Vous lire...
Nous faisons parfois des découvertes impromptues, petit saut trop rapide du temps qui s’enraye soudain, sans que l’on comprenne pourquoi à cet instant plutôt qu’un autre, une image, une lecture nous touche avec autant de facilité, à émouvoir la texture de notre cœur, le rendre réceptif, de s’enticher d’un verbe, d’une fanfare de mots, du crochet d’une image.
J’en suis là ce soir, un peu sonnée, par le sursaut du temps sur le gong qui a rebondi contre moi, je me suspends à la balustrade, m’extrais des gradins de spectateurs et contemple le ring dans l’attente du prochain combat de mots qu’il va lancer. Je m’accorde encore une fois, le plaisir d’aller me rouler dans les cordes qu’il a déployées pour entraîner ses mots, dans le souffle rapide de ma lecture. Contre le tapis d’un combat que lui seul connaît, à mesurer les coups qu’il inflige à son clavier pour donner la bonne frappe, insuffler à son mouvement une force téméraire et parfois, parfois une douceur fragile. Je reste ébahie de tant de puissance féline, de sa ligne de conduite, de ses pas agiles autour de ses valses d'écriture, quand il danse contre le dos de ses maux mis en uppercut de mots. Tour à tour guerrier de mots, amant des lettres mises à nues, ne relevant jamais les bras trop haut pour accentuer leurs victoires, je suis happée et reste sans force de ces trépidantes batailles, joue posée contre mon plaisir devenu si sensible en le lisant. J’ai envie de lui dire, dans l’ébauche d’un sourire que je m’imagine, parfois dans l’accentuation de ses textes, comme :
La virgule, pour m’attacher à la brise de son souffle, la parenthèse, pour m’arrimer aux vagues de ses pensées, l’accent circonflexe, pour y abriter les battements de son cœur, le point virgule, pour m’accorder aux nouvelles partitions de ses mots, le point d’exclamation, pour emprisonner mes lèvres contre ses sourires, le point d’interrogation, pour m’effrayer d’un jour perdre sa trace, l’accent grave ou aigu, pour respecter l’intonation de ses écrits en murmures, le tréma, pour isoler le son de ses désirs de ceux de ses peurs, l’apostrophe, pour insérer dans le présent, un peu de moi pour lui, les points de suspension, pour rester dans l’image soudaine qu'il me donne de lui.
Je ne parlerai pas du point majestueux, symbole d’une fin que je n'entraperçois pas encore aujourd'hui, mais que le futur saura faire émerger de son ventre. Je m’imagine parfois être dans l’accentuation de ses écrits, minuscule ponctuation de souffles contre ces pages, je ne voudrais pas me voir assener un poing magistral quand il ne sait même pas que je suis une virtuelle virgule « accrochée à ces coups de mots » dans le sillage de ses pas pages…
|