Page d'accueil   Lire les nouvelles   Lire les poésies   Lire les romans   La charte   Centre d'Aide   Forums 
  Inscription
     Connexion  
Connexion
Pseudo : 

Mot de passe : 

Conserver la connexion

Menu principal
Les Nouvelles
Les Poésies
Les Listes
Recherche


Policier/Noir/Thriller
Yannblev : L'aquarelliste
 Publié le 21/02/20  -  14 commentaires  -  15782 caractères  -  145 lectures    Autres textes du même auteur

On peut vivre longtemps dans une totale harmonie en s'enrichissant mutuellement de nos différences respectives... mais il y a aussi des "incompatibilités" plus profondes encore que celles d'humeurs qui entraînent toujours la rupture, au besoin au plus insignifiant des prétextes si le moment en est venu.


L'aquarelliste


Ce n’est ni du coton ni du reps, peut-être de la mousseline. Qu’importe, d’ailleurs je n’y connais rien en tissus mais j’aime bien voir aller et venir dans les mouvements lents du corps l’imprimé aux feuillages entortillés qu’elle enfile avec incurie, sans le fermer, en même temps qu’elle glisse dans des savates à pompons rouges ses pieds où clignotent des ongles épais et écaillés de vernis rouge.

Ça me fait penser à la tresse que le chèvrefeuille mène chaque année plus fortement à la grande grille du portail en fer forgé : les fleurs jamais trop blanches avec leurs étamines jaunes et poudreuses au fond des calices et la ripopée qu’elles lâchent quand le vent les bouge, comme l’haleine qu’on perçoit juste avant un baiser.


« Tu r’veux du café ? » me demande-t-elle en torchant le bol qu’elle vient de laver.

Je reprends du café. J’en reprends machinalement tous les matins depuis dix ans.

À cette époque, bon sang, j’aimais ça le café. Il m’arrivait même souvent de rentrer dans les bars juste pour prendre un jus sur le zinc, pas longtemps, le temps d’une « Gitane » en écoutant les gens raconter des conneries.

Je reprends du café par habitude. J’aime moins ça, surtout depuis que je ne fume plus… du moins plus devant elle.



Elle était si belle.

Elle était arrivée un matin, à l’heure du café.

C’était presque le printemps. Pas tout à fait mais confusément déjà là avec des fraîcheurs bleutées à l’aurore et des sarabandes piaillantes et virevoltantes de moineaux sur la pelouse aux intentions verdissantes, avec des fumées plus vaseuses, plus lentes, plus poussives aux cheminées et avec une envie de retourner de la terre, de semer des graines ou de tailler des rosiers.


Elle avait posé sa valise devant la grande grille du portail en fer forgé où commençait à s’étirer le chèvrefeuille dans des mélanges nués, émeraude, vert pomme et céladon.


Fine, blanche et dans des airs d’enfant fiévreux elle s’était lentement accroupie pour caresser d’un geste itératif et souple l’échine de Victor qui ondulait et frottait entre ses jambes, la queue en crosse, en miaulant de sa voix rauque de matou.

Elle venait pour l’annonce avait-elle dit en gardant la main alentour du chat et en levant des yeux tels que le ciel en pâlit.

En y réfléchissant, jamais ne m’aura échappé cette image d’elle ramassée auprès de Victor. Son irréelle pâleur n’avait pu la détacher du fond en verts nués du chèvrefeuille ; on eût dit qu’on ne la réalisait vraiment que parce que deux fleurs de lin avaient dû alunir sur son visage de sélénite.


Jamais non plus elle n’a payé le loyer de la chambre.


À la noce il y avait eu du monde. Elle y tenait.


Quant à moi j’aurais sans doute préféré quelque chose de plus simple et intime avec à suivre, par contre, une belle virée sur mon bateau en longeant la côte, pourquoi pas jusqu’à La Corogne, en s’arrêtant au soleil couchant dans les îles ou les ports les plus proches : Houat, Yeu, La Rochelle (elle ne connaît même pas La Rochelle !). En pêchant tout au long je lui aurais appris le bar qui selon la latitude, l’éclairage, le vent, l’accent, devient louvine avant d’être loup ; avec un peu de chance je lui aurais montré des dauphins en balade coupant les vagues comme des ciseaux une étoffe, pour le moins nous aurions vu les marsouins qui bondissent ou encore, au crépuscule et par un franc suroît laveur de nues, le ballet sous les lampes des méduses en tutu bleu.


Mais comme elle a un mal de mer définitif on a fait une noce à tout casser.


– Finis donc ton café ! Il doit être froid… c’est pas bon le café froid ! grommelle-t-elle en ramassant le bol d’une main et frottant de l’autre une lavette sur la table en formica.


Elle a toujours su ce qui est bon et ce qui l’est moins et dans tous les domaines. Ça va du chou farci qu’elle m’accorde être exceptionnel dans sa simplicité mais aussi un vé-ri-ta-ble poison pour mon estomac (même arrosé d’un jus de citron à la dernière minute), aux placements des économies, à la bonne et mauvaise peinture, aux belles et vilaines races de chats. Et c’est toujours elle qui choisit les vêtements que je vais porter quand on doit aller quelque part.


Pour la peinture elle n’aime que les huiles et le figuratif qui n’en est quand même pas tout à fait. Elle a acheté deux lithographies – signées – de Salvador Dali et une toile de Bernard Buffet. C’était un peu cher mais on lui a assuré que cela représentait aussi un bon placement.


Elle est impérative sinon toujours sûre. Une fois pourtant j’estime qu’elle s’est trompée : c’est pour Victor. Le chat s’était fait sérieusement dérouiller par un rival et l’oreille en moins, l’œil purulent qui ne guérissait pas, les avaient décidés, elle et le vétérinaire, à piquer Victor.


Moi je connais trop bien les chats, leur robustesse, leur âme féline chevillée à leur corps élastique et soyeux, leur faculté à ressurgir après leur disparition parfois pendant toute une semaine où on les croit morts, leur long sommeil réparateur dans les tiédeurs de leur tréfonds et les brumes qu’ils vont chercher en repliant les pattes et les griffes sous leur ventre, la tête avachie en joues amollies dans des inflexions de bouddha.

Je sentais, je savais bien que Victor s’en tirerait comme il s’en était toujours tiré. Mais elle avait décrété que la pauvre bête devait souffrir et surtout que ça n’était pas propre. Le vétérinaire avait piqué le chat.



Elle lardouse et essuie à grands gestes gauche-droite-gauche la longue paillasse carrelée puis à nouveau la table en formica brun. Il y persiste maintenant un volatil mais âcre et entêtant relent de chlore.

Bref, je sens qu’aujourd’hui il est inutile d’envisager aller caboter pas loin du golfe.

Pourtant c’est à peu près sûr, avec ce temps-là depuis huit jours, les maquereaux doivent être là. Mais quand elle est prise par sa frénésie de nettoiement de la maison je sais que pour la journée et pour nous deux l’emploi du temps est bouclé.


J’aime la pêche des maquereaux, c’est si facile : la ligne à la caille derrière avec dix plumes ou plus et louvoyer en cercles de plus en plus larges en se repérant au vent sur la joue, jusqu’à croiser le banc. Alors par dix ou plus les poissons se ruent sur les leurres. Je les ramène à bord avec une excitation et un amusement enfantins au spectacle des frétillements rigides et vifs des fuseaux métalliques et zébrés, d’abord au bout de la ligne tendue puis sur le fond du bateau où ils continuent de frémir en battant des flancs sur le bois et claquant du bec dans des spasmes convulsifs. Ils crachent en saccades leur sang lavé d’eau salée qui bientôt recouvre le plancher d’une soie pourpre, fluide, ondulante d’avant en arrière et d’arrière en avant au rythme exactement inverse du tangage du bachot sur les clapots.


J’en prendrais bien des cents sans savoir m’arrêter. Le plat bord et mes culottes de ciré vertes se constellent d’écailles minuscules où vient rebondir le soleil de mai comme rebondit celui de juillet sur le quartz microgrenu des granits entre les ors du genet des landes.

Ça dure jusque environ la moitié du reflux, puis brusquement, comme si j’avais vidé la mer, plus un seul poisson n’attaque les plumes et la ligne reste floue en remorque à la poupe. Je bloque alors la barre à deux cent trente pour rentrer lentement en dé-boyautant la godaille. Aussitôt les oiseaux blancs sortent de nulle part et en escorte bavarde et papillonnante s’accrochent à mon sillage, plongent les uns dans les autres en se bigornant pour rattraper les morceaux que je refous à l’eau. Souvent ils disparaissent tout entiers sous l’écume éphémère et mousseuse que l’hélice brasse sur les vagues, puis ils reprennent leur place en une sorte de saut, de bond, les plus audacieux à ma verticale, à trois ou quatre mètres, et s’appliquent dans un vol rectiligne où ils ne bougent que leurs ailes et leurs yeux dont ils ne perdent pas le moindre de mes gestes d'écorcheur. Parfois et selon la marée je ne reviens qu’à la fin du jour, seul sur l’immensité perse de l’eau où le soleil s’étale doucement comme un morceau de beurre sur la soupe à l’oseille. Le bonheur de la sortie en est alors décuplé.


J’aime la pêche des maquereaux. J’irai demain, mercredi au plus tard. D’ailleurs le moteur du hors-bord est toujours dans la cuve de réglage et il faut que je trouve l’occasion de vérifier ce ralenti capricieux.



Avec la même négligence que pour le mettre elle ôte de son dos l’imprimé en reps ou mousseline et le jette en vrac sur la chaise. Les feuillages entrelacés semblent escalader le dossier comme le chèvrefeuille sur la grande grille en fer forgé.


En passant dans le couloir elle rétablit à angle droit la lithographie aux couleurs vives. Dans son geste en bras levé le pan de sa liquette se hisse jusqu’à sa hanche et je m’aperçois que la cuisse et la fesse sont bien plus rondes et roses, beaucoup moins fermes, que je ne croyais. Ça me conforte aussi dans l’idée que j’ai depuis longtemps que Modigliani est parmi mes peintres préférés. Pourtant et contrairement à elle, la toile et l’huile ne sont pas les supports ayant mes faveurs.


J’ai peint mes premières aquarelles vers l’âge de douze ans et de gouaches en lavis j’y suis toujours fidèlement revenu.

Pour moi le délayage des nuances, l’eau qui étire la couleur à ses limites, garde des qualités incomparables. Avec l’aquarelle je peux revivre le soleil bas de décembre sur les dunes et l’ajonc, pas seulement dans la vision pure et stricte de l’astre aboulique mais avec la tiédeur qui me tient à l’envers de la peau, avec la mollesse et l’atonie qui me prend ces jours-là, avec le voile que fait l’haleine devant les yeux plissés, avec mes pensées engourdies par les matins de beau froid.


Avec l’aquarelle je sais que je vais parvenir à dire sans crier, à voir sans regarder. Tout s’y ébauche dans tout et dans une sérénité quasi nonchalante ou mystique où le temps ne peut aller qu’adagio. Jamais achevé, jamais au bout, rien n’y finit en rien. Ni le rouge quand vient le bleu, ni la lumière quand commence l’ombre.


Le petit trente par quarante que j’ai fait du chèvrefeuille dans sa pleine puissance et gloire d’été, violant doucement la grande grille en fer forgé en la serrant de ses mille bras, en l’enivrant des arômes déversés par ses mille corolles jamais trop blanches, a fini de me convaincre. Il me suffit de regarder quelques instants le tableau pour le respirer des heures entières.

Bien sûr pour les portraits la technique est moins évidente et moins probante. Jamais dans la centaine d’aquarelles que j’ai tentée d’elle je ne suis parvenu à retrouver le bleu incertain de ses yeux du premier jour.


Pour entrer dans la salle de bains elle branche sa radio qui se met fortissimo à tressauter des mots incompréhensibles sur une tamtameuse syncope à trois temps. Elle laisse ses savates à pompons sur le seuil dans une position d’aiguilles à dix heures dix.

Presque aussitôt sa tête revient à l’encoignure, couverte d’un vague chapeau blanchâtre de matière souple et qui ressemble à un pâtisson.


– Dépêche-toi un peu mon chéri, dit-elle… faut que tu m’aides ce matin… je veux absolument qu’on nettoie cette grande grille du portail, elle est complètement envahie de lianes… c’est pas propre ça ! Tu vas arracher ces saloperies et me faire le plaisir de la repeindre… y a un vieux pot de noir entamé dans la cave.



- :- :- :- :- :- :- :- :- :- :- :- :- :-



– Nom de Dieu ! jure le second inspecteur en se précipitant vers la terrasse, la main étalée devant la bouche.


Décidément il n’a pas de chance. Chaque fois qu’on appelle pour un coup tordu c’est pendant ses heures.

Bien sûr, encore heureux même, qu’il ne faut toucher à rien en attendant le patron, le légiste et le toutim, mais il y a cette baignoire débordante d’un je-ne-sais-quoi de fluide entre ocre et bordeaux d’où émerge à peine ce qui devait être une tête sous des cheveux pris dans un bonnet de bain ressemblant à un pâtisson... non, non, non ! Il ne s’y fera jamais !


C 'est dans ces nuits-là qu’il se demande s’il est vraiment fait pour ce boulot et qu’il regrette chaque fois un peu plus d’avoir refusé de passer professionnel ; il était assez doué après tout et même si le cyclisme ne paie pas des masses ni très longtemps, il est convaincu de préférer la senteur du goudron et celle des embrocations camphrées dont le peloton se tartine les guibolles à celle de cette merde au quotidien… de préférer la ritournelle monotone des pédaliers bien huilés, des boyaux sur le bitume et du vent dans les rayons, aux hurlements assourdissants des silences de ces nuits là… de préférer un mal de reins et de jambes à en crever et qui ne vous tolère plus aucune pensée à ces missions en mocassins et en chapeau mou, où l’on peut tout imaginer du sordide et où le pire arrive quand même.


Le premier inspecteur reste l’œil fixe, sa grosse bedaine en avant relâchée, l’air ahuri ou blasé, pâle et moite jusqu’au moindre repli de son front dégarni.


Moi ? Ils sont là parce que je les ai appelés mais je ne les regarde pas. Assis genoux d’équerre sur le canapé de cuir fauve je détaille en dilatant mes narines mon chèvrefeuille en trente par quarante que je tiens fermement devant moi.


– Mais nom de Dieu ! jure encore le flic en rentrant et ressortant à nouveau de la salle de bain… t’es un malade ! Comment qu’t’as fait ça ? hurle-t-il à dix centimètres de mon visage et en postillonnant.

– Hors-bord Johnson ! lui dis-je laconique sans quitter des yeux mon petit tableau.


Derechef il s’élance vers la terrasse la main en travers de la bouche, un haut-le-cœur gonflant ses joues.


Par tout l’espace flotte une odeur étrange de suint et de suif qui semble en fait toucher physiquement tout ce qu’elle cerne ou enveloppe. La loupiote allumée dans un coin lance un jet d’or vers le plafond mais glisse en lueurs étirées et réfléchies sur les murs où les motifs fleuris du papier peint s’estompent derrière un apprêt diaphane et rosé semblant si fraîchement étalé que l’inspecteur un peu chauve et à l’air ahuri fait quatre pas pour y poser un index machinal. En le frottant ensuite contre son pouce il passe son doigt sous son gros nez qu’il trousse comme un chien de chasse.

Il se retourne les yeux écarquillés et se précipite dans les chambres attenantes. De retour il se laisse choir de tout son poids sur une chaise et reprend un regard plus fixe encore mais cette fois pointé sur ses chaussures.


En respirant longuement comme au départ d’un contre la montre, l’autre flic revient de la terrasse et jure pour la troisième fois en se penchant vers son équipier :


– Non mais… Nom de Dieu ! Tu te rends compte ? Ce maboule ! Ce maboule… Il a passé sa bonne femme au mixer ! Au mixer j’te dis !

– Je sais répond son collègue… Il a repeint toute la baraque avec ! précise-t-il en faisant un mouvement vague et large du bras.



En passant la vieille grille en fer forgé qui jette une ombre tournoyante sur les rosiers à chaque éclair bleu des gyrophares je me suis arrêté pour cueillir deux, puis trois et même quatre fleurs de chèvrefeuille. Ce sont les premières de l’année, peut-être bien dans leur première nuit.

Je veux les respirer dans ma main fermée mais le gendarme qui me tire par les menottes me retient le bras, alors je les mets dans ma poche. De ma main encore libre je referme comme il faut la grande grille de mon portail puis je sors une « Gitane », la coince entre mes lèvres et me penche un peu pour l’allumer au briquet qu’on veut bien me tendre.





« … Car nous voulons la nuance encor,

Pas la couleur, rien que la nuance !

Oh ! La nuance seule fiance

Le rêve au rêve et la flûte au cor ! … »

Paul Verlaine (Art poétique)


 
Inscrivez-vous pour commenter cette nouvelle sur Oniris !
Toute copie de ce texte est strictement interdite sans autorisation de l'auteur.
   poldutor   
21/1/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour

Cette nouvelle commence en propos poétiques, le narrateur artiste peintre et grand pêcheur (de maquereaux) devant l'éternel est affublé d'une femme qui fut jolie, mais qui a l’inconvénient de tout régir...il s'exprime en jolies formules :
"...quand le vent les bouge, comme l’haleine qu’on perçoit juste avant un baiser."
"C’était presque le printemps. Pas tout à fait mais confusément déjà là avec des fraîcheurs bleutées à l’aurore et des sarabandes piaillantes et virevoltantes de moineaux sur la pelouse aux intentions verdissantes, avec des fumées plus vaseuses, plus lentes, plus poussives aux cheminées et avec une envie de retourner de la terre, de semer des graines ou de tailler des rosiers."
"Avec l’aquarelle je sais que je vais parvenir à dire sans crier, à voir sans regarder. Tout s’y ébauche dans tout et dans une sérénité quasi nonchalante ou mystique où le temps ne peut aller qu’adagio. Jamais achevé, jamais au bout, rien n’y finit en rien. Ni le rouge quand vient le bleu, ni la lumière quand commence l’ombre."
Puis la poésie se meut en horreur : meurtre au "moteur Johnson"...!
Nouvelle très bien écrite, avec une fin que l'on peut prévoir, mais que l'arme du crime est originale...!
Bravo, j'ai aimé.
Cordialement.
poldutor en E.L

   cherbiacuespe   
23/1/2020
 a aimé ce texte 
Un peu ↓
L'idée est bonne, incontestablement! C'est son traitement qui me gêne.

A trop vouloir mettre en exergue le décalage d'une femme qui se révèle une insupportable mégère avec le paisible d'une vie antérieure , opposer l'horreur du crime, l'amertume d'un mauvais mariage avec de longues descriptions d'un paradis perdu, le repas devient trop copieux et on frise l'indigestion. Un vocabulaire riche n'est pas gênant, mais trop c'est trop.

Ce n'est que mon avis mais il aurait fallu souvent trancher avec plus de simplicité pour rendre le récit plus léger.

Je le répète, le concept de l'histoire m'a séduit, c'est dommage.

Cherbi Acuespè
En EL

   maria   
24/1/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour,

Il reprend du café "machinalement depuis dix ans". A tout ça, il préférerait lui montrer "des dauphins en balade coupant les vagues comme les ciseaux une étoffe". "Les maquereaux doivent être là. "Mais quand elle est prise par sa frénésie de nettoiement de la maison", il se lasse et n'est "pas parvenu à retrouver le bleu incertain de ses yeux du premier jour."
Alors "ce maboule. Il a passé sa femme au mixer."

Voilà "L'aquarelliste" avec les mots de l'auteur(e). C'est beau et incisif.
Un passionnément si le personnage avait pris la mer et non la vie de son épouse.

Maria en E.L.

   Mokhtar   
26/1/2020
 a aimé ce texte 
Passionnément
Il est bon de sortir un peu de la banalité des massacres à la tronçonneuse pour promouvoir l’originalité du crime au moteur de hors-bord. Que Johnson supplante Mc Culoch renouvelle le genre. Et, après tout, que l’engin s’exprime dans une baignoire, milieu aquatique, ne devrait choquer personne.

Certes, certains observateurs pointilleux seront tentés de dénoncer ici un assassinat. Mais l’acte est-il vraiment blâmable ? Parce que enfin, euthanasier un chat défectueux, mais réparable, mérite sanction.

Interdire de fumer ou de choisir ses vêtements, empêcher de répondre à l’appel du large quand le maquereau vient s’offrir... c’est de l’oppression inqualifiable. Enfin, et surtout, attenter à l’intégrité du chèvrefeuille est un crève-cœur insurmontable pour celui qui voue une passion à cette foliacée. À tel point qu’il éprouve le besoin de la peindre, et qu’il la cite sept fois dans sa confession.

« La peinture à l’huile, c’est bien difficile, mais c’est bien plus beau que la peinture à l’eau ».
Ben non. Lui, sa passion, c’est l’aquarelle. Pas la peinture noire.
Alors quand lui vient l’envie de délicatement ombrer de rose ses murs tristes, quand lui manque ce subtil et irremplaçable lavis chatoyant tel celui produit par les maquereaux saignants, il faut bien qu’il fasse avec ce qu’il a sous la main.

Que pèsent dans la balance les deux fleurs de lin, face à la tête de pâtisson, la fesse qui s’amollit et les mules à pompons ? Exit la frotteuse de Formica.

Violent le type ? pas le moins du monde. Il ne supporte pas qu’on fasse souffrir les chats et les chèvrefeuilles. C’est tout. Aimer l’aquarelle, c’est aimer la douceur, la quiétude. En fait, c’est un doux que l’on a traumatisé. Nuance.

Moralité : On n’attente pas à la liberté d’un poète psychopathe schizophrène misanthrope et artiste.

******

Quoi que soit le scénario, l’intérêt principal de ce texte est sa profonde poésie, servie par une écriture flamboyante et de haut niveau.

Quelques expressions parmi tant d’autres : « pieds où clignotent des ongles », « la ripopée qu’elle…avant un baiser », « pelouse aux intentions verdissantes », « deux fleurs de lin avaient du alunir sur son visage de sélénite », « je lui aurais appris le bar » « les dauphins coupant les vagues… » « les méduses en tutu bleu » « en dé-boyautant la godaille » « Avec l’aquarelle je sais que je vais parvenir à dire sans crier, à voir sans regarder » etc etc…

Mais surtout on jubile avec les petites scènes apartés distillées avec finesse tout au long du texte. L’arrivée du printemps, celle de la fille, la virée en mer, le chat qui dort, la pêche au maquereau et l’escorte des oiseaux, le retour à la fin du jour, etc.. C’est principalement là que j’ai pris du plaisir à cette lecture, qui révèle un écrivain brillant et fin, sachant valoriser ses dons d’observation par une classieuse expression littéraire, fleurie et poétique.

Même si l’on pressent que l’auteur écrit avec aisance, on ne peut douter que ce texte ait été longuement et soigneusement travaillé.

On a là une pépite dans le catalogue d’Oniris.

*******

Ps : Ma femme vient de me préparer mes vêtements, avec cette affreuse chemise que je hais.
Bien qu’elle ne prenne que des douches, j’ai décidé de lui faire lire cette nouvelle.

Mokhtar, en EL

   Louison   
26/1/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Je ne suis pas une spécialiste des histoires policières, elles m'ennuient parfois, cependant je me risque à commenter celle-ci, qui au début commence presque comme un texte romantique. La seconde partie culbute immédiatement dans l'horrible, et c'est ce que j'ai apprécié.
Beaucoup de vocabulaire recherché, trop parfois mais cela donne un ton qui change un peu des habituels policiers.
On peut trouver que c'est un peu gore, mais j'ai lu il y a peu un fait divers bien réél et tout aussi dégueu. Tout est possible alors pourquoi pas.
Merci pour ce texte où l'aquarelliste plein de poésie se transforme en monstre froid.

Louison en EL

   Tiramisu   
30/1/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Bonjour,

J'aime beaucoup le style, très sensuel, imagé, coloré, odorant, même le toucher est au rendez vous, avec le vent sur la joue.
De belles images, j'en cite quelques unes : le mouvement des tissus, la tresse du chèvrefeuille, les dauphins qui coupent les vagues comme les ciseaux une étoffe, le ballet des lampes des méduses en tutu bleu. L'oeil de l'aquarelliste en fait !


Je suis plus sceptique sur le fond. On sent parfaitement monter le ras le bol de l'homme vis à vis de cette femme, le chat, la propreté à tout prix qui gâche beaucoup de choses, repeindre la grille au risque d'abîmer ce chèvrefeuille entortillé voire le couper totalement semble être le déclic.
Mais on peut se débarrasser de quelqu'un sans le passer au mixeur !

Pour moi, là, il y a une étape qui me manque, même si je peux comprendre l'idée de la couleur rouge pour l'aquarelliste. Aquarelliste et fou. Rien ne laisse vraiment montrer monter cette folie, peut être l'excès de pêche mais cela me parait insuffisant.

Merci pour cette lecture

   emju   
21/2/2020
 a aimé ce texte 
Passionnément
Bonjour j'ai adoré votre nouvelle. Les descriptions sont magnifiques, tout en douceur et très visuelles. C'est l'aquarelliste qui peint avec ses mots. "Ca me fait penser à la tresse que le chèvrefeuille mène chaque année..." Le passage sur Victor est merveilleux. On sent que l'auteur est en osmose avec son chat, solitaire comme lui. Malheureusement ce pauvre matou n'a pu décider de son destin contrairement au narrateur.
J'apprécie l'alternance de la rêverie et la réalité douce-amère avec sa femme. Quand il parle de sa deuxième passion, la pêche je suis avec lui sur le bateau. Formidable !
Puis l'auteur nous amène doucement à la dérive...pour l'apothéose.
Son chef d'oeuvre. "Il a repeint toute la baraque avec"
Diabolique. Merci pour cette lecture.

   Anonyme   
22/2/2020
Bnjour, Yanbleve
J'adore cette écriture craquante comme un pain doré avec de la poésie et de l'humour. Très aquarelle.
des images cosmiques comme
"le soleil s’étale doucement comme un morceau de beurre sur la soupe à l’oseille"

des mots étranges (lardouse par ex) mais qu'on peut deviner

... par contre je n'ai pas aimé votre histoire qui en plus est gouachée par cette fin à la sanguette. Sorry.

En attendant de lire vos prochaines productions j'épingle votre nom ... Aïe!

   Corto   
22/2/2020
 a aimé ce texte 
Passionnément
Un superbe travail !
Cette nouvelle a le don de captiver le lecteur dès son début. Au premier abord tout semble simple et quotidien avant que l'intrigue ne se noue par étapes. Dans un crescendo qui n'hésite pas devant les détours et avant l'explosion finale qui laisserait pantois le meilleur lecteur de polars.

Dès le second paragraphe on sent que l'aventure sera plus compliquée qu'il n'y parait "Ça me fait penser à la tresse que le chèvrefeuille mène chaque année plus fortement à la grande grille du portail". Qui pourrait penser ici que ce brave chèvrefeuille soit si important ?

La tension monte rapidement "J’aime moins ça, surtout depuis que je ne fume plus… du moins plus devant elle."
Le fossé entre les envies de l'une et de l'autre se confirme avec ce mariage "avec un peu de chance je lui aurais montré des dauphins en balade coupant les vagues"…

La vie quotidienne est décrite avec de nombreuses images souvent magnifiques de poésie "J’aime la pêche des maquereaux". Mais somme toute voici un couple mal assorti qui vit vaille que vaille. C'est cet ordinaire qui nous est présenté sans en faire tout un drame.
En décrivant par le menu les détails de cette pêche on est distrait et l'on comprendra plus tard que l'auteur s'est un peu amusé tout en nous promenant.

Vient la passion pour l'aquarelle précisément décrite et revoilà le chèvrefeuille si intimement essentiel au narrateur "Il me suffit de regarder quelques instants le tableau pour le respirer des heures entières."

Arrive enfin le déclencheur du drame, amené logiquement, sans y faire vraiment attention "Dépêche-toi un peu mon chéri, dit-elle… faut que tu m’aides ce matin…" Tout se concentre alors, les goûts si éloignés entre les protagonistes, la furieuse envie du narrateur de protéger ses goûts, son passé, ses réussites, face à l'agression autoritaire de la femme.

L'explosion est inévitable et s'ouvre alors le dernier chapitre où l'horreur est à son comble, avec encore un dialogue ahurissant entre le flic et le narrateur "- Mais nom de Dieu ! jure encore le flic t’es un malade ! Comment qu’t’as fait ça ? - Hors-bord Johnson ! lui dis-je laconique sans quitter des yeux mon petit tableau."

Provocation ultime (pourquoi s'en priver ?), quatre vers de Paul Verlaine nous bercent au final avec la "nuance" et le "rêve".

Le style et la construction de cette nouvelle en font un régal que le lecteur applaudit volontiers.

Grand bravo à l'auteur.

   Robertus   
25/2/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup
J'ai eu la chance de lire la nouvelle dans sa plus grande partie sans remarquer que c'était dans la section Policier /Noir / thriller et j'ai pu savourer toute la poésie de l'écrivain et de son personnage principal, qui, de premier abord ne paye pas de mine, mais qui possède en fait cette capacité humaine rare de prendre le temps de s'arrêter et savourer la beauté de la création et ses trésors gratuits.

Heureusement, avant d'arriver à la chute, j'ai pris connaissance de la rubrique et me suis donc préparé au choc, ce qui m'a permis non seulement de ne pas entacher la poésie de la première partie par des anticipations morbides mais aussi de ne pas déchanter au delà de ce que j'aurais pu supporter, étant d'une nature sensible ! ( d'aucun diraient le contraire, mais j'aime à le penser ^^ ).

Une nouvelle bien maîtrisée qui, par sa dureté mais aussi son réalisme, laisse à réfléchir. Elle est empreinte d'humanité dans ce qu'elle propose de meilleur et de pire; une poésie contemplative de la beauté de la nature, une épouse qui semble ne jamais avoir pris le temps de se soucier des goûts et de la sensibilité de son mari, un mari qui succombe à un coup de sang terrible qui témoigne d'une racine d'amertume qui semble avoir mariné pendant des années dans son inconscient et qui prends des proportions titanesque et disproportionnées dans sa manifestation.

   Pepito   
28/2/2020
Bonjour Yannblev,

Forme : un plaisir de vous lire. Un texte haut en vocabulaire (yo l'utilisation "d'incurie"), parsemé de mots d'argots (style "conneries"), un régal. Certes, un surdosage léger d'adjectifs par endroits (" ") mais pour un peintre, cela tombe sous le sens. Je suis particulièrement jaloux de votre économie de "virgoules" tout en déroulant un texte clair.

Fond : on sent bien la montée du dégoût, la saturation devant un trop plain d'autoritarisme. On devine que cela ne va pas en rester là.

Mais on reste surpris par le twist de fin et l’exagération géniale de la mise à mort. Certes, les grincheux pourraient s'étonner que notre héro ne fasse pas suivre un skate-bord avec le moteur. Histoire de porter, tiré par un bout de tuyau caoutchouc, le réservoir en option sur ces modèles de moteur. On peut aussi s'interroger sur la façon de démarrer une moteur HB comme une tronçonneuse. En tenant les 50 kg kilos de moteur d'une main et en tirant la ficelle de l'autre... Ou la traversée de la maison avec le moteur allumé sans alerter sa douce et tendre (surtout après traitement)... Mais ce ne sont là que broutilles par comparaison au fin des fins : repeindre la baraque avec le mélange de sa dulcinée. Là, nous avons l'oeuvre parfaite!

Un grand merci pour cette réconfortante lecture.

Pepito

PS : un grand merci aussi à Mokhtar pour m'avoir aiguillé sur ce texte.

   BernardG   
29/2/2020
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour,

Ce qui m'a vraiment plus....C'est l'écriture avec ce sens du détail auquel s'ajoute une prose poétique formidable.

Je trouve - et évidemment c'est le problème dès lors que l'on s'astreint à une courte nouvelle - que le twist final (original) n'est pas suffisamment amené. Les raisons qui poussent à l'acte paraissent dérisoires et même si l'on suppose "un coup de folie", il aurait été, à mon sens, intéressant de le développer un peu dans la première partie.

Bravo et merci pour cette agréable lecture.

Bernard G.

   Catlaine   
4/3/2020
 a aimé ce texte 
Bien
Je trouve le langage bien trop soutenu, il alourdit le texte, j’aurais aimé plus de légèreté. En même temps, l’atmosphère en est plus pesante et on sent bien qu’il en a marre le monsieur de sa chère et tendre épouse. Ce que l’on peut comprendre aisément.
Même si dès les premières lignes, on devine l’inéluctable, il est vrai que le massacre au hors-bord est original, surtout dans une baignoire.
J’essaye d’imaginer… et ça me fait sourire, je me garderai bien de choisir les vêtements de mon mari ! Mais je ne crains rien car il déteste le bateau… encore qu’à bien y réfléchir il pourrait bien utiliser la tronçonneuse qu’il range dans son établi…

   Anonyme   
7/7/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Quelle brio pour "dé- peindre" les personnages !

J'ai particulièrement aimé :
La poésie qui émane de toute cette nouvelle.
Le vocabulaire, tantôt familier, tantôt technique, tantôt poétique qui donne à voir toutes les facettes de chaque personnage, se mêlant dans de mêmes phrases de manière très naturelle.
Le retour des éléments de départ, (le chèvrefeuille, le chat, par exemple), points forts pour comprendre la psychologie du héros.
Juste un bémol, peut-être pour le premier inspecteur, un peu trop caricature de l'inspecteur dans cette phrase :
"Le premier inspecteur reste l’œil fixe, sa grosse bedaine en avant relâchée, l’air ahuri ou blasé, pâle et moite jusqu’au moindre repli de son front dégarni."
J'ai aimé tous les "appels" aux sens, les cinq, approche globale de tous les tableaux de la nouvelle.
Le titre, de plus, après lecture, se révèle terriblement bien choisi.

Bravo et merci du partage,
Éclaircie


Oniris Copyright © 2007-2023