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Poésie en prose
AnGer : Attaches
 Publié le 23/04/08  -  6 commentaires  -  1774 caractères  -  94 lectures    Autres textes du même auteur

Le souffle d'un instant passé pour combler un présent qui s'absente trop souvent.


Attaches



Elle s'attache à sa vie, comme la voile s'amarre au cou du vent, pour se déployer dans son passage, voyager sur la cambrure du monde, filer entre les doigts du temps, libre de comprimer par de solides liens tout ce qui fait mal, libre de séquestrer dans ces futiles heures ce qui fait du bien, d'emprisonner parfois sur sa peau les frissons de sa peur d"être" quand elle s'associe tant au paraître.

Elle lie autour des voltiges de son écriture, des amours de papiers factices, du coloriage dans les ronds des voyelles, des vides immenses dans la bouche de ces petits dires, récits sur le presque « il » qu’elle se récite jusqu’au silence d’une limite de cris qui s’épuisent, accord majeur sur le dos du cœur, elle détache du solfège d’un chant sans paroles, la litanie qui endort la petite blessure quand elle s’étale sur le sol mineur.

Elle noue dans le brouhaha d’une page muette, des monceaux d’inepties qui déflorent un texte vierge pour le souiller de noires ratures, elle écorche ses chuchotements sur le barrage d’autres récifs, juste pour retenir son esprit, jamais pour devenir un être. Elle enchaîne les paragraphes, les agrafe entre eux, de virgules, en points virgules, sème des points de suspension pour oublier d’avouer ce qui est important.

Elle fixe l’horizon de ces autres textes et se perd dans le sillage de leurs traces, elle s’attache à ce qui n’a pas de valeur, pour ne pas basculer dans le gouffre de ces absences, elle s’épingle sur le contour d’un mot, unique, fragile, dans l’ombre des feuilles de l’arbre de sa vie, elle ligature la veine qui encre sa plume, détache la voile qui couvre son corps de femme, et s’éprend du temps qui l’enroule déjà du temps présent, au passé un peu, trop, souvent imparfait.


 
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   Anonyme   
23/4/2008
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
"sème des points de suspension pour oublier d'avouer ce
qui est important", j'aime beaucoup.

C'est une très belle prose que tu nous offres là.Le rapport à l'écriture est personnel et très bien rendu.

Bravo!

   Anonyme   
23/4/2008
Eh bien, j'ai eu du mal à en ressortir, de ce texte là !

Ni vers ni pieds, mais bon dieu, une dose de poésie en double concentré ! Tes mots sautillent et nous emmènent tout en légèreté de métaphore en métaphore, sans qu'on ait ni le temps ni l'envie de souffler.
C'est beau comme un ruisseau qui coule, intimiste comme le creux d'un lit encore chaud du corps qui vient de le quitter. J'aime énormément.

   clementine   
24/4/2008
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
C'est bien toi qui disais dans un précédent commentaire:est-il indispensable lorsqu'on aime de faire des commentaires?J'aime cet écrit comme tes autres écrits et je n'ai rien d'autre à dire.

   Anonyme   
25/4/2008
 a aimé ce texte 
Beaucoup
J'adore ce texte ! "Les harmonies" que tu as trouvées comme paraboles de cette "vie par procuration", j'emploie un terme lié à la musique, parce que ton histoire sonne comme une mélodie...De ces trucs entêtants que l'on entend par hasard quand on se rend à son travail en voiture, et qui nous obsèdent toute la journée...parce que c'était "vachement" bien... C'est peut-être alors que ça a touché quelque chose de profond en nous...
"vachement" bien !!!! Meuuueuuuuuuhhh (LOL)

   Anonyme   
26/4/2008
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
le texte est un peu trop concentré. Il aurait besoin d'être aéré. Des espaces des petits points. Un texte plein de délicatesse agréable à lire à haute voix. Joli travail

   Anonyme   
29/8/2016
 a aimé ce texte 
Passionnément ↑
C'est encore là un texte de vous, qui "embaume" de poésie, je suis complète sous le charme de cette plume au talent "fracassant".

Cela semble si facile quand on vous lit, vous agencez les mots magiquement, les uns avec les autres, comme si, ils avaient toujours été les uns pour les autres. Comment ne pas succomber sous ces mots " elle s’épingle sur le contour d’un mot, unique, fragile, dans l’ombre des feuilles de l’arbre de sa vie, elle ligature la veine qui encre sa plume, détache la voile qui couvre son corps de femme, et s’éprend du temps qui l’enroule déjà du temps présent, au passé un peu, trop, souvent imparfait. "

Vous me transportez si loin, de plus je suis plus enflammé et émerveillé par la virtuosité de votre plume. Il y a une telle musicalité au cœur de votre poème ; c'est époustouflant.


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