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Fantastique/Merveilleux
Twinkle : Être le printemps
 Publié le 24/02/09  -  7 commentaires  -  7113 caractères  -  44 lectures    Autres textes du même auteur

Une légende japonaise raconte l'amour qui unit la jeune Akoya et un mystérieux jeune homme qui disparaît soudainement. Akoya comprend alors qu'il est l'esprit d'un arbre, qu'il s'est sacrifié pour que les gens de son village puissent construire un pont, et elle pleure. À quoi pense-t-elle...


Être le printemps


Cleopatra: If it be love indeed, tell me how much.

Mark Antony: There's beggary in the love that can be reckon'd.

Cleopatra: I'll set a bourn how far to be belov’d.

Mark Antony: Then must thou needs find out new heaven, new earth.


Cléopâtre : Si c'est de l'amour, dites-moi, quel degré d'amour ?

Antoine : C'est un amour bien pauvre, celui qu'on peut mesurer.

Cléopâtre : Je veux établir, par une limite, jusqu'à quel point je puis être aimée.

Antoine : Alors il te faudra découvrir un nouveau ciel, une nouvelle terre.


William Shakespeare, Antony and Cleopatra


***


Tu m’appelles ta vie, appelle-moi ton âme

Car l’âme est immortelle, et la vie dure un jour.


Alfred de Musset, Fantasio


***


Ce pourrait être un conte. Je vis seule dans un palais ruisselant d'or. J'ai peur de m'y noyer. Une clochette, c'est pratique, me permet d'accomplir tous mes désirs. Alors, jour après jour, je m'ennuie.


La nuit, c'est différent. Un dragon entre dans ma chambre et tente de me dévorer. Si je réussis à m'endormir il a perdu. Voilà mon histoire. Un dragon veut me dévorer et je dois m'endormir avant qu'il n'y arrive. Après, je suis sûre de gagner.


Cette nuit encore il est venu. Son souffle a glacé la pièce. Clochette impuissante. Le dragon riait. Peut être qu'au bout de sept ans il se transformera en prince. Je n'ai pas envie d'attendre.


Les gens me prennent pour une princesse. En vérité, je suis une sorcière.


***


Je m'appelle Akoya. Je vis dans une forteresse gardée par des sentinelles numériques. Illusion. Pour gagner ma vie, j'écoute les gens parler et je répète ce qu'ils disent. Japonais, anglais, espagnol, français, français, espagnol, anglais, japonais. Je connais quatre mots pour dire chaque chose, parfois plus. Je n'aime pas mon métier. Les gens ont peu à se dire, ils n'ont pas vraiment besoin de moi. Un mensonge de plus. Je ne l'aime pas mais je le fais quand même. C'est la règle du jeu, et sans savoir pourquoi je veux jouer encore un peu. Peut-être qu'un jour, ce diplomate se penchera vers moi pour dire, il mendie, l'amour qui se mesure.


***


On m'a raconté que juste avant ma naissance mon père avait soigné un héron cendré. Je l'ai vu, il y a une photo dans l'album, un oiseau maigrichon avec un pansement sur la patte. Il a vite guéri et il s'est envolé. Ca devait être un beau spectacle, un héron blessé qui s'évade. Deux jours après, je suis née.


Quand j'avais six ans ma grand-mère m'a dit, depuis toujours nous sommes des sorcières. La magie n'est pas morte. Elle ne sait pas mourir. Ne deviens pas aveugle pour ne pas voir. Résiste à l'envoûtement. Lis des poèmes.


Savait-elle que trop voir est trop souffrir ?


***


Depuis, je glisse d'un monde à l'autre, c'est ce que font les sorcières. À chaque carrefour je peux choisir ma rue. Ginza, Oxford Street, le Prado, un chemin de montagne.


C'est comme ça que nous nous sommes rencontrés, dans une forêt verte bordée de rouge. Il m'a fait goûter un thé d'herbe. Nous n'avions rien à dire. Rien à dire, juste à écouter. Nous nous retrouvons tous les soirs. Le parfum de la forêt nous accompagne. J'ai battu le dragon et je l'ai trouvé mais ce n'est pas le prince. Juste lui.


***


Je m'appelle Akoya Fujiwara. Il est Natori Taro. Si je ne marchais pas entre les mondes, je ne l'aurais jamais croisé. Il met du sucre dans les plats pour faire ressortir le goût du sel. Il veut savoir ce que je ferais d'un souhait. Jouer Gaspard de la Nuit au piano.


J'entre chez moi sur un accord mineur. Il y a là un piano qui joue tout seul. Sorcière piégée par la magie. Il a gagné, encore. Je possède le seul piano mécanique au monde qui joue Gaspard de la Nuit. Certaines musiques sont si belles qu'il faudrait les écouter pour la première fois puis plus jamais. Ne pas user leur beauté. Il rit quand je dis ça. Il dit que je suis malade de fin et qu'il préfère ça. Comme ça quand il mourra je ne lui en voudrai pas.


***


Il me regarde et dit un jour nous serons séparés pour toujours ; je le regarde et dit un jour nous serons séparés pour jamais. Les mots flottent un peu. Je ne suis pas faite pour la tristesse. Il me suffit de voir un arbre pour être absurdement heureuse. Il me suffit de le regarder pour être absurdement heureuse.


Il m'a apporté des fleurs, des violettes comme dans les romans anglais. Elles sont déjà fanées.


***


Il me parle d'une rivière souterraine qui charrie des eaux bleues nucléaires. De gouttes d'eau. D'architectes aveugles et de leur monde insaisissable. Quand je serais vieille, un soir, il me prendra par la main et m'emmènera là-bas. Hardi les gars, hissez la grande voile. Nous naviguerons sur les veines de la Terre. Toutes les rivières vont à la mer, mais certaines prennent des chemins de traverse. Ce seront nos rivières.


***


Hier il a dit, je dois aider les miens, et pour cela je vais mourir. Adieu.


***


Tout est simple. Demain je vais aider les miens et je vais mourir, voilà. Bien sûr, j'ai dit que je mourrai aussi, même s'il a raison de ne pas me croire. J'ajoute que le sacrifice d'un homme ne vaut plus rien. Demain il sera mort, et alors ?


Avoir le sens de l'honneur. Etre honnête avec soi-même. Je ne peux pas le perdre pour mes rêves. Lui aussi a le sens de l'honneur. Comment pourrait-il faire autrement ?


***


Dans un pays tout en syllabes et en pluie, les inondations ont fait trente deux morts ou à peu près. Un village de tôle est coupé du monde depuis que l'eau a emporté les vies et les ponts. Heureusement, on a trouvé un grand pin qui poussait là, un arbre magnifique qui s'est laissé couper sans rien dire. Juste la taille du pont.


Je m'étonne qu'il y ait encore un pays où les ponts soient de bois. On voit la rivière qui coule dessous. Je m'étonne qu'il y ait un pays où les ponts soient d'un bois si précieux. Je sais maintenant qu'il ne reviendra plus. Jamais. C'est à moi de bouger.


Pleurez sur ces morts lointains, vous qui voulez ignorer la tristesse de vos voisins.


***


Je marche sans savoir m'arrêter. Jour et nuit. Je ne sens plus la fatigue. Je suis la fatigue. Lassitude. Je dis qu'au prochain carrefour, au prochain banc, au prochain arbre je m'arrêterai. Je marche devant ma folie, mon mensonge. Si je courrais je pourrais peut-être me transformer en lumière. Je n'en ai pas envie.


***


Déambuler longtemps à travers la ville. Ne prêter attention à rien. Concentrée sur le rythme des pas. Se fatiguer pour ne penser qu'à l'essentiel. À rien. Pour ne pas paniquer. Un banc et l'ombre me fixent soudain. Hypnotisée par la stabilité de la rivière. Un peintre, jaillissement d'encre noire. Égayer la lumière. Voir les pierres sourire. Pluie d'été sur un ange de plastique. Soudain, j'ai l'impression de me promener.


 
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   xuanvincent   
24/2/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↓
(ce texte mérite à mon sens que d'autres lecteurs s'y attardent et laissent leurs impressions)

Au premier abord, ce texte (à la lisière du conte et de la nouvelle, il m'a paru), m'a déconcertée.

En avançant dans la lecture, ce texte de Twinkle m'a paru original, différents des précédents que j'ai lus de l'auteur. En effet, j'y ai vu un ensemble de mini-récits à la frontière du conte et du réel. Cette idée m'a plu. Le réel, sous la plume de Twinkle m'a semblé devenir, dans ce texte, d'une beauté magique.

Par contre, je me suis perdue au milieu de tous ces personnages (certains revenant sans doute, peut-être ?), dont le point commun m'a paru être la recherche de l'amour.

"Etre le printemps" (le titre m'a plu): être amoureux, être aimé(e) ?

PS : L'introduction m'a un peu gênée, je l'ai trouvée un peu longue.

Pour conclure, un texte que j'ai trouvé agréable à lire et poétique, en prenant le temps de bien le lire.

   Menvussa   
24/2/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Nouvelle ??? C'est de la poésie. Comme un rêve absurde mais où l'on se sent tellement bien qu'on ne veut se réveiller.

Je n'ai certes pas tout compris, il aurait fallu pour cela que je m'arrête de rêver et je n'en avais pas envie.

Cela m'a plu... Comme un rêve...

   Anonyme   
25/2/2009
 a aimé ce texte 
Passionnément ↓
J'entre chez toi sur un accord majeur, dans un pays tout en syllabes et en pluie.

Merci Twinkle pour cettte lecture entre deux, entre conte et poésie, pour ces rêves et cette folie surprenante qui se distillent au fil de la nouvelle.

Sois le printemps si ça te chante, j'ai l'impression de me promener. Je ne demande pas plus à une nouvelle.

Pas moins non plus :)

   Nongag   
25/2/2009
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
Belle tentatives. Moments de poésie, mais pas toujours bien utilisées, il me semble. Ce texte demeure, pour moi, un peu trop hermétique et je me suis demandé si j'y aurais compris quelque chose sans l'introduction...

Pourtant, il y a un souffle dans ces phrases que ne me déplait pas. C'est juste que j'aurais aimé pénétrer plus à fond dans ce conte. Limite de l'auteur ou du lecteur...? La question est posée...

   jensairien   
26/2/2009
c'est très agréable à lire. L'auteur a peut-être écrit cette nouvelle un peu comme un poème automatique.
Les images se succèdent. Il n'y a pas de structure narrative propre. Ce n'est pas un défaut, un choix.
Une nouvelle qui requiert une lecture attentive. Je suis trop vite passé dessus

   Faolan   
28/2/2009
 a aimé ce texte 
Un peu
L'histoire est belle mais un peu confuse.
Le style est déroutant et, s'il m'a interpellé - écriture automatique comme le suggère jeansairien ? - , ne m'a pas fait "rentrer" dans la nouvelle... Je n'ai donc pas trouvé cela agréable à lire donc (pas tout mais certains passages)
Désolé mais je pense que je suis passé à côté.
Merci.

   Lysandre   
5/6/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Ce texte est très beau, ciselé, comme une pièce d'orfèvrerie. Dès les premières phrases j'ai été complètement plongée dedans :"ce pourrait être un conte. Je vis seule dans un palais ruisselant d'or. J'ai peur de m'y noyer". Vraiment, superbe. Il y a quelque chose dans cette histoire qui m'a fait penser aux Nouvelles orientales de Yourcenar; le style n'est pas le même, l'atmosphère non plus, mais il y a cette même qualité de rêve, la réalité qui semble se diluer dans l'agencement des mots, et on en vient à accepter des images improbables, les "pays tout en syllabe et en pluie".

J'ai bien aimé la référence à Gaspard de la nuit. Mais je trouve ton univers plus pastel et doux.

Ma seule critique porte sur la fin, la course jour et nuit. Le ton n'est pas le même, et j'ai trouvé que cette soudaine poussée d'émotions déséquilibrait le texte. Mais bon, la dernière phrase rattrape tout.


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