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Fantastique/Merveilleux
TITEFEE : Graines de rêves... suite 1
 Publié le 16/01/08  -  7 commentaires  -  5853 caractères  -  11 lectures    Autres textes du même auteur

Le merveilleux côtoie le quotidien... Sans aucun doute, l'important c'est d'ouvrir les yeux et le cœur pour le voir, ou le comprendre... La vie est tellement moins banale après ça.


Graines de rêves... suite 1


Ce matin je me sens complètement « une autre »…


J’ai conscience que dans mon esprit s’est opérée une fantastique transformation.

Où donc est partie cette sensation douloureuse qui serrait la veille encore, mon cœur comme dans un étau ?


Dans le miroir de la psyché je découvre à l’instant mon visage et dans l’éclat inhabituel de mes yeux le vert est devenu plus minéral. J’arrondis mes lèvres, soulignées d’un rose pêche, en une moue mutine puis me décoche un « vrai » sourire.


Je ne suis plus du tout la femme triste et incommensurablement abattue de ces derniers temps. Non, la vie circulant à nouveau fait naître en moi une impression de joie fragile et avec elle l’envie de bouger.


La journée va tenir ses promesses. Le ciel est laiteux, le givre a enserré dans des manchons immaculés les branches des arbres… La neige recouvre les buissons aux contours adoucis. Phoggy, ma femelle labrador noire, me regarde en remuant la queue. Elle semble presque étonnée de m’entendre chantonner « Vive le vent, vive le vent d’hiver »


Je crois bien qu’elle ne m’a jamais entendue chanter depuis qu’elle est entrée dans ma maison il y a deux années déjà ! Lors des attentes interminables, jusqu’au petit jour de mon tiède mari, je ne savais que la caresser distraitement en mouillant sa fourrure de lourdes et silencieuses larmes.


J’avais acheté sur les quais de la Mégisserie à Paris, cette petite boule de poils noirs pour ses yeux couleur chocolat et surtout cet élan joyeux qu’elle avait eu envers moi lorsque je m’étais accroupie en l’appelant « Viens le chien, viens mon tout petit »


Mais lorsque je l’avais montré à Pierre celui-ci avait secoué la tête traitant Phoggy comme encore un de mes « inutiles caprices ».


Je me prépare hâtivement et je donne la laisse à Phoggy qui la prend dans sa gueule comme elle en a l’habitude. J’aime faire avec elle des promenades en lui laissant une certaine liberté. En fait, elle est obéissante et j’aime la voir partir en courant gueule grande ouverte comme si elle voulait manger le vent et revenir la langue pendante se coller haletante à mes jambes.


Sur la table, dans la coupelle, le sachet de mousseline est toujours là et l’on aperçoit les graines rondes à travers la transparence du tissu. Le petit rouleau de papier est toujours roulé près de la coupe et mon regard est soudain attiré par un éclat lumineux comme un petit soleil. Des myriades de points étincelants se dispersent sur le mur comme se diaphragme le rayon solaire sur un diamant.
M’approchant je m’aperçois que ces petits points éclatants proviennent d’une graine qui brille plus que les autres. Elle semble avoir pris du poids et du volume depuis hier… elle est semblable à une perle irisée et noire et lorsque je la prends dans ma main elle bat comme un cœur contre ma paume. Tout doucement comme déplié par une main invisible, le papyrus s’est déroulé et je lis, inscrits d’une jolie écriture, à jambages fins et aériens, ces mots :


Graine de mots surprises et drolatiques Ceux-ci resteront mystérieux jusqu’à la parfaite éclosion de l’humour et de la joie « véritables ».


J’ai perdu le goût de rire depuis longtemps, et mes amis eux-mêmes disent ne pas retrouver la petite lumière qui brillait avant dans mon regard.
Je prétexte souvent que le départ de mes enfants en est la cause, mais me croient-ils vraiment ?
En tous les cas, les invitations se sont raréfiées au fil des mois. Quitter la capitale pour trouver en Province une maison dans laquelle je me sentirai en harmonie avec mes envies de nature m’apparaissait alors la meilleure solution qui me libérerait de l’ambiance désespérante dans laquelle je vivais. Je pensais surtout que tout pouvait être différent « ailleurs » Et c’est ainsi que j’avais eu le bonheur de trouver une maison en bordure du Rhône, avec un petit jardin de curé, et de grands cèdres bleus échevelés qui dansaient la gigue les jours de grand mistral.
Et c’est ce matin d’hiver tout rose et blanc au bord du Rhône justement que me prend l’envie d’aller fouler la neige vierge sur le chemin de hallage. Le soleil sur le Vercors rosit le ciel comme le sont les joues d’une jeune fille.


Phoggy sait déjà où nous mèneront nos pas et elle jappe joyeusement.


Sur le fil du fleuve passe une péniche jaune poussin. Elle laisse un large V derrière elle dont le remous désarçonne, en la croisant, la frêle embarcation d’un pêcheur trop occupé à retirer un gros silure des flots…
Dans la barque, son fils sans doute, ne sait plus qui sauver, du poisson ou du père. Celui-ci nage rageusement en maudissant du poing le capitaine de la péniche. Le fils repêche son paternel et le capitaine actionne sa corne pour indiquer qu’il a vu la scène mais que peu lui chaut !
Je vois ébahie, le pêcheur remonter dans la barque en tenant par les ouïes son silure et ce qui aurait pu être dramatique m’apparaît franchement cocasse…
Et dire qu’il ne pourra même pas le manger son monstrueux poisson ! Le Rhône est assassiné par les dioxines et la pêche est interdite depuis plusieurs mois et sans doute pour des années !
Mais la succession d’événements est si drôle que je me prends à rire ce qui déclenche chez Phoggy une salve d’aboiements joyeux.


Nous revenons à la maison en passant par le jardin où nos pas tracent un chemin bleuté dans la neige molle.
Lorsque j’ouvre la porte, une incroyable lumière nous accueille.
Il n’existe plus une seule ombre dans la pièce…
Et dans la coupelle en cristal, la perle noire s’est ouverte en deux et une fleur laisse s’épanouir des pétales couleur de cornaline.
Aussi incroyable que cela puisse paraître, rien ne me surprend.


Les contes de fées, je le sais, existent !


- Grand-mère Joséphine, c’est toi ? Montre-toi, je sens ton parfum qui flotte encore dans la pièce.


À suivre…


 
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   Liry   
19/1/2008
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Un magnifique texte que cette suite avec la transformation, presque le retour à la vie, de la femme.

L'écriture est toujours aussi belle et fluide.

Que dire de plus sinon que j'attends la suite ...

Bravo TITEFEE

J'avais oublié quelque chose lors de mon premier commentaire...

   james   
19/1/2008
Premier texte de TITEFEE que je lis. On est mis en appétit dès la première ligne. On attend, on espère quelque chose. Avec cette graine je me suis dit que quelque chose allait se déclencher. Graine qui l'espace d'une promenade se transforme en fleur on reste sur sa faim. On attend impatiemment le prochain épisode.

   Cassanda   
19/1/2008
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
C'est magnifique :)
Tu sais rendre leur musicalité aux mots et ces graines de rêves, on aimerait qu'elles nous arrivent plus souvent. C'est toujours autant empli de poésie et quand arrive la fin, on se dit que c'est trop court ! Merci :)

   calouet   
25/1/2008
 a aimé ce texte 
Beaucoup
C'est la première fois que je te lis. C'est drôle comme parfois l'écriture laisse à penser que l'on découvre quelqu'un... Je t'imagine comme ce petit bout de texte, qui prend le temps de nous promener tranquillement sur le chemin de halage, qui nous fait découvrir, sans hâte là non plus, cette drôle de petite perle, qui nous raconte ce chien avec une tendresse évidente. C'est quelque chose que j'aime bien, cette sensation là, c'est à la fois rassurant et berçant... Je ne vais pas m'épancher en critiques plus techniques, d'ailleurs je n'ai pas grand-chose à dire, je te remercie juste pour cette douce lecture.

   nico84   
25/1/2008
J'ai aimé l'idée des graines. Mais encore, je crois que la scéne de la barque ou péniche aurait pu être diétaillé, ce qui aurait permis de nous plonger dedans.

Dans l'ensemble, une trés belle deuxiéme partie, fraîche, originale, plaisant à lire, et à relire.

   nico84   
25/1/2008
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Astuce (pour notrac) : Je voulais ajouter que les descriptions nous emménent, nosu envoutent, nous emportent dans ton univers, c'est ta vrai force.

J'ai l'impression que ton héroïne te ressemble, allons voir dans la partie 3.

Ah oui, j'avais oublié la note aussi !

   xuanvincent   
24/9/2008
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Ce deuxième épisode m'a plu.

Je l'ai trouvé bien écrit comme le précédent (sans être aussi poétique).

Le retour du merveilleux - qui occupe dans cet épisode une part moins importante - m'a intriguée et intéresssée.

"« Graine de mots surprises et drolatiques Ceux-ci resteront mystérieux jusqu’à la parfaite éclosion de l’humour et de la joie « véritables » : J’ai apprécié ce passage.

La fin de cet épisode, où la grand-mère revient à la mémoire de la narratrice, m'a paru réussi.

Détails :
. . « J’aime faire avec elle des promenades » : peut-être qu’une autre formulation, en évitant le verbe « faire », aurait été plus jolie ?

. « J’ai perdu le goût de rire depuis longtemps, et mes amis eux-mêmes disent ne pas retrouver la petite lumière qui brillait avant dans mon regard. » : le « avant’» m’a un peu gênée : soit par sa place, soit parce qu’il ne pas paru suffisamment précis dans le temps.

. la « Province » : selon moi, la majuscule est de trop.


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