La chatte vint sauter sur ma couche
Où je somnolais paresseusement,
Prolongeant ainsi mon sommeil de la nuit
D'un état d'éveil incertain.

Je sus que c'était elle,
Qui dans mon enfance toujours le matin venait
En été, me réveiller de la même façon
D'un bond, au pied du lit, sur les couvertures ramassées,
Avant de remonter jusqu'à l'autre extrémité,
Comme d'une colline mon corps lui servant de passage.

Mon visage caché sous les draps,
Mes yeux fuyant la lumière de l'aube
Qui pénétrait la chambre, la remplissant
D'une douce, mais saturante luminosité,
Je sentis une patte légère et de velours
Un instant se poser sur ma chevelure ébouriffée.
J'entendis ses ronrons près de mon oreille,
Les délicats accrochages de ses griffes sur le coussin.

Ma conscience de voguer entre rêve et réalité
Aurait trouvé une porte entre-ouverte sur le passé -
Comment la chatte aurait-elle pu sinon revenir
Après tant d'années, me taquiner,
Me faire protester, se faire caresser tendrement,
Se voir inviter à partager ma langueur.

Je la sentis heureuse d'être là,
Mais je n'osai pas cette fois l'accueillir,
Répondre à son affection,
Sachant trop bien qu'elle était d'un autre monde,
Qu'elle se serait aussitôt volatilisée,
Alors qu'en ce moment me sentant seul,
J'eus tellement besoin du réconfort de sa présence.

Je l'entendis descendre du lit,
Monter sur le rebord de la fenêtre
D'où elle put observer, fascinée,
Une mêlée de moineaux sur la pelouse.
Je la vis clairement à contre-jour,
Noir d'ébène, le poitrail blanc,
Se retournant pour me regarder,
Puis s'estomper lentement, tristement,
Se dissiper dans la clarté du jour.