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Fantastique/Merveilleux
Twinkle : Le sanctuaire de Tanuki
 Publié le 30/10/07  -  4 commentaires  -  7735 caractères  -  8 lectures    Autres textes du même auteur

Visite guidée d'un sanctuaire shintô au cœur de Tokyo


Le sanctuaire de Tanuki


De passage à Tokyo, je m'égarai un soir dans une ruelle qui déboucha sur une petite forêt. Je venais de découvrir un de ces nombreux sanctuaires shinto qui rythment la ville. Voyant que j'étais seule, je m'approchai de la fontaine pour tenter de reproduire ce que j'avais vu faire tant de fois. Le dragon de bronze impassible me regarda répandre l'eau avec la petite coupelle prévue à cet effet.


- Vous ne savez vraiment pas vous y prendre, fit soudain une petite voix à côté de moi.


Je sursautai si fort que j'en laissai tomber la coupelle sur le sol. Un peu stupidement, je me sentis aussitôt obligée de m'excuser de ma maladresse auprès du dragon.


- Laissez donc, ce n'est qu'une statue, me confia la même voix.


Je regardai alentour et ne vis personne. Seul un petit chat blanc s'était installé sur la margelle de la fontaine. Tokyo étant le royaume des chats, il n'y avait là rien de très surprenant.


-Il faut faire ainsi dit soudain le chat en trempant sa patte blanche dans l'eau.


- Mais, vous parlez ! m'écriai-je.


-Ne m'interrompez pas, siffla le chat, c'est une affaire importante.


- Mais vous parlez ! Et en français encore !


Le chat parut flatté et prit quelques secondes pour répondre.


- Cela me vient naturellement.


Il redevint sérieux.


- Allons, pressez-vous. Ramassez cette coupelle et servez-vous en pour laver votre page gauche. Maintenant la droite.


Il mit la patte droite dans l'eau et je l'imitai en versant un peu d'eau sur ma main droite.


- Maintenant buvez !


Je bus. L'eau était agréablement fraîche.


- Maintenant relavez votre patte gauche ! Lavez la coupelle ! Saluez !


J'obéis tant bien que mal aux instructions rapides du chat puis restait bêtement immobile. Il me contempla longuement avant de déclarer que j'étais prête à rencontrer le Kami du sanctuaire. Je commençais à me sentir inquiète.


- Je n'y tiens pas vraiment, dis-je. Il est temps pour moi de rentrer et...


- C'est vous qui avez commencé, m'interrompit le chat. Il faut toujours finir ce qu'on a commencé. Venez !


Incapable de répliquer, je le suivis docilement vers un petit autel. Il s'inclina deux fois, tapa ses pattes avant l'une contre l'autre, s’inclina à nouveau puis me regarda impatiemment.


- Eh bien, dépêchez-vous ! Ce n'est pourtant pas si compliqué à faire.


Je devais absolument me tirer d'affaire.


- Je ne sais même pas qui est ce Kami, fis-je d'une petite voix.


Je crois que le chat soupira. Il bondit sur un pin, choisit une branche confortable, enroula sa queue autour de lui et miaula.


- Bien, dit-il, je vais vous raconter l'histoire de Tanuki-san et ensuite vous irez le saluer.


Le chat commença aussitôt.


Autrefois, dit-il, il y avait ici une forêt et un tout petit village. Les villageois finirent par convoiter cette forêt. Ils furent assez imprudents pour parler de leur projet de déboisement à voix haute. Les moustiques les entendirent et rapportèrent ces propos inquiétants au conseil de la forêt. Il était question de tout brûler pour bâtir un nouveau village. Le conseil fut animé. Certains voulaient entrer en guerre contre les humains. Les vieilles tortues proposèrent une voie plus sage. Tanuki fut choisi comme ambassadeur de la forêt, chargé de porter une supplique des animaux au shogun en personne. Tanuki n'était pas très heureux de ce choix, mais étant le seul à pouvoir prendre forme humaine, il dut se soumettre.


Tanuki prit l'apparence d'un fier samouraï pour se rendre au palais. Sitôt qu'il fut transformé, les moustiques ne purent résister à l'appel du sang et se jetèrent sur lui pour le dévorer. Le samouraï Tanuki prit ses jambes à son cou en hurlant qu’il sauverait tous les animaux de la forêt sauf ces horribles moustiques.


Le voyage jusqu'au château du shogun ne prit pas beaucoup de temps. Le jour, le samouraï Tanuki marchait fièrement sur les chemins et les paysans s'écartaient en le saluant bien bas. La nuit, sous sa forme naturelle, il courait les bois, prenant même au passage des nouvelles de ses parents tanuki.


Au château, le samouraï Tanuki fut émerveillé par les paravents dorés qui ornaient la salle où on le fit attendre. Il patienta ainsi 3 semaines avant d'obtenir une audience d'un ministre insignifiant. Tanuki regrettait amèrement les arbres de sa forêt.


Le ministre écouta sa requête avec attention et le congédia sans mot dire. Tanuki suspecta qu'il n'avait pas été entendu, et décida d'aller directement parler au shogun.


La nuit tombée, Tanuki reprit sa forme naturelle et grimpa sur les poutres de la salle d'audience. À la recherche des appartements du shogun, il faillit succomber de frayeur devant un tigre énorme ou un phénix menaçant. Ce n'étaient que des peintures mais il s'y laissa prendre plusieurs fois.


Soudain, un son léger résonna brièvement, aussitôt étouffé. Tanuki dressa l'oreille.

Il connaissait bien ce bruit. Quelqu'un marchait sur le plancher des rossignols. Le bruit repris. Tanuki avait passé assez de temps dans le château pour savoir que c'était là très inhabituel. Quelqu'un tentait de se faufiler sans bruit vers la chambre du shogun.


Le sang de Tanuki ne fit qu'un tour. Il bondit vers le sol, et reprenant sa forme de samouraï fit courageusement face à l'assassin. Le vacarme alerta les gardes et le shogun lui-même se réveilla. Tanuki était un fier samouraï mais il ignorait tout de l'art du combat et évitait difficilement les coups de son adversaire. Quand les gardes intervinrent, Tanuki avait déjà été blessé mortellement.


Le shogun ému s'agenouilla auprès de ce guerrier inconnu qui venait de lui sauver la vie. Le samouraï Tanuki rendit l'âme sans dire un mot, reprenant dans la mort sa forme animale. Un tel prodige bouleversa le shogun qui donna l'ordre d'enterrer le Tanuki avec tous les honneurs dus à un héros.


L'histoire parvint aux oreilles du petit ministre qui avait reçu la requête de samouraï Tanuki. Il comprit immédiatement et accourut tout expliquer au shogun. Le seigneur l'écouta attentivement puis resta un long moment silencieux, contemplant les arbres de son jardin. Le soir même le grand prêtre fut convoqué au château et s'entretint longuement avec le shogun.


Le lendemain, plusieurs moines partirent pour la forêt de Tanuki. Ils avaient ordre d'y construire un petit sanctuaire dédié à l'esprit du héros. Les travaux furent rapides. Grâce à ce sanctuaire, la forêt serait sacrée et protégée pour l'éternité. Tous les animaux le comprenaient et faisaient de leur mieux pour aider les humains. Seuls les moustiques ne purent s'empêcher de piquer...


Lorsque le sanctuaire fut terminé, le grand prêtre vint en personne présider la cérémonie de consécration. Il frappa dans ces mains pour attirer l'attention de l'esprit de Tanuki et lui expliqua que ce lieu serait désormais sacré pour tous les animaux de la forêt. Tous sauf les moustiques, ainsi que le samouraï Tanuki l'avait bien précisé au ministre. Le pauvre prêtre faillit avoir une attaque quand il entendit la voix claire de Tanuki lui répondre.


- Après tout, dit le Kami, je crois qu'il faut aussi protéger les moustiques.


Le chat interrompit là son récit pour me regarder avec insistance. Il m'enseigna comment saluer l'esprit du Tanuki, puis me fit visiter le sanctuaire, me montrant au passage toutes les statues d'animaux qui ornaient la forêt. Je ne pus m'empêcher de remarquer qu'il n'y avait pas de statues de moustiques.


Le chat éclata de rire.


- Pour eux, pas besoin de statues !


Et il prit congé sans plus de manières, disparaissant dans l'obscurité. Je devais très vite constater les sagesses de ses dernières paroles; les moustiques sacrés n'avaient pas perdu leurs mauvaises habitudes.



 
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   nico84   
31/10/2007
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Belle histoire bien racontée ...

Tout y est, fond et forme, le sujet ne me passionne pas mais j'ai finalement été emporté par ta nouvelle .. BRAVO !

   Anonyme   
7/11/2007
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
En voilà une belle histoire! Bravo pour tes dialogues, parfait et le reste bien raconté et bien écrit

   xuanvincent   
20/6/2008
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Une bien jolie histoire !

Le récit me paraît bien écrit et j'ai trouvé amusante la rencontre entre ce chat parlant et l'homme qui l'écoute.
Petit détail : "Ramassez cette coupelle et servez-vous en pour laver votre page gauche" : doit-on lire "page" (gauche) ou "patte" (gauche) ?

Avec en prime un beau conte dans l'histoire !

J'ai apprécié en outre le basculement de l'histoire du réel vers le fantastique, à partir du moment où la narratrice entends une voix l'interpeler.

J'ai bien aimé la fin du conte, pour son humour.

   marogne   
27/10/2008
 a aimé ce texte 
Un peu
J'ai d'abors été attiré par le titre, normal, et quand j'ai lu la presentation qui mentionnait Tokyo, je m'y suis plongé. Mais j'avoue avoir été déçu; trop d'attente?

Quelques raisons ci-dessous de détails:

*"lavage de page ou de patte"?
*l'utilisation systématique du passé simple qui ne me parait pas adaptée aux situations
*on ne sait pas ce qu'est TAnuki quand il est choisi... et il n'y a pas trop de chats à l'état sauvage, même dans les forêt niponne
* faillit (passé simple) succomber ... énorme OU un phénix

De manière plus générale, j'ai trouvé le style un peu trop "enfantin" (pas sur que ce soit le bon terme), et décalé par rapport à l'ambiance que l'on peut trouver dans ces temples, et surtout par rapport à la culture japonaise - je ne aprle pas du thème, mais de la façon de le relater -, ça fait trop européen, bien trop.


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