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Réalisme/Historique
TITEFEE : J'étais de là-bas... un jour - suite 9
 Publié le 27/02/08  -  2 commentaires  -  6550 caractères  -  13 lectures    Autres textes du même auteur

Où le Vaudou produit des effets... que l'on n'attendait pas.


J'étais de là-bas... un jour - suite 9


Mamanou relève ses cheveux crépus et les tord en une grosse natte en couronne, fixée par des épingles d’écaille. Puis, avec l’eau contenue dans un broc, posé dans une cuvette ancienne, elle se lave visage et cou.

- Wattara, toi aussi, lave-toi le visage, le cou et les mains et ôte ta chemise et ton pantalon... Passe derrière le rideau pour le faire si tu es trop timide, mais il faut que tu sois entièrement nu dessous, pour recevoir la bénédiction des esprits.


Wattara s’exécute et sent monter en lui une certaine excitation mystique. Son cœur bat à tout rompre, et il a l’impression que son sang est descendu dans ses jambes, et qu’un vide glacial s’est installé au niveau de son estomac.


La peur ?


L’impressionnante perspective de la cérémonie recouvre peu à peu son corps d’une sueur glacée qui le fait frissonner sans qu’il puisse y remédier. Son cousin, accroupi dans un coin sombre de la pièce, marmonne discrètement quelques versets coraniques afin de le protéger de ce qu’il va découvrir à présent. Il sent secrètement que cette cérémonie ne doit pas être permise par sa religion, mais maintenant le voilà embarqué et il ne peut, lui non plus, reculer.


Mamanou installe Wattara au milieu de la pièce. En son centre est dessiné un cercle duquel partent les rayons d’un soleil stylisé, au milieu d’une étoile à six branches, sur lesquels sont inscrits à la craie des signes cabalistiques.


Puis elle allume, aux six pointes des deux triangles inversés des bougies de différentes couleurs. Elle a éteint au préalable l’unique lampe nue de la pièce et les lueurs vacillantes des bougies projettent sur les tentures et sur le corps nu de Wattara des langues lumineuses et dansantes. Bien que le jeune homme soit parfaitement immobile, ces lueurs animent sa chair.


Mamanou s’empare alors d’une bouteille de rhum et en ingurgite une longue rasade qu’elle garde dans ses joues. Puis, soufflant très fort, elle pulvérise le liquide sur le corps et les cheveux de Wattara. Elle saisit alors une bougie et enflamme le corps entier de Wattara qui en un instant ressemble à une torche vivante.


Promptement Mamanou, d’un geste sûr de ses mains et de son corps, éteint les flammes. Wattara ouvre de grands yeux apeurés et rassurés à la fois.


Il n’a pas senti la moindre chaleur ! Rien du tout ! Cela s’est passé si vite !


Mamanou s’agenouille et se laisse aller face contre terre, bras tendus, loin au-dessus de sa tête. C’est alors que les deux hommes, impressionnés, l’entendent parler d’une voix inconnue, aux inflexions gutturales.


À présent, Mamanou se débat, en prise à une crise de démence. Elle invective quelqu’un qu’elle est seule à percevoir. Sa voix est de plus en plus véhémente. Son corps se tord dans des positions extrêmes et parfois un râle interminable jaillit de sa bouche déformée par un rictus la rendant méconnaissable. Sa peau est couverte de sueur et les deux cousins ne savent plus s’ils doivent la secourir ou s’enfuir tant le spectacle est effrayant.


Wattara est toujours planté au milieu des triangles, nu, insensible au froid maintenant. Son corps semble embrasé de l’intérieur par un feu qui court sous sa peau. Il commence à tanguer et à tourner sur lui-même, emporté par une force qu’il ne maîtrise pas. De sa bouche jaillissent des paroles que son cousin ne connaît pas prononcées avec une voix qui n’est pas celle de Wattara.


Combien de temps a duré la cérémonie ? Wattara n’en a aucune idée... Il continue à tournoyer sur lui-même et soudain s’effondre, brisé. Son corps, agité de spasmes, se recroqueville en position fœtale au centre même des deux triangles. C’est alors que toutes les bougies, comme soufflées par une émanation magique, s’éteignent, laissant plongés dans le noir, les deux hommes, sidérés.


Mamanou reprenant ses esprits, parle à présent d’une voix normale. Elle semble épuisée, mais un grand sourire éclaire son visage.


- Les esprits nous ont visités et ont éloigné de toi les mauvaises influences, mon frère.


Elle enveloppe dans un carré de soie une forme humaine qu’elle vient de façonner dans la paraffine encore molle de la bougie noire et écrit avec une de ses épingles en écaille le prénom de Wattara. Puis elle grave d’autres signes qui s’impriment profondément dans la poitrine de la poupée.


- Voilà, Wattara, ne te défais jamais de cette amulette... Elle va t’apporter gloire et amour et te protégera pendant ton temps sur la terre de choses trop mauvaises, sauf celles que tu dois subir pour pouvoir apprendre et avancer. Va en paix maintenant et surtout ne donne pas ton doigt à celui qui veut tout ton bras.

- Merci Mamanou, Ô grande prêtresse. Je sens maintenant une grande force en moi…

- Oui Merci à toi Mamanou Grande Prophétesse, rétorque aussi le cousin qui, encore tout hébété, sent bien qu’il a assisté à quelque chose de puissant et de surnaturel… Tu sais j’en ai encore les jambes qui tremblent… c’était tellement, tellement…

- Tellement quoi ?

- Tellement, tellement impressionnant, que j’ai bien cru qu’un esprit allait entrer dans mon corps à moi aussi. À un moment donné, je voyais des étoiles qui éclataient dans mes yeux. Toute la pièce était illuminée, alors que tu avais éteint l’ampoule du plafond !

- Eh bien c’est qu’un Ila est aussi venu te visiter ; de quelle couleur était son aura ?

- Elle était d’un drôle de rose pâle et une enveloppe verte très, très brillante, tout autour.

- C’était alors l’Ila des renaissances des âmes qui est venue pour toi. Dans ton foyer va venir un autre enfant qui ne t’apportera que des satisfactions. Tu verras à ton retour au pays, c’est lui qui subviendra au centuple à tous les besoins de ta communauté et de ta famille.

- Mais, Ô prêtresse sacrée, nous avons déjà deux enfants ! et nous sommes bien à l’étroit. Tu sais nous faisons notre possible pour ne pas en avoir d’autres !

- Hé bien, celui-là est déjà descendu !

- Quand ?

- La nuit passée, il était deux heures du matin…

- Pouh lala, lala, dis donc, dis donc ! C’était l’heure à laquelle je me suis levé pour… enfin pour… laver… les outils… Ma femme et moi nous ne dormions pas encore ! Les petits, eux, avaient rejoint le pays des rêves depuis longtemps et Wattara ronflait… alors ! C’était le bon moment à ma femme et à moi de se faire plaisir.

- Hé, mais c’est comme ça que viennent les âmes ? tu ne le sais toujours pas ?


Et Mamanou se mit à rire à gorge déployée. Les deux hommes devant ce rire irrépressible ne purent se retenir et quelques minutes après, tous trois riaient aux larmes.


 
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   David   
27/2/2008
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Bonjour TITEFEE,

J'ai lu à la suite les deux épisodes sur le passage chez la sorcière vaudou, celui-là m'a bien plus, plus d'images, mais l'autre en disait plus avec autant de mots. Le découpage est bien fait cependant, la lecture est facile mais je crois que ça cache un défaut, ça pourrait être plus condensé. Il me semble que cette épisode et le précédent, même endroit, mêmes personnages, auraient pu tenir en une seule pièce. Enfin ça fait bien ressortir cet "exorcisme" (j'ai pas le mot), j'ai bien aimé.

   strega   
9/5/2008
 a aimé ce texte 
Bien
Oui, encore une fois je suis d'accords avec David. C'est vrai que le découpage est très bien fait, mais au final il s'agit bien du même épisode.

Ceci dit les descriptions étaient encore très efficaces, ça donne le tournis, et ça m'a rappelait quelques souvenirs.

Enfin, j'ai quand même hâte de savoir la suite...


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