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Sylbian : La muraille
 Publié le 07/01/22  -  10 commentaires  -  16434 caractères  -  85 lectures    Autres textes du même auteur

En une heure de déambulation dans Saint-Denis, Karim se reconstruit.


La muraille


« Il m’a fallu beaucoup d’années pour vomir toutes les saletés

qu’on m’avait enseignées sur moi-même. »

James Baldwin



Le sang lui était brutalement monté au visage, il entendait dans ses oreilles une sorte de sifflement qui étouffait les bruits extérieurs, ses tempes battaient, son ventre lui envoyait des signaux de panique. Il s’était levé de sa chaise sans pouvoir dire un mot, la gorge tellement nouée que c’en était douloureux. Il était sorti du bureau sans vraiment s’en rendre compte. Dans le brouhaha de son cerveau, il entendit tout de même Olivier, qui l’avait suivi sur le pas de la porte, lui répéter sa dernière phrase :


– Karim, tu vas au bureau des RH maintenant, au 5e B, Marjorie t’attend.


Il prit le premier ascenseur qui s’ouvrit. Il descendait, presque plein. Les équipes informatiques préféraient déjeuner tôt pour éviter la queue à la cantine. Arrivé dans le hall il croisa deux de ses collègues qui l’apostrophèrent joyeusement :


– Salut Karim, ça va ? Dis-donc, t’en fais une tête ! C’est à cause du match du PSG hier soir ?


Il marmonna machinalement une réponse :


– Salut Pierre, salut Manu.


Mais déjà ils s’éloignaient vers la cantine.

Karim sortit de l’immeuble, il avait besoin de marcher, de prendre l’air. L’émotion qui l’avait submergé dans le bureau d’Olivier, son « boss », se calmait peu à peu mais les pensées se bousculaient maintenant dans sa tête. Sans vraiment s’en rendre compte il avait pris la direction du Stade de France, tournant le dos à la station du RER D et longeant un immense bâtiment de bureau occupé par la SNCF. Le long tunnel piéton sous l’autoroute A1 était vide, ses pas résonnaient et sa respiration s’apaisa progressivement : il eut l’impression de sortir d’une apnée prolongée.

Il marchait droit devant lui, sans vraiment voir ces coureurs à pied qui le doublaient, profitant de la pause de midi pour aller s’entraîner aux alentours du Stade ou le long de la Seine. Les autoroutes se croisaient au-dessus de sa tête, jamais il n’était passé à pied dans cet enchevêtrement de routes. Le soleil et l’air vif de ce début de printemps lui faisaient du bien. Il lui fallait mettre de l’ordre dans ses pensées, Karim continua droit devant lui et atteignit bientôt le centre-ville de Saint-Denis. Le quartier de bureaux neuf où il travaillait avait beau être communément appelé « Saint-Denis » il prit conscience que le vrai Saint-Denis était en fait là, à plus d’un quart d’heure à pied.

Il sentit son téléphone vibrer, il avait déjà trois appels manqués et plusieurs SMS. Marjorie, de la RH, l’attendait dans son bureau, Olivier lui demandait où il était passé. Karim éteignit son téléphone. Il ne se rappelait pas l’avoir déjà éteint pendant ses heures de bureau. En dehors non plus, d’ailleurs…


Ce qui s’était passé ce matin, il le craignait depuis plusieurs semaines. Durant ses insomnies de plus en plus fréquentes, il avait quasiment imaginé cette scène. Depuis quelques mois l’enthousiasme qu’il avait en arrivant dans l’entreprise avait disparu pour se transformer en cette angoisse qui l’avait progressivement paralysé. Tout avait commencé avec ce brutal retournement de conjoncture du secteur, au moment où il était arrivé. Le Directeur des Opérations qui l’avait embauché avait été soudainement remercié et remplacé par Olivier. Malgré ses efforts Karim n’avait pu trouver le moyen d’établir une relation de confiance avec Olivier et s’était senti sous forte pression pour les retards qui s’accumulaient sur les projets dont il avait pris la responsabilité. Sans le soutien de son manager et ne maîtrisant pas encore le fonctionnement de cette structure dans laquelle il venait d’arriver, il avait perdu pied. Il restait de plus en plus tard pour répondre aux messages qui s’accumulaient dans sa boîte mail. Lors des réunions qui se succédaient presque sans interruption, il prenait en charge des actions qu’il n’avait pas le temps de réaliser. Son stress augmentait chaque jour et il sautait d’une action à l’autre sans arriver à les terminer. Lui qui avait été si brillant comme consultant en stratégie et organisation pendant quatre ans, sur des missions pourtant complexes et avec de forts enjeux, comment pouvait-il se sentir aussi incapable soudain ? Cette question le hantait pendant ses nuits blanches. Le sentiment d’impuissance face à l’échec qui approchait le submergeait.

Il avait pourtant tenté de casser cette spirale destructrice. Récemment il s’était dit, au moment de quitter son bureau vers 21 h, « demain je viens tôt, je remets tout à plat, je m’organise, je fais un plan d’action détaillé, je dégage mon emploi du temps pour bien gérer mes priorités, j’organise une réunion avec mon boss pour qu’on se resynchronise, qu’on partage les difficultés et que je lui fasse valider les priorités, et tout va rentrer dans l’ordre ». Bref ce qu’il avait pratiqué avec succès pendant ses années dans le conseil. Et il était parti, réconforté, traversant les open spaces déserts et sombres, qui s’éclairaient au fur et à mesure qu’il avançait.

Effectivement le lendemain matin à 7 h 45 il était parmi les premiers arrivés. Il avait tenté de mettre en œuvre ses résolutions de la veille. La fatigue accumulée par une nuit trop courte et hachée avait vite eu raison de sa lucidité. À nouveau il s’était acharné à essayer de travailler sur trois sujets en même temps, sautant de l’un à l’autre de plus en plus frénétiquement au fur et à mesure que l’heure avançait. Et à 9 h 30, les réunions commencèrent à s’enchaîner.

Pendant cette période il s’était comme recroquevillé, sa vie avait rétréci. Il avait refusé tellement d’invitations que ses anciens amis pensaient de moins en moins à lui.

Karim, encore sous le coup de l’émotion, était bien incapable de penser sereinement à cette période, il marchait mécaniquement et cela l’apaisait. Il faisait beau, la température n'était que de quelques degrés au-dessus de zéro mais le soleil était agréable. Il essaya de se concentrer sur ce qu’il voyait pour ne plus penser à son travail. Le centre-ville de Saint-Denis était animé mais il s'attendait à trouver plus de monde dans les rues à l’heure du déjeuner. Il réaliserait plus tard que c'était à la fois jour de marché et jour de prière.

Il n’avait encore jamais visité Saint-Denis mais il s’était renseigné sur Internet lorsqu’il avait accepté ce travail et il savait que c’était là que se trouvait la Maison d'Éducation de la Légion d’honneur, cette institution qu’il avait découverte dans une BD pendant ses années lycée. Il la trouva facilement et fit le tour du jardin public qui la bordait. Il apercevait les bâtiments majestueux derrière le mur d’enceinte et imaginait que le parc devait être magnifique. Des mamans discutaient entre elles sur des bancs, surveillant du coin de l’œil les enfants emmitouflés qui jouaient. « Dommage qu’on ne voie pas ce qui se passe de l’autre côté du mur, à la Légion d’honneur », se dit-il.

Il repartit vers la basilique, l’esprit plus clair désormais, et il remarqua immédiatement ce qui lui avait échappé plus tôt, tous ces hommes, jeunes et vieux, marchant avec un petit tapis de prière roulé qu’ils tenaient à la main ou glissé dans un sac en plastique. En arrivant devant la basilique il se rendit compte que ces hommes sortaient tous d’une rue en face. Il s’y engagea. « Ah c’est vrai on est vendredi », se dit-il, en voyant ces centaines d’hommes qui quittaient la rue après avoir roulé leur tapis ou, pour certains, replié le carton sur lequel ils étaient agenouillés sur la chaussée. Il eut l’impression que les plus jeunes étaient majoritairement africains et les plus âgés maghrébins, en tout cas les deux seules personnes qui ne paraissaient pas d’origine immigrée dans la rue étaient deux quadragénaires qu’il vit sortir d’un local associatif. Visiblement la prière avait débordé dans la rue depuis la mosquée qui devait être dans ce passage sur la gauche, d'où sortait une foule serrée d'hommes. Quelques vieilles dames maghrébines demandaient l'aumône à leur sortie, en leur tendant des sachets en plastique bleu.

S’il n’avait pas été habillé comme un cadre d’entreprise, se dit-il, il ne déparerait pas. Son père lui avait souvent dit en souriant qu’il avait « une bonne tête d’Algérien ».

Penser à son père déclencha une violente décharge de douleur. Karim se rendit compte que depuis qu’il était sorti du bureau d’Olivier il repoussait ce moment où il lui faudrait envisager de dire à son père qu’il était viré, qu’il avait échoué, qu’on ne voulait plus de lui. Son père était tellement fier de son parcours. Non seulement il était le premier de la famille à faire des études mais en plus il avait réussi une école prestigieuse, il avait été courtisé pour son premier emploi, il gagnait largement plus que son père alors qu’il avait à peine trente ans. Comment lui expliquer, alors que lui-même ne se l’expliquait pas ? Karim essayait de chasser cette idée en accélérant le pas au milieu de la foule d’hommes qui se dispersaient dans toutes les directions, leur petit tapis sous le bras.

Toute cette dévotion religieuse le mettait mal à l’aise. Sa famille était d’origine musulmane mais depuis le lycée, à l’âge où il s’était posé des questions sur la religion, il avait décidé qu’il n’était pas croyant et que la religion ne le concernait plus. Il se comportait en cela comme ses camarades de classe dont les familles étaient d’origine chrétienne et qui n’étaient pas non plus croyants, c’est-à-dire la très grande majorité.

Certes il ne s’était tout de même pas mis à manger de porc mais il considérait cela comme culturel plutôt que religieux. Une fois, pourtant, il avait bien failli en prendre à la cantine de son école de commerce. Il était accompagné d’un camarade libanais et le cuisinier qui servait les avait prévenus pour le plat en sauce : « C’est du porc, je vous sers du poisson ? » Son camarade, qui était chrétien maronite, s’était énervé, avait déboutonné le haut sa chemise pour sortir la croix qu’il portait autour du cou et l’avait agitée sous le nez du cuisinier en lui disant : « Eh bien tant mieux si c’est du porc ! » Sur le moment, Karim avait été tenté de prendre lui aussi du porc mais s’était ravisé, il ne se sentait pas prêt à une telle transgression.

Ces dernières années il avait senti une pression monter de la part de ses cousins et de la part de collègues musulmans pour qu’il fasse le ramadan. Des remarques discrètes, mais répétées et de plus en plus insistantes. Il ne comptait pas céder. Néanmoins cette foule en prière ranimait des interrogations, enfouies depuis des années.

Mécaniquement, sans même y penser, il avait repris le chemin de son bureau. Une fois passée la station de métro et de tramway « Saint-Denis-Porte de Paris » il s’était engagé en direction de cet enchevêtrement de ponts autoroutiers sous lesquels il était passé sans même se rendre compte à l’aller. Désormais son esprit était parfaitement clair, les sons lui parvenaient avec précision, il percevait tout son environnement avec acuité. Ébahi, il s’arrêta brutalement pour comprendre ce qu’il voyait : face à lui se dressait une double muraille écrasante, infranchissable, dominatrice : un immense bâtiment de bureaux lisse, vitré, qui alignait ses sept étages sur près de quatre cents mètres de long, et, en guise de deuxième enceinte, l’autoroute A86, surélevée, avec ses deux fois trois voies de trafic ininterrompu. Karim ressentait physiquement cette frontière qui semblait destinée à contenir les habitants de Saint-Denis à l’extérieur du monde des entreprises dans lequel il travaillait. Bien que la cité de Seine-et-Marne dans laquelle il avait été élevé ne ressemble en rien au centre-ville de Saint-Denis, certains souvenirs lui revinrent. Il se revoyait dans cette école de commerce qu’il avait réussi à intégrer grâce à son travail acharné et il ressentait à nouveau cette distance avec certains élèves, sûrs d’eux, à l’aise en toute situation, maniant l’humour avec grâce et qui lui semblaient tellement plus cultivés que lui. Aucune mauvaise intention affichée de leur part mais cette impression pour Karim de ne pas faire partie du même monde. Il avait ensuite parfois ressenti cette même impression dans le cabinet de conseil dans lequel il avait trouvé son premier emploi. Il collaborait bien avec tout le monde, était bien évalué par ses managers mais il se souvenait de son malaise lors des réunions du vendredi soir où les consultants se retrouvaient dans les locaux autour d’un pot. C’était l’occasion de créer des relations entre les consultants qui étaient pour la plupart éparpillés en mission chez différents clients pendant la semaine. Karim essayait de s’y rendre le plus souvent possible car justement il voulait être pleinement intégré dans cette équipe dont beaucoup de membres l’impressionnaient. Malheureusement il lui manquait quelque chose qu’il n’aurait su formuler, une aisance sociale, une assurance, une confiance profonde en soi, qui semblait naturellement ancrée chez certains de ses collègues. Finalement il ressortait à chaque fois légèrement frustré de ces soirées, avec ce sentiment de rester un peu à part. Cette muraille lui semblait matérialiser ce sentiment de faire partie d’un monde situé de l’autre côté de la barrière. Il avait gagné le droit par ses études de franchir la barrière tous les jours mais il n’appartiendrait jamais à cet autre monde dans lequel il n’était pas né.

Ces pensées lui firent ressentir le besoin de voir son père ou au moins de lui parler. Son père avait travaillé plus de trente ans comme ouvrier sur des chantiers de construction avant que son corps prématurément usé ne lui fasse comprendre qu’il ne pouvait continuer. Il était ensuite devenu chauffeur de taxi, métier dans lequel son caractère doux et empathique faisait merveille. Karim avait été très excité lorsque son père s’était lancé. Il était au début de ses études et voulait absolument le conseiller pour monter son entreprise. Son père l’écoutait avec attention mais en fait suivait plutôt les conseils de son vieil ami Omar qui était taxi depuis longtemps. En y repensant Karim se mit à rougir, tout seul sur son trottoir : il avait conseillé à son père de s’endetter pour acheter une « plaque » de taxi pour plusieurs centaines de milliers d’euros, juste avant que le phénomène Uber ne débarque et ne fasse s’effondrer le prix de ces licences ! Heureusement son père avait préféré louer sa licence à une grande société de taxi, comme son copain Omar. Jamais ils n’en avaient reparlé depuis.

Karim ralluma son téléphone. Il avait plusieurs nouveaux appels manqués de son « boss » et de la responsable RH, sans compter tous les mails qui continuaient à lui arriver au rythme habituel. Il appela son père.


– Papa, c’est Karim.

– Ah bonjour mon fils, tout va bien ? D’habitude tu ne m’appelles jamais la journée.

– Non ça ne va pas très bien, j’ai besoin de toi. Tu pourrais venir ? Je suis au travail à Saint-Denis.

– Qu’est-ce qu’il se passe ? Dis-moi ! Karim, tu m’inquiètes !

– C’est le travail…


En repensant à ce qui lui arrivait au travail, Karim eut de nouveau la gorge serrée. Au bord des larmes il n’arrivait plus à parler.


– Viens. S’il te plaît…

– Je suis à Roissy dans la file, je sors et je viens direct. Mais si c’est le travail le problème, c’est pas grave. Tu m’as fait peur, j’ai vraiment cru qu’il était arrivé quelque chose de grave.

– Merci papa.


Karim raccrocha, souffla plusieurs fois. Il se décala de quelques pas pour être bien au soleil. Il avait les yeux fermés, le visage levé vers la lumière. Il respira profondément.


– Si c’est le travail c’est pas grave… merci papa.


Quand il ouvrit les yeux il se rendit compte qu’il gênait les groupes de joggers qui le contournaient en ralentissant. Un couple le regardait en souriant, amusés de le voir ainsi le nez au vent. Ils étaient chargés de gros sacs et étaient visiblement en route vers la station de RER. Elle portait un foulard dans les cheveux mais elle laissa leur regard se croiser sans appréhension. Karim leur rendit leur sourire et prit tranquillement la direction de son bureau. Il avait quelques formalités à régler avant de reprendre son chemin vers l’avenir.


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La Demoiselle de la Légion d’honneur, scénario : Pierre Christin, dessin : Annie Goetzinger, Dargaud, 1980


 
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   Anonyme   
8/12/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Point n'est besoin d'être musulman pour se retrouver aux prises avec le syndrome d'imposture, pour ma part je l'ai ressenti pendant l'essentiel de ma vie professionnelle. Je trouve très intéressante la manière dont vous faites ressentir comment Karim s'enfonce peu à peu, se laisse déborder, finalement se retrouve en burn-out. La racine de cette inadéquation ressentie est profonde, bien que n'ayant jamais été confronté à la discrimination (en tout cas ce n'est pas évoqué dans le récit) le jeune homme depuis longtemps se sent en décalage culturel.
Je suis entrée en empathie avec votre personnage, pour moi vous parvenez fort bien à faire résonner son mal-être. J'ai aussi aimé la bienveillance de votre nouvelle, le "recalage" de la fin qui permet à Karim de reprendre pied et me soulage, moi lectrice (comme quoi son histoire me touche !) :
Mais si c’est le travail le problème, c’est pas grave.

Bien vu ! Un chouette moment de lecture pour moi, sans zombies, sans espaces interstellaires ; la vie qui va.

   Marite   
8/12/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Oui c'est difficile ... très difficile de pouvoir trouver sa vraie place dans un univers qui ne nous a pas été familier depuis la naissance. Assimiler les codes et les repères ce n'est pas évident malgré les efforts fournis. C'est ce que j'ai retrouvé dans cette nouvelle qui me semble traduire un parcours personnel. Le récit est bien construit et l'aspiration dans le tourbillon qui fait perdre pied est décrit avec réalisme. Une valeur fondamentale de base va servir à reprendre le contrôle : le lien au père qui est resté solide et dont le bon sens inné lui redonne la pleine et entière reprise en mains de sa destinée.
Une lecture très intéressante.

   plumette   
7/1/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup
un texte qui se déroule avec fluidité et qui permet de suivre le parcours à la fois physique et mental de Karim.

Le stress, l'angoisse, la peur de l'échec, tout est très bien vu et le fait d'intégrer ce cheminement mental dans un parcours géographique est un très joli fil narratif.

Les pensées de Karim nous le rendent proche, j'ai éprouvée de l'empathie pour lui.

Karim pensait avoir fait sa place dans ce monde qui n'était pas son monde d'origine et puis il comprend brutalement qu'il est à la merci de quelque chose qu'il ne maîtrise pas.
Et je trouve très beau que l'apaisement vienne d'une parole du père qui reste un recours malgré ce parcours de "transfuge de classe" pour reprendre une expression à la mode.

L' écriture est soignée, précise et très agréable.

le texte pourrait gagner encore en intérêt si certaines scènes étaient montrées ( je pense en particulier à la scène à la cantine) et moins racontées. C'est d'ailleurs ce que vous avez fait au début, avec les petites portions dialoguées.

je vois que c'est votre premier texte ici, alors bienvenue, et à vous relire!

   Donaldo75   
7/1/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour Sylbian,

J’ai beaucoup aimé cette nouvelle ; l’histoire est profondément humaniste et elle est bien racontée, dans un style travaillé mais sobre. Je crois que cette dernière caractéristique colle bien au message, même si personnellement je préfère les écrits plus teintés quitte à ce qu’ils soient moins propres. Je ferme la parenthèse car ce n’est pas le sujet. La vision de l’entreprise est réaliste et illustre bien ce qui se passe dans ces grandes organisations où l’humain est tellement pressurisé par ce qu’il croit que son management ou ses collatéraux ou ses collaborateurs voire tout ce beau monde en même temps pense de lui, attend de lui, j’en passe et des plus délirants. Parce que je rejoins le père de Karim, si ce n’est que le travail ce n’est pas grave. Et c’est là toute la base humaniste de cette nouvelle, ce qui la rend agréable à lire, ce qui la rend intéressante pour celles et ceux qui ont déjà vécu ce type de situation à se tourbillonner les neurones pour des problèmes liés au travail, à sa situation dans l’entreprise, qu’il y ait des raisons ou pas vu que le cerveau ne demande pas de motif particulier pour s’emballer mais juste un fait déclencheur noyé dans une mer informe au goût désagréable. Je sais, mon explication est nébuleuse mais c’est la seule que j’ai en magasin et elle présente l’avantage d’être aussi claire que ce pourquoi Karim se prend la tête. Bon, assez digressé, je reviens au texte, à la forme, parce que le fond n’est pas le seul critère pour commenter une nouvelle, du moins dans ma perception du commentaire sur Oniris. La forme est claire, le style d’écriture limpide ; les tenants et aboutissants de la vie et du personnage de Karim sont bien exposés et donnent une perspective à ce qui lui arrive ; je ne suis pas certain que son passé social et son ascendance expliquent tout mais ils contribuent à dresser le tableau. D’ailleurs, tu en places l’essentiel à la fin du récit, juste avant le coup de fil à son père, ce qui à mon avis vaut mieux que de commencer par cette explication qui aurait trop ressemblé à une biographie masquée du genre « je vous explique le passé de Karim avant de balancer l’histoire parce que je veux que tout le monde comprenne ». Oui, le passé de Karim, son origine sociale voire géographique modulo religieuse influent dans la perception qu’il a du monde, de comment ce monde l’observe, l’évalue, le qualifie, se comporte avec lui mais ce que je retiens c’est comment Karim se prend la tête avec tout ça avant que son père ne lui décoche l’ultime vérité.

Une fois que j’ai dit ça, vu que j’ai lu les autres commentaires, je m’aperçois que je n’ai pas perçu ta nouvelle de la même façon que les autres commentatrices et commentateurs ; est-ce grave, docteur ? Bon, je suppose que tu vas ouvrir d’ici quelques jours un fil dédié à ton texte – je sais, c’est culotté une telle demande de ma part vu que je le fais rarement – où tu éclaireras ma lanterne et celle des autres sur ton intention quant à cette nouvelle, sur la genèse de cette écrit, et pleins d’autres choses qui rendent les lecteurs et les commentateurs fiers d’avoir passé du temps sur cette lecture.

En tout cas, pour un premier texte publié sur Oniris, je dis « chapeau » parce qu’il est réussi.

Donaldo

   hersen   
7/1/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
J'ai vraiment aimé cette nouvelle qui "recadre", en quelque sorte, les priorités.
karim, à gravir sa muraille savonnée, perd de sa confiance à chaque cm gravi. Et il glisse et il se soumet, il travaille plus, et il se rend malade de devoir annoncer à son père "qu'on ne veut plus de lui". Il remet en question sa place, sa vie, sa culture, et puis, un mot du père et voilà. Puisqu'il a une si grande place dans le ceour de son père, alors il a une place. tout court.

Je sais que ce n'est pas vraiment le sujet, mais en lisant les mots du père, j'ai pensé à la chanson"les quatre bacheliers" de Brassens. Un père qui sait, tout en remettant les choses dans leur ordre d'importance, insuffler ce que Karim avait perdu : Sa légitimité. Sa confiance en lui-même.

La lecture est très fluide, on n'est pas bousculé par les mots et ainsi on suit cette sorte d'atonie qui commence à envahir Karim. On l'accompagne dans ce mal-être.

C'est un très beau texte, merci !

   Corto   
7/1/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Ma réaction devant cette nouvelle: Oh que c'est bien fait !
L'auteur a construit un récit précis, vivant, plein de finesse. On assiste d'abord à la description du cadre surchargé et qui perd pied: petit bémol ici sur l'absence totale d'explication sur cette situation. Pourquoi ne pas avoir réagi face à la hiérarchie tant qu'il était temps ? La réponse serait sous-jacente à la suite du récit ?

Très vite vient le craquage: pas question d'aller chez la RH tant qu'il est dans cet état de détresse.
La déambulation dans la ville inhumanisée (elle l'est depuis longtemps, le secteur tertiaire ayant remplacé les installations industrielles) est paradoxalement une source d'apaisement car aucune interaction humaine ne vient le perturber. Sauf bien sûr cette présence importante de musulmans revenant de la prière du vendredi, ce qui de fil en aiguille le ramène vers son propre vécu et son rapport à cette religion…ce qui amène le rapport décalé avec ses collègues et le pot du vendredi soir. Au total le vécu immédiat amène le personnage à ce diabolique 'sentiment d'imposture' si fréquent chez de nombreuses personnes plongées dans des difficultés multiples, professionnelles notamment.

Le recours à la relation paternelle montre le niveau de détresse de Karim, lui qui avait tout fait pour s'élever et s'extraire de ses origines. Ici le père reste le pilier essentiel de l'équilibre du fils en train de perdre pied. C'est une chance que tout le monde n'a pas.

Par cette simple phrase " si c’est le travail le problème, c’est pas grave " on perçoit le grand écart de perception des enjeux entre le père et le fils, mais aussi la mise à distance des problèmes pour envisager un dialogue qui permettra peut-être de détricoter les mailles du filet-piège qui emprisonne la personnalité du fils.
On pourrait bien sûr approfondir chaque étape mais ce ne serait plus vraiment une nouvelle.

Bravo pour la finesse de ce récit, impeccablement écrit et construit.

   Sylbian   
8/1/2022
j'ai ouvert un espace de discussion sur cette nouvelle ici :

http://www.oniris.be/forum/remerciements-et-discussion-sur-la-muraille-t29796s0.html

   Myo   
8/1/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
L'auteur nous embarque dans cette introspection avec beaucoup de justesse et de talent.

Certains événements de la vie qui nous semblent parfois injustes, sont souvent des déclencheurs nécessaires pour mieux retrouver notre moi profond et nos vraies valeurs.
Il était temps, ici sans doute, avant le burnout total que Karim, contraint et forcé, en prenne conscience.

Il sait que l'amour de son père va bien au-delà de cette apparente réussite sociale et il ne lui fera pas défaut.

C'est très bien écrit, avec beaucoup d'humanité.
Une piste de réflexion à la croisée des chemins.

Un grand bravo!

   Malitorne   
8/1/2022
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Le style est un peu plat, sans flamboyance, mais se lit plutôt bien. Pour qu’il se démarque davantage il faudrait peut-être plus de relief.
Au premier abord le thème peut entraîner de l’empathie, moi il me met mal à l’aise. Je m’explique. Nous avons là un jeune homme qui ne peut plus exercer sa fonction, d’après ce qui est dit c’est en grande partie de sa faute. Il n’a su s’adapter aux changements et se retrouve débordé, tant et si bien qu’il est mis à la porte. Honteux, désespéré, il s’enfuit et erre dans les rues bigarrées de Saint-Denis. Alors il se souvient qu’il est musulman, d’origine étrangère, pour finalement admettre qu’il ne s’est jamais intégré avec les mangeurs de porcs et les supporteurs du PSG. Vous voyez où je veux en venir ? Le licenciement de Karim le ramène à ses origines, comme s’il n’était pas responsable de son sort mais victime du pays qui l’a adopté, pas vraiment le sien. D’où l’image de la muraille, en réalité symbole d’intégration à franchir. Et bien sûr l’appel au père, porteur par excellence des racines, qui va délivrer un message plein de bon sens. Message qu’on croirait pivot du récit quand on ne lit pas derrière les lignes...
Un texte donc trop ambigu pour ma part, où je comprends une situation d’échec qui se traduit par un retour au religieux. Et ça j'apprécie moyennement.

   Lulu   
25/1/2022
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour Sylbian,

J'ai bien aimé me plonger dans cette nouvelle que j'ai trouvé très vite réaliste. Le thème lié au travail fait qu'on peut s'identifier facilement au personnage, à moins que ce ne soit moi-même qui m'y retrouve du fait des débordements faciles ou excessifs du travail...

J'ai trouvé le style simple et accessible, suivant la fluidité d'un récit que j'ai trouvé intéressant, mais peut-être auquel il m'a manqué quelque chose sur la longueur. C'est la dynamique que je ne trouve qu'à la fin qui m'a confortée dans ce sentiment, soit l'absence ou la quasi-absence de dialogues, ou de réflexions dialoguées au coeur du récit.

Cependant, j'ai eu l'impression que ce côté compact de l'écriture très linéaire collait sans doute bien, si c'était recherché, avec le trop plein vécu par le personnage.

De fait, j'ai lu le dénouement comme une délivrance à double titre. D'une part, pour le personnage qui fait sens et donne sens à son geste de s'être isolé en partant et en ayant coupé son téléphone, puis pour nous, lecteurs, ou moi en tant que lectrice, car le changement de rythme rompt avec un côté que j'ai trouvé un peu monolithique.

Dans cette vaine, j'ai aimé voir apparaître le mot "muraille" qui a fait sens aussi.

Enfin, j'ai bien aimé ces mots du père : "Si c'est le travail, c'est pas grave..." et cette perspective ouverte en fin de nouvelle.

Au plaisir de vous relire.


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