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Poésie en prose
Absolue : L'accord parfait
 Publié le 29/06/21  -  8 commentaires  -  958 caractères  -  184 lectures    Autres textes du même auteur

Tout se joue entre le musicien et le violoncelle.


L'accord parfait



Le jour, indolent, étire ses derniers rayons. Partout, on voit des ombres. L'arbre centenaire attend l'homme à l'archet de velours et de feu. Rien ne bouge. Et le voici, qui traverse d'un pas lent la moiteur de l'été. Il passe devant le vieux cèdre. La chaise au dossier trop raide vient épouser son dos élastique. Dans des volutes d'eucalyptus, il attend, il écoute. Et ce silence lui semble parfait. Alors, il touche, frotte, pince et effleure. Ses gestes sont lestes et précis. Ses doigts, agiles. Tout est terriblement doux.
Et la voix d'ébène, chaude, vibrante, profonde, lui répond. Elle murmure et supplie. S'envole puis se tait. Pour repartir encore. Et les notes qui viennent, ces notes pleines de fougue, de secrets et de mélancolie, ces notes en savent plus que lui-même. Et lorsqu'il s'arrête, il ne sait plus qui est le créateur et qui est la créature. Alors, il se lève, il remet son chapeau et s'en va dans la nuit, l'âme en dehors.


 
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   BlaseSaintLuc   
19/6/2021
 a aimé ce texte 
Passionnément
La partition est au cordeau, rien ne grince, on plante savamment le décors avant l'arrivée de l'artiste, c'est calme, on peut lancer les premières notes.
S'il on est tordu ,on peut même trouver une parabole, avec le soir qui tombe,la mélancolie , le vieux cèdre,le pas lent et l'âge de l'artiste ...
Mais ne nous egarons pas , il s'agit bien et avant tout d'une symbiose
Entre la nature , le musicien et son instrument,
L'accord parfait si bien décrit par ce porteur de mots qu'est le poète.

   Anonyme   
23/6/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Dans un lyrisme soufflé par la quiétude du lieu, se rencontrent l’âme du violoncelle et celle de l’homme. Et ces deux âmes se confondent pour à la fin n’en faire plus qu’une. C’est le mariage de la glace et du feu, de la douceur et de la force qui donne naissance à une envolée incandescente.

Mais qui de l’homme ou du violoncelle domine l’autre ?

J’aime particulièrement ce passage de la personnification de la voix et de l’instrument :

« Elle murmure et supplie. S’envole puis se tait. »

   Eskisse   
29/6/2021
 a aimé ce texte 
Passionnément
Bonjour Absolue,

Une prose souple, empreinte de sérénité. Les énumérations viennent créer un rythme de balancement. Les reprises ( " les notes / ces notes" ) donnent de la force au propos.
J'aime la densité qui est infusée à ces notes " pleines de fougue, de secrets et de mélancolie" . Comme les mots, elles donnent accès à une connaissance supérieure : " ces notes en savent plus que lui - même".
Une sorte d'humilité émane de ce violoncelliste qui joue avec pour seul public la nature... dans un dialogue avec la " voix d 'ébène" ( magnifique ) Le final " l'âme en dehors" est très beau et dit bien le bouleversement intérieur, le " ravissement" que crée la musique.

   Anonyme   
29/6/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
"Quand vous écoutez de la musique, et qu'elle est terminée, elle s'est évaporée, vous ne pouvez plus la capturer de nouveau" cette citation d'Eric Dolphy illustre bien votre texte, Absolue. Cet accord parfait entre le musicien, son instrument et l'univers tout entier, cette communion n'aura duré qu'un instant, et pourtant il n'est rien de plus précieux au monde...

Merci de cette lecture.

   papipoete   
29/6/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bonjour absolue
Le Maître de musique trouve l'endroit parfait pour entrer en communion avec son instrument, de son costume anonyme se defait ; il s'installe au pupitre de la forêt, prend son violoncelle tout contre lui et le pinçant délicatement, son ami de bois bientôt se met à vibrer.
NB tout en douceur et subtilité, l'auteur pose le décor tel un tapis de velours, et les deux complices jouent un air enivrant !
Je ne peux m'empêcher de voir Rostropovich, au pied du mur de Berlin, semblant dire à son compagnon de " cordes et de bois "... nous allons donner le meilleur de nous-mêmes, tu veux bien ?
La seconde strophe est ma " partition " préférée !

   emilia   
30/6/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup
De précieux instants partagés entre un musicien et son instrument, en pleine nature, qui rend hommage à la fois à la noblesse et à la qualité du bois utilisé, à l’artiste luthier qui l’a fabriqué et à celui qui joue sur cet instrument si propice à la mélancolie et dont les sons peuvent transpercer le cœur jusqu’aux larmes, où corps et âme sont en harmonie, même dans le silence du soir, sans besoin de partition, avec des doigts habiles et experts, et sans vouloir s’interroger davantage sur la présence d’une chaise à dossier…, de crainte de troubler la magie de cet « accord parfait… »

   Pouet   
1/7/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Salut,

"l'accord" autant musical que charnel, la "résonance" dans toute sa plénitude, son intimité.

Je retiens entre autres "tout est terriblement doux", "ces notes en savent plus que lui-même" et "l'âme en dehors": comme une langueur de l'instant, un envol intérieur, une "compréhension", une empathie à l'évanescence.

Je trouve une écriture douce touchant au bon compromis entre description et libre interprétation.

   Ombhre   
12/9/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bonjour Absolue,

la magie de la musique portée par la magie des mots. Le cadre est posé, une fin de journée d'été, une chaise de bois vide posée devant un vieil arbre, des odeurs en orchestre. Un moment de recueillement ou de concentration " il attend, il écoute. Et ce silence lui semble parfait. Alors, il touche, frotte, pince et effleure", tout ne doit être qu'harmonie.
La voie de l'âme passe par le bois, prend vie "Elle murmure et supplie. S'envole puis se tait".

Et une fois données au monde ces notes qui en savent plus que lui "Alors, il se lève, il remet son chapeau et s'en va dans la nuit, l'âme en dehors." Un final magnifique.

Merci pour ce moment de grâce.

Ombhre


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