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Policier/Noir/Thriller
Tiramisu : Le grand saut
 Publié le 19/01/20  -  15 commentaires  -  17739 caractères  -  122 lectures    Autres textes du même auteur

Quand la fiction perturbe la réalité...


Le grand saut


Léa fixe les rayons blancs de la lune dans la trouée des feuilles mortes. La forêt a fait silence lors du tapage de l’homme. Il est parti. Les animaux nocturnes reprennent leurs mouvements. La respiration de la femme aussi, elle se fait ample et libre, l’oppression habituelle a disparu. Léa est heureuse d’avoir réussi. Elle a chaud dans son trou de terre, sous sa couverture végétale, sa position fœtale est confortable, la somnolence la guette.


+++


Thierry Morin se gratte la tête, il jette un œil à la pendule murale, il est minuit. L’heure du crime. Et pourtant, sa dernière intrigue lui résiste. Il aime ces heures nocturnes au commissariat, il est bien le seul gradé à accepter de gaîté de cœur les permanences de nuit. Il dort peu, il dort mal, la nuit l’inspire pour écrire, les bureaux vides et silencieux, aussi. Proche de la retraite, il s’adonne à son projet, écrire un roman policier. Il a décidé d’utiliser toute la matière accumulée dans son expérience professionnelle pour devenir un écrivain reconnu dans ce genre. À ce jour, il s’est contenté de la publication de nouvelles policières sur un site littéraire. Le thème de son roman tourne autour de la relation toxique dans un couple. La porte s’ouvre sur le policier de l’accueil.


– Thierry, j’ai un gusse à l’interphone qui dit avoir perdu sa femme dans la forêt, je le laisse entrer ou pas ?


L’inspecteur lève les yeux au-dessus de ses lunettes. Les problèmes commencent tôt pour un samedi soir. C’est la nuit des accidents de voiture, des taux d’alcoolémie record, et des bagarres de bars, il soupire.


– Il a fait comment pour la perdre dans la forêt, sa femme ?

– Elle a sauté de la voiture, il ne l’a pas retrouvée.

– Ouvre-lui et envoie-le-moi.


La curiosité piquée, Thierry se redresse sur son fauteuil, dégage plusieurs dossiers sur le bureau pour créer un espace, et sort son bloc-notes. Est-ce encore une affaire de mari violent ? Son chef devient très fébrile concernant les féminicides. Les réseaux sociaux accusent la mollesse de la justice et le « je-m’en-foutisme de la police », tout ça rend la hiérarchie très nerveuse. Quelques minutes plus tard, le policier introduit un homme grand, bien habillé, à l’air affolé. L’inspecteur le salue et lui désigne un siège. L’inconnu hésite à s’asseoir tant il a l’air agité et pressé mais comprend que c’est le passage obligé.


– Que vous arrive-t-il ?

– Ma femme ! Je l’ai perdue dans la forêt.

– Pouvez-vous me décrire précisément ce qui s’est passé ?


Une lueur agacée traverse le regard bleu, il s’écrie :


– On n’a pas le temps d’écrire un rapport là ! Il faut se dépêcher, aller la chercher, je vous en prie.


Thierry a un doute, voire une suspicion. Cette histoire de femme qui s’enfuit lui fait penser à l’intrigue sur laquelle il travaille. Il répond d’un ton sec.


– Ce n’est pas comme ça que cela se passe. J’ai besoin d’abord de comprendre la situation, et évaluer le degré de dangerosité pour votre femme. On va commencer par le début, vous allez décliner votre civilité et celle de votre épouse.


Son interlocuteur va vite comprendre qui dirige l’entretien. L’homme pose ses coudes sur ses genoux, se prend la tête dans les mains. Il se présente, il s’appelle Romain Tardi, chef d’entreprise. Son épouse, Léa, et lui revenaient d’un dîner de chez ses beaux-parents où ils ont déposé leurs deux enfants pour les vacances de la Toussaint. Et lors de la traversée de la forêt, sa femme a sauté de la voiture en plein virage. Thierry Morin hausse un sourcil.


– Vous rouliez, elle a sauté !? Cela lui a pris comme ça, d’un coup, sans raison ?

– Nous parlions de choses et d’autres, et brusquement, elle a défait sa ceinture, ouvert la porte, et elle a sauté.

– De quoi parliez-vous exactement ?


Romain Tardi hésite un moment. Et puis, il se redresse.


– Ma femme se plaignait de ses parents qui veulent imposer leur propre éducation à nos enfants.

– Et...

– Je relativisais, nos enfants sont capables de faire la part des choses. Et là, elle a sauté...

– Qu’avez-vous fait ?

– J’ai arrêté ma voiture, en sortant, j’ai vu qu’elle rentrait dans le bois, j’ai couru pour la rattraper. Je l’ai appelée, je l’ai cherchée, je ne l’ai pas retrouvée.

– Comment expliquez-vous que votre femme ait fait ça ?


Romain Tardi se repenche à nouveau en avant, les bras serrés sur son ventre, il fixe le sol accablé.


– Je ne comprends pas. On parlait tranquillement et...

– Aurait-elle peur de vous ?

– Non, voyons ! Pourquoi ça ? Je fais tout pour elle afin qu’elle se sente bien.


L’homme s’est redressé, choqué. L’inspecteur fait un geste apaisant de la main.


– Cela lui arrive souvent de telles actions inconsidérées et dangereuses ?


Romain Tardi se tasse plus profondément sur sa chaise. Il hoche la tête.


– Ma femme est fragile. Elle prend des antidépresseurs. Le psychiatre la décrit borderline, dépressive à tendance suicidaire.

– Ce serait une tentative de suicide, alors ?

– En tout cas, un acte irraisonné comme elle est capable d’en avoir.

– Vous pouvez m’en citer quelques-uns de ses actes irraisonnés ?

– Oublier d’aller chercher les enfants à l’école, en oublier un dans un magasin, emmener les enfants à la mer au lieu de les emmener à un rendez-vous chez le médecin, ne rien préparer pour le dîner alors que l’on a des invités prévus de longue date, se faire couler un bain et l’oublier au point d’inonder la pièce et celle d’en-dessous...


Romain Tardi égrène la liste des conduites insensées de sa femme en comptant sur ses doigts. L’inspecteur finit par l’interrompre.


– Vous parlez de beaucoup d’oublis, cela peut venir des médicaments, non ?

– Oui peut-être...

– Je ne vois pas trop de lien avec le fait de sauter d’une voiture, a-t-elle déjà fait des tentatives de suicide ?

– Une overdose de somnifères. Un jour, l’école m’a appelé, personne n’était venu chercher les enfants, j’ai foncé à la maison, elle était inerte. Le psychiatre a augmenté les doses d’antidépresseurs cela semblait aller beaucoup mieux.

– Elle ne travaille pas ?

– Non, elle n’en a pas besoin. J’ai un revenu confortable. Et puis, elle est si fragile, elle ne tiendrait pas une vie professionnelle.

– Elle a fait des études, elle a une qualification ?

– Oui, elle est architecte.

– Elle n’a jamais travaillé ?

– Si, avant nos enfants.


Thierry Morin observe l’homme par-dessus ses lunettes. Il pense à son roman. Il trouve une correspondance avec son personnage principal, homme séduisant, mari affable en public et pourtant martyrisant sa femme à la maison.


– Inspecteur, il faut aller la chercher, elle peut être blessée, ou se mettre à errer le long de la route, se faire écraser...


Romain Tardi a l’air très inquiet. Thierry Morin doute pourtant de sa sincérité.


– Nous ne pouvons rien faire dans l’immédiat. Je vais organiser les choses afin que dès les premières lueurs de l’aube une équipe soit prête avec des chiens. Allez dormir, et soyez là à sept heures du matin avec un vêtement porté récemment par votre femme. Nous avons besoin de vous afin que vous nous montriez l’endroit précis où elle a sauté.


Romain Tardi se passe la main dans ses cheveux bouclés. Il soupire et acquiesce. Il se lève lourdement.


– Donnez-moi les coordonnées de vos beaux-parents, je vais les appeler.


L’homme est surpris, il fronce les sourcils, et semble brusquement alarmé.


– À cette heure-ci ? Vous allez les inquiéter ! Je ne les ai pas prévenus. Que voulez-vous qu’ils vous disent ? Attendons de la retrouver…

– J’ai besoin d’avoir leur point de vue sur l’état de leur fille ce soir.


Las, Romain Tardi n’insiste pas, il donne le numéro de téléphone demandé.

Thierry Morin veut avoir leur témoignage. Si elle est fragile, cela ne date pas d’hier. Et surtout, il souhaite connaître leur opinion concernant leur gendre.


+++


Léa sursaute dans son sommeil. Un bruit l’a réveillée. Son cœur bat très fort, elle a peur. Elle veut se sauver. Son corps ne répond pas, il est lourd, tellement lourd, elle est clouée au sol. Tous ses sens aux aguets, elle frissonne, elle se mord les lèvres pour calmer ses tremblements, si ça commence, cela ne va pas s’arrêter. Son cœur est un tambour qui lui bat les tympans et l’empêche de percevoir les bruits. Dans l’interstice des feuilles, elle voit se découper la silhouette noire d’un grand oiseau sur le rayon blanc de la lune, ses ailes bougent à peine, le vol est lent et silencieux. Une chouette ? Il lui faut du temps pour retrouver son calme. Longtemps, elle reste dans un état de torpeur à fixer l’endroit où est passé l’oiseau. Puis, elle finit par se rendormir.


+++


Thierry Morin raccroche le téléphone, il demeure pensif. Il vient de s’entretenir avec les parents de Léa Tardi. Il a d’abord mis du temps à calmer la mère après lui avoir appris le geste de sa fille. Il entendait le père derrière elle dont les commentaires étaient tout aussi inquiets. Les parents ont décrit une jeune femme fragile après avoir été une adolescente fantasque, sensible, anxieuse avec des tendances boulimiques. Elle n’avait jamais fait de tentative de suicide dans sa jeunesse. L’arrivée des enfants a changé la donne, elle se stresse pour un rien, elle est débordée, elle appelle régulièrement en panique : angoissée de ne pas réussir un repas, de mal faire avec ses enfants. Elle a toujours été perfectionniste, ses parents ont beau lui répéter qu’il ne faut pas espérer être une mère parfaite, elle doit faire de son mieux, c’est tout. La mère semble être une femme énergique, pragmatique, solide et aimant sa fille unique. Elle plaint son gendre qui en plus d’un métier exigeant devait gérer toute la vie familiale. Il a engagé une baby-sitter pour seconder sa femme, en plus d’une femme de ménage qui fait aussi des courses, c’est lui-même qui a sélectionné les deux personnes, comme s’il n’avait pas assez à faire avec son travail. Malgré toutes ces aides, sa fille continue de se noyer dans un verre d’eau. Son gendre fait le maximum, lorsqu’il a vu que sa femme allait de plus en plus mal, il s’est mis en quête d’un psychiatre, il lui a trouvé le meilleur par le biais de ses relations. Thierry Morin a échangé aussi avec le père, moins disert que sa femme, il confirmait totalement l’avis de son épouse, quoique l’inspecteur l’ait trouvé moins enthousiaste vis-à-vis du gendre. Il n’a pas réussi à savoir si cela venait de son caractère ou d’une réelle réserve. À la dernière question, Léa a-t-elle des amis, des personnes à qui elle pourrait se confier ? La mère, plus au fait que le mari, a répondu que non, elle avait perdu de vue ses amis d’avant son mariage. Les parents lui ont proposé les coordonnées du psychiatre. L’inspecteur l’a appelé sans grand espoir qu’il décroche à cette heure tardive, il a laissé un message afin que celui-ci le rappelle.


+++


Aux premières lueurs du jour, après avoir observé longuement une araignée jouer l’équilibriste sur une branche morte, Léa est descendue vers un ruisseau. La froideur humide de l’automne l’aide à sortir de sa torpeur. Elle n’a pas pris ses doses de médicaments hier soir. Elle est perdue. Qu’a-t-elle fait ? Encore une bêtise, une très grosse cette fois-ci, elle ne fait que ça, des bêtises, toujours des bêtises, cela lui fait penser à une chanson, elle rit. Pourtant cela fait longtemps qu’elle a pensé à ce grand saut. À chaque fois qu’ils reviennent de chez ses parents, elle se sent tellement mal qu’elle a observé ce virage. Elle a réfléchi que c’était le meilleur endroit pour sauter. Là où il y avait de la terre, de la mousse, et les arbres assez loin pour ne pas s’écraser contre eux. Elle a rêvé de nombreuses fois à ce saut à en devenir une obsession. Elle a décomposé tous ses mouvements, le déclic de sa ceinture, la main droite sur la poignée de la porte. Elle s’est même entraînée sur leur lit conjugal à faire un roulé-boulé parfait. Puis sur des coussins dans le salon, puis sur le tapis. Se mettre en boule, protéger sa tête, rouler comme un ballon. Se relever, courir dans le sens inverse de la voiture sur la route, puis rentrer dans la forêt tout droit dans un chemin qu’elle avait repéré, courir encore, puis brusquement obliquer à droite, trouver une cachette pendant que lui penserait qu’elle a continué tout droit. Et elle a trouvé cette petite ravine, un arbre ouvrait ses deux racines comme des grands bras accueillants et cela formait une matrice dans laquelle elle s’est enfouie sous un tas de feuilles mortes. Elle était si contente.

C’est malin d’avoir fait ça ! Que va-t-elle faire maintenant ? Elle n’est capable de rien sans lui.


+++


Les chiens les amènent rapidement au ruisseau. Tout de suite, les policiers voient Léa Tardi assise au bord du cours d’eau. Elle fixe l’eau comme hypnotisée puis lève les yeux vers eux, Thierry Morin est certain d’y voir une lueur de frayeur. De quoi a-t-elle peur ? De son mari, des policiers, des chiens ? Tout de suite, Romain Tardi se précipite vers elle, muni d’une couverture, il l’enroule dedans.


– Ma chérie, j’étais si inquiet !


Il la serre contre lui, elle fait toute fluette dans ses bras. Thierry les observe, silencieux. Il finit par s’adresser à elle.


– Nous vous emmenons au commissariat pour prendre votre déposition.

– Elle est épuisée. Elle doit d’abord se reposer, plaide Romain Tardi, soucieux.

– Nous n’en aurons pas pour longtemps, c’est la procédure.


L’inspecteur sait qu’il n’y a pas vraiment de procédure pour un tel cas. Il veut en priorité saisir le témoignage de cette femme sans qu’elle soit sous l’influence de son mari. Romain Tardi entoure son épouse de ses bras, la soutient jusqu’à la sortie de la forêt. Il veut la confier à la garde des policiers mais elle s’accroche à lui. Thierry les fait monter dans la voiture de police. Arrivés au commissariat, c’est avec toutes les peines du monde qu’elle se sépare de son mari afin que l’interrogatoire ait lieu hors de sa présence. Elle s’agrippe à son bras, elle est en pleurs. Enfin, l’inspecteur est seul avec elle dans son bureau. On dirait une petite fille qui s’est roulée dans la boue, des feuilles sont encore accrochées à ses cheveux, ses vêtements sont froissés et souillés. Son visage est menu, ses grands yeux sombres semblent l’occuper entièrement.


– Madame, pouvez-vous m’expliquer votre geste, pourquoi avez-vous sauté de la voiture ? demande-t-il d’un ton très doux.


Léa Tardi le regarde, des cernes mauves profonds sous les yeux. Elle soutient à peine son regard. Elle fixe un cadre au-dessus de lui, plus exactement un tableau de liège sur lequel sont punaisées des notes de service, d’où elle est, elle ne peut rien lire pourtant elle semble tout absorbée par ce qu’elle voit. Thierry Morin réitère sa question après un long moment de silence.


– Madame, je vous en prie, répondez à ma question.

– Je ne sais pas, lâche-t-elle dans un murmure.

– Vous vous êtes enfuie, que fuyez-vous ?


C’est à contretemps qu’elle sursaute comme si la signification des paroles de l’inspecteur avait mis du temps à s’élaborer dans son cerveau.


– Rien..., rien, si, moi-même. Je me sens si mal. Je suis une incapable.

– Vous vous jugez durement...

– Laissez-moi rejoindre mon mari, je vous en prie.


À ce moment précis, le mobile de l’inspecteur vibre sur le bureau. C’est le psychiatre dont il a enregistré le numéro.


– Je vous laisse quelques minutes, je prends l’appel dans la pièce à côté.


Quand il revient, elle est sortie de la pièce, et dans la porte entrouverte, il voit qu’elle est blottie dans les bras de son mari. Le psychiatre ne lui a rien appris de nouveau. Il a d’abord utilisé un jargon de spécialiste puis un ton condescendant pour expliquer ce que le policier ne comprenait pas. Il lui a confirmé qu’elle a une personnalité limite et dépressive, elle pourrait basculer dans la psychose, et il craint que ce saut soit un signe avant-coureur de ce basculement. Pour lui, il faudrait l’hospitaliser d’urgence dans sa clinique. Quand Thierry Morin a émis l’idée que la relation de couple pourrait contribuer à son état, le médecin s’est retranché avec froideur derrière son diagnostic et le fameux secret professionnel pour couper court à la conversation.

Découragé, Thierry Morin pense avoir fait fausse route sur toute la longueur. Il s’adresse au mari.


– Vous pouvez emmener votre femme.


Thierry Morin décide de cesser d’écrire tant qu’il est encore en poste cela influe trop sur sa profession. Il se fait vieux, il ne peut pas mener deux métiers en parallèle, cela nuit à son objectivité. Il a tout simplement confondu son intuition avec son imagination. Il a failli s’en prendre à un innocent. Il s’en veut. Cette femme a un problème psychologique c’est évident et son mari fait le maximum pour l’aider. Pourquoi se réfugierait-elle ainsi dans ses bras, autrement ?


Après le départ du couple de son bureau, il descend se prendre un café au distributeur automatique de la salle de pause des équipes, il est épuisé, à cette heure-là il devrait être rentré chez lui et récupérer de sa nuit blanche.

Tandis qu’il appuie sur son choix préféré, un expresso serré, il regarde par la fenêtre qui donne sur le parking. Romain Tardi et sa femme ont rejoint leur voiture, elle est accrochée à lui tandis qu’il actionne sa clef à distance. Il lui retire brusquement son bras, son visage aux traits durcis se penche vers elle, il lui dit quelques mots à l’oreille. Elle se recroqueville sur elle-même, son dos se voûte, ses traits se crispent. On dirait une petite vieille qui monte dans la voiture.


Glacé, Thierry Morin reste figé à regarder la voiture s’éloigner.


 
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   Corto   
4/1/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Cette nouvelle aborde un sujet délicat avec beaucoup de finesse.

Le déroulé des événements est facile à suivre, chaque élément est crédible et logique.

Mais la situation que l'on pressent est complexe, comme si un écran présentable nous séparait d'une trame aux éléments cachés. Et ce sont ces éléments qui sont réellement importants.

De fait la nouvelle en narrant chaque événement, chaque personnage, chaque dialogue en reste à la surface d'un tissage serré qui ne veut pas se dévoiler. Un peu comme si voulant visiter un immeuble on en regardait simplement la façade alors que l'essentiel se trouve dans les appartements qui, eux, restent cachés.

Chaque personnage est dans son rôle mais l'articulation des personnages entre eux reste floue, juste assez pour qu'on en devine des contours hypothétiques qui amènent le doute.

Le policier lui-même s'interroge sur ces contours réels, mais il n'a guère de moyens pour y accéder. Même le psychiatre se drape derrière son secret pour ne pas l'aider.

Les deux niveaux, façade simple et arrière plan complexe sont bien menés et font la richesse de cette nouvelle.

Le lecteur doit attendre le final pour être conforté dans ce qu'il pressent: "Elle se recroqueville sur elle même, son dos se voûte, ses traits se crispent", et enfin: "Glacé, Thierry Morin reste figé à regarder la voiture s’éloigner."

Une très belle nouvelle, une intrigue bien menée, un lecteur captivé puis furieux devant tant d'impuissance.

Bravo à l'auteur.

   Anonyme   
4/1/2020
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour,
Une nouvelle agréable à lire, par sa mise en page et l'alternance des dialogues avec les parties récit.
Au niveau de la crédibilité, je me demande si la police mettrait tant en œuvre pour ce "grand saut" d'un adulte.
Passé cette question, je trouve que les personnages sont bien dépeints.
L'inspecteur profitant de ses nuits de garde, creusant dans son expérience, et ce petit clin d'œil au site littéraire où il a proposé des nouvelles.
Léa, qui bénéficie du premier paragraphe, incitant le lecteur à poursuivre sa lecture et qui se révèle au fil du texte dans sa grande fragilité.
Le conjoint, les parents tiennent tout à fait leurs rôles.
Concernant le psychiatre, je me demande aussi, si son intervention est plausible. Si sa réponse est adaptée à la situation ; sans doute, oui, il n'a pas à prendre partie dans l'enquête, reste à savoir s'il aurait vraiment répondu si vite.

La fin du texte est éclairante.

Les phrases :
"Est ce encore une affaire de mari violent ? Son chef devient très fébrile concernant les féminicides. Les réseaux sociaux accusent la mollesse de la justice et le « je-m’en-foutisme de la police », tout ça rend la hiérarchie très nerveuse." est à mes yeux un peu trop insistante sur le sujet dont il est question dans la nouvelle.

"Thierry Morin décide de cesser d’écrire tant qu’il est encore en poste cela influe trop sur sa profession. Il se fait vieux, il ne peut pas mener deux métiers en parallèle, cela nuit à son objectivité. Il a tout simplement confondu son intuition avec son imagination. Il a failli s’en prendre à un innocent. Il s’en veut. Cette femme a un problème psychologique c’est évident et son mari fait le maximum pour l’aider. Pourquoi se réfugierait-elle ainsi dans ses bras, autrement ?" ne sont peut-être pas indispensables. Trop en contradiction (et/ou trop évidente pour la suite) avec son intime conviction finale.

Le sujet évoqué est sensible, si les sévices psychologiques (notamment dans un couple) relèvent de la justice depuis 2010, il est encore très difficile aux victimes de l'énoncer, donc de le dénoncer et de le faire reconnaître, voire sanctionner.

Merci du partage,
Éclaircie

   maria   
4/1/2020
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour,

La lecture terminée, je me suis demandé pourquoi j'avais lu toute l'histoire puisque tout avait été dit dans les premières phrases : "il est parti", "Léa est heureuse d'avoir réussi", proche de la retraite...écrire un roman policier...relation toxique dans un couple."
Si je suis allée jusqu'au bout, c'est parce que je ne me suis pas ennuyée. Certes les dialogues entre l'inspecteur et le mari sont banals, mais ils sont cohérents et amènent, à chaque réplique, un élément nouveau.
Léa est émouvante, seule, dans la forêt. "Cela fait longtemps qu'elle a pensé à ce grand saut".
On comprend mieux la situation au fur et à mesure.

La fin est glaçante mais attendue. En se présentant spontanément au commissariat le mari s'est innocenté. Une source d'inspiration pour Morin ! Et j'ai trouvé l'ensemble vivant, visuel et bien écrit.

Merci pour le partage et à bientôt.
Maria en E.L.

   cherbiacuespe   
6/1/2020
 a aimé ce texte 
Bien
De mon point de vue, le seul bémol de ce texte vient du passage ou T. Morin s'entretient avec les parents de Léa qui aurait été plus convaincant, plus vivant sous la forme d'un dialogue.

C'est bien construit, sans doute quelque petites choses contestables ici où là, mais rien d'impardonnable (c'est une nouvelle, pas un roman), bien écrit.

La chute pouvait aussi tomber dans la totale innocence du mari, cela n'aurait pas été plus surprenant. Rien à dire, c'est une bonne petite histoire, sans plus.

Cherbi Acuespè
En EL

   Louison   
9/1/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Un sujet difficile. Ici on voit le doute du policier face à ce (peut-être...) pervers narcissique. Vous appuyez sur ce doute et du coup nous aussi doutons. Mais cet homme est sympathique et cette pauvre fille qui se noie dans un verre d'eau... Oui on sait que le profil du pervers est ainsi. Le policier est un peu laxiste, il lâche un peu vite l'affaire et c'est souvent ainsi, hélas dans la vraie vie. J'ai bien aimé ce texte, même si j'aurais aimé que vous laissiez entendre plutôt que dire la perplexité du policier.

   Anonyme   
19/1/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour Tiramisu,

J'ai apprécié la psychologie des personnages, bien travaillée, de votre texte. L'instabilité émitionnelle de Léa est bien exprimée, sa fragilité également, je m'étonne tout de même de ne pas la voir s'énerver plus (autrement que par sa rebellion envers Romain en sautant de la voiture) mais cela est sous jacent, on suppose que ça a dû arriver même si ce n'est pas mentionné. Romain a tout du pervers narcissique, la révélation finale glace le lecteur, tout comme l'est Thierry. Malgré tout, il est étonnant que Léa ne soit pas hospitalisée à la fin, même si ça ne gêne pas la crédibilité du texte, et puis rien n'empêche qu'elle finisse par l'être...

Bravo, bien écrit, bien vu !

Edit : je me trompe peut être, mais comme l'histoire ne s'arrête pas là, peut on voir dans ce texte une ébauche de roman ? Ou d'un texte plus long ?

   Anonyme   
19/1/2020
 a aimé ce texte 
Passionnément
Bonjour,

Je suis en école de cinéma et en lisant ta nouvelle je me suis dit : ça serait sympa en court-métrage ! Je trouve que c'est très intéressant au niveau des relations entre les personnages, de la mise en erreur du lecteur, et surtout de la fin ouverte. Et la femme perdue dans la forêt, presque comme un animal blessé, très poétique.
Du coup puisque l'histoire et donc l'idée originale est de toi je voulais avoir ton accord avant de commencer une quelconque adaptation. Evidemment si ce projet prenait vie tu serais crédité comme porteur de l'idée originale, loin de moi l'idée de vouloir te plagier.


Voilà, j'espère que tu seras intéressé. Tu peux me joindre à cette adresse mail : cathy.planche1@gmail.com.


Très belle journée à toi,


Cathy

   ours   
19/1/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bonjour Tiramisu

Il y a beaucoup de bons ingrédients pour faire monter la tension dans ta nouvelle aux accents de polar noir. Des fausses pistes, de l’ambiguïté liée à l'histoire des personnages puis à la réflexion du flic, biaisée par sa propre imagination, les personnages campés et le décor très visuel.

Puis, la question reste ouverte, et c'est cela que j'ai aimé aussi, est-ce l'histoire d'une femme victime de son mari ou l'histoire d'un flic dont l'intuition est déformée par son envie d'écrire. Dans les deux cas on dénonce des réalités par très heureuses, d'un côté les violences faites au femme, de l'autre les cheminements de pensée dénaturés et standardisés.

L'écriture est quant à elle simple, claire et directe, la narration bien menée, et les personnages bien présents dans l'histoire. A part peut être les parents qui permettent d'augmenter un peu l'incertitude mais dont l'intervention ne m'a pas convaincu.

On voit aisément dans cette nouvelle l'entame d'un projet plus grand. Et en même temps, la nouvelle se suffit à elle seule.

Enfin, il faut aussi remarquer qu'il est intéressant de voir que l'on peut créer des situations angoissantes voire terrifiantes pour le lecteur sans avoir recours à des excès de démonstrations horrifiques, le final avec le départ de Romain et Léa le montre bien qu'une situation 'ordinaire' peut être source d'une réelle angoisse. Sur ce point je te dis Bravo car ce n'est pas simple.

   plumette   
20/1/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour Tiramisu

Une sorte de mise en abyme entre l'imaginaire de Morin et sa pratique professionnelle.

Ce Morin qui est au centre de l'histoire nous fait vivre ses interrogations et ses doutes.

Il a une intuition mais aussi assez de recul pour ne pas confondre intuition et preuve.

je trouve cette histoire bien construite et subtile.

La sensibilité du lecteur est sollicitée et rien n'est évident.

l'écriture sert bien le récit.

la première phrase qui nous met en présence de Léa dans son refuge sylvestre est très attractive!

Une vraiment bone lecture pour moi!

   Malitorne   
22/1/2020
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Décidément Tiramisu, vous exploitez le même filon. Comme votre dernier texte, une intrigue policière autour des violences faites aux femmes. Le sujet a l’air de vous préoccuper, pourquoi pas, mais attention à ne pas vous répéter au risque de lasser les lecteurs qui vous suivent.
Le récit en lui-même est correct, facile à lire, mais personnellement je trouve votre style trop classique, sans beaucoup de relief. Rien ne le distingue du commun et vous devriez, à mon avis, être plus audacieuse dans votre manière d’écrire.
L’enquête est bien menée, vous multipliez les pistes pour aboutir au final à une révélation. Pas vraiment une surprise car on s’en doute, mais c’est une manière efficace de conclure.
Une dernière chose parce que je m'y connais, l'intervention du psychiatre n'est pas crédible. Il explique en détail l'état psychique de sa patiente puis après se retranche dans le secret professionnel ! Incohérence. Enfin on ne bascule pas dans la psychose comme ça.

   Anonyme   
27/1/2020
 a aimé ce texte 
Bien ↑
très bon texte, l'histoire est plutôt bien menée et l'inspecteur est assez réussi psychologiquement. Le suspense est bien mené pour mener à la conclusion finale mais je me demande si la psychologie des personnages n'est pas un peu trop manipulée pour coller au suspense. Le mari est un peu trop propre sur lui et les parents un peu trop d'accord pour que la subtilité de la nouvelle satisfasse pleinement mon empathie au niveau de la psychologie des personnages. Faire avoir au mari des sourires ou attitudes un peu arrogantes ou suffisantes tout en restant assez floues pour qu'on en déduise pas sa culpabilité pour autant aurait pu être une piste. Que Léa émette au moins un doute envers son mari vite balayé par ceux qu'elle a envers elle-même aussi. Une astuce intéressante aussi serait de rendre l'inspecteur un peu plus désagréable pour que le doute se porte aussi sur la possibilité que le méchant de l'histoire puisse aussi être lui et son dédain ou ses fausses certitudes mais cela aurait pu rallonger inutilement la nouvelle et ça reste une belle œuvre courte c'est juste mon empathie qui est perfectionniste et pinaille ^^.

   hersen   
29/1/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
J'aime le tour qu'a pris cette histoire.
Car on devine le mari assez louche et nous sommes inconsciemment d'accord avec l'inspecteur.
Pour un peu, on est presque déçu qu'il laisse tomber, même si l'argument de mélanger écriture et vie professionnelle est admissible en fin de carrière.

La fin, en ce qui me concerne, a été comme un soulagement de la preuve du comportement du mari.

Je ne sais pas si l'inspecteur est crédible, n'y connaissant rien, mais dans ce format, ça passe très bien !

Merci de cette lecture !

   Tiramisu   
30/1/2020

   Catlaine   
9/4/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour,
Comme pour Craquement, je trouve le texte bien écrit et tout à fait crédible.
Pour avoir vu plusieurs témoignages de femmes battues physiquement et psychologiquement par des hommes « biens sous tous rapports », je pense que les portraits et actions dressés ici de Romain, Léa et ses parents sont tout à fait crédibles.
Par contre, j’ai trouvé le psychiatre trop coopératif et je pressens une complicité « horrifiante » avec le mari.
Quant au policier, au début j’ai pris plaisir à penser qu’il était à l’intérieur de son roman mais très vite on s’aperçoit que la réalité rejoint la fiction ou inversement.
J’ai aimé la sobriété du récit où l’on sent une violence extrême sous-jacente et qui va crescendo jusqu’à la fin où « son visage aux traits durcis se penche sur elle, il lui dit quelques mots à l’oreille »
De mon point de vue, ce texte dépeint une dramatique réalité et malheureusement le pire reste à venir.

   matcauth   
10/4/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup
J'ai bien aimé lire ce texte car il est écrit avec simplicité, et écrire simple, c'est très difficile. Par rapport au précédent texte que j'ai lu, chronologiquement ultérieur, néanmoins, l'histoire est dépeinte, sans jugement, et c'est très bien.

Je regrette peut-être que le texte soit trop lisse, le rythme trop régulier, lent, sans réelle surprise. Mais le sujet l'autorise t-il ? Car finalement le côté glaçant de la dernière scène est bien retranscrit, on le ressent, et l'objectif du texte est atteint. Surtout que ce genre de sujet est très délicat à aborder, puisque les connaissances ne sont que parcellaires, et prendre plus de risques serait, peut-être, prendre trop de risques, et ce inutilement.

Mais en apprendre plus sur le contexte, sur la vie que mène ce couple, permettrait aussi d'accentuer la réflexion que l'on peut avoir, en lisant ce texte ou en croisant la même situation. Là, on a assez peu d'éléments pour creuser la réflexion.

Du bon boulot, propre. Reste à, peut-être, saupoudrer le récit d'un peu de puissance narrative, mais, en même temps, cela semblerait peut-être superflu à l'auteur.


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