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Humour/Détente
takkas-mik : Une lettre de motivation
 Publié le 09/02/07  -  10 commentaires  -  4239 caractères  -  481 lectures    Autres textes du même auteur

La vie est parfois belle, toujours verte.


Une lettre de motivation


Toulouse, le 5 janvier 2007



Cher VicePrésidentduSyndicatdelaLibrairieFrançaise,


La vie est parfois belle, toujours verte.


Prenons un ton de circonstance : Monsieur Christian (j’ai connu un Christian autrefois, mais celui-ci avait un pull-over rouge et une pure gueule d’ange. En ce qui concerne le ton et les actes, le naturel une fois chassé revient paraît-il à cheval boiteux). Monsieur Thorel donc, la chose est simple, basique, claire, nette, succincte : j’ai faim.


À 20 ans et 13 jours, la réalité vulgaire, dite commune (lisible sur les enseignes de l’épicerie qui roulent paisibles avec le mascara et le football sur le périph du bonheur – elles trafiquent avec plus de conséquences à l’Élysée), vient à peine de m’apprendre que pour vivre, il faut se prostituer. La belle affaire ! Le bon sandwich ! Moi qui disais encore (avec la fierté de Mesrine, l’ex-ami public numéro un) il y a quelques mois à un esclave pacifié : « Tu choisis la contrainte, je choisis le contraire ». J’étais un idéaliste, on me dit. Bandes de putes. Je pense que je n’ai pas le courage de Mesrine, c’est tout. Ni celui de Durn d’ailleurs. Bref.


Je voudrais donc aliéner mon temps libre en opérant, pour une modique somme (comment ça – point d’exclamation – ces cons n’ont toujours pas aboli l’argent – autre point d’exclamation – quels primitifs !), quelques menues tâches que vous trouverez sans doute bonnes à m’assigner. Il va de soi que je ne suis pas du tout motivé et que je n’arrive que rarement à l’heure. Je suis également impoli selon certains, mais les filles, elles, ont l’air d’adorer ça. Je refuse aussi de posséder une voiture (de toute façon je n’ai pas l’oseille, la question est tranchée), mais, chose superbe, cela ne posera pas de problème puisque j’habite à environ vingt-cinq pas de chez vous. Autre chose : en travaillant dans votre librairie je vous volerais sûrement des livres. Je préfère vous prévenir immédiatement car je répugne à voler sans avoir clairement prévenu le volé, qui, s’il est volé, est forcément un voleur. Mais ne vous en faites pas, je vous dévaliserai très peu, car, et ce n’est pas nouveau de le dire, on trouve majoritairement de la merde dans les librairies. (« Bonjour, où sont les livres de Chloé Spectacle ? », « Rayon merde monsieur », « merci »).


Voilà le tableau.


Certes, pour vous et moi le mieux serait que vous m’envoyer mensuellement une somme d’argent équivalent à environs 472 euros (en liquide évidemment), sans que je travaille pour vous. (Je vous foutrais ainsi la paix, et vous de même. C’est plus logique. Plus sain. Plus salvateur). Somme que, ne vous en faites pas, je me ferais un plaisir fou de dilapider en sacrifice à ma survie. Mais hélas, je doute (pourtant cela m’arrive rarement) que votre générosité artistique soit si vaste (oui, misère, nous sommes à l’ère du cool et des nouveaux riches), mais je ne vous en veux pas, vous qui vous êtes montré dans Le Monde un digne défenseur des Laides-lettres, de l’Enculture, de la liberté de bafouiller, etc.


Je suis d’accord avec Rimbaud, la vraie vie est absente. C’est le constat premier. Mais contrairement au réformiste Rimbaud personne de lucide ne penserait qu’elle se conquiert par l’expression écrite. Les jours sont fades dans ces villes laides à architecture d’enculé, pleines de cauchemars d’enculé, sans noblesse. Mais des petits plaisirs résistent au matraquage des extases non-marchandes. (Quel plaisir, vraiment, par exemple, à la demande à un de vos employés, si vous aviez dans votre librairie (avec votre assez grand rayon situ et pro-situ pourtant) les livres d’Hegelsturmführer Voyer. Et quel plaisir, encore plus jouissif, à la réponse de celui-ci : « Qui ça ? Jean-Pierre Voyer ? Non, mais nous avons reçu TIQQUN ! ».) Ah, c’est beau le commerce avec le bon sens des gens bons. C’est beau la Corée.


Comme vous pouvez l’imaginer mon cê-vêê est aussi succinct : j’ai peu lu Hegel, mais je suis un authentique gourmet.


Voilà. Dans l’attente d’une réponse défavorable à ma demande, je vous prie d’agréer, cher Vice-Président du Syndicat de la Librairie Française, l’expression de ma très très haute considération.


Kim-Sakkat,

Rmiste dans 5 ans, si cette horreur existe toujours.


 
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   philippe   
16/2/2007
 a aimé ce texte 
Bien
excellent décalé, caustique, politiquement incorrect sans vulgarité merci à l'auteur

   Nono   
17/2/2007
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Ce ton à la fois amer et faussement désabusé colle parfaitement au sujet.
Je regrette quelques tournures un peu surchargées (mon sentiment est que l'auteur a beaucoup de choses à 'exorciser') qui nuisent à ce que l'auteur voudrait faire passer.

Une moitié de mon cerveau envie cette capacité à pousser ainsi ce cri, l'autre lui répond : "la colère rend le message confus et toute ébauche de solution est difficile".
Ah, c'est malin, j'ai trouvé deux lectures à ton texte, et maintenant mon cerveau fait du ping-pong !

   Nico   
13/3/2007
 a aimé ce texte 
Bien
Pas toujours tout compris, mais c'est très agréable comme moment de détente.

   Fattorius   
19/3/2007
Audacieux, parfois un peu fouillis, mais le côté décalé est plaisant. Simplement, je suis peu au fait de l'actualité française: peut-on vraiment être RMIste depuis 5 ans quand on en a vingt?

   Athanor   
21/3/2007
Le titre laisse présager une suite pétaradante.
Las ! Trop de vulgarité à mon goût (je ne suis pas prude).
Quelquefois ont peut retranscrire des climats aussi forts mais en employant un autre registre de vocabulaire. Dommage.
Mais j'ai bien aimé quand même.
In fine, après qui en a-t-il ?

   Karl   
28/3/2007
 a aimé ce texte 
Un peu
J'oscille entre deux sentiments, celui d'avoir lu un texte drôle, mesuré, caustique... et celui d'avoir parcouru les doléances du quelqu'un à qui tout est dû: quelqu'un qui n'a que des droits... et aucune obligation. N'étant pas Français, j'ai certainement dû rater plusieurs clins d'oeil.

   nico84   
1/12/2007
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
J'ai aimé, le ton de toute la nouvelle. J'ai trouve que prendre comme support la lettre etait astucieux car le ton du texte tranche avec celui formel attendu par la lettre. J'ai souris et ris quand on parle du rayon merde. Je sais, c'est petit mais j'ai trouvé la situation trés drôle. Bravo à toi pour l'ensemble en tout cas et merci pour ce bon moment.

   Anonyme   
1/3/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Un oublié du site, je présume, bien caché en dernière page des publications Humour/Détente.

ça fait plaisir de tomber sur de jolis petits textes bien écrits, caustiques, sarcastiques à souhaits, j'ai beaucoup apprécié la lecture de ce récit.

Je n'aimerais pas être à la place du président.

Et même si dans la forme certaines choses sont perfectibles, ça faisait tellement longtemps que je n'avais pas lu un truc aussi bien écrit que je m'en fous.

Merci.

   PetiteMarie   
28/4/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Moi ce que j'aimerais bien voir, c'est la face qu'aurait fait ce fameux "VicePrésidentduSyndicatdelaLibrairieFrançaise" s'il avait vraiment existé et si tu lui avais envoyé cette lettre. Je suis persuadée que ça vaudrait le détour.
Quant au texte, agréable à lire, ça change les idées de ce qui est socialement correct. Merci pour ces quelques minutes d'amusement que tu m'as procurées.

   Pascal31   
27/3/2011
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
Un texte à trois plumes, écrit à Toulouse, dans la catégorie "humour/détente" : tout cela laissait présager le meilleur !
J'ai été quelque peu déçu par cette lettre parfois opaque, qui ne m'a amené que quelques (légers) sourires...
Un avis en demi-teinte, pour moi.


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