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Fantastique/Merveilleux
Twinkle : Une histoire d'araignées
 Publié le 08/10/07  -  6 commentaires  -  8172 caractères  -  273 lectures    Autres textes du même auteur

Une araignée prête à tout pour accomplir son rêve...


Une histoire d'araignées


C'était une petite araignée très commune : un ventre marron, huit pattes graciles, pas venimeuse pour deux sous. Les gens savants l'appelaient Uloboridae quand ils s'intéressaient à elle, mais ce nom ne lui plaisait pas vraiment. Leur manière surtout de prononcer l'italique l'agaçait beaucoup.


Pour lui faire plaisir, ses amis l'appelaient Lyrae. Ils la trouvaient un peu toquée : la petite Lyrae s'obstinait à ne sortir que la nuit, et alors, au lieu de chasser sérieusement, elle passait son temps à fixer une étoile. C'était un passe-temps plutôt risqué : à trop regarder le ciel elle n'en voyait pas venir les prédateurs ! Heureusement, ne sortir que la nuit la protégeait au moins du terrible balai et les humains n'osaient pas la toucher. « Araignée du soir espoir » chantonnaient-ils en la voyant.


Pauvre Lyrae ! C'est vrai qu'elle était folle, complètement amoureuse de cette étoile qui remplissait le ciel. La petite araignée était d'un bon naturel, mais sa passion la rendait nerveuse. Elle vouait une haine farouche contre les nuages qui lui cachaient sa bien-aimée, et la lune qui lui faisait de l'ombre. Ses amis la taquinaient, mais ils étaient un peu inquiets. « À force de ne rien manger, répétaient-ils, tu vas devenir si légère que le moindre souffle va t'envoyer droit dans ton étoile, tu seras bien avancée ! »


Est-ce une de ces moqueries qui planta une idée bizarre dans le petit cerveau de Lyrae? Elle se mit à penser que peut-être elle pourrait bien monter jusque là-haut. La petite araignée se mit à élaborer toutes sortes de plans rocambolesques. Son favori consistait à envoyer un de ses précieux fils de soie sur le sol étoilé, et de le grimper tranquillement. Cela paraissait possible, après tout elle arrivait déjà sans peine à grimper en haut de la grande armoire.


Avant tout, il fallait prendre des forces se dit-elle. Lyrae sembla délaisser son rêve et reprit un rythme de vie raisonnable. On la vit soucieuse d’avoir une alimentation équilibrée, et elle ne dédaigna aucune occasion de mesurer ses forces avec les autres araignées. Ses amis en furent ravis. Il ne la voyait pas s’entraîner en cachette. Lyrae tentait chaque jour d’envoyer un minuscule fil de soie vers l’étoile du ciel. Au début, ses efforts furent peu concluants, mais chaque jour le fil grandissait un peu plus, et un jour... Le fil de soie invisible resta fermement ancré dans le sol de l’étoile ! Lyrae faillit s'étouffer de joie. Mais c'était après tout une araignée très obstinée, car au lieu de se précipiter vers le ciel, elle s’obligea à préparer soigneusement la suite de son voyage. Elle entreprit de tisser un petit sac de soie pour envelopper toute une cargaison de gouttes d'eau et de moucherons. Elle comptait haler le sac derrière elle, car qui sait ce qu'elle trouverait à manger sur une terre étrangère ?


Enfin tout fut prêt pour l’ascension. Au début du voyage, le fil n'était pas du tout stable dans l'atmosphère, et dès que Lyrae jetait un œil vers le bas elle se sentait défaillir. Au bout de six jours la petite araignée se sentit mieux ; elle ne distinguait plus très bien la Terre, et le fil était plus calme. Elle se sentait même très légère et regrettait presque de ne pas avoir pris plus de provisions. Il fallut exactement vingt et un jours pour atteindre l'étoile. Le vingt et unième jour, Lyrae poussa un grand soupir de joie, ferma les yeux, et posa délicatement une patte sur la surface brillante tant convoitée.


Aïe aïe aïe. Quelle chaleur insupportable ! La douleur était telle que la pauvre petite araignée en lâcha son fil, et tomba pitoyablement vers la Terre.


La chute fut plus courte que l'ascension, et Lyrae n'eut la vie sauve que parce qu'elle retomba miraculeusement sur le coussin de la chaise longue du jardin. Elle était si choquée qu'elle resta là plusieurs jours, sans songer à se cacher, tremblante et démoralisée. Une chance que les humains n'étaient pas là, car elle aurait été écrasée plus d’une fois.


C'est sur le coussin que sa grand-mère la découvrit enfin. C'était une vieille araignée ridée, qui aimait beaucoup son nom d'Uloboridae en italique. Elle se piquait d'être une grande savante. Pour le moment elle était surtout en colère, cela faisait presque un mois qu’elle cherchait son idiote de petite fille. Quand elle eut fini de crier et que Lyrae put lui raconter sa mésaventure, la vieille Uloboridae resta perplexe. Quelque chose l'intriguait dans cette histoire. Ce fut une période sombre pour les araignées. Lyrae passait ses journées prostrée dans un recoin pendant que sa grand-mère arpentait la maison en marmonnant des choses incompréhensibles, s'arrêtant parfois pour fixer l'étoile d'un air menaçant. Beaucoup croyaient que la vieille Uloboridae avait hérité de la folie de sa petite fille. Leur opinion aurait été confortée s'ils l'avaient vue l'autre jour, pousser un cri de victoire et foncer à toute vitesse vers le recoin de Lyrae.


« Nous sommes deux idiotes » fut sa première parole, et elle enchaîna sur une longue démonstration qui laissa Lyrae indifférente. Pourtant, la petite araignée finit par lever la tête, et même par sourire. Elle avait compris ce que sa grand-mère racontait : le fil de soie n'avait pas brûlé.


La solution était évidente. En un temps record, Uloboridae tricota seize chaussettes montantes en soie épaisses, pendant que Lyrae partait en chasse constituer un nouveau stock de provisions. Avec ces chaussettes il n'y aurait plus de problème pour arpenter l'étoile sans se brûler !


Pourquoi seize chaussettes ? En vérité Lyrae avait réussi à contaminer Uloboridae. Contre tout bon sens la vieille avait décidé de participer à l’aventure. À la première nuit de beau temps, les deux araignées s'engagèrent sur le petit fil de soie, les pattes soigneusement enveloppées dans leurs chaussettes, traînant derrière elles de gros sacs de provisions.


Le voyage fut un peu plus long, car Uloboridae n’avait plus les pattes de sa jeunesse, et que Lyrae avait tenu à emmener une énorme cargaison de moucherons. Lorsqu'enfin les deux petites araignées arrivèrent au pied de l’étoile, Lyrae poussa un grand soupir. « Grand-mère, dit-elle, ça devrait être à toi de faire le premier pas, car nous n’y serions jamais arrivées sans toi. Si ça devait mal tourner, je préfère que ce soit moi qui…»


Elle n’eut pas le temps de finir. Uloboridae jaillit devant elle en hurlant « Géronimo » et atterrit sur la surface de l’étoile. Pendant un bref instant, les deux araignées se regardèrent, puis la grand-mère éclata de rire et se mit à gambader. Ouille ouille ouille, ça chatouille ! Lyrae s’empressa de la rejoindre dans cette course endiablée.


Au bout de trois mois, les deux araignées avaient fait le tour de l’étoile et de leurs provisions. Quel déchirement ce fut de devoir retourner dans le jardin ! Mais la perspective de revoir leurs amis égayait un peu le cœur de Lyrae. Elle commençait à se fatiguer un peu de sa vieille grand-mère. Et elle avait tant d’aventures à raconter ! Si elle avait été seule, Lyrae aurait sauté pour arriver plus vite, mais Uloboridae n’était pas si bête. « Ne crois pas qu’il y ait des matelas douillets prêts à te recevoir dans tous les jardins », répétait-elle. Et elle se laissa glisser le long du fil.


Personne ne s’attendait à revoir les araignées. On avait inscrit sans plus de cérémonie leur nom sur le monument des victimes du balai, et la vie avait continué. Leur retour fut l’occasion d’une grande fête, même si personne ne les croyait. On se souvient encore de la panique provoquée par la malicieuse Uloboridae lorsqu’elle exhiba une miette d’étoile qu’elle avait emmenée. Elle faillit mettre le feu à la maison ! Mais quel succès ! La grand-mère dut illico s’improviser productrice de chaussettes de toutes tailles. Tous voulaient emprunter le fil de l’araignée et visiter l’étoile. Ce fut un aller retour incessant qui continue toujours aujourd’hui.



 
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   Bidis   
8/10/2007
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Quel joli conte, absurde et délicieux.
Bien écrit. Même si deux petites choses m'ont fait tiquer.
-"Elle vouait une haine farouche contre les nuages qui lui cachaient sa bien-aimée, et la lune qui lui faisait de l'ombre" : je ne crois pas qu'on peut dire "vouer une haine contre", on voue une haine à, il me semble.
-"Ses amis en furent ravis. Il ne la voyait pas s’entraîner en cachette.": "ses amis", pluriel, donc : "ils ne la voyaient pas"
C'est deux fois rien, mais c'est dommage...

   macalys   
9/10/2007
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
J'ai beaucoup aimé aussi. Il y a une fraicheur dans ton style que j'apprécie beaucoup et qui me fait même aimer les araignées velues... C'est dire ! J'espère que comme la petite araignée, je réaliserai un jour mes rêves. En attendant, ton texte me donne envie d'essayer.

   Anonyme   
9/10/2007
Très beau texte, j'ai pas decroché ne serait-ce que sur une phrase^^

   Anonyme   
10/10/2007
 a aimé ce texte 
Bien ↓
C'est un beau conte Le style un peu enfentin colle assez bien avec le texte.C'est gentillet

   Twinkle   
11/10/2007
Merci (^_^)

   marogne   
11/11/2008
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Une plongée dans le 17° siècle, re-découverte de la relativité, et ambitieux voyages de découvertes. Que cette Araignée Cyrano essaye d’atteindre la Lune, ou les étoiles, ou le lampadaire du jardin, qu’importe, l’important est de savoir oser, et ensuite de partager.

Une bien amusante allégorie que ce conte, toujours avec la délicatesse et la distance que sait mettre l’auteur dans chacune de ses histoires.

Je ne sais plus combien de solutions pour atteindre la lune Cyrano avait imaginé, mais une des plus belles, et que j’ai cru retrouver, un instant, ici, est celle qui consistait à remplir de gouttes de rosée des sacs, et d’attendre que celle-ci cherche à s’évaporer, à l’aurore, entraînant dans les nuées les bourses, et celui qui s’y était accroché….


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