une salve de torpilles hyperactives en hyper-fractals. Touché au cœur, le Léviathan hurle des entrailles de silicone, s’enraye.

Berserk fait demi-tour, en ultra-vitesse. Le Léviathan implose, puis explose.

Berserk a vaincu la Bête. »


 
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   cherbiacuespe   
31/10/2021
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Scène finale d'une bataille titanesque qui pourrait être la conclusion d'une longue saga. Du space-opéra avec ses défauts et ses images renversantes.

Je me souviens d'avoir découvert l'histoire des Berserkers. Le déroulement de cette "corrida" se lit facilement. On ne s'y perd pas. Le seul problème à mes yeux, c'est parfois de savoir de qui on parle. Mais on retombe assez vite sur ses pieds. Le décryptage d'une telle bataille n'est pas chose facile à l'écriture. Ensuite, ce thème précis de la SF s'accompagne toujours, c'est quasi une tradition, d'une avalanche de technologie, souvent incompréhensible. Ce texte aurait gagné en épurant un peu de cet étalage. Cependant ce n'est pas très grave, ma lecture n'a pas été si pollué que ça par ce déballage. Mon seul véritable reproche sont ces décomptes, ( trois mille six-cent-soixante-quatre vaisseaux" par exemple ) qui alourdissent vraiment le texte.

Personnellement, j'ai apprécié ce texte. De la bonne vieille SF dans un genre qui s'est un peu raréfié ces dernières années.

Cherbi Acuéspè
en EL

   Anonyme   
21/11/2021
Voyant que vous n’avez qu’un seul commentaire, je me décide tout de même à dire un petit quelque chose de votre texte. Ce ne sera pas grand-chose, hélas, et j’en suis bien désolé.

J’ai compris dès la première phrase que ce texte ne serait pas pour moi, mais je me suis laissé une chance de constater peut-être que je me serais trompé. Après deux ou trois paragraphes, force m’est de constater que ce n’était pas le cas. Je n’ai pas pu tenir plus longtemps.

Cette profusion de machins et de bidules m’ennuie profondément. C’est est quasiment pour moi illisible. Aucun mépris de ma part en écrivant cela. Comme vous le savez sans doute beaucoup mieux que moi, c’est un texte de niche, qui ravira peut-être les clients du genre, mais qui n’atteindra pas le reste du lectorat.

Peut-être mon micro-commentaire peut-il être représentatif de ceux qui ne s’expriment pas. C’est en quelque sorte courageux de votre part de proposer un tel texte, sachant qu’il peinera à trouver ses lecteurs.

   Stephane   
21/11/2021

   Corto   
22/11/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour Stéphane,
Je ne suis pas vraiment fan de science-fiction, pas plus que de nouvelles approchant les 24000 caractères. C’est dire que pour me faire lire jusqu’au bout votre texte il m’a fallu trouver une motivation inhabituelle, dont celle d’un commentateur expliquant qu’il avait vite abandonné.

Je me suis laissé prendre par cette bataille au sommet, avec des forces et des engins débordant la compréhension humaine. J’ai été plusieurs fois perdu ne sachant pas toujours qui était qui mais vous avez semé astucieusement des repères aux moments décisifs et j’ai presque pu m’y retrouver.

Soit d’un côté « La Flotte » défendant l’humanité, de l’autre le Léviathan monstre dépassant toute les capacités de perception et d’imagination. Chacun possède une quantité inimaginable d’instruments de guerre et de destruction.

La bataille n’est finalement pas trop difficile à suivre et est… haletante. Pleine d’inconnues et d’astuces.

Au final apparait cette généalogie des Berserk , tour de passe passe qui arrange bien l’atterrissage et la victoire de l’Humanité sur le monstre destructeur.

J’ai passé un bon moment de lecture, en me disant bien sûr que tout cela mis en film pourrait remplir les salles de cinéma comme au bon vieux temps de Star Wars. Mais bonjour la sophistication des moyens pour la mise en scène !

Bravo pour la démarche, l’imagination, la qualité d’écriture, le suspense etc.

   Donaldo75   
23/11/2021
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Bonjour Stéphane,

Malgré la profusion de détails ou peut-être du fait de cette précision, la nouvelle prend de la profondeur de champ en termes de narration. Je suis rentré dedans – et pourtant, ce qui m’a étonné, je ne suis pas spécialement fan des récits de combat – et ai eu envie d’en savoir plus. Ensuite, quand le Berseker est devenu un élément du récit, une forme d’évolution dans la narration, j’ai trouvé la nouvelle encore plus intéressante. Là où j’ai été perdu, pas en termes d’histoire mais de style, c’est le changement de temps, vu que jusque là le passé simple et l’imparfait tenaient la narration. Pourquoi passer au présent ? On dirait une forme de récit extérieur, comme dans une légende racontée en voix-off, mais je ne trouve pas le procédé intéressant parce qu’il casse la dynamique de départ. Peut-être suis-je complètement à côté de la plaque mais je suppose que tu vas expliquer ce twist sur le forum.

En tout cas, j’ai plutôt bien aimé malgré cette fin qui me laisse comme deux ronds de flan.

   Shepard   
24/11/2021
 a aimé ce texte 
Un peu
Bon...
Côté forme : Ensemble assez bien, quelques répétitions dans certains paragraphes et à la fin (ce double vomissant... beuh), quelques phrases à réconsidérer niveau sens (la blessure qui amorce le travail des béliers ? mais ils n'ont même pas commencé à ce moment là ou je n'ai rien compris). Le style en lui-même n'en fait pas trop - en dehors du vocabulaire technico-magique - peut être trop peu ? On doit attendre la fin pour accéder à l'épique, je ne sais pas.

Côté fond : Oui ce n'est pas très lisible pour le commun des mortels, c'est un texte qui fait plaisir à l'auteur... On pourrait discuter de l'intérêt d'une telle démarche. Je ne vais pas mentir, je n'aime pas l'abondance de mots magiques qui n'évoquent rien, mais j'aime bien qu'on me parle de la couleur des pions sur l'écran. Un dessin plutôt qu'un long discours, show don't tell (principe que vous avez bien appliqué pour l'histoire, dommage que vous n'ayez pas suivi le même procédé pour les détails).

A quoi ça me fait penser ? A la Caste des Métabarons de Jodorowski et Giménez, une inspiration ? Le guerrier le plus fort de la galaxie qui défouraille par paquet de douze dans son vaisseau moins les mutilations mais avec le regard qui tue. L'arrivée du Berserk aurait mérité une introduction plus subtile au long de l'action, à mon avis, ça tombe un peu de nulle part. Le côté 'ce n'est qu'une légende' m'a paru un peu artificiel aussi, si Ron est un tueur de la sorte j'ai du mal à croire que ses officiers ne soient pas au courant.

Le style de la fin est... Intéressant. Je l'ai préféré au reste mais c'est vrai que la transition est abrupte.

Appréciation en demi-teinte parce que ça me rappelle de bons souvenirs même si je ne suis pas vendu sur la méthode.

   Ombhre   
26/11/2021
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour Stephane,

un texte de science fiction comme je les aime et qui me rappelle bien des lectures du même univers. La bataille est prenante, et je me suis trouvé rapidement happé par ce combat titanesque, avec l'envie de voir où vous m'emmeniez. Et c'est la force de votre nouvelle: vous avez su donner au lecteur que je suis l'impatience d'arriver à la conclusion. De savoir ce qui va se passer. On se retrouve dans une ambiance de "space opéra" que j'apprécie, et qui (me) manque dans les écrits d'aujourd'hui.

Après, mais je pense que vous avez voulu vous faire plaisir, et vous avez bien raison :-), tout est très, et parfois trop, détaillé (à mon sens, attention). On se perd un peu dans les vrilles en titane, les leurres et contre-leurres, les tirs de barrage... Et même si l'envie de lire reste, vous perdez un peu le lecteur que je suis dans une profusion de détails.

L'idée de mêler la rage du bersek dans une histoire de science fiction est excellente. Vous parvenez à mêler de façon convaincante du space opéra et de la fantasy, cocktail savoureux mais au dosage compliqué. La rage scandinave triomphe du Léviathan quand les armes modernes n'ont réussi qu'à le blesser. Original. J'aurais apprécié en fait une description de la bataille plus courte, et au contraire un approfondissement de la phase "bersek" qui est pour moi l'intérêt de ce texte.

Merci pour ce partage prenant et intéressant.

Ombhre


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