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Poésie en prose
Annick : L'œuvre [concours]
 Publié le 04/10/23  -  8 commentaires  -  2422 caractères  -  168 lectures    Autres textes du même auteur


L'œuvre [concours]



Ce texte est une participation au concours n°34 : De l'un à l'autre
(informations sur ce concours).





Quand le ciel bas et lourd pousse ses nuages mélancoliques vers l'horizon, le peintre, assis sur un tabouret, façonne un rêve qui s'abandonne, dans le silence de son atelier. Ce nid solitaire est encombré de boîtes, de pots, de pinceaux, de palettes, de pochoirs… C'est tout un monde d'objets utiles à la création, des outils qui fouillent les terres fertiles de l'inspiration.

La grisaille, où se glisse une lueur crépusculaire, s'invite à travers la verrière. L'artiste peint un tableau au couteau pour donner du relief aux paysages et de l'épaisseur aux âmes. Nuances subtiles, assourdies, teintes bruyantes, perspectives insoupçonnées : la toile, balayée par des jeux d'ombre et de lumière, sous les doigts experts du créateur, s'anime. Les couleurs chaudes et froides s'enlacent, se défient, se défont. Les courbes sensuelles se croisent, fugaces, les lignes de fuite se toisent puis se rejoignent.

Contours, volumes, matière ! La beauté prend forme : la mer azurine grossit, les vagues opalescentes ondulent comme une longue chevelure, un champ de blé ondoie sous le vent, la forêt fauve se perd dans les profondeurs de ses sentiers ombreux.

Sur le chevalet, le tableau respire : paysages mouvants, portraits émouvants, postures alanguies de femmes fatales, ombrelles que la brise fait tournoyer, éclats d'étoiles dans les regards complices. Des amitiés éternelles se lient, des amours éphémères se délitent. Dans le silence de l'atelier, murmure la peinture muette.

Une abeille, entrée par une fenêtre ouverte, se pose sur une jacinthe des bois. Le peintre observe, un instant, sur la toile, la petite bête butineuse qui semble plonger sa trompe dans le pistil et pomper le prodigieux nectar. Improbable récolte ! Puis elle s'envole et repart d'où elle est venue. Songeur, il esquisse à grands traits, sur la fleur, les contours des ailes nervurées et translucides de l'insecte. Déjà, un frissonnement, un bruissement se font entendre. L'air vibre…

Par la grâce de l'œuvre achevée, l'or a remplacé le plomb. Le ciel versicolore, à travers le voile des rideaux tirés, semble pétri d'air de terre et de feu.


 
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   Ornicar   
20/9/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
Jolie prose que celle-ci, riche de vocabulaire ("azurine", "versicolore") de couleurs, de nuances et de teintes comme le tableau peint par l'artiste. Luxuriance me semble être l'expression qui s'impose à première vue.

La poésie et la vie s'invitent dans la personnification des "couleurs chaudes et froides" à disposition du peintre, des formes qui naissent ("courbes sensuelles", "lignes de fuite qui se toisent puis se rejoignent") des éléments picturaux qui prennent place (mer, vagues, blé, forêt). Tout ce passage est assez sensuel. D'ailleurs le "tableau" ne "respire"-t-il pas au troisième paragraphe ?

La prose ensuite est poétique. Les mots entent en résonnance les uns avec les autres, les sonorités s'appellent et se répondent au travers des jeux d'allitérations et d'assonnance qui émaillent ce texte et dont je ne ferai pas l'inventaire tant ils sont nombreux. Je mentionne juste à titre d'exemple : "murmure la peinture muette" (bel oxymore) - "paysages, portaits, postures".

Cette prose a les qualité et les défauts de ce tableau. Comme lui, elle s'anime petit à petit. Le premier paragraphe, qui plante le décor de l'atelier, est assez statique. J'ai cru voir au départ une nature "morte" et j'ai craint de m'ennuyer. Mais tout s'arrange au deuxième paragraphe où texte et tableau s'animent de concert peu à peu. Jusqu'à ce que la vie biologique apparaisse au dernier paragraphe par le biais de cette abeille qui "entrée par une fenêtre ouverte" se pose sur une "jacinthe" peinte sur la toile. Comme un trompe-l'oeil, summum de l'illusion et fin de l'évolution des espèces. Je pense à Pinocchio, ce pantin de bois qui prend vie.

L'expression est fluide et agréable sauf dans ce passage : "L'artiste peint un tableau au couteau pour donner du relief". Les sonorités "oh ! oh ! oh !" me gênent et gâchent un peu, avec ce hiatus, le beau travail sur les sonorités. Sans compter qu'il ne me semble pas utile de préciser qu'il s'agit d'un "tableau" puisqu'il "peint". Pléonasme en vue ? A moins que ce soit un effet volontaire. Si c'est le cas, je trouve le trait de pinceau un peu lourd. Je sais, je chipotte vraiment. Relever un hiatus dans une prose, faut oser tout de même. Certes ! Mais c'est une prose poétique, alors...Après l'abeille, voici venir la mouche, après la butineuse, l'emm...

   Donaldo75   
22/9/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
Une jolie poésie en prose ; la composition va bien avec le thème, celui que j’ai compris et qui tient de l’art pictural. Les images prennent forme à la lecture, le style est fluide, le champ lexical suffisamment riche pour sonner littéraire. La petite musique de la poésie rend la lecture agréable. La contrainte du concours est respectée et ne pèse pas sur l’impression laissée par ce texte.

Une réussite.

   papipoete   
4/10/2023
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
bonjour concurrent
Nous voici dans la tête du peintre, au sein de l'atelier où les idées se rassemblent avant de commander aux pinceaux d'entrer en action.
Assis près du chevalet, je regarde la toile peu à peu naître, d'un mélange de couleurs si savamment mariées ; bientôt le paysage resplendit au point de s'animer et attirer une abeille sur l'oeuvre...
NB l'auteur doit être peintre, pour parler ainsi de peinture ?
On voit poindre le sujet, dont le modèle coule au bout de cette main d'artiste ; on vit à travers ces teintes qui nous viennent naturellement à l'esprit
- ah oui, je vois !
Et de la palette aux anciens mélanges séchés, le nouvel assemblage devient mine d'or !
Une prose à lire avec gourmandise ;
- je reprendrais bien un peu de mer, du vert de cette forêt, un soupçon de champ de blé, et mettez-moi de cette vague qui ondule...
Une belle ballade que celle-ci, dans le sillage du peintre !
la strophe de " l'abeille " a ma préférence
Je remarque que les " vers imposés " tombent fort à propos, en entrée comme au final.

   jeanphi   
4/10/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour,
Vous ouvrez une fenêtre merveilleuse, de personnification, la peinture vit et transpire tranquillement sa vie de peinture, l'abeille personnifie la fleur sur le tableau de l'artiste avant de s'y voir immortalisé. "Quand le ciel bas et lourd", 'quand' une indication de temps, 'un instant' seconde indication de temps pour l'abeille dont le passage butineur crée une temporalité avant/après.
Les entrées des phrases offrent un angle de vue, un regard tout particulier sur la description de l'atelier. Le découpage des paragraphes rythme bien l'entrée en matière. Le ciel et le temps semblent incarner d'un seul bloc tout l'espace qui englobe la toile, cette danse sous les instruments de l'artiste, seul à ne pas être un individu à part entière dans cette création, du moins seul à ne pas transcender sa condition à l'existence.
L'effet est très réussi.

   Myndie   
4/10/2023
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Coup de cœur pour ce texte brillant, vibrant de poésie fine et pleine de feu, de mouvements, de couleurs et de sensations.
Loin de tout lieu commun, vous avez ici l'oeil du peintre et toute l'attention qu'il porte aux détails ; comme lui, vous maniez l'art de restituer les ambiances et même plus, vos descriptions rendent toute l'énergie des choses plutôt que de s'attacher à leur image, leur forme, leur texture.
Ainsi, les lumières et les ombres s'animent-elles vraiment sous votre plume, vivante, jamais pesante qui restitue à merveille les ambiances.
Et quel époustouflant festival de sonorités qui bondissent et se répercutent en écho :
assonances en on
« vagues opalescentes ondulent comme une longue chevelure, un champ de blé ondoie sous le vent, la forêt fauve se perd dans les profondeurs de ses sentiers ombreux. »
allitérations p :
«  de pots, de pinceaux, de palettes, de pochoirs »
« plonger sa trompe dans le pistil et pomper le prodigieux nectar »,
Quelle délicatesse encore dans la formulation poétique :
«  Contours, volumes, matière ! La beauté prend forme : la mer azurine grossit, les vagues opalescentes ondulent »
« Des amitiés éternelles se lient, des amours éphémères se délitent. Dans le silence de l'atelier, murmure la peinture muette. »

Peut-être y a t-il une réflexion sous-jacente, une idée ou quelque chose qui pourrait faire croire que rien dans ce texte n'est le fruit du hasard ou de l'inspiration spontanée, un défi à relever, un concours peut-être ?
Peut-être.

Moi, totalement conquise par votre prose, j'ai envie de vous paraphraser :
« Par la grâce de l'œuvre achevée, l'or a remplacé le plomb. »

Bravo et merci pour ce beau moment de lecture

Myndie

   Vincente   
5/10/2023
trouve l'écriture
convenable
et
aime bien
J'ai trouvé un peu trop "explicatif" le tableau représenté, cette scène où le peintre est à "l'oeuvre" dans son atelier.

Dans les deux premiers tiers du texte, de bien belles images parsèment la description :
- "le peintre…façonne un rêve qui s'abandonne, dans le silence de son atelier" (mais pourquoi cette virgule après s'abandonne, ce petit temps d'arrêt enlève la fluidité suggérée du rêve ?)
- "donner de l'épaisseur aux âmes"
- "les lignes de fuite se toisent"
- "la mer azurine" (joli !)
- "dans le silence de l'atelier, murmure la peinture muette"
mais elles sont à l'étroit dans un ensemble assez banal, où la peinture est faite si ce n'est de lieux communs, du moins d'une pâleur assez molle dans l'évocation.

Mais heureusement, vient l'abeille qui va butiner une fleur de la toile, et s'en satisfaire… magique ! Ainsi le plomb de la peinture se serait transformé là en or ! Belle trouvaille !

   Cyrill   
5/10/2023
trouve l'écriture
convenable
et
aime un peu
Un texte assez agréable à la lecture mais qui ne me convainc pas en matière de poésie.
Il y a, certes, la magie de l’abeille dupée par une fleur peinte, mais cette fantaisie est aussitôt démontée par un retour au réel lorsque le peintre dessine l’insecte qui s’est envolé. Si la réalité s’était intégrée à la chose peinte, c’eût été, à mon sens, plus poétique. Mais qui suis-je pour refaire le récit ?
L’écriture a bien des qualités, de précision, de richesse lexicale, mais le tableau ainsi décrit me paraît un peu mièvre et surtout improbable de par l’excès d’éléments : mer, blés, forêt, personnages… L’auteur veut-il exprimer par là l’infinie richesse de ce qui nous entoure ? J’ai du mal à intégrer cette abondance et surtout je suis incapable de me représenter cette œuvre autrement qu’en un fouillis.
L’on a bien, dans le dernier paragraphe, cette magie de l’œuvre déteignant sur le monde par une métaphore alchimique, mais elle arrive un peu tard et je n’en ai pas senti la progression au fil de la prose.
« L'artiste peint un tableau au couteau pour donner du relief aux paysages et de l'épaisseur aux âmes. » : je cite ce passage en ce qu’il est l’exemple de ce que j’aurais aimé ressentir, plutôt qu’on me l’explique.

   Cristale   
6/10/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
Un tableau poétique très visuel dont l'élément central est le peintre, le cadre est l'atelier et la perspective dévoilée sur le chevalet par petites touches progressives sont le paysage, la nature, la mer, un champ, une forêt, quelques personnages à la mode d'autrefois.
Toute la scène décrit l'immobile, la matière animée, suggère le sonore, le sombre s'enrichit de couleurs. Puis l'on sort du tableau pour rencontrer, voir et entendre cette petite abeille qui déconcentre le peintre rêveur et l'inspire pour la touche finale.
Le passage où sont évoquées "les postures alanguies de femmes fatales" m'a fait rire :) pourquoi "fatales" et non pas simplement "séduisantes" ?
Une jolie prose agréable en lecture.
Une belle écriture.


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