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Poésie en prose |
Alfy : Le monde s'effondre, les derniers jours de l'Amour |
Publié le 17/09/14 - 4 commentaires - 3327 caractères - 96 lectures Autres textes du même auteur
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Un triptyque en prose sur l'Amour et le chaos.
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Le monde s'effondre, les derniers jours de l'Amour
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I.
Cric, la flamme s’allume, une bouffée, haleine âcre, la nicotine ancrée dans ses veines, fumée propulsée dans sa bouche, locomotive rutilante sur les rails de ses poumons. Éclaboussures de sang sur son visage, lèvres pulpeuses, rosâtres, visage de porcelaine et chevelure ténébreuse. Deux perles de pluie au creux de ses yeux, maléfice sur son cœur. Serait-ce… Un sourire. Un éclair, puis la foudre et le néant… L’amour ? J’ai le sida, tu dois l’avoir aussi, murmure-t-elle. Le chaos est si proche (peut-être déjà là ?), pourquoi m’en soucierais-je, lui répond-il. Elle sourit à nouveau. Le café porté à ses lèvres, tendre amertume sur sa bouche incendiaire. Une goutte brunâtre dévale son menton, s’écrase sur son haut blanchâtre. Merde ! Si belle lorsqu’elle est en colère. Le monde s’effondre, ne te soucie pas d’un simple débardeur, il est trop tard pour ce genre de futilité. Elle serre sa main, si douce. Elle a peur, un frisson parcourt sa peau embrasée, odeur de chair putréfiée, de viande séchée. Il cache sa peur. Quelle tristesse : l’amour n’épargne donc pas la mort, ou l’inverse.
II.
Sa main arrache son visage, déforme sa joue, sa bouche, son menton. Sourire crispé. Pleurs aux bords des yeux verdâtres. Rupture. Son cœur se déchire. Sanglots. Le banc est si dur et la brise si fraîche, les feuilles crépitent, mais point de feu si ce n’est l’amour qui s’évapore, fureur charnelle emportée par les bourrasques acérées. Tranchante sensualité, aura sexuelle qui anéantit leurs corps, désormais ruines, poussière… Remords sa chair et goûte sa peau de velours. Remords sur son esprit, leurs esprits. Pourquoi nous sommes-nous quittés ? Je ne sais pas, je ne sais plus, ai-je un jour su ? Pourtant, il y avait tant d’amour en moi, en nous, répond-il. Et bientôt, il n’y aura plus d’amour, nulle part… Ses dents grincent, les siennes aussi. Je t’aime toujours mais… Je ne veux pas finir ma vie dans ce… Les voix se désaccordent, s’écorchent. Le monde s’effondre et leurs timbres s’éteignent, s’envolent, glissent sur les lettres et les mots nasillards. Sa langue nettoie ses lèvres, les pleurs se mêlent à la salive. Sel sur ses papilles. Nous étions si jeunes…
III.
La couverture caresse ses épaules nues et son corps s’abandonne sur les draps plissés, nuage soyeux. La chaleur de l’être aimé suffit à les nourrir. Survivre. Deux mainates à la fenêtre, ou peut-être des passereaux ? N’a jamais été doué en ornithologie. Ailes fuselées, suave mélodie dans leurs becs orangés. Il les pointe du doigt et elle l’enlace tendrement. Tu es un homme sinistre, parfois. Je sais, mais l’heure n’est-elle pas au sinistre tandis que s’effondre notre monde ? Il a toujours été comme cela, sinistre ; aussi sinistre que l’amour peut l’être… Caresse le long de son ventre. Frisson. Une mèche brunâtre dans ses yeux, délicatement relevée derrière son oreille. J’aimerais que cette seconde soit éternelle. Le chaos guette leur chair pourrissante. Elle se trouble. Tu te souviens lorsque… Éclat de sa mémoire oubliée. Oui, je me souviens. Le passé défile si vite au creux de leurs prunelles tremblantes. Serre-moi, juste une dernière fois. Leurs peaux roulent l’une contre l’autre. Passion. Ne t’inquiète pas, je… Je ne suis plus inquiet. Moi non plus, désormais.
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Anonyme
17/9/2014
a aimé ce texte
Beaucoup ↑
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Bonjour Alfy,
« Cric » est un peu pâlot avant le magistral feu d’artifice qui suit. Mais à l'origine des fusées qui éclatent il y a souvent une petite étincelle...
Ensuite , ce faux calme et cette mise en face à face entre le terrible d'un côté et la futilité toujours présente « Si belle lorsqu’elle est en colère. Le monde s’effondre, ne te soucie pas d’un simple débardeur, il est trop tard pour ce genre de futilité. » Petit point faible à mon sens «Quelle tristesse : l’amour n’épargne donc pas la mort, ou l’inverse. » l'inverse est sur, la mort n'épargne rien.
La partie II renoue avec l'impétuosité de l'écriture. Sont-ils à l’hôpital , dans un lit, un lit commun, je ne comprends pas trop mais cette angoisse partagée qui ne supprime pas l'amour, qui veut encore aimer. Chapeau bas !
La partie III les laisse plus apaisés et toujours amants malgré le tragique de la maladie mortelle. Et toujours les petits riens qui font la vie tout le temps, jusqu'au bout de la vie, et de l'amour.
Très beau texte poétique qui fini sur l'acceptation de ce destin tragique, l'essentiel semble être la fidélité malgré la maladie et la mort : ils gardent les mains jointes.
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Anonyme
17/9/2014
a aimé ce texte
Beaucoup
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Poignant. Et l'émotion est d'autant plus grande qu'il y a deux narrateurs qui s'expriment : "je" et celui qui parle de ce couple comme un observateur sensible. "Les voix se désaccordent, s’écorchent. Le monde s’effondre et leurs timbres s’éteignent, s’envolent, glissent sur les lettres et les mots nasillards. Sa langue nettoie ses lèvres, les pleurs se mêlent à la salive. Sel sur ses papilles. Nous étions si jeunes…"
Troublant. D'autant plus que parfois ce "je" et ce "tu" sont des conversations...
Sobre, juste un peu trop de mots "excessifs" qui me paraissent superflus tant l'émotion triste, l'immense désarroi et la passion se mélangent... (putréfaction, ruines, chair pourrissante...) mais c'est subjectif.
Merci de ce beau texte respectueux de l'amour et du désespoir.
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Anonyme
18/9/2014
a aimé ce texte
Beaucoup ↑
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Bonjour Alfy,
C'est sublime! votre prose est chair. Elle respire la peau, l'Amour, leurs présences, leurs émotions. Dès la 1ère partie je suis subjuguée par cette mise en scène, cette description superbe. C'est d'une sensualité! pas dans le sens volupté mais plutôt que chaque vers font appel aux sens, à tout mes sens, même le toucher, ce qui est rare.
Le thème est la maladie, le sida, mais le sujet véritable est l'Amour même dans la maladie, même à l'approche de la mort:
"Quelle tristesse : l’amour n’épargne donc pas la mort,"
Ce n'est pas une tristesse, tant qu'on respire encore...
Au départ j'ai été un peu perdue sur les échanges des amants, mais ensuite j'ai su m'y retrouver facilement. C'est bien que vous n'ayez pas mis de guillemets et de tirets qui auraient permis aux lecteurs de se repérer, à savoir qui parle. Au contraire cette échange est une effusion à l'image des amants mais aussi, bien que ça me semble un peu bizarre, mais aussi le narrateur fait partie de cette effusion charnelle. Ils se fondent, les 3 ne font qu'1. La forme symbolise bien le fond.
Il y a de la mélancolie mêlée à la passion. Vous n'en avez pas trop fait, pas de lourdeur, ni de pathos. Il y a de superbes descriptions qui ont fait appel aux sensations. Votre poème est vibrant, charnel, passionné, intimiste. Très beau poème.
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Anonyme
18/7/2016
a aimé ce texte
Un peu ↑
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L'ensemble est touchant, mais j'avoue avoir davantage eu de l'émotion avec le premier texte, d'ailleurs il m'aurait suffi.
Au fil des lectures il me vient trop d'informations, mon émotion s'estompe, seul le premier texte m'a vraiment saisi, mais je reconnais que cet écrit est d'une belle facture. Et je comprends bien vite qu'hélas "leur monde s'effondre", après une telle révélation, c'est pour cela que j'aurais aimé que les mots fassent silence ensuite ... Me laissant à mon tour compatir, partager leur ressenti, être plus en adéquation, vous m'avez trop bousculé ...
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