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Poésie libre
Alcirion : Ce qui jadis coulait noir
 Publié le 11/11/17  -  9 commentaires  -  1701 caractères  -  131 lectures    Autres textes du même auteur

Souvenirs du quartier des errants.


Ce qui jadis coulait noir



De l’arrière-fond des songes désappris
Rejaillit encore
Le délire décadent qui me tordait le cœur
Au temps du grand égarement
La lumière maudissait mon vide sidéral
S’agaçant
Du piteux spectacle de mes sens éteints
Crève-cœur
Géhennes interminables
Et la désespérance de l’aube

J’ai retrouvé le rêve en l’état
Le grenier d’à côté
La mansarde dont me séparait seulement
Une porte antique et mystérieuse
Cet enfer où grouillaient les souris
Les parentes sans doute de celles que je traquais
Dans la réalité
De mon taudis aérien

Le siècle n’en finissait plus de trouver son terme
J’avais quitté le fleuve
Me diluant parmi les errants
Les invisibles les parias
Ceux qui ne laissent pas d’ombre
Mais me restait le ciel
Pour éclat de joie
J’admirais les toitures
J’écoutais le silence

Rien des bistrots
Ne parvenait à monter si haut
Ni les cris des ivrognes
Ni les bris de verre
Je restais seul des jours
Et des jours
Sans toucher le sol
Sans en éprouver le besoin
Je n’avais plus envie de fendre la cour des miracles
Qui se répandait jusqu’à ma porte
Son effluve était suffisant
Il ne partait jamais
Les rues les mœurs les dos éreintés
Tout là-bas suintait la misère
La défaite
La jeunesse vaincue
Et c’est bien l’angoisse de la mort seule
Qui m’amenait à redescendre
De temps à autre
Pour me mêler de la vie

Les esprits des rongeurs geignent pour revivre
Me réveillent encore
Ne mettront jamais aucune élégance
À s’effacer


 
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   Brume   
1/11/2017
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bonjour

Dès les premiers vers je suis entraînée dans un monde de désespoir.
J'ai aimé m'y immerger avec bonheur car votre plume a su y mettre de la beauté. Votre poème ne sombre pas dans le misérabilisme. Une lueur fend l'obscurité pour mettre en lumière le coeur qui bat, et j'aime tellement ce passage :

- "Mais me restait le ciel
Pour éclat de joie
J'admirais les toitures
J'écoutais le silence "

J'aime ce passage car je contemple avec émoi dans une telle clarté les yeux rêveur du narrateur qui lui, contemple le ciel, les toitures. Là l'émotion n'est pas dites elle se ressent fortement.

Le rythme est alerte, fluide, sans lourdeurs, que de beaux vers

La misère est exprimée avec poésie, puissance, et vie.

   Robot   
11/11/2017
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Si la volonté était d'écrire un texte noir et désespérant, c'est réussi. Une écriture fluide et une rédaction efficace pour vous filer le cafard.

Heureusement, j'écoutais en même temps "la flute enchantée" et la reine de la nuit avec ses aigus m'a empêché de sombrer.

   Anonyme   
12/11/2017
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Des tourments en ricochet pour ce long poème écrit un peu à la manière des poètes maudits où l'impression romantique des revers de fortune, du malheur, doit l'emporter.
Si le thème est redondant, et contrairement aux rongeurs de la dernière strophe, j'ai trouvé cependant une certaine forme d'élégance dans cette écriture pointant vos disgrâces.
Merci.

   Alcirion   
13/11/2017

   fried   
14/11/2017
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Des souvenirs bien noirs et heureusement toujours présent un désir de vie alors l'hermite des toits redescend sur terre.
Ce monde en marge est superbement décris par la poésie.
bravo

   Lylah   
15/11/2017
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Un très beau texte qui m'a accrochée dès le départ et que j'ai lu plusieurs fois pour n'en rien perdre.

Toutefois, je me demande si je ne l'aurais pas encore plus apprécié sous forme de poésie en prose. Les phrases en auraient, à mon sens, gagné encore en rythmé et en puissance évocatrice.
Mais ce n'est qu'un avis !

   Lariviere   
25/11/2017
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour Alcirion,

"Ce qui jadis coulait de noir" est un texte que j'ai apprécié.

Sur le fond, je trouve que le propos "philosophique" fonctionne grâce à une certaine "force de la pensée", que renforce le ton désabusé ainsi que les évocations, qu'elles soient métaphores ou comparaisons. Sur cette idée du propos, j'ai aimé la construction, qui permet d'avoir à la lecture un rythme entraînant, alternant des vers parfois très fluides et musicaux et parfois des vers très court, à la limite du rejet, ce qui me semble bien convenir à l'expression de la thématique principale et là encore, son ton nostalgique et désenchanté, mais aussi un ton "affirmé", qui sait être sobre ou plus lyrique, selon les passages. La troisième et l'avant dernière strophes illustrent bien d'après moi cette réussite entre fond et forme, qui aboutie à un texte d'une force (tranquille) déconcertante dans le souffle qui se dégage ainsi de la lecture, qu'elle soit intérieure ou à haute voix... Les images sont plutôt intéressantes, à la fois singulières et impactantes, poétiques bien sur ; mais plus dans la percussion du propos par son style direct et épuré que dans la grandiloquence des "impressions"... Ainsi, elles accentuent l'intérêt au "déroulé agréable" de lecture et permet d'appréhender le discours de façon originale et cohérente sur le fond.

Sur la construction, la réalisation permet de suivre le "poème" et le sens du propos avec aisance. La trame narrative est maîtrisée et s'apparent à celle d'un récit dans le déroulement logique du discours et des scènes présentées. Sur la construction "prosodique" plus précisément (!), j'ai bien aimé cette forme très libre qui rend bien le propos du narrateur et qui permet au lecteur de rentrer avec lui dans cet "arrière-fond des songes désappris" pour y effectuer ce fameux retour aux sources sombres et à ses fantômes, humains, domestiques ou plus fantasmagoriques... Il n'y a pas de problème dans la construction d'ensemble, au contraire. La lecture est agréable et il y a une réelle unité, sur la thématique, comme sur la forme... Sinon, en relisant et en occultant machinalement les découpes, je me suis aperçu que ce texte donnait un assez bon résultat en prose également. C'est assez peu commun pour être signalé ;)

Mon seul bémol, histoire de dire, se trouverait peut être dans la strophe d'entame.

Pour commencer, j'aime beaucoup la fin de la strophe : les vers 8, 9,10 :

Crève-cœur
Géhennes interminables
Et la désespérance de l’aube

J'ai notamment apprécié "et la désespérance de l'aube", qui ponctue assez bien la strophe, sur fond et forme..

Mais je trouve que les vers 2,3,4,5,6, 7 seraient peut être à dépouiller de leurs adjectifsqui alourdissent parfois inutilement le rythme et la perception du fond et de l'image, justement sur un texte où l'absence de fioritures et le discours minimaliste sur l'ensemble est une des forces principales d'évocation et de rendu des émotions...

De l'arrière-fond des songes désappris /
(celui-là, je le laisserais tel quel, malgré tout, car il annonce à la fois la thématique et le ton)
Rejaillit encore/
Le délire décadent qui me tordait le coeur/
(même si je comprends l'utilisation du terme et que le rythme est suffisamment cohérent dans le contexte métrique, je trouve que l'adjectif alourdi l'image en l'état. )
Au temps du grand égarement/
La lumière maudissait mon vide sidéral/
(pareil que pour le vers 3. Je comprends l'image "psychique", mais je me demande s'il ne serait pas utile de trouver un parallèle moins "éculé" (hum!) à cette image qui me gène dans la mesure où ce "vide sidéral" se situe en "entame" du poème et peut ainsi induire à tort la lecture dans un sens tronqué, vers un univers qui sonnerait plus "astronomique", qu'introspectif...
S'agacant/
Du piteux spectacle de mes sens éteints/
(ici, je me demande, si l'effet, au niveau du sens et du rythme, n'est pas meilleur sans l'adjectif "éteint", tout en modifiant du coup légèrement le sens précis...

Voilà pour la première strophe. C'est du pinaillage et surtout, des remarques très personnelles qui n'engagent que mes impressions de lecture sur ce passage.

La mini-strophe de fin, juste parfaite dans son épure et son percutant, ponctue à merveille le texte.

En conclusion, c'est un texte que j'ai apprécié sur le fond et sur la forme, par la force singulière de son ton à la fois sobre (sur la forme) et tonitruant (sur le discours), un texte qui dépeint et qui décrit librement nos peurs et/ou nos visions d'enfants ou de plus grands dans le monde des monstres et des "parias", peurs et visions imprimées à jamais dans les différentes aires cérébrales de l'adulte accompli ou non, désabusé et affirmé à la fois, mais toujours au contact, plus ou moins étroit, avec cette cour des miracles qu'il faut fendre toujours chaque jour et ce tous les jours en réalité, pour rester humain, pour rester vivant, pour rester digne et motivé...

La poésie sert à accepter ce deuil aigre-doux, cette réminiscence pacifiée, de "ce qui jadis coulait noir", et ça sert au moins à ça la poésie, ce qui n'est pas si mal...

En espérant que ce commentaire puisse t'être utile dans ta démarche d'écriture, merci encore pour ces bons moments de lectures !

Avec toutes mes félicitations,

Larivière

   Anonyme   
13/6/2018
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
Dans ce texte, le "Je", là me semble intéressant. Vous parlez avec franchise de vous, de vos tenants et aboutissants.

Je perçois un début d'analyse sur ce qui vous fait et vous défait. Tout au long de votre écrit, un peu comme le Petit Poucet semait des cailloux, pour ne pas se perdre, vous vous semez des indices, Est-ce pour vous rassurer ou pour nous rassurer.

C'est un écrit en fait très personnel, il explique en partie les propos tenus dans vos précédents poèmes, à la noirceur dominante.
C'est très fort émotionnellement car il semble que votre phrasé est empreint d'une liberté de parole bien réelle.

   Gabrielle   
15/6/2018
 a aimé ce texte 
Passionnément
Un poème dans lequel se mélangent rêve et réalité, comme deux univers qui s'opposent et se confondent.

La première strophe renvoie sur un"vide sidéral" et à des "sens éteints".

Nous relevons dans la seconde strophe une opposition dans l'expression entre le "rêve" et la "réalité du taudis aérien" du narrateur.

La troisième strophe est consacrée à l'errance.
Cependant, nous notons la présence du "ciel" "Pour éclat de joie".

Dans la quatrième strophe, le narrateur se penche sur son rêve (réalité et rêve confondus) ("sans toucher le sol") et parle de l'angoisse de la mort le ramenant à une participation à la "vie".

La cinquième et dernière strophe correspond au réveil par "les esprits des rongeurs" avec une note d'amertume ("Ne mettront jamais aucune élégance
A s'effacer").

Un excellent exercice où le lecteur "voyage" dans les deux mondes (rêve et réalité) qui se confondent.

Merci à vous.



G. Michel


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