J’ai épluché les feuilles de ma vie, une à une, les déchirant du grand livre de mon passé, confettis de mots, arrachés de leurs lignes pour les disséminer dans le circuit du vent qui tourne autour du monde.

À chiffonner les heures du présent, pour que jamais elles ne se recomposent dans les pages de ce présent-là, les farandoles de lettres s’éparpillent autour de moi, virevoltent au gré du blizzard de mes humeurs, et viennent mourir à mes pieds pour inscrire encore aujourd’hui, ce qui mine ma route, à rendre explosif les tonneaux de mes larmes, versées quand je me heurtais à cette funèbre vérité :

Un cœur qui n’aime pas est un cœur anonyme

J’ai plongé ma plume dans le pourtour de mon cœur, du venin extrait de cette solitude, j’ai empoisonné la source de mes maux, asséché le fil d’eau de mes larmes, à extraire ce bout de moi qui lentement s’asphyxiait de ne pas savoir aimer, avant de l’enterrer j’ai gravé en son centre ce qui l’a toujours fait être et ne jamais paraître :

Un cœur seul est un cœur inconnu

Je me suis drapée de ma solitude et d’un pas lent, j’ai guidé mon cœur au cimetière des cœurs solitaires, devant tant d’autres cortèges silencieux qui m’entouraient, leurs pensées ont fusionné dans les miennes et ce cœur qui n’était plus le mien, enveloppé dans l’écrin de sa dernière page blanche, m’a murmuré avant que je ne le rende à la terre de sa naissance :

Un cœur sans amour est un cœur sans âme…