Premier jour de classe. Une petite pluie fine tombe depuis une heure... je suis allée me changer en vitesse car il fait tout à coup un peu frisquet.
J’ai ouvert la grille de la cour et je vois arriver les uns derrière les autres, les tout-petits avec leur mère ou leur père, certains traînant les pieds, d’autres gambadant joyeux comme de jeunes cabris dans un pré au printemps.
Sur ma fiche sont inscrits 7 enfants en cours préparatoire... j’avais rédigé une note pour les recevoir les premiers afin de finaliser l’inscription et leur mise en place dans la classe... je les reconfierai à leur mère jusqu’au lendemain afin de pouvoir recevoir plus aisément les quatre autres sections.
Tout se passe comme je l’avais espéré : bien !
Et nous voilà en plein milieu de l’après-midi quand les gendarmes tapent à la porte de la classe... j’ai gardé seulement les cours moyen de deuxième année pour la distribution des fournitures de classe... que j’avais d’ailleurs trouvé bien fatiguées et pour certaines presque inutilisables...
Le capitaine me salue et s’assoit difficilement sur un banc trop exigu pour ses fesses... mais c’était son banc lorsqu’il fréquentait l’école et il sourit en le disant !
- Pierre Gaucher, viens un peu par ici et vous autres allez jouer dans la cour.
Le petit Pierre, un gamin monté en graine, qui ne sait que faire de ses longs bras, s’approche timidement du gendarme, fort impressionné.
- Dis-moi un peu, Coraline t’a-t-elle confié quelque chose ? Tu vis avec elle depuis quelques années maintenant... que penses-tu d’elle ? Elle parle facilement avec toi ? La crois-tu capable de fuguer ? Avait-elle quelque souci ? Lui connais-tu un « fiancé » ? Parliez-vous volontiers ensemble ?
Trop de questions fusant à la fois désarçonnent le gamin qui ne sait pas par quoi commencer.
- Ben ! Elle est gentille la Cora ! On ne joue pas trop ensemble, c’est une fille, mais elle m’a dit simplement un jour que sa vraie maman viendrait la chercher pour l’amener voir son grand-père et qu’il était riche, et américain !! Encore des histoires de fille quoi ! Ici les enfants l’aiment bien mais...
- Mais quoi ?
- Elle est noire... enfin presque !
- Avec tes parents ça se passe bien ?
- Rien à dire, papa est aussi sévère avec elle qu’avec moi. Maman, elle, travaille un peu à la ville et un peu à la ferme ce qui fait que nous la voyons surtout le midi et le soir lorsqu’ils viennent, papa et elle, de rentrer les bêtes.
- À quelle heure t’es tu rendu compte, toi, que Cora n’était pas là ?
- Ben... le matin nous sommes partis presque ensemble de la ferme. Cora avait pris son vélo et j’ai fait comme elle, j’ai enfourché le mien pour la rejoindre. Mais elle avait une sérieuse avance et je n’ai pas pu la rattraper après le petit bois... ensuite je ne m’en suis plus préoccupé, c’était mercredi, le dernier mercredi des vacances et je suis allé voir Julien Roubault. À midi Cora n’était pas rentrée. J’ai même pas vu sa bicyclette... Maman a cru qu’elle avait mangé avant nous et était un peu en colère après Cora car c’était pas la première fois, mais comme ma mère devait aller prendre son boulot jusqu’à 5 heures 30 elle est partie en voiture jusqu’à la ville.
- Et depuis pas de nouvelle ? Tes parents ont-ils reçu des coups de fil ?
- Ben non, je ne pense pas, j’en sais rien !
- Si tu apprends quelque chose de nouveau, dis à ton père de venir avec toi à la gendarmerie ou même mieux... tu peux passer quand tu veux, tout seul. Tu es un grand garçon, presque un homme maintenant !
Le gamin se redresse flatté et un peu étonné...
C’est bien la première fois qu’on le traite comme ça ! Et il se sent envahi soudain d’une grande responsabilité... Il pense qu’avec son ami Julien, ils vont mener leur petite enquête et se voit déjà retrouver Coraline et la ramener au village... SAINE ET SAUVE bien sûr ! Mais après l’avoir arrachée des griffes d’une bande de... de... tiens d’extra-terrestres ! ou d’Aliens !
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