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Sentimental/Romanesque
toc-art : La nuit je mens
 Publié le 04/07/19  -  21 commentaires  -  6143 caractères  -  158 lectures    Autres textes du même auteur

Tout est parfait, je suis heureux.


La nuit je mens


J’aime ces falaises. Petit, mon père m’y emmenait presque tous les dimanches. Nous habitions à côté. Il me racontait l’histoire avec un grand H de ces hommes qui ont perdu la vie sur ces plages. D’une voix douce et navrée, il dépliait devant mes yeux la toile de ces atrocités sans nom, ces corps déchiquetés à peine sortis des barges, ces gamins noyés sous le poids de leur équipement, leur sang qui se vidait dans la mer jusqu’à la colorer tout entière d’un rouge sombre, presque noir, tandis que leurs camarades tétanisés se précipitaient sur le sable, épaules baissées, têtes rentrées sous les casques, la peur au ventre, un goût de nausée dans la bouche, hurlant pour conjurer la mort qui menaçait à chaque rafale de mitraillette, à chaque sifflement d’obus qui fauchait leur voisin, priant pour n’être pas le prochain. Aujourd’hui encore, quand je viens ici, j’entends la voix de mon père qui murmure au creux de mon oreille : « Tant de vies sacrifiées, et au nom de quoi finalement… ? »


Bien sûr, j’aurais pu lui répondre que la liberté n’a pas de prix et mérite tous les sacrifices mais à l’époque j’étais surtout fasciné par l’évocation si vivante qu’il faisait de cette boucherie. Spielberg lui-même n’aura pas fait mieux bien des années plus tard. Aujourd’hui encore, c’est cette émotion qui me pousse à revenir ici régulièrement, à longer les immenses champs de croix blanches, impeccablement alignées, avant de suivre le sentier qui mène aux derniers blockhaus encore accessibles. Adolescent, j’y emmenais mes petites copines et depuis, je continue. Ça pourrait paraître étrange pour une balade romantique, mais en fait, les filles aiment bien. Surtout en fin de journée, parce que la proximité de la nuit les excite et les effraie aussi un peu. C’est ça qui est amusant. Les filles aiment avoir peur, tant qu’elles savent qu’un homme les protège. Et moi, j’aime bien être cet homme-là.


Élise reste silencieuse. C’est drôle ce prénom. Qui s’appelle encore comme ça de nos jours ? Je me souviens de mon livre de français de troisième, je crois, avec cet extrait d’Élise ou la vraie vie, la scène où l’héroïne et son amoureux maghrébin sont humiliés par… par qui déjà ? Je ne me souviens plus, la police française sans doute, ou une milice quelconque durant la guerre d’Algérie, ça n’a pas d’importance. Je revois encore l’image tirée du film qui illustrait le texte, avec Marie-José Nat en noir et blanc, enfin je crois que c’était en noir et blanc, le souvenir me semble si vieux qu’il me paraît impossible que l’image ait pu être en couleur. Quelqu’un sait-il encore qui est Marie-José Nat ? Pas Élise en tout cas. Elle secoue la tête quand je lui en parle d’un air qui ne trompe pas. Je lui confie que ma mère et elle étaient au collège Fesch en même temps, à Ajaccio. Ma mère ne l’aimait pas, je l’entends encore, « nous, on n’était vraiment pas riches mais eux, c’était la misère ». « Tu savais qu’elle était Sarde ? » ajoutait-elle avec une joie mauvaise comme si ça expliquait tout. Mais Élise se moque de ce que je raconte. C’est toujours pareil avec les jeunes, plus rien ne les intéresse.


Je dis ça, mais ça n’est pas tout à fait vrai pour Élise. Tout à l’heure, dans la voiture, juste avant qu’on arrive devant le sentier, j’ai commencé à fredonner La nuit, je mens de Bashung, presque sans y penser, simplement parce que j’étais heureux. J’ai senti l’émotion qui la gagnait. C’est ma chanson préférée et le fait qu’elle y soit sensible aussi m’a touché. Je lui ai pris les mains et je les ai portées à mes lèvres tout en gardant les yeux sur la route, on ne sait jamais. Ça a été un moment suspendu, presque irréel, que je vais garder longtemps en mémoire. Je lui ai avoué un peu plus tard, au moment de sortir de la voiture, je voulais qu’on partage ça ensemble. Je n’aurais peut-être pas dû. Élise s’est mise à pleurer. Je l’ai prise dans mes bras. Elle est tellement sensible. Mais c’est aussi pour ça que je l’aime. Je suis content de voir que je ne me suis pas trompé. En plus, c’est drôle parce qu’en fait, je pense tout le contraire de la chanson : la nuit me semble être la seule plage de temps où je ne mens pas justement, où je suis le plus moi-même, libéré de ces masques que l’on porte tous à longueur de journée.


Et maintenant que nous sommes arrivés dans mon coin favori, celui que j’ai choisi et arrangé soigneusement depuis des jours, en faisant bien attention que personne ne vienne nous déranger, sans rien autour que le bruit de la mer loin dessous et l’éclat tremblant des étoiles au-dessus de nous, je vais enfin pouvoir être moi, juste moi, plus vrai et plus sincère que je ne l’ai jamais été. Élise n’attend que ça, je le sais, je le sens à sa façon de se blottir contre moi, le corps secoué de frissons, mais je ne veux pas aller trop vite, je ne veux pas la brusquer, je veux qu’on profite ensemble de ce moment unique. Et puis surtout, je n’ai pas totalement terminé. Il faut que tu patientes encore un peu, ma douce. Allonge-toi sur la couverture, regarde, voilà, très bien, c’est parfait, je te mets encore Bashung sur l’Ipod pour tromper l’attente. Tu sais que cette chanson parle de la guerre ? Tu as l’air surprise. Si, si, je t’assure, tu vois, rien n’est jamais dû au hasard. Mais bien sûr que tu ne savais pas, je suis bête, tu es si jeune !


Élise lève la tête. Ses yeux s’accrochent aux miens. Elle est si belle. Je pourrais presque me laisser distraire mais il ne faut pas, le plaisir se mérite. Je sors de mon sac à dos la petite pelle pliante que j’emporte pour ces moments-là. Je pose la lanterne près du trou que j’ai creusé ces derniers jours. Encore quelques pelletées et ça devrait être bon. Élise n’est pas bien grande ni épaisse, un format de poche. C’est souvent comme ça avec les petites filles, elles bougent trop et ne mangent pas assez. Tandis que je m’échine, la voix de Bashung emplit la nuit de son timbre rauque et languissant, presque épuisé. Élise l’accompagne de petits gémissements à travers son bâillon. Je m’interromps un instant pour la regarder.


Nous sommes seuls au monde.

Tout est parfait.

Je suis heureux.

Enfin.


 
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   plumette   
13/6/2019
 a aimé ce texte 
Bien
l'auteur a-t-il voulu tromper son lecteur en choisissant cette catégorie?

il y a un climat étrange dans cette nouvelle avec dés le départ l'évocation du débarquement sous sa forme la plus sanglante, et le récit, sans avoir l'air d'y toucher, donne le sentiment que le narrateur prend plaisir à cette évocation si bien qu'il est en alerte.

ambiguïté, voilà le mot qui me viens dans la suite de ma lecture. Ambiguïté entretenue jusqu'au dernier paragraphe qui dévoile d'un coup l'horreur.

Un texte déplaisant par son sujet, mais habilement conduit jusqu'à la chute.

je préférerai ne pas avoir à noter mais en EL, c'est obligatoire, donc je salue l'écriture, la forme, le procédé.

Plumette

   Sylvaine   
4/7/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bonjour,

La nouvelle empoigne dès le départ, avec l'évocation de la "boucherie du débarquement, dont on ne comprend qu'après coup, à la relecture, que c'est avant tout le sang qui fascine le narrateur. L'ambiguïté est ensuite entretenue avec beaucoup de savoir-faire, l'écriture "colle" bien au sujet, et, si la chute surprend comme il se doit, elle a été savamment préparée. J'aime beaucoup cette façon d'adopter le point de vue du tueur, de traiter l'horreur avec une sorte de douceur en demi-teinte, comme il la perçoit lui-même. De la belle ouvrage.

   Anonyme   
4/7/2019
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour

Une nouvelle qui commence bien mais se termine avec ambiguïté.

Que veux nous dire l'auteur, alors que tout se déroule dans une certaine douceur, un romantisme certain, avec son histoire de bâillon
tout à la fin. Bizarre.
A trop vouloir surprendre, est-ce qu'on ne se perd pas un peu ?
De plus, la catégorie de la nouvelle accentue le double sens.

Autrement, c'est bien écrit, j'aime bien le début sur le débarquement
avec l'allusion à Spielberg.

Donc, au final, une nouvelle qui me laisse comme un goût amer,
un sentiment de n'avoir pas tout compris ou de passer
à coté d'autre chose.

   poldutor   
4/7/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour toc-art

Waouh ! Sentimental et romanesque...

Bien sûr on ne s'attend pas à l'horrible dénouement.
Au risque de paraitre fleur bleue, je regrette cette fin...
L'auteur parle avec tellement d'empathie pour les GI morts sur cette plage, et de poésie en évoquant la jeune Élise,le romantisme du lieu, que le cynisme de la chute m'attriste.
En effet, la nuit toc art ment.
Bien joué cependant, adroit et astucieux...
Faites nous en une autre mais qui fini bien !
Bravo.
Cordialement.
poldutor

   Corto   
4/7/2019
Ah non, ne touchez pas à Marie-José Nat. Elle est adorable cette fille dans ses multiples rôles...

Bon, pour en revenir à cette nouvelle ce n'est pas seulement la nuit que ment le narrateur. C'est toujours, surtout lorsqu'il prépare son forfait suivant.

A-t-il été définitivement marqué par les récits de son père racontés complaisamment encore et encore ?
C'est ce qu'on peut imaginer en lisant "c’est cette émotion qui me pousse à revenir ici régulièrement, à longer les immenses champs de croix blanches, impeccablement alignées." Comme quoi il ne faut pas laisser les vieux radoter sans fin sur les atrocités.

Ceci dit, trêve de psychologie: cette nouvelle est bien écrite, avec des allusions multiples qui en renforcent le sens, ce diable de sens qu'on découvre dans le final. Déroulement impeccable des différentes étapes qui tissent le filet dans lequel sera prise la victime.

On aurait sans doute préféré "ils eurent beaucoup d'enfants"...

Ce sera pour une autre fois.

   Donaldo75   
4/7/2019
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Salut toc-art,

Rien à dire, cette nouvelle est bien écrite. Qui se souvient de ce roman, « Elise ou la vraie vie » ? Et encore plus du film qui en a été tiré ? C’est marrant de se dire qu’à l’époque de ta troisième, au début des années quatre-vingts, on étudiait ce genre de roman - un Prix Femina quand même – pas forcément facile à comprendre pour des adolescents en pleine floraison. J’aime bien la remarque de ta mère. Elle donne de la vie au texte, le rend incarné. Ensuite, tu passes à Alain Bashung et sa chanson dont tu as repris le titre. Le pont est fait avec les paragraphes précédents.

La tonalité est douce. Si je devais revenir dans l’analogie à la musique, je citerais volontiers la chanson de Nick Cave – je m’excuse d’ailleurs auprès de celles et ceux qui n’écoutent pas de chanson anglaise mais je n’ai pas d’exemple sous la main en français - interprétée avec Kylie Minogue, intitulée « where the wild roses grow » et dont la douceur autant des mots que de la mélodie tranche carrément avec le drame qui se joue et la chute dramatique qui la conclue. C’est la même chose ici ; la tonalité est douce, parfois nostalgique, la chute est terrible.

Bravo !

Don

   senglar   
4/7/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Bonjour toc-art,


Oui !... moi je sais qui est Marie-Josée Nat avec ses longues tresses noires justement, sa bouche comme un fruit des bois, ses fossettes, ses yeux sombres et riants à la fois qui pétillent de l'intérieur et sa voix de mûre rocailleuse - une fille poème, une fille femme, toutes les promesses de l'aube. Oui je sais qui est Marie-Josée Nat Monsieur Toc-Art !

Ce n'est pas elle que vous allez enterrer au moins !

Curieuse histoire où j'ai du mal à situer l'âge de l'homme par rapport à la fille, où je me dis : Non, il ne va pas la tuer quand même. Une nuit d'amour semblait promise sur arrière-fond de deuxième guerre mondiale. Je crois que cette fille, pas farouche, n'aimera plus jouer à se faire peur. Je crois aussi qu'elle n'aura plus jamais peur du tout...

C'est vache, Bashung ne méritait pas ça. On ne choisit pas ses admirateurs.
La fille n'est déjà plus qu' "écho".
Ah ! Les vieux quand ils sont jaloux !

Je ne suis pas certain qu'en proportion les thèmes soient très bien équilibrés : trop de barges, trop de Marie-Jo, pas assez d'Elise. Elle va mourir, on aimerait bien la connaître un peu mieux... Manque beaucoup de choses par rapport à ça.

Et puis on n'a pas le droit de nous tromper en ce qui concerne les catégories. C'est pas honnête ça. Ben non quoi ! C'est pas de jeu !
Pas cool.


senglar

   hersen   
5/7/2019
 a aimé ce texte 
Bien
j'ai attendu ton retour sur ce texte pour rédiger mon com (le deuxième, en fait :) car j'ai l'impression que des réflexions sur tes textes que j'émets ne t'intéressent pas toujours; donc, après indices, y a moins de risques :)
Comme par ex ici MJ Nat. Ce que tu en expliques me fait juste dire, ok, c'est ton choix, alors que j'en avais fait tout un pan de la personnalité du personnage.

Donc, le texte : un bon déroulé, une bonne écriture. les indices sont fournis au compte-gouttes assez judicieusement tout au long et la fin n'est qu'une confirmation, que finalement on ne voulait pas, pensant que l'auteur nous emmenait en bateau pour mieux nous surprendre.
Parce que voilà, après la lecture du § avec le papa, on sent du lourd, mais on ne voit pas encore comment.
D'autant que le texte est en sent/rom...à cause de MJ Nat ? :) non, là, je n'ai pas compris et j'ai donc pensé...ben, je sais pas moi, je voyais plus un thriller.
Et je me suis cassé la tête là-dessus. Je me suis demandé ce que je n'avais pas compris.
Y a-t-il une raison à cette catégorie ? la question me taraude.

   maguju   
5/7/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonsoir

Alors oui le thème est glaçant mais bon ce n'est pas ce que je souhaite juger ici. L'écriture est fluide et en ce qui me concerne, je me suis bien faite avoir...Il est possible que le choix de la rubrique m'ait effectivement induite en erreur mais qu'importe! C'est bien écrit et mené. Bravo!

   Luz   
5/7/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonsoir toc-art,

J'ai bien aimé, mais pas la fin, parce que ça finit pas bien...
Suis trop sentimental sans doute. C'est une très belle nouvelle en tout cas, tragiquement belle. Je ne me souviens pas avoir vu de film avec MJN, j'ai dû rater quelque chose (pourtant à 62 ans, je devrait tout connaître...) : je vais rattraper ça. J'ai raté également la chanson de Bashung ; là c'est plus grave... Je viens de l'écouter : texte, musique et surtout sa voix, c'est vraiment une très très belle chanson ; extraordinaire même.
Merci pour tout cela, sauf la fin...

Luz

   STEPHANIE90   
7/7/2019
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour Toc-art,

j'ai déjà lu plusieurs fois votre nouvelle et j'ai hésité à l'apprécier. La raison, "la nuit je mens" de Bashung est ma chanson préférée. C'est pas de chance mais du coup, après avoir lu votre nouvelle, elle a à présent un arrière goût nauséabond...
Et de cela, je vous en veux beaucoup.

En dehors de cela, votre nouvelle est fort bien écrite, un drame psychologique ou il est question de se demander si le passé hante chacun à sa façon. Ce père doit se retourner dans sa tombe de culpabilité.

Pour ce qui est du fond, je n'ai vraiment pas aimé, évidement, la chute pour cette petite Élise en format de poche est glaçante. Néanmoins, votre écriture est fluide et vous avez su retourné la situation sans que l'on voit vraiment le drame arrivé.
Félicitation pour ça...

Mais je reste sur le deuil de ma chanson préféré que je n'écoute plus de la même façon aujourd'hui. Snif !!! Et j’attendais la publication de votre nouvelle avec beaucoup d'attention. Quelle déception...

"La nuit je mens
Je prends des trains à travers la plaine
La nuit je mens
Je m'en lave les mains
J'ai dans les bottes des montagnes de questions
Où subsiste encore ton écho..."

StéphaNIe

   jaimme   
7/7/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
C'est le corps du texte que j'ai préféré: une écriture qui dit, qui a de l'épaisseur, pas de phrase inutile. J'en aurais voulu plus, d'autant que je trouve que la fin est abrupte. C'est certainement voulu. Mais pourquoi tue-t-il? Le seul indice serait cette histoire sanglante de la plage? Ou j'ai loupé quelque chose. Bref, pour moi tout est parfait sauf la fin. Car, paradoxalement, la fin est presque ennuyeuse alors que tout le reste est vivant, passionnant.
Toc, ton écriture est superbe.

   Cristale   
8/7/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Pour que mon attention soit captivée jusqu'au bout d'un récit il faut faire fort ! Et là c'est fort, fort des origines décrites jusqu'au point de non-retour du pédophile violeur tortionnaire assassin.
On peut imaginer que les descriptions très imagées et ressassées du père à son fils, sans doute déjà perturbé psychologiquement, ont induit en celui-ci le goût morbide "fasciné par l’évocation si vivante qu’il faisait de cette boucherie" qui le poussera dans la perversité. Froid, calculateur, le sadisme de l'homme n'a pas de limites.

Evidemment je ne noterai pas l'histoire pour ce qu'elle évoque mais pour le talent de l'auteur dans son écriture, le développement de son scénario et la chute à laquelle je n'osais croire mais dont quelques menus indices me firent percevoir le terrible dénouement.

Le titre est très judicieusement choisi puisqu'il emmène, dans ses variations d'interpretation, le lecteur jusqu'au bout du récit.

Oui, c'est très bien Toc-art.
Cristale

   wancyrs   
9/7/2019
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Salut Toc,

D'emblée je t'avoue que je n'ai pas soupçonné cette fin, et malgré le texte bien écrit je commençais à m'essouffler de voir ce décor qui se plaçait infiniment ; je donnerais donc un + 1 pour la longueur du texte, c'était juste ce qu'il fallait. Tout préparait à une chute mille et une fois lu, et jusqu'au dernier paragraphe on est sûr d'assister à une escapade amoureuse ; c'est la dernière phrase qui nous ramène à la réalité macabre, et après coup on a des réponses aux questions qu'on se posait, à savoir, pourquoi ce monologue du personnage principal, et pourquoi à un moment il dit : "C'est toujours pareil avec ces jeunes, plus rien ne les intéresse..." Cette affirmation induit aussi la pensée qu'il n'est pas à son premier coup. Je dis donc Bravo pour le travail. J'ai néanmoins souris à lire ces choses qui ne se disent plus au Québec, au risque de se faire lyncher par la gent féminine : "Ça pourrait paraître étrange pour une balade romantique, mais en fait, les filles aiment bien. Surtout en fin de journée, parce que la proximité de la nuit les excite et les effraie aussi un peu. C’est ça qui est amusant. Les filles aiment avoir peur, tant qu’elles savent qu’un homme les protège. Et moi, j’aime bien être cet homme-là."

Merci pour le partage

Wan

   Pouet   
9/7/2019
Slt,

j'ai été attiré par le titre, j'aime bien cette chanson.

Concernant la nouvelle, oui bon. J'avoue ne pas être plus emballé que cela. Tant sur le fond que sur la forme, je n'y ai pas trouvé d'originalité particulière. Bien sûr, faut-il être original à tout prix.

Alors le narrateur est assez vite antipathique avec son: "Les filles aiment avoir peur, tant qu’elles savent qu’un homme les protège. Et moi, j’aime bien être cet homme-là." On sent bien là le gros beauf bas de plafond qui se confirme après avec: "C’est toujours pareil avec les jeunes, plus rien ne les intéresse."

Evidemment a posteriori on en comprend le double sens.

Donc si le but était de rendre le personnage rebutant, c'est réussi me concernant. Il me semble que le rendre plus sympatoche pour ménager le suspense ou renforcer l'ambivalence aurait pu être opportun , mais c'est une question de choix après tout.

Sinon, je ne vois pas trop l'intérêt des plages du débarquement et de l'évocation de la guerre, j'ai peut-être loupé quelque chose faut dire. Si ce n'est pour rajouter "de la mort à la mort", je vois pas trop.

Ce qui me "dérange" le plus c'est le manque de profondeur dans la psychologie du personnage. On est certes en nouvelle, mais sur le gugusse on ne saura rien ou presque.

Et puis quel âge a Elise? Dans la voiture on a l'impression que c'est une femme et à la fin on parle de petite fille. Il la connait depuis longtemps ou il vient juste de la rencontrer? J'avoue que je suis un peu dans le flou mais bon suis pas plus une lumière que ça.

Pour terminer sur une note positive, je trouve pas mal le passage: " En plus, c’est drôle parce qu’en fait, je pense tout le contraire de la chanson : la nuit me semble être la seule plage de temps où je ne mens pas justement, où je suis le plus moi-même, libéré de ces masques que l’on porte tous à longueur de journée." Quand le psychopathe tombe le masque, quoi, avec le petit rappel de "plage" volontaire ou non mais qui va bien.

Au final, un texte très (trop) classique avec les "codes" de la nouvelle "noire" qui peine toutefois à (me) convaincre.

Mais je conçois parfaitement avoir manqué des trucs.

Au plaisir.

   thierry   
11/7/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
J'ai toujours dans mon sac un caillou que j'ai pris sur Omaha Beach. Je ne le regarderai plus de la même façon…

Très belle construction, l'auteur est non seulement adepte de grands artistes et d'évènements historiques mais aussi de Jujitsu ! "Au nom de quoi finalement" ? Je me disais jusqu'à la fin : au nom de Marie-José Nat, au nom de Bashung, au nom des soirs d'été, libres. Mais non ! tout est renversé, tout est basculé, tout est à contrepied ! Les "hommes de l'été" permettent au narrateur de devenir un assassin, tranquillement.

J'ai enfin eu peur de tomber sur une conclusion facile de romantique adolescent… tout le contraire. Mon propre poids, chargé que j'étais de ces évocations, m'a fit basculer par surprise dans le sens opposé : ceinture noire maître Toc-art !

Et dans cette construction bien menée, je me surprends à constater la logique narrative en revenant à ce point de départ "J'aime des falaises".

Bien joué !

   cherbiacuespe   
23/7/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Une fin effrayante en total décalage avec ce qui précède et dont pourtant on pouvait deviner l'anachronisme. Car tout au long de cette histoire, j'avais du mal à comprendre la logique générationnelle. Élise y semble jeune et le narrateur est à l'évidence beaucoup plus âgé. J'étais longtemps perdu et avais l'impression d'une relation pédophile. Le final me rassure sur le malaise provoqué lors de ma lecture. C'est le récit du point de vue de l'horrible. Bien construit! Le lecteur est bel et bien déstabilisé. Toutes mes félicitations pour cette œuvre qui met mal à l'aise de bout en bout devant ce qui semble incohérent mais qui s'avère au final implacable de logique. Je reste sans voix et... atterré.

   jfmoods   
25/7/2019
Au fil du texte, le lecteur sent le malaise croître en lui. Ce narrateur, auquel nous nous identifions, est indubitablement un monstre.

Peut-on retrouver, dans le vague portrait des parents (un père hanté par la guerre, une mère volontiers méprisante), un terreau favorable au crime ?

La cinquième phrase du texte, longue, interminable, qui semble ne pas vouloir s'achever, se complaît à détailler un film né dans l'enfance : le chemin de croix de l'horreur. Elle met en lumière les abîmes dans lesquels le locuteur s'est fourvoyé : la fascination inquiétante pour le spectacle de la douleur, de l'impuissance et de la mort. Tout nous est habilement révélé, ici, de cette obsession première qui le ronge et que le lieu a cristallisée. Une soif, une seule, l'habite : répéter en boucle un film fondateur...

"l’évocation si vivante qu’il faisait de cette boucherie"

Le terrible itinéraire du crime est alors tracé, d'un trait ("Adolescent, j’y emmenais mes petites copines et depuis, je continue.").

Pour ce type d'individu, aucune forme d'empathie n'est possible : l'Autre n'existe pas. Ou plutôt, il n'existe que fantasmé ("C’est ça qui est amusant. Les filles aiment avoir peur, tant qu’elles savent qu’un homme les protège. Et moi, j’aime bien être cet homme-là.", "Mais Élise se moque de ce que je raconte. C’est toujours pareil avec les jeunes, plus rien ne les intéresse", "J’ai senti l’émotion qui la gagnait. C’est ma chanson préférée et le fait qu’elle y soit sensible aussi m’a touché", "Élise n’attend que ça, je le sais, je le sens à sa façon de se blottir contre moi, le corps secoué de frissons, mais je ne veux pas aller trop vite, je ne veux pas la brusquer, je veux qu’on profite ensemble de ce moment unique.") et sa mise à mort, inéluctable, s'inscrit dans un rituel apaisant et immuable ("mon coin favori, celui que j’ai choisi et arrangé soigneusement depuis des jours", "Je sors de mon sac à dos la petite pelle pliante que j’emporte pour ces moments-là").

Peut-être le narrateur ne ment-il pas la nuit, en effet... car la noirceur est son domaine.

Un récit maîtrisé qui vous glace le sang.

Merci pour ce partage !

   maria   
29/7/2019
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour toc-art,
Une écriture posée, fluide qui permet une très agréable lecture sans anicroche, et que la fin monstrueuse n'entache pas.
Bien vu de mettre l'assassinat d'un enfant dans l'évocation de la Seconde Guerre Mondiale, car toutes les guerres sont des successions de crimes.
Le texte me dérange sur deux points:
- j'ai beaucoup de mal à lire sur les meurtres d'enfants et sur les viols ; la plupart du temps, je renonce à la lecture ; mais, et c'est très malin, je n'ai rien vu venir!
- je ne suis pas contente que le merveilleux Bashung assiste ce démon.

Merci pour le partage, et à bientôt.
-

   moschen   
3/9/2019
Modéré : Commentaire hors charte (se référer au point 6 de la charte).

   moschen   
22/8/2019
Modéré : Commentaire hors-charte (se référer au point 6 de la charte).


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