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Fantastique/Merveilleux
Usus : La Kapanasaï
 Publié le 09/02/11  -  5 commentaires  -  35959 caractères  -  59 lectures    Autres textes du même auteur

Pierre Clavelin vit une relation passionnée et fusionnelle au sein d'un environnement hostile.


La Kapanasaï


Ô nature sans complaisance, généreuse, maternelle, castratrice, et primaire ! Toi qui règnes sur l’affectivité des hommes.




1


À la Trench Wagner’s Compagnie l’effervescence est à son comble. Sur les trois étages d’exploitation, la grande ruche bourdonne de jour comme de nuit. Si l’activité baisse légèrement toutes les fins d’après-midi, elle ne s’arrête jamais. Les téléscripteurs crépitent dans chaque bureau, alimentés par les correspondants du monde entier en cette fin 1965.


La nouvelle a fait le tour de l’agence. Pierre Clavelin est rentré. Dans la grande salle des plans, les agents se croisent, on parle par monosyllabes de peur de ne pas avoir assez de temps pour tout se dire. Clavelin avait rejoint la France depuis la semaine passée mais c’était sa première visite à l’agence. Le patron l’avait reçu aussitôt. Il s’en est suivi une longue conversation où toute l’affaire indonésienne fut passée en revue à la lumière des informations toutes fraîches. Les mines de bauxite de la Trench Wagner’s Compagnie à Sumatra étaient effectivement prêtes à fermer mais on soupçonnait de nouvelles veines à une centaine de kilomètres au nord de Pekanbaru.


- Clarks et Grevman ont déjà pris des contacts au ministère pour le dépôt des autorisations et la délimitation des concessions mais on ne peut pas se permettre de laisser la place inoccupée tant que tout n’est pas bouclé. Pierre tu prends quarante-huit heures de repos et tu retournes à Sumatra.

- Je suis prêt à partir immédiatement où tu veux mais il est absolument hors de question que je retourne là-bas. Je suis persuadé que tu dois avoir actuellement trois ou quatre sites sensibles où je serai aussi efficace.


Chris Trouman connaissait suffisamment Clavelin pour savoir que le ton qu’il employait ne laissait aucune place à la discussion, voire à une quelconque négociation.


- Ok Pierre tu rédiges le rapport global, tu restes au service du département de la prospection. Tu seras au courant de ta prochaine mission dans la semaine.


Chris regarda s’éloigner son collaborateur avec perplexité. C’était Pierre, calme, posé, volontaire et toujours sûr de lui mais quelque chose avait changé. Chris n’arrivait pas à définir ce qui l’intriguait dans le comportement de son meilleur correspondant à l’étranger. Le regard grave, tendu. Il semblait dépouillé de sa bonne humeur coutumière, oscillant entre un calme apparent et une extrême lassitude. Et puis entre son dernier message de Pekanbaru et l’annonce de son retour en France, il s’était écoulé un bon mois sans nouvelle. Lorsqu’on l’interrogeait sur ce point, Pierre restait évasif ou changeait de conversation.


Les affaires en cours reprirent rapidement leur place dans l’esprit du patron. Pierre Clavelin avait fait du bon boulot, c’est tout ce qui comptait. Sumatra était de nouveau sur les rails. Dans quelques mois, l’exploitation d’un nouveau filon redémarrerait, pérennisant la santé économique de la société.


- Il faudra quant même que je l’invite à dîner, se dit le patron. Je n’aime pas rester sur ce genre d’impression.


2


Six mois plus tôt, Pierre débarquait à l’aérodrome de Palembang avec l’ingénieur géologue Raymond Provin. Ils prirent rapidement la direction de Pekanbaru dans une voiture de location. Les mines de bauxite de la compagnie se situaient plus à l’ouest, dans la chaîne des monts Barisan qui borde la côte de l’océan Indien. Les nouvelles prospections les menaient plutôt vers la côte est. Plus exactement dans les vastes forêts au nord de Pekanbaru. Les routes plus ou moins carrossables traversaient Minas puis Pekarar. Pour la suite du voyage, les pistes de brousse jusqu’à la rivière Sungai Mandau puis le canot. Le travail devait prendre plusieurs mois. La seule pension de Kualabringin où ils prirent leurs quartiers reflétait une image à mille lieux des clichés pour touristes.


L’agglomération où les baraques de tôles rouillées encerclaient quelques rares bâtisses en dur semblait plus proche du bidonville que du village traditionnel. Les habitants, des Malais pour la plupart et quelques Chinois, étaient perpétuellement à la traque d’argent gagné plus ou moins facilement. La confiance n’était pas de mise. Quelques ombres inquiétantes, flibustiers des basses terres ou traqueurs de rêves commencèrent à rôder autour des deux étrangers mais la détermination et la carrure de catcheur de Raymond Provin les découragèrent rapidement. Si le travail dévorait les journées, le soir engourdissait les Européens dans un spleen insipide. L’isolement et le manque de distraction rendaient les fins d’après-midi interminables. Pierre prit rapidement l’habitude de sortir en forêt. La compagnie de Raymond n’était pas désagréable mais cette demi-solitude lui fournissait matière à aiguiser sa sensibilité.


Il découvrait cet environnement sauvage et étendu où se mêlent banians, palmiers, caoutchoucs et tecks. La richesse des végétaux de la sous-couche, les effluves puissants des frondaisons équatoriales, toutes ces sensations visuelles et olfactives contribuaient à justifier ce choix professionnel. Les jours passaient et il s’aventurait de plus en plus loin des sentiers carrossables. La forêt le gagnait, les perpétuelles brumes plongeaient le décor dans un crépuscule fantasmagorique. Les agglomérats de rochers moussus souvent verrouillés par les monstrueuses racines des arbres sans nom, donnaient au paysage une densité onirique. En ombres chinoises de dentelles précieuses, les fougères arborescentes se détachaient sur fond de déclin lumineux jaune doré, ocre et roux. L’incroyable palette de la flore équatoriale déclinait ses couleurs et ses volumes dans un tableau permanent de gigantesque jardin anglais. Toute cette fantasmagorie, cette démence de la nature comblait la sensibilité de Pierre.


D’escapade en randonnée, il se fondait dans ce cadre envoûtant, dans cette magie sauvage qui sublimait sa capacité d’émerveillement. C’est par des changements infimes à la limite du visible et de l’audible qu’il eut pour la première fois conscience de la présence du petit peuple. Il restait de longues minutes immobile. Chacun semblait attendre une action de l’autre. Si Pierre s’avançait vers eux, les petits hommes disparaissaient dans les taillis. Alors, il les attendait. Ils finirent par approcher. Leur curiosité fut la plus forte. Cet homme blanc et grand qui venait seul les intriguait. Ils connaissaient les Malais et s’en méfiaient. Ils n’avaient pas toujours été des plus amicaux. Ils n’avaient besoin de personne et les autres habitants de l’île les ignoraient ou les considéraient comme quantité négligeable. Le plus hardi des petits hommes vint le scruter et s’approcha à toucher son visage. Ses cheveux blonds le firent rire. Puis l’atmosphère se détendit et les autres formèrent le cercle. Pierre put enfin les détailler à loisir.


Le plus grand de ces curieux et discrets pensionnaires de la forêt ne dépassait pas un mètre dix de taille. Tous présentaient une silhouette harmonieuse et musclée. Les visages aux traits fins étaient ornés d’un perpétuel sourire. Il se dégageait du groupe plus une impression de dynamisme que de nervosité. Leurs gestes calmes et réfléchis soulignaient, s’il en était besoin, l’intelligence qui brillait dans leurs regards. Tout individu de bonne volonté communique d’une manière ou d’une autre. Le plus surprenant pour un Européen est de découvrir un langage non articulé. Les membres du groupe pratiquaient un idiome sifflé doux et agréable à l’écoute, mais qui paraissait malgré tout plutôt élaboré. Pierre apprit rapidement grâce au petit peuple et à son fantastique don pour communiquer, quelques secrets de la forêt.


Au fur et à mesure des rencontres, la confiance s’établit. Ils apprirent à se connaître et à s’estimer réciproquement. Un jour, Bayry, le chef du groupe prit Pierre par la main et l’emmena de l’autre côté des amoncellements de rochers. À une heure de route, pardon de piste, Pierre découvrit un village entièrement installé entre les gigantesques racines des arbres géants. Les abris étaient constitués d’écorces tendues sur des cadres et assemblées de façon astucieuse pour couvrir plusieurs alvéoles en même temps. L’ensemble, sur différents niveaux, laissait une impression d’unité, d’un urbanisme primitif et naïf. Les femmes et les enfants se montrèrent encore plus curieux que les hommes. Chacun vint l’observer, le toucher. Les trilles fusaient et chacun y allait de son commentaire dans de grands éclats de rire. Le petit peuple avait reçu ce don précieux de la nature humaine, le sens de l’humour. Depuis ce jour, Pierre passa tous ses moments de liberté au village du petit peuple, tissant lentement des liens ténus, adopté par tous. Il prit l’habitude de converser avec Bayry et sa compagne. Il avait de grandes difficultés pour s’exprimer avec des trilles, ce qui faisait rire aux larmes Manaya. Par contre Bayry s’avéra doué pour l’apprentissage du français. Les jours passaient. Après le travail, Pierre partageait de plus en plus de temps avec ses amis. Ses allées et venues dans le village ne soulevaient plus de curiosité. Tout au long des interminables conversations avec Bayry, ses connaissances de la forêt s’enrichissaient. Il découvrait aussi un mode de vie qu’il croyait disparu, dont les bases reposaient sur la solidarité, le partage de tout bien matériel et la douceur de vivre ensemble. Une seule chose surprenait Pierre. Une hutte de taille supérieure aux autres constructions était installée à l’écart du village. Plusieurs fois Pierre s’en est approché et systématiquement, avec beaucoup de gentillesse mais fermeté, Bayry l’en éloignait.


3


Le programme de prospection avançait et il fallut traverser la Sungai Mandau. Le procédé était toujours identique. On pratiquait une reconnaissance, suivie de relevés topologiques puis la collecte des spécimens minéraux. Raymond pratiquait des prélèvements géologiques et passait le plus clair de son temps sous la tente, plongé dans les analyses. De l’autre côté de la rivière un paysage de plaine basse remplaçait la forêt. Des groupes d’épineux rampaient entre les monticules rocheux. Çà et là quelques bosquets réussissaient à rompre la monotonie des lieux. Allongé sur le dos pour un bref instant de détente, Pierre somnolait au soleil de cette fin d’après-midi. L’ombre passa sur son champ de vision. Conscient d’une présence, il ouvrit les yeux. La fille était sur lui, les jambes placées avec impudeur de part et d’autre de son corps. Dans un premier temps Pierre ne vit que deux yeux. Deux yeux fascinants, dorés, profonds. Un regard d’une étrange dureté dans un visage ovale, d’une grande douceur. La fille balançait légèrement son corps de liane en fixant l’homme qu’elle dominait. Une fille liane, rien ne semblait plus proche de cette définition. Les attaches étaient fines, enchâssées dans une longue chevelure brillante, d’un noir de geai, les hanches pleines. Une poitrine modeste mais ferme donnait à la femme enfant une touche de maturité. Le moment magique ne dura pas plus de quelques secondes. La fille s’installa tranquillement en tailleur à côté de Pierre.


- Qu’est-ce que tu penses des Daïras ? Tu les observes comme des animaux rares ? Ou tu les respectes comme des frères ?

- Tu parles français ?

- Je parle beaucoup de langues mais tu ne m’as pas répondu.

- Les Daïras sont les gens les plus sympathiques que j’ai rencontrés depuis longtemps.

- Ça ne te dérange pas de contribuer à leur disparition ?

- Qu’ai-je fait ? Qu’y a-t-il eu dans mon attitude qui te permette de penser ça ?


Pierre sentit la colère monter. Le regard de la fille redevint profond et envoûtant.


- Si tu éprouves de l’amitié et du respect pour les gens de Bayry, tu conserveras la plus grande discrétion sur leur vie quand tu retourneras dans ton pays. Viens sur la bute de Lipaï à la lune montante.


La fille caressa la joue de Pierre et disparut en un clin d’œil dans le bosquet.

Pierre ressentit une impression de chaleur sous la caresse tandis qu’une odeur de vanille emplit l’air. Était-ce la surprise ou l’émotion de la rencontre ? Il resta quelques instants allongé, sans bouger, pris par la magie de l’apparition. Qui était cette femme ? Les impressions se bousculaient dans son esprit. Entre autres, il s’était fait manipuler. Elle connaissait l’existence des Daïras car Daïras il y avait. La hutte du village. Pourquoi Bayry refusait le contact entre lui et cette fille. Jamais le petit homme n’avait fait la moindre allusion à sa présence. Et puis il y avait cette attirance presque magnétique. L’exceptionnelle beauté de l’environnement et l’étrange lumière de cette fin d’après-midi contribuaient à plonger Pierre dans une sorte d’acceptation de la situation. Un léger souffle d’air attisait la douceur du soleil. Il ferma les yeux et fut de nouveau fasciné par l’intensité et la profondeur du regard. La sensualité de ce corps, la douceur de la caresse, le parfum persistant, il fallait la revoir. Pierre se releva et gagna la jeep. Au repas du soir avec Raymond, la conversation fut monopolisée par les événements de l’après-midi. L’ingénieur prit l’aventure avec légèreté. L’heure était à la bonne humeur et à la détente. Vers la fin du dîner, le patron de la pension, un vieux Malais plus fripé qu’un éléphant s’approcha de leur table.


- Excusez-moi sahib mais j’ai entendu votre conversation. Je ne veux pas vous importuner mais vous êtes étranger et ce pays possède bien des secrets et bien des dangers.


Pierre, intrigué par le discours du Malais, l’invita à s’asseoir à leur table. Le vieil homme se tira une bière et s’installa à califourchon sur la chaise. Après avoir longuement contemplé les deux Européens, il prit la parole :


- Ce pays est un vieux pays. Il possède une âme millénaire. Nombre de croyances et de légendes ont construit notre histoire. Le peuple des Daïras en fait partie. Il représente encore l’esprit de la forêt. Les gens d’ici le respectent et le craignent un peu. Personne ne se mêle de ses affaires et son territoire est tabou chez les Malais. Mais le fait qu’il vous ait accepté dans leurs maisons prouve que votre cœur est droit. Ce qui m’inquiète n’est pas cette rencontre. Vous avez vu la Kapanasaï. Il est rare de la croiser et ceux qui l’on fait ont perdu le souvenir de ce jour et d’autres choses encore. Nul ne la connaît, nul ne sait d’où elle vient ni qui elle est. Elle est aussi un esprit de la grande forêt. En elle se trouve la puissance de la nature. Son charme est sans égal. On dit son amour dangereux pour tout homme qui tombe dans ses bras. La Kapanasaï n’est pas tout à fait une femme et pas tout à fait autre chose mais je ne suis pas en charge des secrets de la nature et je ne peux que vous mettre en garde.


Sur ces paroles, le vieil homme reprit possession de son comptoir et de ses occupations comme si la conversation n’avait jamais eu lieu. Loin d’effrayer Pierre, le discours du Malais l’avait plutôt stimulé. Le mystère sous-jacent fit monter son taux d’adrénaline. Il se rendrait au rendez-vous de la nuit.

Sur le sentier qui mène à la butte de Lipaï, les tumulus herbus, chicanes naturelles, subissaient en permanence l’érosion des vents de terre. C’était l’heure où les animaux nocturnes lançaient les premières notes d’étranges concerts dans les replis d’une nature sauvage et primitive. La butte se dessinait sur un ciel crépusculaire. Pierre, adossé à un rocher des contreforts du grand monticule, goûtait l’instant. Un rapace en quête d’une proie traversa son champ de vision. Tout devenait calme comme avant un événement. Une tiédeur de l’air succédant aux bourrasques de vent semblait imposer même le silence à la faune.

La fille posa sa main sur son épaule.


- Maïrha t’a appelé et tu es venu. Maïrha te connaît, elle t’observe depuis longtemps. Elle t’emmènera où nul autre ne t’a jamais accompagné.


Lentement les bras de Maïrha glissèrent sur ses épaules. Le corps de la fille se collait au sien dans un doux mouvement de reptation. La chaleur envahit le corps de l’homme. Toutes ses pensées s’évanouirent pour laisser place à un sentiment de bien-être et d’abandon. La douceur des lèvres sur sa bouche déclencha une irrésistible envie. Son corps devenait le centre de milliers de capteurs d’émotion qui réclamaient les caresses, la possession de l’autre. Maïrha l’enveloppait complètement. Elle était devenue lui-même, le saturait d’un brûlant délire qui lui fit perdre le sentiment de la réalité. Un million d’étoiles entrait en carrousel porté par le contact étroit, les seins de Maïrha, les cuisses de Maïrha. Il la pénétra avec force, tout son être tendu comme un arc puis ce fut l’éclipse. Seules les sensations commandaient son cerveau en couleurs violentes, distorsion du temps et de l’espace. La nature, dans son calme de solitude, indifférente aux bouillonnements des passions, égrainait les heures de la nuit. Dans un voile de demi-conscience, Pierre entendit vaguement la voix de la femme liane.


- Tu appelleras Maïrha et je répondrai. Dorénavant tu appartiens à Maïrha.


Le jour colorait la plaine quand Pierre reprit le chemin du village. La femme avait disparu.


4


Pierre reprit ses occupations mais tout au long de la journée, les yeux d’or masquaient son esprit. Chaque parcelle de son corps conservait intact le souvenir du plaisir de la nuit. Jamais aucune aventure féminine n’avait laissé de sensations aussi persistantes. Il dut faire un gros effort de volonté pour exécuter correctement toutes les tâches de la journée. Le soir, il courut vers le tendre rendez-vous de la butte de Lipaï insensible à toute autre envie. La fille était là et ce fut la même passion, le même déferlement de plaisir qui les unit.


Plus les jours passaient, plus le Français s’enfonçait dans cette relation fusionnelle. Plus rien ne comptait. Le travail de la journée ne servait qu’à avaler les heures qui le séparaient de Maïrha. La nuit, la violence de cet amour ne s’émoussait pas, leur folie allait crescendo. Pierre rentrait au petit matin dans un état de grande faiblesse. Plusieurs mois s’écoulèrent ainsi, entre le travail, les longues visites et les excursions avec les Daïras et les nuits passionnées toutes emplies de Maïrha. Maïrha l’envoûtante, qui l’avait dérouté lui, l’Européen cartésien, le scientifique assis sur ses certitudes scellées dans une logique matérielle et figée. Maïrha la plus belle personnification d’une sensualité primitive, féminine jusqu’au bout des ongles, souple et câline comme une chatte, puissante comme une orchidée rare. Elle ne s’occupait pas de son passé, ne l’interrogeait pas sur sa vie. Elle s’offrait sans retenue, avec fougue et générosité, prêtresse d’un amour sublimé aux ramifications infinies, ignorante des conventions, des inhibitions qui forgent toute la carapace des civilisations modernes et abouties. Qui pouvait prétendre savoir qui elle était, pourquoi elle vivait, quelle était sa place sur le grand échiquier de dame nature ?


Jamais au cours de son existence, Pierre n’avait connu une telle intensité, une telle soif de vivre. Chaque instant le confortait dans son besoin de dévorer le temps. Peut-être la peur de rater quelques instants précieux le poussait à cette boulimie. À la saison des moussons vint la fin de la mission. Raymond Provin quitta Sumatra le premier, Pierre devait le suivre quelques jours plus tard. Plus le jour du départ approchait, plus son état se radicalisait. Une grande nervosité parasitait chaque pensée, chaque geste de la vie courante. Il fallait quitter Maïrha et cette perspective le bloquait. Était-il capable de prendre la seule décision raisonnable qui lui permettrait de ne pas couper définitivement avec sa vie d’avant ? Il ruminait toutes ces sombres pensées dans l’arrière-salle de la pension, cherchant désespérément dans l’alcool l’énergie de la décision. Il décida de parler à la fille le soir même mais au fond de lui, il n’était pas certain d’en avoir le courage. Pour la première fois depuis longtemps, les heures de la journée passèrent en flèche.


Il se retrouva sans savoir trop comment au pied de la butte. Il ferma les yeux, suivant le protocole qui lui permettait de détacher sa raison pour laisser ses sens s’aiguiser. Les bras de la fille se nouèrent autour de son torse. La chaleur d’une poitrine au contact de son dos le fit frissonner. Pierre se reprit. Il devait parler à Maïrha. Avec douceur mais fermement il dénoua l’étreinte et se plaça devant la fille. Maïrha ne parut pas surprise de ce changement d’attitude. Elle attendait. Pierre lui parla longuement, avec calme. Toutes les raisons justifiant son départ furent exposées, expliquées. Lorsqu’il eut terminé la longue et triste litanie de ses arguments, Maïrha resta une longue minute silencieuse puis sa voix douce au timbre grave résonna.


- Un jour, je t’ai dit que tu appartenais à Maïrha. Tu dois rester parce qu’il ne peut pas en être autrement, parce qu’on ne change pas ce qui est écrit et scellé dans le grand livre de la forêt. Si tu pars, c’est l’esprit des arbres et des plantes qui te retiendront. Maïrha ne veut pas que tu souffres.

- Je ne peux pas te mentir, demain soir, je ne serai plus là. Je t’en prie Maïrha ne rends pas cette séparation plus douloureuse.


Dix fois les bras de la fille l’entourèrent, minant sa volonté, sa lutte contre ce corps vers quoi toute son âme aspirait et dix fois il la repoussa en se maudissant, prêt à succomber, à goûter à nouveau aux plaisirs sans fin.

Il voulut la regarder une dernière fois, la poitrine bloquée par un étau d’émotion. La fille s’offrit mais au dernier moment, il s’éloigna rapidement. Il ne devait plus jamais revoir Maïrha.


De retour à la pension, Pierre, étendu sur son lit, tentait de se vider l’esprit. La nuit était calme et d’épais nuages en lente glissade masquaient peu à peu la lune asiatique. La fumée de sa cigarette l’engourdissait. Il ressentait à la fois une impression de légèreté et de contrainte presque physique. Il glissa vers le rêve les yeux grands ouverts. Cela commença par les fissures du plafond d’où apparaissaient de petites pousses vertes qui grandirent lentement pour descendre dans la chambre en volutes ondulantes et lents balancements. Les fines ramures grossirent pour devenir des lianes d’un vert d’émeraude. Pierre, spectateur passif du phénomène, ne ressentait aucun besoin, il se laissait lentement envahir par l’onde végétale.


Un souvenir d’enfance lui traversa l’esprit. Il était allongé dans la grande prairie derrière la maison familiale. Les hautes herbes le dominaient, ondulantes dans la brise de l’après-midi. Puis le ciel se chargea de lourds nuages d’orage. Le vent, comme un cocher de fiacre, fouettait son visage avec les longues tiges des graminées. Il voulut rentrer mais resta cloué au sol malgré les grosses gouttes de pluie qui éclaboussaient son corps. Son regard balaya le carré de la fenêtre ouverte.


Dans la haie vive, quelque chose bougeait. Une forme effilée et ondulante se déplaçait imperceptiblement. Elle avançait vers la maison. Au fur et à mesure il la distinguait plus nettement. L’ombre avait l’apparence d’une femme longiligne et féline. La peau, d’une nuance brun verdâtre brillait légèrement dans la semi-obscurité. Des cheveux longs, d’un noir de geai, recouvraient des hanches d’amphore sur de longues et superbes jambes. Pierre, fasciné, regardait la créature approcher. Le visage aux traits fins et réguliers n’exprimait aucune émotion. Elle semblait guidée par un instinct animal, quelque mission de la nature, enfonçant pas à pas les racines qui supportaient ses jambes.


Quand la créature franchit la fenêtre, une forte odeur de vanille satura la pièce. Pierre, tétanisé par l’étrange et fantastique métamorphose de la chambre, suivit la progression. L’ombre se pencha sur lui. Il sentit son souffle chaud dans son cou. Les lèvres d’écorce souple l’effleurèrent comme pour un baiser mais l’attitude changeait. Le regard s’anima. Les yeux dorés le fixaient. À l’extrémité du bras que nulle main ne prolongeait, une vaste feuille, la nervure centrale garnie de crochets acérés, lui caressa lentement les jambes, laissant au passage de fins sillons rouges. Puis tout bascula.


Il ressentit une impression de vide avant de perdre conscience. Quand il put de nouveau raisonner, une épaisse brume blanche le cernait de toutes parts. Il se sentait flotter dans un halo de vapeur. L’odeur de végétaux en décomposition et l’humidité malsaine l’écœuraient. La brume se dissipa. Il était allongé au cœur de la végétation d’une forêt primitive. De toutes parts des arbres géants et sans âge le cernaient, la cime perdue à des hauteurs impossibles. D’impressionnants courbiers à l’écorce d’écailles mêlaient leurs longues branches torves aux étranges lianes pendulaires verrouillant les distances et donnant le vertige par une procession d’arches barbues. Les malornes majestueux couvraient des étendues, supportant de leurs fûts colossaux la toiture invisible d’une cathédrale sauvage. Par endroits, l’apparent ordonnancement du sol était brisé par d’impressionnants éclats de rocher gris veiné de bleu et suintant de toutes ses failles d’une sève minérale. L’amoncellement de mousse et de spores qui dissimulait d’innombrables éclats tranchants comme des rasoirs rendait l’escalade impossible.


Partout, un liquide huileux coulait en épaisses gouttes, recouvrant d’une couche transparente et verdâtre la basse végétation. Des cridites épineux aux poignards menaçants verrouillaient les rares passages entre les tertres rocheux Les lianes, en tissage compact, occupaient systématiquement toute la partie basse de la forêt. Des touffes de fougère bleuâtre tapissaient le sol, encadrant les flaques d’une eau trouble et suspecte, résidu liquide de la pourriture végétale. Au large de ces marigots croissait une herbe violette épaisse et dure aux formes de couteaux qui déchirait la chair au passage. Dans ses vêtements trempés à tordre, Pierre se releva et chercha du regard une issue pour sortir de ce piège. Sa jambe douloureuse avait pris une couleur verdâtre. Au début, il ne découvrit aucune faille dans cette prison sylvestre puis il put se glisser dans un interstice de verdure. Chaque pas était une épreuve, chaque mètre gagné une torture physique. L’air saturé de poussière et de pollen lui brûlait les poumons.


Le découragement le gagna rapidement. Il s’assied sur une racine que surplombaient de grosses fleurs en forme de conque d’un rouge sang. Le suc empoisonné qui coulait goutte à goutte, fumait en touchant le sol et lui laissait sur les bras des plaques rougeâtres et douloureuses. Comme une mécanique, il se remit en marche. Les heures succédaient aux heures. Sa jambe le lançait en éclairs de douleur. À chaque arrêt, un nouveau piège le guettait. Si l’endroit autorisait le repos, tôt ou tard de nouveaux phénomènes apparaissaient. Tantôt la jungle se resserrait sur lui, réduisant son espace vital, tantôt l’ombre d’un fantôme aux formes féminines semblait s’approcher de lui, les bras tendus, les pédoncules agressifs en avant.


Entre les branches sombres et menaçantes d’arbres fantastiques, des yeux l’observaient, des yeux vert sombre, immobiles, froids, impersonnels. Du plus profond des frondaisons le silence ne régnait jamais. Il percevait tous les bruits de la forêt. Des cris d’invisibles animaux fusaient plus ou moins proches. Pas une seule présence ni amie ni hostile. Il se rendit à l’évidence, il était le seul être vivant qui n’était pas rattaché au règne végétal. Rien ne semblait plus exister dans ce cauchemar vert. Ni le besoin de boire ou de manger, ni le sommeil. La quantification du temps déviait de toute logique. Le jour ne perçait jamais la canopée. Aucune nuit ne perturbait ce halo nébuleux entre chien et loup. Rien ne pouvait lui permettre de savoir depuis quand il avançait, plusieurs heures, plusieurs jours ou peut-être plus. Son horizon se limitait aux quelques mètres qui le séparaient en permanence de l’imbroglio de troncs, de lianes, racines arborescentes ou feuilles géantes armées de dards vénéneux.


Il progressait la plupart du temps sur un sol spongieux envahi de mousse brune ou de lichen gluant. Les vapeurs qui s’en dégageaient lui brûlaient les yeux. Il découvrit que ses mains se déformaient à chaque prise sur certaines branches étranges qui lui servaient de point d’appui. Puis sa peau devint squameuse, les articulations douloureuses et raides. Souvent, son corps entrait en une sorte de crise accompagnée de délires et de fortes fièvres qui le laissaient sans force et trempé dans ses vêtements à l’état de lambeaux. Il fallait marcher encore et toujours. Chaque arrêt se transformait en cauchemar, chaque mètre gagné était une douleur. Il se déplaçait comme une mécanique détraquée, l’esprit vide. La forêt couvrait ce monde sans limites, sans espoirs.


5


D’origine guadeloupéenne, Anaïs Fortuné avait atterri à Banda Aceh par le caprice du destin. Après plusieurs petits boulots dans les hôtels à touristes, elle fit la rencontre de Moïse qui l’emmena avec lui dans les terres. Depuis dix ans, elle tenait avec Moïse la pension de Kualabringin. On y logeait les marchands de passage, les quelques aventuriers de fortune divers ou trafiquants interlopes qui parcouraient Sumatra en quête perpétuelle d’une vie sans contrainte. Dès l’arrivée des Européens, Anaïs remarqua cet homme blond et athlétique. Il représentait l’opposé des clients habituels. Son charisme et sa forte et calme personnalité lui imposaient respect et admiration. Elle n’aurait jamais osé lui adresser directement la parole mais veillait en permanence à son confort.


Anaïs, depuis l’arrivé de Pierre à la pension, remarquait les imperceptibles changements dans ses attitudes au retour de ses longues sorties en forêt. Chaque jour, le Français la fascinait un peu plus. Peut-être, le besoin de rompre la monotonie de sa vie expliquait-il cette attirance. Elle apprit la nouvelle de son proche départ. Cette parenthèse dans le rythme d’une vie sans relief allait se refermer. Anaïs prépara pour le matin un plateau garni de fruits et de douceurs. C’était pour elle, une manière d’honorer encore une fois son hôte. C’est Moïse qui vint la chercher à l’aurore. Son visage trahissait son inquiétude. Ils trouvèrent Pierre sur son lit dans un état de prostration et d’inconscience indescriptible. Les yeux grands ouverts exprimaient un sentiment de terreur. Son corps couvert de sueur était pris de tremblements. Sa jambe gauche présentait des griffures noires et boursouflées. Les paroles, les soins prodigués, paraissaient totalement inefficaces. Anaïs ne comprenait pas. Qu’est-ce qui avait plongé son hôte dans cet état léthargique ? Bien sûr, elle savait reconnaître les symptômes des fièvres locales qui frappaient quelquefois l’étranger de passage mais cette perte de conscience et les réactions du malade la déroutaient.


Moïse comprit rapidement la situation mais garda un silence prudent. Sa compagne, étrangère à l’île, n’était pas au fait des mystères ancestraux qui régissaient le cœur de ce vieux pays. Aurait-elle supporté le poids de la vérité ? Alors, pour Anaïs commença une longue période de veille et de soins attentifs. Le jour et la nuit, elle s’occupait du malade, tamponnant son front brûlant, changeant son linge mouillé de sueur. Des périodes de calme relatif succédaient à des accès de fièvre et de grande agitation. C’est à ces moments qu’Anaïs fournissait le plus d’efforts pour calmer son patient. Nul découragement ne fit jamais faiblir sa volonté, sa détermination à sortir l’homme de son état. Les jours passèrent aussi difficiles et pénibles que les nuits.


Pierre avançait. Il apprenait à contourner les obstacles. Il apprit également à reconnaître les herbes violettes duveteuses et urticantes qui cloquaient la peau, les fruits mous et ridés qui se collaient aux jambes comme des sangsues. Les fantômes de la forêt l’impressionnaient de moins en moins. Il avait décidé de reprendre en main une situation qu’il subissait. Peut-être, un sursaut d’orgueil lui donnait-il la force de se retrouver. Il y avait toujours cette pression insoutenable, cette atmosphère saturée et malsaine et ces accès de délire et de fièvre mais au plus profond du cauchemar, il lui semblait distinguer le filigrane d’un visage de femme tendu mais souriant. Non pas un faciès de spectre aux yeux dorés mais l’expression d’une chaleur, une touche d’humanité dans le chaos.


Petit à petit l’espace éclaircit. La lumière s’intensifiait. Une esquisse de sentier serpentait entre les fûts et les grandes fougères. Comme un fou, Pierre se mit à courir. Ce fut un éblouissement, un coup de soleil prodigieux et le sentiment de la puissance retrouvée. La matinée s’annonçait chaude, calme et ensoleillée. Pierre s’éveilla. L’intensité lumineuse lui fit refermer les yeux immédiatement. Son corps avait le poids du plomb. Il respira librement un air chargé des parfums du jardin. La première image qui illumina sa conscience toute neuve fut le bon visage d’Anaïs. La bouille ronde, pain brûlé au large sourire orné de deux rangées de dents d’un blanc éblouissant.


- Vous avez été malade sahib mais à présent tout est terminé. Reposez-vous, ne vous inquiétez pas tout va bien.


Pierre voulut parler mais il n’en avait pas la force. Il s’endormit dans le calme de la chambre. Quelques jours passèrent, les forces revenaient lentement. Dans l’esprit de Pierre, il ne subsistait que de vagues souvenirs, réminiscence d’obscures douleurs psychiques, des impressions de périodes passées lourdes et imprécises. Les voiles noirs se dispersaient au fur et à mesure de son rétablissement. Mais les questions sans réponses envahissaient son esprit. D’où venaient les cicatrices bleues et gonflées sur ses jambes ? Pourquoi la vue de la forêt le paralysait ? Et surtout, qu’était-il arrivé pendant cette période où il lui manquait une parcelle de l’histoire de sa vie ? Il se détachait petit à petit de l’ambiance de cet environnement qui avait perdu à ses yeux tout le charme de l’Asie mais conservait son mystère.


Vint le jour où il chargea tout son matériel dans la jeep pour quitter définitivement Kualabringin. La voiture reprit la route, emmenant avec elle l’étranger qui avait osé défier inconsciemment les lois de la nature. Dissimulées dans les taillis qui marquaient l’orée de la grande forêt du nord de Pekanbaru, deux silhouettes semblables à des enfants suivaient son départ du regard. Les visages semblaient graves et empreints de tristesse et de nostalgie. Pierre ne devait plus jamais revoir Sumatra.


Cinq années s’étaient écoulées depuis Sumatra. Pierre était reparti pour d’autres missions professionnelles aux quatre coins du monde. Puis le virus des voyages l’avait petit à petit abandonné. Il finit par accepter une place de direction au département de la recherche. La vie coulait sans heurt entre la Trench Wagner’s Compagnie et sa propriété de campagne dans la grande banlieue de Marseille. Il rencontra plusieurs femmes remarquables qui auraient pu combler sa solitude, compagnes d’une vie de bonheur simple mais les choses se passaient toujours différemment. Une inexplicable appréhension lui interdisait tout engagement sentimental durable. Il ne comprit jamais pourquoi certaines nuits, des rêves étranges le transportaient dans un univers coloré et olfactif où dominait souvent le parfum puissant de la vanille. Au matin, malgré ses efforts, une vague d’amnésie recouvrait systématiquement la petite étincelle de souvenir qui perçait avec tant de difficulté le mur de sa conscience. Il ne comprit pas non plus pourquoi un jour, dans le port de Sète, les larmes lui montèrent aux yeux en lisant sur la coque le nom d’une superbe goélette amarrée, verte et blanche, éblouissante sous le soleil : « LA MAÏRHA ».


 
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   Myriam   
18/1/2011
 a aimé ce texte 
Bien ↑
J'ai failli abandonner ma lecture... à la première phrase! Inutilement pompeuse, elle laisse présager un texte illisible et boursouflé.
Mais j'ai passé outre et bien m'en a pris.
Car j'ai finalement bien aimé cette histoire mystérieuse et vibrante au parfum d'Avatar.
L'écriture sensuelle et imagée est parvenue à m'embarquer en épousant toute la sensibilité du héros, à me faire accepter ce petit peuple de contes de fée écologique et apprécier cette histoire d'amour passionnelle.
Le dénouement m'a plu également.

Je me demande cependant si le premier chapitre était nécessaire, surtout qu'on n'y revient pas à la fin qui fait un bond dans le temps de plusieurs années.

Un bon moment de lecture donc.

   Anonyme   
19/1/2011
 a aimé ce texte 
Bien
Dans la lignée des textes américains. Faut dire q'ils sont les maîtres du genre. Je n'ai rien trouvé de surprenant dans cette nouvelle, ce type d'écrit est censé surprendre il me semble. Toutefois c'est bien écrit, travaillé et précis. L'histoire, qui ne m'emballe pas, tient la route. Un ensemble de bon aloi.

"Cinq années s’étaient écoulées depuis Sumatra. Pierre était reparti pour d’autres missions professionnelles aux quatre coins du monde. Puis le virus des voyages l’avait petit à petit abandonné. Il fini par accepter une place de direction au département de la recherche. La vie coulait sans heurt entre la Trench Wagner’s Compagnie et sa propriété de campagne dans la grande banlieue de Marseille. Il rencontra plusieurs femmes remarquables qui auraient pu combler sa solitude, compagnes d’une vie de bonheur simple mais les choses se passaient toujours différemment. Une inexplicable appréhension lui interdisait tout engagement sentimental durable. Il ne comprit jamais pourquoi certaines nuits, des rêves étranges le transportaient dans un univers coloré et olfactif où dominait souvent le parfum puissant de la vanille."

   Coline-Dé   
31/1/2011
 a aimé ce texte 
Un peu
Un texte a l'atmosphère envoûtante, qui garde tout son mystère et on est satisfait qu'il en soit ainsi. L'ensemble du texte parait bien documenté et assied donc l'histoire fantastique sur une base solide et crédible.
Toutefois, je pense qu'il serait utile d'alléger un peu : il y a de nombreux passages redondants ; je comprends que vous cherchiez par le vocabulaire à donner l'impression de luxuriance et d'excès de la forêt, mais laissez tout de même respirer vos lecteurs ! Il n'est pas nécessaire de les asphyxier !
La sensualité à la fois de la forêt et de Maïrha est bien rendue et vraiment le texte possède un charme indéniable.
Mais au niveau de la fome, outre l'aspect trop touffu , la concordance des temps laisse à désirer : dès le deuxième paragraphe, on passe du présent à l'imparfait, au passé simple, au passé composé, dans un meli melo qui manque de cohérence:

- Le patron l’avait reçu aussitôt. Il s’en est ( s’en était, si l’on veut rester dans une concordance correcte) suivi une longue conversation où toute l’affaire indonésienne fut ( et dans le même esprit, je dirais « avait été »)passée en revue à la lumière des informations toutes fraîches.


Il serait également judicieux de faire la chasse aux répétitions :

Pierre lui parla longuement, avec calme. Toutes les raisons justifiant son départ furent exposées, expliqués. Lorsqu’il eu terminé la longue et triste litanie de ses arguments, Maïrha resta une longue minute silencieuse puis sa voix douce au timbre grave résonna.
Bref, il me semble que ce texte manque de relecture et gagnerait à être resserré et retravaillé dans le détail : il le mérite !

   Anonyme   
2/2/2011
 a aimé ce texte 
Bien
Côté forme.
Cheminement laborieux pour cette nouvelle "fantastique".
La construction est massive, beaucoup de description, beaucoup d'imparfait qui nuisent à la narration du texte. Bref, la lecture n'est pas fluide à mon sens et l'action se distingue mal du reste du bloc.

Côte fond.
Point positif. L'histoire est riche, le vocabulaire fourni.
Le fond est attrayant, assez bien raconté. Le suspense est ténu dès le début et ne décolle pas vraiment.
J'ai l'impression de lire un récit de voyage légèrement épicé.

Conclusion : Le cadre dépeint, l'aventure exotique sont très envoutants, mais manque de dynamisme.

   Pat   
8/2/2011
 a aimé ce texte 
Un peu ↓
Ce texte m'a rappelé certains récits de Somerset Maugham ou de Stefan Zweig, sans doute à cause du contexte malaisien et de sa nature fantastique. On sent chez l'auteur l'envie de raconter cette histoire, d'y mettre un maximum de détails et une certaine inventivité, notamment dans les descriptions de l'environnement sauvage (même si le récit reste classique).

Sur le fond, je trouve que le début et la fin auraient mérité plus de développement ou plutôt de force (le début pour introduire davantage de suspense, plus d'aspect dramatique. La fin me semble un peu bateau, notamment les relations amoureuses du héros un peu simplistes). Pour le reste du contenu, ça manque un peu de précisions sur ce que fait le personnage en Malaisie (on hésite entre le journalisme et la mission scientifique... il y a plus de détails sur son collègue géologue que sur lui. On a l'impression qu'il ne fait rien là-bas... les éléments de contexte semblent du coup être très accessoires, comme un décor qui paraît du coup artificiel. Il aurait été intéressant de lui donner plus d'importance en relation avec la narration (par ex : un lien plus marqué entre l'aspect destructeur que l'on imagine (mines) et la préservation de la nature).
Les personnages sont intéressants, mais un peu trop caricaturaux pour certains (la "guérisseuse") ou pas assez fouillés (la psychologie du personnage principal aurait pu être plus approfondie).

C'est toutefois sur la forme qu'il y aurait plus matière à retravailler (exemples non exhaustifs) :

- La syntaxe est souvent maladroite (avec une ponctuation fautive de façon fréquente. Ex : "Peut être, un sursaut d’orgueil lui donnait-il la force de se retrouver." (forme retrouvée 2 fois) ;
- le vocabulaire dont on sent la recherche, mais qui n'est pas toujours maîtrisé (des mots pas très justes ou bien choisis. Ex : "les yeux d’or masquaient son esprit.") ;
- des concordances de temps fautives ("Le découragement le gagna rapidement. Il s’assied sur une racine que surplombaient de grosses fleurs") ;
- des répétitions qui auraient pu être évitées (ex : "Pierre ne devait plus jamais revoir Sumatra.
Cinq années s’étaient écoulées depuis Sumatra.") ;

- Au niveau de la structuration du récit, certaines longueurs nuisent à la narration (le passage où le personnage est malade aurait mérité un peu d'élagage. C'est souvent redondant et fait décrocher à la lecture, sans compter que ça donne une impression de "forcé" au niveau des description comme pour pallier un manque d'expressivité).

Au final, on sent un potentiel, mais l'écriture mériterait d'être un peu plus travaillée.


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