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Laboniris
Wiscow : Avant l'apocalypse
 Publié le 23/05/13  -  5 commentaires  -  7859 caractères  -  173 lectures    Autres textes du même auteur

Nuit noire, peau blanche, yeux bleus, robe rouge…
Tragédie amoureuse.


Avant l'apocalypse


Déconstruction de l'amour.


Et il se tient là, et il hurle à la mort pour décrocher des cieux une réponse acide et un sourire fielleux. Et il se mord les doigts de n'avoir pu percer crever éclater l'abcès de sa colère.

Très en colère.


Des cris qui fusaient qui fusionnaient.


La nuit.

Ça il s'en souvenait.

La nuit noire.

La nuit noire, la peau blanche.

La nuit noire, la peau blanche, les yeux bleus.

Et la colère.


Se retrouver sur le carreau, battre le pavé, toucher le fond, se noyer, se fendre comme une pierre et son cœur, et son cœur de couler et ses larmes de se briser sur son nez aquilin et long, long. Et la colère toujours.


Dans déconstruction, il y a con, et destruction. Tout est dit. Tout est dit.

Hélas, tout est dit.


Tu veux quoi, maintenant, pauvre con ? Tu as d'un côté les faits, et de l'autre la colère qui te menace qui te tire qui te déforme qui te terrasse et pourtant tu es si puissant avec elle. Tu tiens le monde dans ta main et tu peux l'écraser le broyer le mettre en miettes. Maintenant, c'est toi les miettes. La colère t'a détruit.


Les faits, c'est plus simple à dire.

Enfin, peut-être.

Enfin, essaye un peu.


Il y avait la nuit noire, la peau blanche et les yeux bleus.


Oublie un peu la colère, retire le voile rouge qui couvre les souvenirs.


La nuit noire, la peau blanche, les yeux bleus.


Des miettes, celles du monde qui se détruit sous tes yeux. Toi c'est pour plus tard.


La nuit noire, la peau blanche, les yeux bleus, et puis la robe rouge sur le dossier de la chaise.


Encore du rouge. L'autre rouge, c'est le sang. Il est partout lui.

À chaque fois que tu détournes le regard devant la main tendue et les pieds suppliants et les yeux nus de l'enfant dans le couloir du métro.

À chaque fois que tu livres les fruits dans ta cuisine à la voracité morbide des vers et des insectes.

À chaque coup que tu lui donnes dans le corps avec ton grand couteau et ta grande colère qui t'aveugle qui t'abrutit qui t'aliène et qui soulève ta main encore encore encore.


Mais qu'est-ce que j'ai fait ? Pourquoi la colère ? Pourquoi le sang et le couteau ?


Parce que, dans nuit noire, contre peau blanche, il y avait peau brune, il y avait yeux verts ? Ou parce que la robe rouge était jetée avec tant de négligence sur le dossier de la chaise…

Tant de naturel de banalité de réalité brute que la soie flamboyante chaude encore de sa chaleur à elle et de ses mains à lui…


Tuer tuer tuer tuer tuer. Le rythme le plus vieux du monde, le rythme primitif, le fondateur de la musique.


Je ne peux pas rentrer dans cet appartement. Je dois partir.

Tu dois fuir loin loin de tout loin du sang loin du rythme dans ta tête.


Dans ma poche droite : des billets, tout ce qui nous restait d'argent, tous nos projets sur des petits bouts de papier. J'aurais dû les découper eux, les froisser les déchirer. Ils n'auraient pas saigné, eux.

Un symbole de l'amour détruit, divisé en deux et les morceaux jetés chacun à un bout de l'espace. Je me serais brisé en miettes aussi sûrement. Mais pas elle.


Il fallait que tu crèves peau blanche et peau brune, parce que sinon comment aurais-tu su qu'ils étaient encore humains ? Ils t'avaient infligé en une fraction de seconde plus de douleur que jamais tu n'aurais pu imaginer en supporter sans mourir. Une séance de torture, compressée dans la plus petite unité de temps imaginable.


Dans ma poche gauche, la pochette. Ou le porte-monnaie, mais sans monnaie.

Dedans… on y viendra plus tard. Il peut le sentir dans le creux de sa main, ce qu'il y a dedans.

Mais d'abord, ce que le toucher sent en premier : la mollesse de l'objet, ancienne souplesse du matériau défraîchie par les ans. C'est le faux cuir synthétique qui fait ça. On l'a tellement malaxé, trituré, malmené, et il existe depuis si longtemps qu'il a des rides. Le bout des doigts peut à peine les sentir, mais je sais qu'elles sont là. Dans la mollesse chaude au creux de mon poing…


La colère revient, les spasmes encore, le voile rouge qui efface le monde et l'univers et ne laisse qu'une terre désolée détruite et la nuit noire et la peau blanche et les yeux bleus au milieu.

Tu vois la tristesse et le regret dans ces yeux, et puis la peur aussi mais ils sont si faux et la robe rouge est si vraie et puis le plaisir la jouissance y brillent encore un peu derrière.


Il n'avait pris que la pochette en sortant en courant en trébuchant en se décomposant en s'effritant.

Elle a deux côtés, deux petites poches, deux petites fermetures Éclair de part et d'autre. Une ligne brute de métal froid et dur au milieu de la mollesse, une coupure de glace, une lame brillante et noire qui tranche qui ouvre en deux la vieille fausse peau d'animal.


La lame était si bien rentrée dans le ventre, avait fait si bien corps avec le corps, réarrangeant les tripes qui s'échappaient un peu parfois, transperçant le cœur qui battait au rythme de la mort qui s'accélérait dans sa poitrine et dans ta tête.


Tu as joui, à ce moment-là, tu te souviens ?


Non, non je n'ai pas joui, c'est la bête qui a joui et hurlé de plaisir et de rage en moi, c'est la colère qui faisait l'amour avec nous, ce couteau que je tenais dans ma main et qui la pénétrait.


Tu ne lui avais jamais fait l'amour comme la colère l'a fait, à l'intérieur complètement d'elle, dans une intimité qu'elle-même ne connaissait pas…


Il sait que la pochette est noire, il l'a vue tant de fois, chaque jour, posée sur la bibliothèque du salon.

Noire aussi la bibliothèque.


Et noire la nuit dans laquelle je marche je rampe et qui m'enveloppe m'étouffe me noie me remplit la bouche le nez les yeux l'esprit le corps et qui vient après la colère quand le rouge s'estompe mais que l'aveuglement reste.


Ne reste que le toucher. Que le bout des doigts qui suit les fermetures Éclair.

La sienne à lui, à la glissière brisée qu'il faut saisir avec les ongles pour l'ouvrir, et la sienne à elle, encore intacte et qu'on pouvait actionner d'une main.


Sous le faux cuir chaud et mou et le métal froid et dur tu sens dans ta paume dans tes doigts crispés deux petits objets dans la pochette.

Un dans chaque poche.

Deux petits cubes durs, comme deux petits lingots de métal, comme deux tétons qui pointent sous la chemise de nuit au réveil en pleine nuit dans tes bras et qui viennent se cacher sous la couette en attendant le jour contre ton torse.


Je regrette. Je regrette tant. Je voudrais hurler, me rouler par terre, déchirer le sol briser les montagnes balayer les villes pour retrouver la vie qui pétillait jadis dans les yeux bleus et que j'ai émiettée.


Il se souvient.

Ils avaient mis leurs cœurs dans cette pochette. C'était symbolique.

Je mets mon cœur dans cette poche, dans cette petite boîte, comme ça tu ne devines pas ce que c'est que mon cœur, et toi tu fais pareil.

Et mon cœur est à toi, et ton cœur est à moi. C'était au début.

Tu te souviens, tu avais mis un bout de craie, parce qu'avant tu avais un cœur de pierre et qu'elle l'avait rendu fragile et doux.


Je me demande ce qu'était son cœur.

Tu te demandes ce qu'était son cœur.

Il se demande ce qu'était son cœur.

Je tu il quelle importance ? Ce n'est plus nous.


Nous n'existe plus : Elle est morte et Il est détruit.

Ne reste plus que la bête, la colère, qui dort au fond et qui est rassasiée, ne reste plus que la nuit noire et les souvenirs qui harassent, et la pochette avec les deux cœurs dedans.


Ouvrir la pochette.

Sa poche à elle d'abord, et puis la petite boîte. Une allumette encore fumante, qui vient de s'éteindre. Puis sa poche à lui.

Sortir la craie.

Finir de brûler l'allumette, la réduire en cendres en poussière en atomes dans le creux de la main.

Broyer la craie en poudre.

Mélanger la poudre blanche et la poussière noire.

Souffler.


Dispersion de la colère.


 
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   Anonyme   
12/4/2013
 a aimé ce texte 
Pas
Voilà pour moi la partie la plus intéressante du texte : "réarrangeant les tripes qui s'échappaient un peu parfois". Il y a là une horreur désinvolte qui me plaît.
Sinon, outre l'invraisemblance de la fin (comment l'allumette, son cœur à elle, pourrait-elle être encore fumante après être restée longtemps, je suppose, dans sa petite boîte ? Ou alors c'est symbolique, la fin ouvre sur le fantastique ? Mais dans ce cas, je dirais que le meurtre même devient sujet à caution, rétrospectivement, et je n'ai pas l'impression que vous ayez voulu donner ce mouvement à votre texte), je dois dire que le côté "oh, comme je souffre, je les ai tués ! Je suis un salaud ! Oh, comme je suis un salaud ! Comme je souffre !", ce nombrilisme à tout crin du narrateur, me heurte.
J'ignore si le texte a pour but de me faire ressentir de l'empathie envers un pauvre gars qui souffre, mais si tel est le cas (j'en ai l'impression) avec moi c'est raté.

Par ailleurs, l'écriture "haletante", les accélérations sans ponctuation, franchement j'ai l'impression d'avoir lu ça des milliers de fois, je trouve vraiment que ça fait procédé, vieille lune. Le Laboniris, pour moi, ce n'est pas du tout sa place, je verrais plutôt ce texte dans un musée consacré aux années soixante-soixante-dix du vingtième siècle.
Si en plus c'est pour laisser passer des phrases aussi lourdes (chargées de relatives imbriquées) que
"transperçant le cœur qui battait au rythme de la mort qui s'accélérait dans sa poitrine et dans ta tête", je ne vois vraiment pas l'intérêt.

En bref, ni le fond ni la forme ne m'ont convaincue.

   costic   
3/5/2013
 a aimé ce texte 
Bien
un sentiment très inégal à la lecture du texte avec des moments que je trouve justes, bouleversants puis gâchés par des images ou des pensées plus anodines qui nous ramènent dans un registre beaucoup plus banal. PX: Dans déconstruction, il y a con, et destruction. Tout est dit. Tout est dit...
peut-être pas à dire justement.
Idem pour le couteau:
La lame était si bien rentrée dans le ventre...
Non, non je n'ai pas joui, c'est la bête qui a joui et hurlé de plaisir et de rage en moi, c'est la colère qui faisait l'amour avec nous, ce couteau que je tenais dans ma main et qui la pénétrait.
(pour moi un peu trop "explicatif" classique?)

J'aime énormément les répétitions qui donnent un rythme assez lancinant à l'ensemble, la description du porte-monnaie, et les phrases de verbes.
J'adore la fin.

   Anonyme   
23/5/2013
 a aimé ce texte 
Un peu
Bonjour Wiscow

J'aime bien l'ensemble même si après plusieurs lectures je n'ai pas tout compris à l'histoire.

Déjanté, violent, un poil trash, schizo aussi avec ce je qui tue il ou ils, ou elle - ce qui me parait plus sûr - mais va savoir...

Pourquoi laboniris, ce n'est pas tant expérimental que ça.

Mais c'est certain, il y a quelque chose qui interpelle. Comme quelque chose qui manque.

J'aime beaucoup la fin. La lecture entraîne un état d'esprit qui clash, réveille en lisant la fin, comme si elle m'avait sauté à la figure.

Le style y fait beaucoup. Je crois qu'il donne à ce texte ce qui lui manque par ailleurs.
Est-ce une nouvelle ? Je n'ai pas trouvé dedans ce que j'attends d'une nouvelle, trop de blancs dans la nuit noire.

Juste un détail : le porte-monnaie pochette en "faux cuir synthétique", c'est pléonastique.
Quant à la pierre (pour son coeur de pierre) qui se fait craie, parce qu'il s'adoucit à son contact... elle me dérange car cette transformation me semble travaillée en vue de la chute. Peut-être un autre matériau qui ne soit pas "pierre" et qui amène au même résultat sans que le lecteur y perçoive d'artifice ? - sans jeu de mot -

Merci

   Anonyme   
9/4/2014
 a aimé ce texte 
Un peu
Je retrouve dans ce texte des souvenirs de faute commise, irréparable malgré la prise de conscience soudaine du mal que l'on a fait.
Ok.

Mais c'est too much trash...
Et cette phrase me choque parce que je pense le contraire de l'homme en général et de l'homme amoureux, vraiment amoureux.
"Tuer tuer tuer tuer tuer. Le rythme le plus vieux du monde, le rythme primitif, le fondateur de la musique."

Non, depuis que l'homme existe, malgré tout ce qui nous est donné à connaître par les médias de son immense capacité à agir inhumainement, l'homme progresse et les valeurs universelles de respect de la vie. L'auteur le sait puisqu'il décrit le tourment que lui cause sa faute. Alors pourquoi ressasser la description horrible de son méfait. Too much de se contenter de trop peu.

   Corto   
27/1/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Faut-il commenter un texte publié il y a presque 6 ans ? Je n'en sais rien et peu m'importe.
J'ai bien aimé ce déroulement de sensations, ces jeux avec les couleurs et leurs significations, les hésitations avouées : "Les faits, c'est plus simple à dire. Enfin, peut-être. Enfin, essaye un peu".
L'ambiance volcanique "Tu veux quoi, maintenant, pauvre con ? Tu as d'un côté les faits, et de l'autre la colère qui te menace qui te tire".
Les transgressions et les excès eux-mêmes sont relatés toujours avec une fougue excessive: "Tuer tuer tuer tuer tuer. Le rythme le plus vieux du monde, le rythme primitif", comme si le chemin de l'amour à la mort n'était pas inhumain et toujours condamnable.
Le final nous gratifie d'images pleines d'évocations: "Finir de brûler l'allumette, la réduire en cendres en poussière en atomes dans le creux de la main" puis "Mélanger la poudre blanche et la poussière noire. Souffler."
C'est un beau texte qui sait récréer une ambiance exaltée et iconoclaste devant la vie et la mort. Tant pis si certains diront interdite ou criminelle.


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