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Aventure/Epopée
TITEFEE : J'étais de là-bas aussi - suite 8
 Publié le 23/02/08  -  4 commentaires  -  6476 caractères  -  17 lectures    Autres textes du même auteur

Wattara veut encore croire en sa bonne étoile et veut mettre toutes les chances de son côté en mêlant les pratiques vaudou que son cousin lui a recommandées. En espérant aussi l’aide pécuniaire des amis et connaissances qu’il a pu faire dans la capitale


J'étais de là-bas aussi - suite 8


- Encore dix personnes ! Jamais nous ne sortirons avant la fin de la nuit, dans ces conditions ! Je retourne à la maison, lui dit son cousin, et toi tu restes. Demain je dois me lever tôt. Monsieur Rampa m’a demandé d’être avant cinq heures sur le marché d’Aligre, car il s’est fait un « tour de reins » et je vais devoir monter tout seul le barnum de son étal.

- Cousin, mon frère, ne me laisse pas tout seul cette fois-ci ! Je te promets de venir t’aider demain matin et ainsi ça ira deux fois plus vite. Mais… mais une séance de vaudou, ma mère m’a toujours dit que ça pouvait être dangereux, car les esprits des ancêtres pouvaient s’y manifester et tu sais bien que l’oncle Aristide avait le diable au corps… Il s’est pris pour le représentant de Dieu et a tué sa femme, la traitant de Satan. Il avait changé de religion l’année d’avant et jurait contre Allah et Mahomet son prophète. La famille depuis lui avait tourné le dos.

- Oui, le docteur avait dit qu’il avait été atteint d’un délire mystique… un drôle de nom pour une maladie. Mais le résultat c’est qu’il a fini dans la peau d’un assassin !

- Alors tu vois bien, il se peut qu’il vienne me harceler !

- Je crois bien que la prêtresse a des arguments pour le tenir à distance et elle saura quoi faire si par malheur cela arrivait. Mais si tu es si inquiet, je reste avec toi.


La prêtresse a déjà fait entrer trois personnes, les unes après les autres. Puis une femme, accompagnée d’une jeune fille très maigre, pénètre à son tour dans la pièce, ses deux poules tenues par les pattes. Quelques minutes après la porte s’ouvre à nouveau et l’on voit sortir la femme, tenant par les épaules la jeune fille, qui a l’air complètement hébétée.

De son long doigt, aux ongles vernis de rouge sombre presque noir, Mamanou désigne Wattara.


- On vient de me parler de toi « en haut »… Arrive j’ai des choses à te révéler, des choses très importantes.


Wattara se prosterne presque, devant la prêtresse, en signe de reconnaissance et fait, comme dans son pays, trois pas en arrière par déférence.


- Par toutes les âmes de mes anciens, je te remercie. J’ai vraiment besoin de toi !


Wattara pénètre avec son cousin dans le Saint des Saints… une pièce tendue de tentures de tulle rouge et noir. Des masques africains accrochés aux murs côtoient des objets rituels du vaudou pratiqué en Haïti. La prêtresse a adapté toutes les coutumes magiques de différents pays et a installé un vrai temple oumfo dans l’unique pièce de son appartement. Derrière un rideau de velours d’un violet améthyste, elle a disposé un autel où les clients déposent leurs offrandes ainsi que les objets emblématiques des Ila ou divinités : Cruches habillées à leurs couleurs et bouteilles où sont enfermées des âmes proches des Ila, afin d’obtenir leur protection au cours de la cérémonie.


Tout cet apparat mystique impressionne fort Wattara qui n’ose pénétrer plus avant dans la pièce. Il retient par le bras son cousin et lui demande de parler pour lui.


- Mamanou, mes respects et déférence à tes pieds, je t’ai ramené mon cousin Wattara mais pour autre chose que la première fois. Là c’est sérieux et urgent.

- Je sais, l’esprit du Poteau-mitan m’a parlé. Dit Mamanou, et il faut absolument que ton cousin… il s’appelle comment déjà ?

- Wattara.

- Wattara comment ?

- Wattara Mama.

- Alors c’est bien de lui dont il s’agit. L’esprit de la bouteille des âmes pures vient de parler à travers la voix de la jeune fille qui est passée avant toi. Elle m’a révélé, en état de transe, que l’aide qu’on devait t’apporter était urgente ! Sinon tu passeras à côté de la chance de ta vie.


Wattara se tourne vers son cousin et arbore un sourire triomphant…


- Tu vois, je te l’avais dit qu’il fallait avoir confiance en monsieur Frank ! Finalement il ne me mentait pas.

- C’est qui ce monsieur Frank ? demande Mamanou.

- Celui qui va m’aider à faire mon premier disque et me lancer !

- Et il habite où ton impresario ? À Paris, dans les beaux quartiers ?

- Non son bureau n’est pas loin de la rue des poissonniers près de Montmartre.

- Et tu as cru que la gloire pouvait te venir d’un homme habitant dans ce quartier ? Dis-moi que tu n’y as pas cru, une seule seconde ! Cet homme veut t’escroquer et te mêler sans doute à des trafics encore plus dangereux si tu ne peux lui rendre l’argent, qu’il dit… oui qu’il dit, t’avancer !

- Des trafics ? Pouh lala, mais il n’en a pas été question, dis donc, dis donc ! sinon j’aurais dit non !

- Mon pauvre fils… tu es bien naïf, on ne donne pas à une chèvre bonne pâture sans lui mettre la longe au cou ! Tu verras il va revenir à la charge, car pour lui tu es le « gogo » rêvé.

- Le « gogo » ? C’est un vilain esprit ?

- Mais non, cela veut dire un pigeon, un dindon, comme ils disent ici… en tous les cas une personne crédule, qui se laisse prendre facilement aux boniments. Et toi tu as foncé dans le panneau.

- Foncé dans le panneau ?

- Oui tu as mordu à son histoire.


Wattara tout d’un coup sent la chaleur de la honte monter à son front, et voit se briser en morceaux tous ses beaux rêves de gloire. Comment n’a-t-il pas vu venir le piège, lui qui se voyait déjà destiné à être le sage de la famille et le conseil avisé de toute sa caste, lorsqu’il reviendra au pays, « riche » ? D’un seul coup ses illusions de pouvoir temporel lors de son retour au village s’envolent, car qui suivrait un homme si peu avisé ? Et pourtant Doutoulé Yuku, l’homme qui lui avait fait une voyance avait pourtant vu son succès !

- Wattara, mon fils, dans tes yeux passent des ombres. Je vais te redonner la lumière car ton destin est tout tracé, mais il ne faut pas te tromper de route. D’autres que moi te le diront ou te l’ont déjà dit.


Wattara est impressionné car il pense soudain que Mamanou vient de pénétrer au creux de ses pensées.


- Oui on me l’a déjà prédit, mais je commence à douter.

- On ne doit pas douter des forces supérieures. Elles seules savent te protéger. Pour toi mon garçon je vais faire une cérémonie dédiée à Mawu le Dieu suprême qui règne sur tous les autres Dieux. S’il répond, tu seras toute ta vie terrestre sous sa protection. Mais on ne peut l’invoquer qu’une seule et unique fois. Après il t’enverra ses serviteurs, les Lwas. Il en a pour tout ce que subit l’homme sur la Terre. Lorsque la cérémonie sera terminée, Mawu désignera l’objet de protection qui t’est dévolu et la divinité que tu invoqueras à chaque fois que tu en auras besoin.



 
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   jensairien   
24/2/2008
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Pas mal je trouve. C’est bien écrit et les personnages surtout sont très bien peints, en traits vigoureux et lumineux. Cela colle très bien à l’histoire. J’aime beaucoup cet exotisme panamafricain (sic), comme raconté finement de l’intérieur.
Je ne trouve pour ainsi dire aucune fausse note. C’est drôle, futé, bien sympa en somme.
Et je préfère aux épisodes précédents, un peu trop stéréotypés. Ça commence à devenir intéressant.

   Anonyme   
29/2/2008
 a aimé ce texte 
Bien ↑
histoire interréssante surtout la séance de vaudou bien raconté

   strega   
9/5/2008
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Wouaou, j'y été moi dans cette pièce. Très très bonne descriptions à la fois du lieu, des objets, des nom propres invoqués, des dialogues même qui mélangent langage de la ville et ancestral ce qui rend le tout plus que crédible.

C'est court, mais pour le coup, la séance de vaudou méritait bien un épisode isolé.

Bravo.

   Anonyme   
11/3/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup
très bon texte, histoire passionnante. Belles descriptions, je m'y suis cru !


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