Comprends-tu, esprit jaunâtre, ce que c’est que de vivre mille ans en un pays merveilleux, chaque jour baigné par le miel et les cieux ? Comprends-tu ce que c’est qu’un pays de soleil et comme il fait bon y vivre ? Comprends-tu ce que c’est que la Béatitude ?
C’est à l’approche de l’Hiver, c’est quand l’âme se replonge en elle-même pour d’annuelles retrouvailles, pour ce conciliabule vital, pour cette douce mort qu’apportent avec elle les froides saisons qu’on y pense le plus… qu’on se souvient une nouvelle fois. Et comme il y a à se souvenir ! À l’approche de l’Hiver, en attendant l’Aurore, on se remémore. On s’abandonne au souvenir. Alors les anciens amours et les plaisirs antiques, les premières joies et les primes chagrins, les soleils d’hier et les pluies d’autrefois, tous ceux-là nous reviennent en trombes. Tous ceux-là nous saluent du lointain.
La douleur est d’autant plus intense que les souvenirs sont mourants ! Et comme ils meurent ! Et comme eux-mêmes souffrent de nous voir nous en aller ! Car s’ils nous saluent pour sûr, de notre côté nous ne les saluons souvent plus que par politesse. Et la nuit ils reviennent hanter nos songes… En définitive, c’est toujours courbaturé qu’on se lève le matin. Éreinté par ces pugilats nocturnes. Car ils nous en veulent. Et pourtant ils nous manquent. Et pourtant on les aime ! On les aime de les avoir tant aimés autrefois !
À vous mes souvenirs ! À vous mes songes de jeunesses ! À vous, vestiges de mes enfances ! Je vous dois les honneurs, je vous dois un récit.
*
Nous commencerons comme je me souviens de vous. Par bribes. Par saccades. Par caprices. Nous commencerons comme je vous désire. Comme il me prend l’envie de vous. Comme je La désire Elle, la Vénus de mes enfances… Car ce fut Elle dès le départ. Elle au sommet de toutes choses. Lui en périphérie, mais pourtant au centre. Et moi… moi partout et moi nulle part. Car nous fûmes Trois au commencement. Et Deux finalement. Et Un tout compte fait.
Elle était un soleil, elle était un ange de lumière. Elle était un corps, elle était une âme. Un corps jeune à l’image du mien. Une âme jeune à l’image de la mienne. Un corps gracile et aérien comme mon âme était gracile et aérienne. Une âme grossière et simple comme mon corps était grossier et simple. Je désirais son corps comme je désirais mon âme. Je m’amusais de son âme comme je m’amusais de mon corps.
Ce fut Toi, Vénus de mes songes, qui la première s’empara de mon pucelage… Ce fut Toi qui me pris, bien davantage que je ne rêvais de te prendre. Cuit par un soleil d’été au-dehors, et rôti par un soleil d’été au-dedans, je fus tien bien plus que tu ne fus mienne. Et aujourd’hui encore je sens le piquant de ton parfum… et aujourd’hui encore je sens le velours de tes seins… Et la lueur de tes vitraux.
Je me rappelle ce jour où tous trois nous gravîmes la Montagne. Nous fîmes l’amour tout du long… Je sens encore la mousse chaude contre mon dos nu. Je sens encore la chaleur des rochers contre mon corps convulsant de plaisir. Et toi qui riais. Et moi qui étouffais de tant de joie. Arrivés au sommet, nous contemplâmes le vert océan devant nous. Cette image jamais plus ne pourra quitter mon esprit. Je Le vis Lui. Si nettement qu’alors je ne Le reconnus pas. À perte de vue, plus loin que l’horizon, loin jusqu’aux frontières insondables de mon âme, il y avait la Canopée. Cime sacrée de cette Forêt qui m’a vu naître, je me perdais en Elle. Et le soleil noyait d’une lumière qui semblait éternelle les verts pâturages qui étendaient leurs bras pleins d’amour jusqu’à Lui.
Ce moment parut durer une éternité. Et en effet, pour l’éternité je vivrais dans ce moment ; car jamais il ne m’a laissé. Une éternité… jusqu’à la chute. Jusqu’au balancement. Jusqu’au vertige. Je tombai. Avec allégresse. Je sentais le vent contre moi, comme m’épousant pour me porter jusqu’aux confins du monde. Mes vitraux apparurent. Mes ailes. Je fus un ange tel que Toi. Un claquement. Un bruit de bonheur. La Béatitude. Et je planais. Sans battre jamais des ailes, je volais au-dessus de la Mer Verte… Et Tu m’accompagnais.
Parfois encore, quand je ne trouve pas le sommeil, je m’imagine à Tes côtés, planant au-dessus d’un océan de sinople. Et j’entends encore les bruissements des feuilles qui, comme les vagues chahutant les récifs d’un pays d’été, acclamaient nos ébats célestes et répétaient l’éclat de notre joie sans bornes.
Tu me manques, petit ange à la peau boisée et aux cheveux d’ambre… Viens donc me saluer du fond des âges…
Ce fut la première fois que pour vrai je te vis. Ce fut la première fois que je vins à la vie.
*
Je me rappelle la Tranquillité… et la Solitude. Je me rappelle la paix sans limite. Amas de roches et de mousses, flèche tirée vers des cieux toujours cléments, vous fûtes mon foyer pendant plusieurs éternités. Il fut un âge, bien des siècles avant de L’avoir rencontrée, ou bien des siècles après qu’Elle m’eut pris, où je ne pouvais sommeiller sans me poster à votre faîte ! Turgescence calme de ma volonté assoupie, je ne quittais plus votre étreinte aimante.
Colonne rocheuse surplombant un paysage de campagne, quelques champs et quelques bois parsemant le lointain. J’ai passé mille ans contre toi. Seul. Merveilleusement seul. Songeant… songeant à côté du monde et jamais contre lui. Sommeillant… sommeillant au-dessus du monde et jamais près de lui. J’étais si seul avec toi. J’étais si pensif avec toi. Comme je dormais bien contre toi… Et Lui qui me réchauffait et me couvait de ses vœux. Patiemment. Qui attendait le sursaut. Qui attendait l’Hiver comme moi j’attendais l’Aurore.
Je ne Te voyais pas alors. Je Te sentais pourtant. Je n’étais pas amoureux alors, mais comme j’aimais ! Tu étais la roche et les cieux. Tu étais les champs et les bois. Tu étais le soleil et les nuages ! Tu étais ma Solitude et Tu étais ma Tranquillité.
*
Je me souviens de toi, la Sauvageonne. Petite tignasse blonde qui se dérobait au soleil et à la pluie et qui cherchait dans les bois de quoi me rappeler à Lui ! Ô toi, tout en corps, tout en chair, tout en douceur et tout en rudesse… toi si chaude et toi si faune… toi qui me pris autant que je te pris… ô toi, je t’aime encore !
Par deux fois nous nous sommes vus et par deux fois nous nous sommes aimés.
La première, alors que mon esprit vagabondait au-dessus de landes hallucinées, d’un pays hivernal et morne, peuplé de trop de monde et de trop de brutalité, tu m’étais apparue, perchée au sommet d’un pin et secouant ton ample chevelure blonde. Au mépris des vents, au mépris de la grisaille, au mépris du froid et au mépris de moi, tu faisais infuser dans le monde tes couleurs musquées. Et je me rappelle ton air malicieux. Je me rappelle tes yeux qui m’observent à travers les arbres. Je me rappelle notre rencontre. Je me rappelle nos ébats. Je me souviens de tes cris. Je me souviens de l’écorce qui griffait ton dos nu à mesure que j’allais et venais en toi.
Nous avions passé plusieurs âges à nous promener ainsi. Érotisés encore par l’intensité de nos passions, nous nous menions l’un l’autre de par le monde et l’observions à travers un même regard, à travers une même âme… Car il n’y eut que moi en définitive. Que moi, ma Tranquillité. Et toi, ma Sauvagerie.
Tu revins à moi une seconde fois lors de mon ermitage boréal. Ah ! Ta subtile malice m’a fourni pour la seconde fois un soleil au milieu d’un paysage d’hiver. Fragment printanier, tu es l’extracteur du froid ! Je me tenais au milieu d’un cratère immense qui verdissait timidement. Seul enfin. Mais ma Tranquillité n’était plus là. Mais toi, petite tête blonde, tu m’observais depuis le bord. Mais je ne te vis pas. Je ne t’ai pas vue. Alors je t’avais posé la question et je te la repose aujourd’hui : pourquoi n’es-tu pas venue ? Réponse – je la devine : parce que je n’avais besoin que d’une chaleur spectrale. Et tu ne vins pas. Pas complètement. Et je suis resté seul au milieu d’un cratère timidement verdi. Ton corps et ta peau de velours m’ont éludé. Pourtant ta chaleur et ta malice m’ont sauvé. Une fois encore. Et quand te reverrai-je, petite fée blondie par le soleil ? Reviendras-tu me voir à mon prochain hiver ?
*
Tranquillité des Boyaux, si proche de Toi, si proche de Lui, si proche de l’Hiver. Attends, attends. Je m’approche mais ne Te touche pas encore. Je ne veux pas encore. Attends-moi encore.
Cœur palpitant. Berceuse inaltérable. Toi, plus ancienne que toutes choses que j’ai conçues ou qui m’ont conçu, Tu te joues de Nous. Chaleur sans soleil. Amour sans tendresse. Douceur sans velours. Toi qui n’es qu’écorce et qui es plus dure que toutes choses que j’ai conçues ou qui m’ont conçu, Tu Te joues de Nous. J’ai arpenté souvent Tes infinis couloirs. Je m’y suis reposé quelquefois, lorsque dehors le vent soufflait trop fort. Toujours, tu as su m’accueillir et jamais ne m’as refusé l’asile. Toi seule es proprement peuplée. Toi seule es réellement habitée. Car il n’y a que Toi qui sais aimer.
Et des âmes fantômes passent et repassent le long de tes couloirs infinis. Et de belles ondines se prélassent le long de tes veines sucrées… et pansent nos blessures. Mais qui saurait boire de Ton lait sans s’y noyer pour de bon ? Pas moi… Pas moi !
Péristaltisme doucereux. Tu nous portes à la hauteur de nos besoins. Tu nous mènes au niveau de nos désirs. Matrice impérieuse. Nous ne décidons rien, Tu Nous connais trop.
En Toi j’ai revêtu la toge, la robe et me fis magister. Mais il n’y a que Toi pour connaître les teintures. Et en Toi tous les vitraux sont gris. Et en Toi tous les vitraux sont bleus. Mais jamais pourpres. Ou pas complètement. Ou à cause de Nous. Et c’est toujours une trahison. Ou un coup de couteau. Ou un coup de hache. Un avortement.
Toi qui nous protèges de l’Hiver… et du Printemps… et de l’Été… et de l’Automne… Toi la première et toi la dernière. Toi la seule qui subsiste toujours et qui jamais ne s’affaissera. Toi, Notre Amour.
*
Loin de Toi je me porte. Loin de Toi, le Vilain hivernal. Loin de Toi, le Saturnien.
Contrées des Cieux d’Été, comme vous me plaisez ! Vous valez toutes les vacances de ma jeunesse ! Petit morceau d’Italie hissé jusqu’au firmament le plus pur, vous surpassez la Tranquillité et en êtes Sa quintessence ! J’ai arpenté quelquefois vos ruelles pavées et j’ai visité en une ou deux occasions vos petites maisons de pierres, mais rien n’équivaut votre panorama ! Ce petit banc de marbre et cette petite rambarde de pierre… voilà la Sérénité. Mais eux ne sont rien en comparaison de cette vue ! Jusqu’aux confins de l’horizon, une mer de coton… Par-delà les cieux infinis, un océan de nacre et d’ivoire… rougi, rosi, rôti par un soleil orange, rouge, rose et mauve… qui annonce avec calme et tendresse qu’il s’apprête à se coucher. Voilà ce que vous m’offrîtes ! Je l’ai vu. Je l’ai vu aussi nettement que je vois ces lettres se tracer. J’ai vu ce soleil. J’ai vu ces monts cotonneux baignant dans des cieux indigo. J’ai vu le Calme et j’ai vu l’Infini ! J’ai senti les douces bourrasques qu’un vent estival soufflait contre moi. Je les ai senties aussi nettement que je sens le froid qui m’encercle à mesure que ces lettres se tracent.
J’ai bu du vin là-haut… Oh quel enivrement ! J’ai dansé longtemps là-haut… Des jours et des nuits durant ! Je l’avais emmené là-haut… Ah quel entêtement !
Mélange rouge des corps et des âmes de cent esprits échauffés, comme avait rosi la petite place pavée ! Nous tournions comme des derviches en extase ! Nous nous amourachions les uns des autres et nous nous activions à un oubli merveilleux. Car tel fut votre nom, le temps d’un instant. Alors qu’au-dehors, le monde n’était qu’une masse sombre et mauve, vous fûtes ma liberté.
Vous m’êtes essentielle désormais. Vous m’êtes vitale. Vous êtes ma fortune. Vous êtes mon Oubli.
*
L’Hiver à peine commencé… s’évanouit déjà de lui-même. Lui qui est tout en passé se mue peu à peu… bientôt il est un demain… il est un puissant désir. Un désir… c’est l’envie de nouveau. Ô Inconnu que j’aime et que je veux. Ô Inconnu, comme je me languis de toi ! Tu chasses l’hiver et appelles mon printemps !
L’Hiver à peine débuté, et déjà presque évaporé, voit s’enfuir devant lui mille contrées qui mille fois l’ont salué par le passé. C’est tout un pays en partance qui s’étiole entre nos doigts… qui se dérobe à nos yeux. Et le soleil s’en va… et le mordant de l’hiver reprend sa place. Là où nous sommes. Là d’où nous partions.
La force nous élude et il faut bien se rendre à l’évidence. La béatitude elle-même n’est plus cantonnée qu’au souvenir. Nous avions quitté le monde, nous avions fui l’Émeute. Pour bâtir dans la nuit des palais merveilleux. Et les habiter. Et les ressasser. Et les ruminer. Et les détruire. Pour les voir renaître. Comme mille et mille fois, pendant mille et mille ans, on les a vus renaître. Comme mille et mille fois, pendant mille et mille ans, ils nous ont vus renaître. Et nous ont habités. Et nous ont ressassés. Et nous ont ruminés. Et nous ont détruits. Et nous ont vus renaître. Lorsqu’à l’ombre de ces palais merveilleux, Nous avons vu le jour… bien loin de l’Émeute… et encore assez éloigné du monde. Au cœur des grandes nefs, dans la tranquillité des bois… qui furent notre Béatitude… à jamais nous nous souviendrons.
L’Hiver… sur le point de s’achever… alors qu’il n’a pas même débuté… se morfond déjà de nous. Comme nous nous morfondons de lui. Et il nous faut partir. Car, quand il n’y a plus nulle part où aller. Quand le soleil lui-même se dérobe à nos yeux. Il nous faut L’affronter. Celui que nous fuyons depuis le début. Celui que nous aimons, car nous le craignons. Le Destructeur de monde. Le Pourfendeur de béatitude. Celui que les Heureux ne peuvent pas voir… pour les avoir trop haïs.
Mais nous aussi nous avons peur… Mais le Printemps qu’en notre Hiver nous évoquions Ne saurait nullement nous en prémunir… … Il est là. Tout près. …
Ô ma Béatitude ! Ô ma Tranquillité ! Ô mon Désir ! Ô mon Oubli ! Ô vous, divinités que je ne sais pas nommer ! Gardez-moi de Lui. Gardez-moi de ma Rancœur.
*
Nous y voilà. Je suis près de Toi, cœur rance qui empeste le soufre. Je suis près de Toi, invisible pestilence ! Des plus hautes sphères, au milieu des nymphes, des ondines et des vents doucereux, je suis descendu. Des contrées les plus douces, je suis descendu près de Toi, au sein des contrées les plus tristes et les plus rudes. Toi le Maudit. Toi l’Enfant mauvais. Toi le Traître. Toi le plus fidèle d’entre Nous. Toi qui m’appelais du fond des âges… Je suis près de Toi désormais. Parle, maintenant.
*
Au milieu d’un paysage gris, mes pieds sont gelés par un sable noir et humide. Là où des siècles durant j’ai marché dans un exil triste, Tu m’attends, Tu m’entends, mais ne réponds pas. Noir paysage. Terre de désolation. Néant consommé. Tu es mon Chagrin. Mais Tu ne parles pas à ma détresse. Tu veux parler à mon Effroi.
*
Il me faut fuir le secours de la texture, des odeurs et des choses qui rassurent de par l’ancrage qu’elles apportent. Il me faut voguer sur mes larmes et dormir sur mes os. Il me faut le souffle coupé. Il me faut la Prédation.
Une chambre mal éclairée. Quelques ombres dans le coin. Quelques bruits dans les ombres. Quelques suggestions dans les bruits. Quelques malaises dans les suggestions. Dieu. Sa totale absence. … ?
Une chambre mal éclairée. Et une porte. Une lumière jaune, qui renforce les ombres. Rien. Rien pendant plus d’éternité que n’en ont vécu mes béatitudes.
Le confort douteux d’un lit. Rien toujours. La porte devenue le centre de mon attention. Rien encore. Ectoplasme de réconfort.
… ?
Éternité de ténèbres peuplée par moi. Éternité de ténèbres que rien n’habitait avant moi. Voilà tout le mal. Ce n’est que moi.
… ?
Quelqu’un a toqué.
*
Que je n’aie nulle part où me réfugier. Voilà ce que Tu voulais. Connaître ma peur. Voilà ce que Tu désires.
Me voilà dans le Néant. Tu m’as pris jusqu’à mon dernier rempart. Te voilà désormais. Tu as ouvert la porte et tu m’as pris.
… !
Et désormais je ne vois que Tes yeux. Je ne vois que Ton regard. Qui me fixe sans expression. Toi qui es Son opposé et Son plus proche fidèle. Toi qui es le même, mais Sa négation. Et Tu me regardes. Lui ne me regardait jamais. Mais Il me voyait. Toi, Tu me regardes sans me voir. Tu ne veux pas me voir.
… !
Mais seulement me détruire. Et Tu parles. Tu murmures dans les ombres. Lui ne parlait pas. Je n’entends que Toi. Et d’ailleurs c’est Toi qui parles à travers moi. Lui me laissait se servir de Lui pour m’exprimer. Toi, Tu ne veux pas m’entendre.
… !
Car Dieu ne parle pas. Celui qui parle, c’est Toi. Il faut se méfier de celui qui dit… de celui qui chuchote dans les ombres… Et plus encore de celui qui hurle dans la tempête. Car celui qui Aime ne dit rien. Car celui qui Hait dit tout.
… !
Il était là. Méfiez-vous de celui qui regarde. Dieu ne regarde pas. Lucifer est celui qui regarde. Quand on aime on regarde ailleurs. Quand on aime on ne voit plus l’autre. Quand on hait on regarde les choses. Quand on hait on ne voit que la proie.
… !
Tu es l’encre qui noircit la page. Tu es la Vérité qui révèle la Vérité. Tu es la colère, Tu es le chagrin, Tu es la rancœur, Tu es la frustration, Tu es la folie… Tu es Notre mémoire. Tu es Notre Haine.
… !
Tu m’envahis et en Toi je m’abandonne. Loin les douceurs, loin les béatitudes célestes. Voilà la violence. La brutalité. Voilà le Meurtre. Le Meurtre. Le Meurtre. Le Meurtre. Le Meurtre. Le…
… !
Dieu ne parle pas. Lucifer est celui qui parle. Méfiez-vous de celui qui parle.
… !
Méfiez-vous de celui qui parle. Lucifer ne dit rien. Dieu est celui qui parle.
… !
Des yeux perdus dans le ciel… Ne voient plus ce qui sommeille en dedans. Des yeux qui ne voient plus que l’azur… Ne voient plus comme la terre est pourpre.
Une âme qui se perd dans les cieux… Ne sait plus comment chercher Dieu.
Et L’imposer.
… !
Comprends-tu, esprit jaunâtre, ce que c’est que de vivre mille ans dans un pays pacifié ? Comprends-tu ce que c’est que de vivre dans la béatitude ? Il nous l’a ôté. Comprends-tu qu’un pays de soleil implique que ce pays est fait d’ombre ? Il nous l’a montré. Comprends-tu que les Cieux ne reposent que sur les Enfers ? Il s’agit du même endroit. Comprends-tu que l’attente n’en est pas une du tout ? C’est une épreuve. C’est une mue. Comprends-tu qu’il n’y a pas d’aurore sans crépuscule ? C’est une mort. Une renaissance.
Nos pieds sont en sang… Nos mains sont fripées… Nos yeux s’assombrissent… Mais nos cœurs s’illuminent.
Nous y voilà. Nous avons tourné… En attendant l’aurore.
L’automne était mauve, l’hiver sera pourpre, le printemps sera rouge L’été sera.
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